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La Mort de l’Aigle (Ivoi)/p02/Ch19

La bibliothèque libre.
sous le pseudonyme de Paul Éric
Combet & Cie, Éditeurs (Ancienne Librairie Furne) (p. 358-367).


CHAPITRE XIX

Les Fontaines de Juvisy


Parmi les troupes qui se hâtaient vers Paris, avec le désir héroïque de rejoindre les généraux Marmont et Mortier, rejetés par l’ennemi sous les murs de la capitale, l’Empereur allait silencieux et morne, suivi de son escorte, dont faisaient partie Marc Vidal, Espérat, Henry, Bobèche, tristes comme Napoléon lui-même.

Plus de plaisanteries, plus de rires : la verve du pitre faisait trêve, la confiance de Milhuitcent s’était endormie.

Non, on ne marchait pas à la victoire. La suprême chevauchée aboutirait à la catastrophe.

L’Empereur serait vaincu ; le titan serait renversé.

Et la France, la France… que deviendrait-elle ?

Voilà ce que se demandaient les fidèles.

Espérat, lui, ne concevait pus le pays sans son idole impériale. Napoléon écrasé, il n’y avait plus de France à ses yeux. Aussi sa douleur était-elle poignante.

Le 29 mars, on franchit l’Aube à Dolancourt, on alla coucher à Troyes, laissant en arrière l’armée qui ne pouvait se déplacer aussi rapidement.

Si Napoléon se pressait ainsi, c’est qu’il avait reçu en chemin un message envoyé de Paris par M. de Lavalette.

Message terrible et décourageant.

La veille, le conseil de régence s’était réuni pour décider de la conduite à tenir, en présence des armées de la Sainte-Alliance proches de Paris.

M. de Talleyrand consulté avait émis l’opinion que l’Impératrice régente Marie-Louise et le petit roi de Rome devaient quitter la capitale menacée.

Une discussion orageuse s’en était suivie, après laquelle Joseph Bonaparte, Cambacérès et le ministre de la guerre Clarke avaient accompagné l’Impératrice dans ses appartements. Ils avaient tenu autour d’elle une longue conférence, à l’issue de laquelle les voitures de la Cour avaient été commandées pour le 29.

Le chargement en avait commencé aussitôt. Bagages de la famille impériale, papiers de Napoléon, le reliquat de son trésor de guerre (18.000.000 de francs), les diamants de la couronne s’étaient empilés dans les coffres.

Des officiers de la garde nationale avaient forcé les portes des Tuileries, car dans de pareilles extrémités l’étiquette disparaît. Ils avaient conjuré Marie-Louise de demeurer au milieu d’eux.

— Vous nous verrez mourir pour vous défendre, disaient-ils.

Ce à quoi elle avait répondu :

— Je ne suis qu’une femme, sans autorité… Je pars en vous remerciant de votre dévouement.

L’Empereur s’était senti le cœur brisé à la lecture de ce papier.

Il avait eu l’intuition que l’agonie morale commençait pour lui. Dans la brume du rêve, il avait entrevu la longue file des voitures de la cour quittant le Carrousel, traversant les rues de Paris, saluées par un peuple attristé.

Et son fils, son fils…, où le conduisait-on ? Le héros fût mort de douleur s’il avait pu entendre la réponse du destin :

— On l’emmène à Vienne, où il doit rendre l’âme, sans père, presque sans mère, sans patrie, réduit à ignorer son origine glorieuse.

Mais l’avenir reste mystérieux pour les plus puissants génies. Napoléon, un instant atterré, retrouva bientôt toute son énergie.

— Soit, dit-il, tous m’abandonnent ;… je vaincrai seul.

Puis ordonnant à ses généraux de presser la marche de l’armée sur Paris, il avait pris les devants avec son escorte.

Le 30 au matin, il atteignit Villeneuve-l’Archevêque. Là il emprunta la poste, avec M. de Caulaincourt et le maréchal Berthier, suivi seulement d’Espérat et de ses deux amis.

Il avait envoyé en avant le général Dejean, pour annoncer son arrivée à la garnison de Paris et supplier Joseph, Marmont, Mortier, de tenir coûte que coûte contre l’ennemi.

Vers minuit, sa voiture atteignit Fromenteau.

À ce moment, Espérat poussa son cheval à la portière :

— Sire, dit-il.

L’Empereur ne l’entendit pas. Le masque immobile, comme figé, les yeux rivés sur le point de l’horizon où se trouvait Paris, il semblait absorbé par une pensée unique. Parvenir là bas assez tôt pour sauver sa capitale.

Le jeune garçon fut frappé de l’expression grandiose de la physionomie de Napoléon, et ce fut d’un ton timide qu’il répéta :

— Sire :

L’Empereur tressaillit :

— Qu’est-ce ? demanda-t-il.

— Là, sur la route, en avant de nous, de nombreux cavaliers.

C’était vrai. Une masse sombre, précédée par plusieurs officiers, venait à la rencontre de la chaise de poste.

Au même instant la voiture s’arrêta.

Napoléon sauta à terre, imité par Caulaincourt et Berthier.

— Qui vient là ? cria-t-il d’une voix forte.

Les cavaliers firent halte et, après une courte hésitation, l’un d’eux s’avança :

— Général Belliard.

— Que faites-vous ici ?

— Je me rends à Fontainebleau ?

— À Fontainebleau ?

— Oui, Sire, afin d’y chercher un emplacement convenable pour établir le camp des troupes des maréchaux Mortier et Marmont.

— Qui vous a donné cet ordre, reprit l’Empereur d’un accent irrité ?

— Les vainqueurs, Sire, j’exécute les clauses de la capitulation de Paris.

— Paris a capitulé !

Caulaincourt, Berthier, Bobèche, Henry frissonnèrent à celle lugubre nouvelle jetée brusquement dans la nuit.

Mais Espérat emporté par son émotion s’écria :

— Cet homme ment… Paris ne s’est pas rendu ainsi.

Napoléon regarda de son côté :

— Toi, tu aurais résisté, j’en suis sûr… ; mais les autres !… Et soudain, il marcha vers Belliard, lui étreignit nerveusement le bras, tandis que ce dialogue pressé, haché, s’échangeait entre les deux hommes.

— Où est l’armée ?

— Sire, elle me suit.

— Où est l’ennemi ?

— Aux portes de Paris.

— Et qui occupe Paris ?

— Personne. La ville est évacuée.

— Comment, personne ? Et mon fils, ma femme, mon gouvernement… Où sont-ils ?

— Sur la Loire.

Une seconde l’Empereur semble chanceler sous ce flot de nouvelles désastreuses ; mais il se remet et avec un calme qui étonne les assistants, il reprend l’entretien là où il l’a laissé :

— Sur la Loire, dites-vous ? De qui vient cette résolution ?

— Sire, on prétend que vous aviez donné l’ordre…

— Cela n’est pas, mais Joseph, Clarke, Marmont, Mortier, que sont-ils devenus ? Qu’ont-ils fait ?

— Nous n’avons vu ni Joseph ni Clarke de la journée. Quant à Marmont et à Mortier, ils se sont conduits en braves gens. Les troupes ont été admirables ; la garde nationale rivalisait avec les hauteurs de Belleville et leurs revers du côté de La Villette et aussi Montmartre… Ah ! Sire, si nous avions eu une réserve de 10.000 hommes, si vous aviez été là… Nous aurions sauvé Paris.

Ironiquement Napoléon murmura :

— Oui…, si j’avais été là !

Puis reprenant son interrogatoire :

— Mais Joseph, Clarke, où étaient-ils ? Mes deux cents bouches à feu de Vincennes, qu’en a-t-on fait ? Et mes braves Parisiens, pourquoi ne s’est-on pas servi d’eux ?

Belliard étendit les bras en un geste vague :

— Je ne sais rien, Sire. Nous étions seuls et nous avons fait de notre mieux. Nous avons mis au moins 12.000 ennemis hors de combat.

Un silence, après lequel l’Empereur, d’une voix assourdie, comme couverte d’un voile, prononça :

— Je devais m’y attendre. Joseph a perdu l’Espagne, il perd la France. Et Clarke ? Rovigo avait raison… Clarke est un lâche, un traître, un incapable…

Soudain son organe s’éclaircit, et relevant la tête qu’il avait courbée, prenant un accent d’irrésistible autorité :

— C’est assez se plaindre… Il faut réparer le mal, il en est temps encore… Caulaincourt, faites suivre la voiture.

Ce disant, il marchait vers les cavaliers arrêtés à quelque distance.

— En avant… mes braves, réoccupons Paris… C’est l’Empereur qui vous conduira une fois encore à la victoire.

— Vive l’Empereur, répondent les soldats électrisés !

Mais Belliard se précipite sur les pas de Napoléon, il supplie :

— Il est trop tard pour nous rendre à Paris. L’armée a dû le quitter

— Nous la ramènerons.

— L’ennemi y est déjà sans doute.

— Nous le chasserons. À ma voix toute la population parisienne se lèvera et refoulera les alliés hors des murs.

— Trop tard, Sire, l’infanterie nous suit,… d’ailleurs la capitulation signée nous interdit de rentrer dans Paris.

— Vous avez signé cela… Vous êtes donc des lâches ?…

— Comme de braves gens qui ne pouvaient plus agir autrement.

Napoléon marche toujours vers sa capitale. Ira-t-il seul arracher Paris à l’ennemi victorieux ?

Hélas ! un nouveau venu paraît.

C’est un officier d’infanterie, Curial. Les troupes de ligne sont tout près, à quatre lieues de la capitale dans laquelle il n’est plus temps de retourner.

Alors vaincu, l’Empereur s’arrête et promène autour de lui un regard désolé. Il sembla vouloir fixer en sa mémoire le cadre dans lequel tombe son inoubliable épopée.

Il est sur la route de Juvisy, que de grands arbres bordent, dont le branchage bruit sous la caresse du vent. Les deux fontaines, que naguère il a fait réparer sur les fonds de sa cassette particulière, laissent couler leur filet d’eau avec un clapotement mélancolique.

Et là-haut, au fond du ciel sombre, de grands nuages déchiquetés se précipitent dans la direction de Paris.

Rien ne les arrête, eux. Ils planeront sur la capitale où il est interdit au souverain de rentrer.

Napoléon s’asseoit sur le rebord d’une des fontaines. Il cache son visage dans ses mains.

Personne ne parle, personne ne bouge. À quelques pas, Caulaincourt, Espérat, pleurent silencieusement, rapprochés par un secret instinct qui les avertit qu’eux au moins appartiennent toujours corps et âme à l’invincible aujourd’hui vaincu.

Ils sont exténués… ils ont fait soixante lieues à cheval ou en chaise de poste… ; mais ils ne songent pas à la fatigue. Est-ce que le Maître, qui a peiné comme eux, y songe, lui.

Quelle tempête gronde sous le crâne impérial ?

Que va-t-il sortir de cette méditation ?

Une demi-heure se passe ainsi. Enfin Napoléon se lève.

— Y a-t-il une maison où je puisse m’abriter, demande-t-il ?

— La maison de la poste à deux cents pas à peine, répond une voix.

— Bien. Caulaincourt, prenez mes cartes, elles sont dans la voiture,… et rejoignez-moi.

Puis appelant du geste Espérat qui le regarde, il ajoute :

— Viens ça…, c’est sur toi que Napoléon s’appuiera pour gagner son gîte.

Et la main sur l’épaule du jeune garçon, il se rend à la maison de poste. Le maître du logis, déjà réveillé par les allées et venues des troupes, met une chambre à la disposition de l’Empereur.

Celui-ci étale les cartes rapportées par de Caulaincourt, il les examine, réfléchit et parle :

— Si j’avais mon armée ici… tout serait réparé… Alexandre de Russie est vaniteux, il brûle de parader dans la grande cité parisienne… Demain sans doute, il y passera une revue et aura une partie de ses régiments sur la rive droite de la Seine ; l’autre sur la rive gauche… Si j’avais mon armée, je les écraserais tous ;… la grandeur de la France serait refaite… mais je ne l’aurai que dans trois ou quatre jours.

— L’armée viendra, insinua Caulaincourt, et dans quelques jours, Votre Majesté fera ce qu’elle ferait aujourd’hui.

Il n’acheva pas. L’Empereur lui avait saisi les mains ;

— Ah ! mon pauvre ami…, vous ne connaissez pas les hommes… Trois journées… deux même, vous ignorez ce que l’intrigue peut faire en un temps si court. Que de partisans je perdrai… je les connais, moi… je les nommerais tous… C’est un bonheur que l’Impératrice ait quitté Paris… c’est une enfant, on se serait servi d’elle contre moi et Dieu sait quels actes on lui aurait arrachés[1] !

Et marchant à grands pas dans la chambre.

— Sortez tous, dit-il enfin… sauf vous, Caulaincourt, sauf toi, Espérat.

L’ordre exécuté :

— Écoutez, reprit-il. Alexandre est intelligent. J’ai 50.000 hommes ici, auxquels je vais réunir les 15 ou 18.000 hommes sortant de Paris. Avec les bataillons que je pourrai tirer des contingents de la Seine et de l’Yonne j’aurai 80.000 combattants… Une pareille force avec moi représente un danger qu’Alexandre comprendra. Partez auprès de lui… exposez-lui la situation, proposez un traité assez semblable à celui que l’on débattit à Châtillon. Il vous renverra vers moi… Les jours passent vite en négociations. Durant cela, je concentre mes troupes et je suis en mesure de sauver cette France bien-aimée.

Le fidèle de Napoléon hésite. Il craint que la tache soit trop lourde pour ses épaules :

— Sire, adjoignez-moi Berthier :

— Non, non, pas lui… il est excellent, il m’aime, mais il est faible… Vous n’imaginez pas ce qu’en pourraient faire les intrigants qui vont s’agiter. Partez sans lui. Il n’est que vous qui soyez de trempe à résister à toutes les intrigues.

Et s’animant par degrés :

— Je vais m’établir à Fontainebleau, y concentrer l’armée, tandis que vous vous efforcerez d’arrêter les menées que les alliés vont tenter avec le concours des partisans des Bourbons. Quatre jours, il me les faut et l’heure suprême sonnera… je me présenterai aux portes de Paris, j’y succomberai peut-être, mais j’entraînerai la coalition dans ma chute.

Sans permettre à Caulaincourt de répliquer, Napoléon alla lui-même ouvrir la porte, appela Berthier, Belliard, distribua ses ordres.

Berthier allait l’accompagner à Fontainebleau.

Belliard se porterait sur la rivière d’Essonne ; il y appellerait Marmont et Mortier qui s’y établiraient entre la Seine et la route d’Orléans, formant un rideau de troupes, à l’abri duquel l’Empereur opérerait la concentration de son armée.

Tout disposé ainsi, il serra la main de Caulaincourt, du général Belliard :

— Je compte sur vous, dit-il, pour m’aider à sauver la France.

Puis s’adressant à Berthier :

— Où est notre voiture ?

— À la porte, Sire.

— Parfait… mon vieux camarade, nous ne dormirons qu’à Fontainebleau.

Il semblait avoir oublié ses angoisses. Son visage s’était rasséréné et son œil d’aigle contemplait peut-être dans l’avenir des heures glorieuses.

Prenant le bras du maréchal, il allait sortir, quand il se sentit tirer par la manche.

Il se détourna vivement. Espérat était devant lui.

— Tu veux m’accompagner, demanda-t-il ?

— Non, Sire.

Les traits de Napoléon exprimèrent la surprise.

— Non, dis-tu. Est-ce que tu songerais à me quitter ?

— Pour peu de temps, Sire.

— Où veux-tu donc aller ?

— À Paris, avec M. de Caulaincourt, si vous m’y autorisez.

De même que lors de sa première rencontre avec le jeune garçon, l’Empereur passa la main sur les cheveux d’Espérat, et souriant :

— Caulaincourt !

— Sire ?

— Vous avez entendu la requête de notre jeune brave ?

— Oui, Sire.

— Voulez-vous de lui ?

— Certes.

— Eh bien donc, c’est convenu.

Et avec un signe de tête amical, Napoléon sortit, suivi de tous les assistants.

Vingt minutes plus tard, sa voiture l’emportait vers Fontainebleau. Les troupes s’éloignaient, allant s’établir le long de la rivière d’Essonne.

Le maître de poste avait refermé sa maison où ne brillait plus aucune lumière.

Tout dormait maintenant dans ce lieu où l’Empereur avait décidé l’ultime combat contre l’invasion.

Alors la porte d’une chaumière voisine du relai, de cette chaumière où, dans l’après-midi, le vicomte d’Artin avait amené sa sœur, où Enrik Bilmsen avait pénétré bien avant dans la nuit… la porte s’ouvrit et livra passage à un fantôme blanc.

L’être s’avança au milieu de la route, et sous un rayon de lune, montra le visage pâle de Lucile.

La jeune femme riait d’un rire continu, strident, dont tressautaient ses épaules, dont tout son corps semblait secoué.

Ses cheveux dénoués flottaient autour d’elle, lui donnant un aspect étrange, et ses yeux hagards regardaient de façon troublante.

Qu’avait-elle donc ? Quelle raison l’obligeait à quitter la demeure qui lui avait offert asile ?

Soudain elle lève les bras, un objet brille dans sa main. Elle le considère, riant plus haut.

— Judith a frappé Holopherne, dit-elle d’une voix grinçante, surhumaine.

Puis elle lança l’objet sur la route. En heurtant la chaussée, celui-ci rendit un son métallique.

L’astre nocturne éclaire la place où il est tombé. On peut distinguer sa nature. C’était le couteau de chasse aiguisé par la jeune femme dans l’hôtel des Cloutiers, à Châtillon.

Et… détail horrible… des taches rouges maculaient la lame, la poignée.

Du sang !

Sur les mains de Lucile aussi, il y avait du sang.

Et elle riait toujours.

— Judith a frappé Holopherne, répéta la malheureuse… Enrik Bilmsen est mort… Les Rochegaule sont vengés !

Mais c’est la folie qui flambe dans ses yeux… ; c’est la folie qui palpite dans sa voix, qui dicte ses paroles incohérentes, ses gestes bizarres !

Folle ! Lucile ! oui, folle ! Elle a mis à exécution l’idée fixe née devant le lit funèbre de son père. Enrik Bilmsen, artisan de tous ses maux, a été condamné par elle.

Il git dans la chaumière, au milieu d’une large flaque rouge.

Elle a frappé d’une main ferme, mais sa raison a été broyée par la tourmente.

Elle rit :

— Libre… libre… clame-t-elle… Le sang lave la honte… Rochegaules, accourez-tous… il y a beaucoup de sang… lavez, lavez, spectres sinistres, lavez…

Et ses mains frottent avec rage une tunique imaginaire, avec le geste pressé et monotone d’une lavandière.

— Toujours la tache, reprend-elle en s’arrêtant… Toujours… La vie de Bilmsen ne suffit pas… il faudrait encore celle de d’Artin.

Dans un éclat de rire, elle poursuit :

— D’Artin… ah ! ah ! ah ! un gentilhomme félon… le frère de Lucile… l’ami du Roi.

Elle s’arrête à ces mots, semble interroger les environs, puis avec un grand cri :

— C’est lui, je le vois…

Et s’élançant à travers les champs, la malheureuse disparait bientôt dans la nuit.

  1. Ces paroles étaient prophétiques. La conduite ultérieure de Marie-Louise ne les justifia que trop.