La Muse au cabaret/La Fête du terme

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La Muse au cabaretLibrairie Charpentier et Fasquelle (p. 241-243).


LA FÊTE DU TERME


Oh ! ce n’est pas la bacchanale
De la Fête nationale,
Avec des pistons, des tambours,
Non plus de lampions, de palmes,
C’est une fête des plus calmes,
Sans bastringues dans les faubourgs.

Cette fête n’est pas mobile.
Elle est carrément immobile.
Chaque saison elle revient,
Soit en ces mois de pur opprobre,
Janvier, avril, juillet, octobre.
Et le Pape n’y pourrait rien.


Elle n’est du tout populaire.
Elle est même tout le contraire,
Et ne vaut pas une chanson.
Et que si — le Ciel la confonde !
Elle intéresse tout le monde,
Ce n’est pas de même façon.

Cette fête bizarre, étrange,
Disons en un seul mot bitrange
A ceci de particulier,
Et qui fait sangloter la Muse,
Que pour un être qu’elle amuse,
Elle en mécontente un millier.

Elle est donc loin d’être parfaite.
C’est plutôt une demi-fête,
C’est la fête du Terme, quoi !…
— S’il faut par son nom qu’on la nomme
Mais tu ne saurais, mon bonhomme,
T’y soustraire, non plus que moi.

Le quinze est le jour fixe et ferme,
Ou l’on célèbre ce dieu « Terme »,
Jusque dans le moindre taudis.
Et voici, s’il faut que j’insiste,
En quoi cette fête consiste :
Le matin donc du jour susdit,


Ton concierge chez toi s’empresse
À la quatrième vitesse,
Sa calotte grecque à la main,
Et le sourire sur l’oreille.
— Bienheureux s’il ne te réveille ! —
Te tend un vague parchemin.

Ce n’est qu’un papier, en l’espèce,
Qu’en retour de quelques espèces,
Il t’abandonne volontiers.
Et tout aussitôt il les porte
À peine a-t-il passé ta porte,
Chez son patron, puissant rentier.

Alors, plus riche que la veille,
Celui-ci boit une bouteille
De son meilleur… à ta santé !
Et donc, tu vois bien, pauvre type,
Que, de ce fait, tu participes
À la fête, en réalité.

Tu la trouves un peu sévère,
Pour toi, qui n’as rien dans ton verre,
Cette fête ?… Mais qu’un chacun
Ayant vidé sa tire-lire,
N’y trouve pas matière à rire,
Elle amuse toujours quelqu’un.