La Muse gaillarde/On demande des jolies femmes

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La Muse gaillardeAux éditions Rieder (p. 108-111).



ON DEMANDE
DES JOLIES FEMMES


On demande quarante jolies femmes jeunes et bien faites, de préférence des modèles et des danseuses, pour la Revue qui sera jouée en juillet à l’Alcazar d’Été.


S’il est quelques poupées
Encore inoccupées
Jusqu’à ce jour ici,
Quelques jeunes personnes
Mignottes et mignonnes
Et bien faites aussi,


Il nous en faut quarante
Pour la saison courante,
À l’Alcazar d’Été.
Que céans elles viennent,
Et surtout se souviennent
Du jour plus haut cité.

Venez, exquis modèles,
Vous qui restez fidèles
À la beauté du corps,
Et qui de l’Art antique
Conservez la plastique
En vos divins records.

Venez, venez encore
Vous qui de Terpsichore
Écoutez les leçons ;
Pas besoin de génie
Pour la cérémonie :
Nous vous en dispensons ;

Car tout Conservatoire
Est superfétatoire.
Pourvu que vous ayez
Les deux jambes bien faites,
C’est assez pour nos fêtes,
Ainsi donc, vous voyez…

Venez, les bachelettes,
Pas besoin de toilettes,
Tout voile est inhumain.

Femme comme statue
Est encor trop vêtue
D’une rose à la main.

Même un peu d’aphonie
Serait en harmonie…
Une femme, je crois,
Muette comme souche
Dès qu’elle ouvre la bouche
A déjà trop de voix.

Surtout n’allez pas dire
Avant de vous inscrire :
« Mais nous ne savons rien,
Nous ne savons rien faire… »
— Rien faire ! bonne affaire !
Nous vous apprendrons bien.

Chez nous on le proclame :
Ici-bas, une femme
En sait toujours assez,
Suffisamment excelle,
Quand elle est jeune et belle,
Comme bien vous pensez.

Et les différents hôtes
Qui ne vous font pas faute
Viendront jouir surtout
De votre aimable vue
Dans la nôtre Revue…
Et puis !… un point, c’est tout.


Allons, brunes et blondes,
N’en est-il plus au monde
De vos minois fleuris,
De vos jambes d’archange ?
Ce serait bien étrange
Puisqu’on est à Paris.

Encore un mot, j’ajoute :
Je ne mets pas en doute
Que chacune de vous
Ne trouve son Messie :
Un grand-duc de Russie
Ou deux rajahs indous.