La Mystification fatale/Première Partie/IX

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Texte établi par Léandre d’André, Imprimerie André Coromilas (p. 26-28).
§ IX. — Léon III et Charlemagne.


Dans le volume 129, pag. 1258-59, de la Patrologie de l’abbé Migne, se trouvent quelques lettres de Léon III, particulièrement adressées à Charlemagne, et réciproquement une qui est adressée par Charlemagne à Léon : là Charlemagne, au chapitre troisième, se met à désapprouver les décisions du septième concile œcuménique, particulièrement sur le culte des images, et en même temps à critiquer fortement le patriarche Taraise pour avoir émis, dans ses lettres aux patriarches d’Orient, l’opinion que le St-Esprit procède du Père par le moyen du Fils, ce qu’il avait déjà écrit dans sa lettre à Adrien Ier. Cependant il est curieux de voir, dans le premier chapitre de cette lettre, ce qui suit : « Nous croyons à un seul Dieu, etc., et au St-Esprit, vrai Dieu, qui procède du Père, » sans y ajouter et du Fils. De cette contradiction entre le chapitre premier et troisième, je présume que le premier n’appartient point à Charlemagne, mais probablement à Alcuin ou à quelque autre des docteurs occidentaux, qui tenait, en ce qui regarde la procession du St-Esprit, à ce qu’on professait en Orient et encore en Italie. Il s’y agit encore de l’Adoptianisme, chose dont le septième concile ne s’est nullement occupé, mais qu’Alcuin à fortement combattu (Voir Fr. Monnier, tout le chap. Ier de la seconde partie) ; et que ce soit là la dernière observation en ce qui concerne Alcuin.

Le branle en était donné. À Adrien Ier succéda Léon III ; et ce fut alors que des moines occidentaux, résidant au mont des Oliviers, près de Bethléem, s’adressèrent à Léon III pour se plaindre de ce que le clergé de Bethléem les avait fortement réprimandés de chanter à l’église le symbole avec cette addition. Ils le supplient donc, par une requête, de rapporter ce cas à Charlemagne, dans la chapelle duquel ils avaient entendu chanter le symbole avec le filioque. À côté de cette requête, qu’on peut trouver dans le même volume de Migne, à la même page, on voit encore une lettre de Léon à Charlemagne, par laquelle il lui recommande cette affaire, et à la fin de laquelle il ajoute une exposition de la foi, calquée sur le symbole attribué à St-Athanase, garni du filioque. Léon y dit encore avoir envoyé cette exposition à ces moines, afin que ceux-ci et tout le monde sache à quoi s’en tenir sur la foi. Il y ajoute que sous la même enveloppe il lui envoie une copie de ce même symbole qu’il a envoyé à ces moines, pour l’éclairer lui aussi sur le même objet.

Dans cette requête, ces moines disent qu’il faut croire à la procession et e Filio, parce que : premièrement ceci est formellement exprimé dans la règle monastique de St-Benoît, qui leur avait été donnée par Charlemagne lui-même, « credo St-Spiritum Deum verum ex Patre procedentem et Filio ; » deuxièmement parce que la même chose est enseignée dans le Dialogue que S. S. Léon III leur avait donné ; troisièmement parce qu’elle est contenue dans une homélie de St-Grégoire de Rome sur l’octave de Pâques, qui leur avait été donnée encore par Charlemagne ; quatrièmement parce qu’elle est contenue dans le symbole de St-Athanase. Pour ce qui regarde ces deux derniers points, j’en parlerai dans la suite. En ce qui touche la règle monastique de St-Benoît, Lequiens, dans la première de ses dissertations sur les écrits de St-Jean Damascène (§ 18), fait la remarque que, dans aucun des anciens codes qu’il a visités, il n’a rencontré ce filioque, ni même aucune mention de ce symbole d’Athanase. Je n’ai rien pu rencontrer dans l’édition des œuvres de Léon III par Migne, qui ait trait au dialogue qu’il aurait envoyé à ces moines.