La Navigation à vapeur

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NAVIGATION À LA VAPEUR.

PROGRÈS ET ÉTAT PRÉSENT DE LA NAVIGATION À VAPEUR,
EN ANGLETERRE, EN FRANCE ET AUX ÉTATS-UNIS.

Vers la fin de l’été de 1807, quelques habitans d’Albany, arrêtés sur les bords de l’Hudson, se divertissaient fort à regarder, non sans échanger entre eux maintes réflexions moqueuses sur l’objet de leur passe-temps, une embarcation dépourvue de voiles et de rames, mais munie d’un long cylindre vertical d’où s’échappaient bruyamment des flots de fumée, et garnie sur ses flancs d’un système de roues à palettes assez semblables à celles d’un moulin. C’était tout simplement Fulton, qui, mettant en pratique les enseignemens de ses devanciers, faisait dans le Nouveau-Monde l’essai de la machine à vapeur appliquée à la navigation. Si l’on eût dit aux bourgeois d’Albany que, trente ans plus tard, ce disgracieux esquif, devenu un immense navire de 1,600 tonneaux, leur apporterait, en douze ou quatorze jours, des journaux datés de Bristol ou de Liverpool, assurément ils auraient haussé les épaules, et souri, pour toute réponse, au rêveur qui leur eût fait cette belle prédiction.

Telle est la marche de notre siècle : à une nouveauté en succède une autre ; la surprise du jour efface celle de la veille. Et toutefois, il ne faudrait pas trop rire des rieurs de l’Hudson ; car que de bons et grands esprits se sont laissés prendre à ce genre d’incrédulité ! On se rappelle les spirituelles plaisanteries qu’inspirait vers la même époque à sir Walter Scott l’idée, fort bizarre alors à ses yeux, de l’éclairage par le gaz ; et cela deux années seulement avant que la respectable Oil-Gaz-Company vînt solennellement déposer entre les mains de l’illustre romancier converti, le titre d’administrateur de son important établissement.

Mais si d’un côté il est des esprits dont la prudence se refuse à accueillir la possibilité de certains progrès, il en est d’autres qui, par une sorte d’inspiration, n’hésitent pas à annoncer, long-temps avant qu’aucun essai n’ait pu être tenté, des résultats que les imaginations les plus aventureuses, parmi leurs contemporains, repoussent comme des hallucinations de malades, ægri somnia, et auxquels cependant l’avenir donne raison. Ainsi en 1788, vingt ans avant que Fulton n’eut construit ses steamboats, Fitch, de Philadelphie, déclare qu’un jour la machine à vapeur mettra en communication directe l’ancien et le Nouveau-Monde, et prédit les miraculeux voyages des Sirius et des Great-Western. On conçoit du reste qu’il en soit ainsi : l’enfantement du fait ne se produit que lorsque la pensée humaine l’a, pendant un temps, élaboré, appelé et énergiquement voulu.

Avant d’entrer dans quelques détails sur les récentes merveilles de la navigation à vapeur, traçons rapidement le tableau de ses progrès, et constatons son état présent dans les pays où elle a été le plus favorisée, c’est-à-dire en Angleterre, aux États-Unis et en France.

On sait que la première application des machines à vapeur à la navigation est, comme tant d’autres inventions, revendiquée par plusieurs peuples. Papin, en France, en 1696 ; Jonathan-Hull et Patrick Miller, en Angleterre, de 1740 à 1787 ; plus tard, Fulton dans l’Amérique du Nord, voilà les divers concurrens auxquels on attribue ou entre lesquels on partage la gloire d’avoir dompté les flots à l’aide du plus puissant agent des temps modernes. Quoi qu’il en soit, et sans entrer ici dans ce débat de priorité, reconnaissons seulement que le premier bateau à vapeur qui n’ait pas été rejeté après l’essai, le premier qui ait servi de base à une spéculation industrielle, est celui que Fulton construisit à New-York en 1807, et qui fit le voyage de cette ville à Albany. En Angleterre, le premier bateau à vapeur qu’on y ait vu en activité pour les besoins du commerce et des voyageurs, date de 1812 seulement ; il naviguait sur la Clyde et s’appelait la Comète. Sa force n’excédait pas trois chevaux. 1813 en vit deux autres s’établir entre Yarmouth et Norwich. Jusqu’en 1821, la force des bateaux à vapeur de l’Angleterre n’avait pas dépassé celle de 80 chevaux. On en compte aujourd’hui sur la Mersey et la Tamise un nombre considérable qui ont la force de 120 chevaux. Ceux qui font le cabotage s’élèvent de 140 à 200 chevaux. Depuis les premiers essais que nous venons de signaler, le nombre des bâtimens à vapeur s’est tellement multiplié dans la Grande-Bretagne, qu’au rapport de M. Porter, du Board of Trade, auquel nous empruntons les détails suivans[1], elle en compte aujourd’hui 600, présentant un tonnage de près de 68,000 tonneaux. Ainsi, en vingt-quatre ans, il a été lancé en Angleterre une moyenne annuelle de 25 bateaux à vapeur. Hâtons-nous d’ajouter que les progrès les plus rapides appartiennent aux six dernières années, qui, réunies, donnent à elles seules un total de 306 nouveaux bâtimens.

Voici, au surplus, quels étaient, d’après les documens fournis par le contrôle de l’Amirauté, et pour chacune des années de 1814 à 1835, le nombre et le tonnage des bâtimens à vapeur appartenant au Royaume-Uni et à ses diverses possessions :

Bâtimens. Tonneaux.
1814. 2 456
1815. 10 1,633
1816. 15 2,612
1817. 19 3,950
1818. 27 6,441
1819. 32 6,657
1820. 43 7,243
1821. 69 10,534
1822. 96 13,125
1823. 111 14,152
1824. 126 15,739
1825. 168 20,287
1826. 248 28,958
1827. 273 32,490
1828. 293 32,032
1829. 304 32,283
1830. 315 33,444
1831. 347 37,445
1832. 380 41,669
1833. 415 45,017
1834. 462 50,735
1835. 558 60,520
1836. 600 67,969

On voit par ce relevé qu’en six ans, de 1831 à 1836, l’Angleterre a doublé la force de sa navigation à vapeur. On jugera mieux encore de l’accroissement qu’y a pris ce mode de navigation, en comparant, sous le rapport de leur mouvement commercial, les deux époques indiquées ci-dessus.

En 1830, le tonnage des bâtimens à vapeur, à l’entrée et à la sortie, pour les divers ports de la Grande-Bretagne (il ne s’agit ici que des bateaux anglais), était de 2,265,500 tonneaux.

En 1836, ce même tonnage s’élevait à 5,385,000, c’est-à-dire qu’en six ans il s’était accru de près de 140 pour 100.

Sur ce nombre de 5,385,000 tonneaux, le commerce avec l’étranger entrait pour 380,000 seulement ; c’était donc près de 5 millions de tonneaux appartenant au commerce intérieur et de cabotage[2].

Si l’on porte la comparaison sur le mouvement de l’un des ports de la Grande-Bretagne, de celui de Londres, par exemple, on a les résultats suivans, pour 1830 et 1835 :

En 1830, il est entré dans le seul port de Londres 361 bâtimens à vapeur[3], jaugeant 73,634 tonneaux, et en 1835, 1,076 bâtimens du port de 266,684 tonneaux. C’est-à-dire que, dans l’espace de cinq ans, le nombre des bâtimens reçus dans le port de Londres s’est triplé, et que la force du tonnage s’y est presque quadruplée. Cette marine à la vapeur se répartissait entre le commerce intérieur et le commerce étranger dans la proportion des 2/3 pour le premier, et d’un tiers pour le second.

Mais c’est au Nouveau-Monde surtout qu’il appartenait de s’approprier le plus efficacement cet élément nouveau de communication. Tout entier au développement de leur puissance industrielle et commerciale, alors que le vieux continent, en proie aux douleurs de l’enfantement politique, s’absorbait dans la guerre et les luttes intestines, les États-Unis élevaient au plus haut degré les progrès de la navigation à vapeur. C’était, au reste, le plus grand bienfait que pût départir la Providence aux vingt états épars dans le sein de cette vaste unité nationale. Séparés par d’immenses intervalles, disséminés sur un sol huit fois plus grand que la France, ils devaient s’empresser d’adopter un mode de transport qui réduisait considérablement pour eux le temps et l’espace, et dont leurs nombreux cours d’eau, leurs fleuves et leurs lacs gigantesques favorisaient si bien l’application et les progrès.

D’après l’auteur des Lettres sur l’Amérique du Nord, le nombre des bateaux s’élevait, dans toute l’Union, en 1834, à 386, donnant un tonnage de 96,000 tonneaux. Plus des 4/5 de ce nombre se répartissaient ainsi entre les sept principaux états :

New-York en avait 54 du port de 13,233 tonneaux.
La Louisiane 
115 46,292
L’Ohio 
62 8,047
La Pensylvanie 
36 5,097
L’Alabama 
22 3,291
Le Maryland 
18 5,832
Le Tennessee 
17 4,083

Le reste se partageait entre les treize autres états. Comme on le voit, la plus grande partie des bateaux à vapeur de l’Union appartiennent à l’Ouest, à l’Ouest qui sans cesse reculant, devant les pas de ses hardis pionniers, les limites de la civilisation, incessamment appelle et dévore, et de nouvelles troupes de défricheurs, et de nouvelles masses de produits et de marchandises. Depuis 1835, le nombre des bateaux à vapeur s’est considérablement accru dans toute l’Union : on en compte 400 sur le seul Mississipi, et près de 50 sur le lac Érié. De même qu’en Angleterre, avant 1822, les appareils les plus puissans ne s’élevaient guère, aux États-Unis, au-dessus de 80 chevaux ; mais aujourd’hui les grands et somptueux bateaux qui transportent, sur l’Hudson et la Delaware, des populations de 800 voyageurs, sont tous au-dessus de 100 chevaux. La longueur des trajets qu’ont à faire, sur les vastes cours d’eau de l’Amérique du Nord, les bateaux à vapeur, les larges dimensions qu’on a coutume de leur donner, expliquent comment, en comparant les chiffres portés ci-dessus, les 186 bateaux des États-Unis accusent un tonnage beaucoup plus fort que celui des 600 bâtimens de la Grande-Bretagne.

Quant à la France, si l’on consulte le compte rendu des travaux des ingénieurs des mines, publié en 1837, on voit qu’il existait, en 1835, sur nos fleuves et rivières, 100 bateaux à vapeur. Cinq départemens en employaient à eux seuls la plus grande partie (87 en 1836). Voici comment se distribuaient sur nos principaux fleuves les bateaux qui y avaient leur point de départ :

1835. 1836.
Sur le Rhône 
21 24
Sur la Loire-Inférieure 
13¨¨¨¨¨¨¨¨ 21
Sur la Saône 
14 18
Sur la Gironde 
18 14
Sur la Seine 
11 10

Le rapprochement de ces chiffres montre que, tandis que la Loire gagnait 8 bateaux sur 21, la Saône 4 sur 18 et le Rhône 3 sur 24, la Gironde en perdait 4 sur 18, et la Seine 1 sur 11. Trois autres départemens, Saône-et-Loire, les Côtes-du-Nord et le Finistère, abandonnaient aussi, ou voyaient se réduire sur leurs cours d’eau, ce mode spécial de transport. Deux causes ont pu contribuer à ce fâcheux résultat, le mauvais état de la navigation qui n’est que trop réel sur la plupart de nos rivières, et les difficultés d’approvisionnement causées par la cherté du combustible.

Bien que dans le relevé précédent, la Seine ne figure que pour 10 bateaux à vapeur qui lui appartiennent en propre, il importe de remarquer que sur les 105 bateaux qui naviguaient en 1836 sur nos fleuves et rivières, 38 ont la Seine pour lieu de parcours ou pour point de départ. C’est au Havre surtout que la navigation à vapeur se déploie avec le plus d’énergie, et contribue à former, pour le commerce côtier, les associations les plus nombreuses et les plus puissantes. C’est du Havre encore que se sont élancés récemment ces beaux et rapides pyroscaphes qui mettent aujourd’hui en communication le premier de nos ports de l’Océan avec Copenhague, Elseneur et Saint-Pétersbourg. Ce nombre de 38 bateaux affectés au service du bassin de la Seine n’était en 1834 que de 16 ; ainsi, en deux années, il s’est plus que doublé, tandis que la navigation du reste du royaume ne présente aucun accroissement notable. Cet état pour ainsi dire stationnaire, en France, de la navigation à vapeur, appelle hautement l’attention des chambres et de l’administration.

Un fait qui ressort également du document cité plus haut, c’est que le transport des voyageurs, par les bateaux à vapeur français, a diminué dans la proportion d’un quart, pour laisser place à un accroissement équivalent de transport de marchandises. Ce dernier mouvement était en 1836 de 1,615,000 quintaux métriques. Cette réduction dans le nombre des voyageurs est un fait grave, et dont on regrette de ne trouver aucune explication dans les documens officiels.

Les 105 bateaux à vapeur de 1836 étaient mus par 122 machines, dont 87 à basse pression et 35 à haute pression, représentant une force collective de 4,150 chevaux, ce qui suppose pour chaque bateau une force de 40 chevaux, moyenne qui, l’année antérieure, n’était que de 35. La machine la plus forte ne s’élève pas au-delà de 70 chevaux, la plus faible est de 6, fait qu’expliquent suffisamment les conditions de navigabilité de nos fleuves. Quelques-uns de ces bateaux ont du reste deux machines, comme le Neptune, dont la puissance est ainsi de 140 chevaux, et qui joue le rôle de remorqueur sur la Seine. Pour compléter ce relevé, il faudrait y ajouter les navires à vapeur de l’état, qui sont au nombre d’environ 40, et dont plusieurs s’élèvent jusqu’à une puissance de 220 chevaux, ainsi qu’une vingtaine de bateaux appartenant au commerce ; mais ce qu’il importe surtout de mentionner, c’est le beau service des paquebots de la Méditerranée, établi en 1836 par le gouvernement. Depuis long-temps déjà, la Méditerranée était sillonnée dans tous les sens par les steamers anglais, napolitains, autrichiens et sardes ; nous-mêmes nous avions sur cette mer, en 1836, 21 navires à vapeur servant à nos relations avec l’Afrique. Il était de la plus haute importance pour nos intérêts politiques et commerciaux, de nous y assurer des communications régulières et rapides avec le Levant. La conservation d’Alger peut-être dépend de la prépondérance que nous prendrons sur la Méditerranée. Si nous ne devons pas y être les maîtres absolus, si la Méditerranée ne doit pas devenir un jour, dans toute la réalité du mot, un lac français, au moins devons-nous, sous peine de déchéance politique, nous qui possédons Alger, Marseille et Toulon, y naviguer de pair avec les plus vaillans. Il faut reconnaître à cet égard que la création des paquebots méditerranéens est l’un des actes du gouvernement qui ont le plus de portée pour l’avenir.

Rien n’a été négligé pour instituer ce service sur le meilleur pied. C’est sur les plans des bateaux à vapeur de l’amirauté et du Post-Office, qui font le trajet de Falmouth à Lisbonne, à Malte, à Corfou, qu’ont été construits nos paquebots. Ils sont au nombre de 10, d’une contenance chacun de 380 tonneaux, d’une force de 160 chevaux, et pouvant recevoir 70 passagers. Le service embrasse deux lignes, l’une de Marseille à Constantinople, l’autre, qui croise la première, d’Athènes à Alexandrie. Entre Marseille et Constantinople, on touche à Livourne, Civita-Vecchia, Naples, Messine, Malte, Syra, Smyrne. On sait que pour les bâtimens à voile, dont la navigation est fort difficile sur la Méditerranée, la traversée de Marseille à Constantinople prend 45 jours. Par les paquebots, le trajet est, pour la première ligne, qui a 591 lieues, de 13 jours 1/2 seulement ; pour la seconde ligne (173 lieues), il est de 4 jours 2 heures, y compris pour ces trajets les temps de station, ce qui répond à une vitesse de déplacement d’environ 3 lieues à l’heure.

Quant à la navigation intérieure, la marche des bateaux à vapeur est généralement, à la remonte, de 2 à 4 lieues à l’heure ; à la descente, elle est de 4,5 et quelquefois 6 lieues. Il y a actuellement sur la Tamise des bateaux dont la marche habituelle est de 6 lieues. Sous ce rapport encore, les bateaux américains l’emportent sur ceux de l’Angleterre. « J’ai vu plusieurs fois à Albany, dit M. Michel Chevalier dans son livre des Intérêts matériels, le bateau à vapeur, parti le matin de New-York à 7 heures précises, arriver avant 5 heures du soir. La distance est de 55 lieues de poste, et comme le bateau s’arrête quinze fois pour prendre et déposer des voyageurs, il y a moins de 9 heures de marche réelle, ce qui suppose une vitesse de plus de 6 lieues à l’heure. »

En France, entre le Havre et Rouen, où la Seine offre un chenal profond, les bateaux à vapeur marchent à raison de 5 à 6 lieues 1/2 à l’heure. Sur le Rhône, la vitesse est de 6 lieues à la descente et de 1 lieue 1/2 seulement à la remonte. Sur la Garonne, la marche, entre Royan et Bordeaux, atteint souvent jusqu’à 6 lieues 3/4 à l’heure. Quant à la Loire, les bateaux d’ancien modèle n’y font guère que 2 lieues 1/2 à l’heure ; mais la navigation à la vapeur y a pris dernièrement un accroissement considérable : on peut citer, entre autres nouveaux bâtimens qui se sont fait remarquer par la rapidité de leur marche, le Riverain no 2, qui ne cale que 18 pouces d’eau, et dont la force motrice, produite par une seule machine, est de 40 chevaux. Il fait le trajet entre Nantes et Angers en 9 heures et revient en 6, y compris le temps perdu à 16 escales, ce qui donne de marche effective 3 lieues à l’heure à la remonte et 5 à la descente. Cette vitesse reste d’ailleurs bien au-dessous de celle qu’atteignent les beaux steamers de la Seine, la Dorade, construite par M. Cavé, et l’Éclair, de M. Jollet, bateau en tôle affecté au transport des voyageurs entre Rouen et Saint-Germain. La concurrence est telle aujourd’hui sur la Loire qu’on y fait en ce moment 25 lieues pour 50 centimes. Quand les bateaux arrivent dans une ville, ils répandent sur le rivage de petits imprimés ainsi conçus : « Enfoncé l’Hirondelle ! elle a mis 10 minutes de plus que l’Orléans, etc. » L’Orléans, à son tour, prend à l’occasion sa revanche, et de là nouvelle distribution d’imprimés-pamphlets, le tout pour le plus grand profit des voyageurs. Il en est de même en Angleterre ; les compagnies rivales de la navigation par la vapeur, entre Londres et Boulogne, ont commencé un nouveau genre de concurrence. L’une d’elles avait récemment fait afficher que ses paquebots transporteraient de Boulogne à Londres à 1 schelling (1 fr. 25 c.) par tête ; ce que voyant, la compagnie rivale s’est hâtée de réduire le prix de ses places à 6 pence (62 1/2 cent.), c’est-à-dire à la moitié du prix de sa concurrente.

Si les bâtimens à vapeur ne peuvent, sous le rapport de la célérité de la marche, entrer en concurrence avec les chemins de fer, il est facile d’établir au moins qu’ils peuvent, moyennant certains perfectionnemens, l’emporter de beaucoup, pour le bon marché des prix de transport, sur ce dernier mode de viabilité. Ici encore, l’Amérique et l’Angleterre nous donnent l’exemple. Bornons-nous à citer quelques faits. Sur l’Hudson, les marchandises paient, par lieue et par tonne, 21 cent., et 8 à 10 cent. seulement sur l’Ohio et le Mississipi. Quant aux voyageurs, il y a eu (et il y a probablement encore), entre New-York et Albany, des bateaux meublés et équipés avec le plus grand luxe, qui ne prenaient que 2 fr. 65 c. pour un trajet de 55 lieues, c’est-à-dire moins de 5 cent. par lieue. Le Diamant, magnifique bateau de 255 pieds, avait même des places à 2 centimes. Les bateaux anglais de Londres à Calais prennent communément aux secondes places 10 cent. par lieue. Quant aux nôtres, ils se tiennent, pour les voyageurs, entre 11 et 25 c. par lieue pour la première chambre, et 20 et 30 pour la seconde.

Sûr et rapide à la fois, le mode de voyager qu’offrent les bateaux à vapeur est celui dont on peut doter le pays aux moindres frais. Il a d’ailleurs sur les diligences et même sur les chemins de fer un avantage notable, c’est de laisser au voyageur le libre usage de ses mouvemens, et d’enlever à une longue traversée tout ce qu’elle peut avoir de fatigant et de monotone. Les Américains, ces enthousiastes utilitaires, apportent dans la construction de leurs bateaux à vapeur un luxe artistique et une élégance dont on se rendrait difficilement compte si l’on ne savait tout ce que la concurrence peut avoir de productif, et si l’on ne connaissait d’ailleurs les admirables facilités que leur donne la profondeur de leurs fleuves. Rien n’est beau, gracieux et comfortable comme ces courriers navigateurs de l’Hudson qui incessamment font échange de populations entre New-York et Albany.

De toutes les considérations qui précèdent, nous sommes amené à conclure que la navigation à vapeur peut, en beaucoup de cas, être l’utile appendice des lignes de chemins de fer, et former avec celles-ci un système mixte de communications qui, beaucoup moins coûteux que des lignes continues de chemins de fer, assurerait aux denrées et aux hommes un transport suffisamment rapide. C’est une pensée qui a été récemment émise et appuyée de toute l’autorité des faits, dans une publication que nous avons déjà citée plus haut (Intérêts matériels). Mais il est au développement de notre système de viabilité en général, et de la navigation à vapeur en particulier, deux conditions indispensables : 1o  l’abaissement du prix des fers ; 2o  l’extension de l’exploitation de la houille, et l’établissement de communications spéciales par canaux ou chemins de fer, qui puissent desservir efficacement nos gites houillers. Le fer et la houille, voilà le pain quotidien de l’industrie. Sans la houille à bas prix, point de bateaux à vapeur sur nos fleuves et rivières ; sans le fer, nous serons contraints de nous passer de bateaux perfectionnés.

Le fer, jusqu’ici symbole de la guerre, le fer, aujourd’hui l’une des premières richesses de l’ère pacifique dans laquelle nous entrons, le fer étend et multiplie sans cesse ses usages. Nos routes se bordent de rainures de fer ; nos ponts s’élancent suspendus sur des cordages de fer, ou s’appuient, comme celui de Cubzac, sur des piles de fer ; la pierre de nos monumens cède en partie la place au fer, qui s’élance en sveltes colonnettes ou se découpe en pendentifs légers, en fenêtres ogivales, pour remplacer les clochers de nos vieilles basiliques détruits par le temps ; nos bateaux à vapeur, jusqu’ici en bois, n’auront plus bientôt que des coques de fer. Il s’établit en ce moment sur la Tamise un service de magnifiques bateaux à vapeur en fer. Si jusqu’ici les bateaux en fer n’ont été mis en usage que sur les rivières et les fleuves, rien ne prouve, ainsi que le remarque le savant docteur Lardner, qu’ils ne puissent franchir cette limite. Les bateaux en fer offriraient, pour les voyages sur mer, de notables avantages : à tonnage égal, leur poids ne s’élève pas à la moitié de celui des navires en bois ; leur tirant d’eau étant plus faible, leur assure ainsi une plus grande rapidité de marche, ou leur permet un chargement plus considérable. Le fer, au reste, résiste beaucoup mieux que le bois à la fatigue du roulis et au choc des bancs ou des écueils. Entre autres faits à l’appui de cette assertion, M. Mac-Grégor cite les suivans dans son rapport à la chambre des communes sur la navigation à vapeur : « L’Alburkah, pendant l’une des expériences auxquelles on soumettait ce steamer, toucha et vint heurter son ancre. Nul doute qu’il ne se fût brisé s’il eût été de bois ; sa coque en fut quitte pour une légère bosse. » …… « Un bâtiment en fer construit pour l’Irish Navigation Company, et toué près de Lough Dergh, fut surpris par une violente brise qui lui cassa son grelin, et le poussa rudement contre les rochers qui bordent la côte. Là, le navire se débattit plusieurs heures durant contre la tempête et les écueils, sans qu’il en résultât pour lui le moindre dommage. En pareil cas, un bâtiment en bois eût été vingt fois mis en pièces. » Ajoutons, ce qui est une considération importante pour les climats chauds, que les bâtimens en fer ne sont pas sujets à la pourriture et conservent une constante fraîcheur. La nature de leur construction les garantit aussi en partie contre l’incendie. Pour être juste toutefois, il faut reconnaître que le bois a l’avantage d’être plus élastique que la tôle : il est plus lisse sur les flancs du bateau, et les planches du sapin ne croisant pas l’une sur l’autre comme celles du fer, pour le clouage, offrent moins de résistance à l’eau, sont moins rigides que la tôle aux efforts des machines, et réagissent mieux sur la vague. Mais ces inconvéniens sont loin de balancer les avantages que les mécaniciens trouvent à employer le fer dans la construction des bateaux. De nombreux succès ont sur ce point justifié leur préférence, notamment celui des bateaux si légers de M. Gache, les Émeraudes, de la Loire, qui ne calent que 8 à 10 pouces d’eau, condition très favorable à la navigation difficile de la Loire.

S’il est vrai que chaque époque doive avoir son cachet, c’est à la puissance de la vapeur que la nôtre devra le sien. La Providence semble avoir décidé que les peuples désormais doivent se mêler, se frotter les uns aux autres, et c’est à la vapeur qu’elle veut que nous soyons redevables de ce bienfait. À la terre donc les chemins de fer ; à la mer, aux fleuves, les navires à vapeur ! Les chemins de fer et les navires à vapeur sont deux idées qui se complètent l’une par l’autre, et répondent de loin à une idée première qui les a depuis long-temps devancées dans l’œuvre de fusion des peuples et des races, l’imprimerie. Tandis que les chemins de fer auront pour résultat de resserrer l’espace sur les deux grands continens qui se partagent notre planète, et de mettre à quelques jours de distance des nations jusque-là inconnues pratiquement les unes aux autres, les navires à vapeur, messagers de la civilisation, seront les liens qui uniront les deux mondes. Déjà l’Angleterre, par sa communication récemment établie entre Londres et Bombay par Suez ; l’Autriche, par sa navigation à vapeur du Danube, cette grande route fluviale de l’Europe, n’ont-elles pas puissamment préparé le contact intime de l’Orient et de l’Occident ? Le trajet de Londres à Bombay, qui, autrefois, par le cap de Bonne-Espérance, exigeait quatre mois, ne demande plus aujourd’hui que trente à quarante jours par les navires à vapeur de la Méditerranée et de la mer Rouge[4], et, grâce à l’énergique volonté de Méhémet, cette voie de communication va se trouver encore notablement abrégée et facilitée par l’établissement du chemin de fer de Suez. Là, tout près du désert, au sein même de l’antique berceau des sciences, la vapeur va bientôt faire resplendir ses jeunes merveilles ; là, 18,000 Arabes, bataillon infatigable de travailleurs, préparent sans relâche un lit au double courant commercial de l’Occident et de l’Orient, et creusent le sol où viendront s’échanger, sur les rails sortis de Birmingham, les produits si variés des deux mondes. Enfin, un mois seulement sépare aujourd’hui Marseille des rives du Gange, et les prodiges récemment accomplis par le Sirius et le Great-Western, mettent Londres et Liverpool à quatorze jours de New-York.

Bien que ces deux navires ne soient pas précisément les premiers bâtimens à vapeur qui aient traversé l’Atlantique[5], comme les premiers essais de ce genre étaient restés isolés et sans suite, et que la science les considérait comme des tours de force tout exceptionnels[6], on s’explique facilement l’enthousiasme qu’a excité le succès de ces hardis pionniers de la navigation à vapeur. Désormais le problème est résolu : il est bien démontré qu’un bâtiment à vapeur peut faire directement le trajet d’Angleterre aux États-Unis, c’est-à-dire (et c’était là que gisait la difficulté), se pourvoir d’une quantité suffisante de charbon pour cette immense traversée.

Le Sirius a, le premier, ouvert la voie ; 18 jours lui ont suffi pour le trajet. Parti, le 4 avril, de Cork (Irlande), il arrivait devant New-York le 22 au soir. À peine mouillait-il dans le port, aux acclamations des Américains, qu’un plus vigoureux athlète, le Great-Western, navire monstre, parti de Bristol le 8 au matin, apparaissait triomphant et fier de sa course de 14 jours.

La contenance du Great-Western est de 1,604 tonneaux, il est armé de deux machines ayant ensemble une puissance de 450 chevaux ; ses 4 chaudières pèsent 180 tonnes, et sont entourées d’une chambre en fer contenant 900 tonnes de charbon, qui lui garantissent 25 jours de marche. Tout l’appareil mécanique pèse 470 tonnes.

Le Great-Western a 240 pieds de long sur 58 de large avec les roues. Celles-ci ont 38 pieds de diamètre. On peut, par la comparaison, se rendre compte de l’aspect de ce géant des steamers, en songeant qu’il excède la longueur et la force d’un bâtiment de guerre de 80 canons, et qu’outre ses deux vastes cheminées vomissant des torrens de fumée, il porte 4 puissans mâts dont la voilure est destinée, à l’occasion, à favoriser sa marche. À la machine du Great-Western est attaché un instrument ingénieux appelé indicateur, et constatant le nombre de coups de piston qu’elle a donnés, et par suite la somme des rotations décrites par les roues ; ce nombre a été, dans son dernier voyage, de près de 283,000, soit 19 environ par minute, ce qui, d’après les calculs établis sur la circonférence des roues, équivaut à 17 milles anglais (27 kilomètres 350 mètres) par heure, ou 12 nœuds, chiffre qu’il faut réduire, en raison de l’inégalité de la marche, à une moyenne de 14 milles, ou 5 lieues et demie à l’heure.

Jetons maintenant un coup d’œil sur l’intérieur du navire. Le salon, magnifiquement décoré par Parris, et orné de peintures allégoriques, dans le style de Watteau, qui rappellent toute la somptuosité du siècle du grand roi, occupe 82 pieds de long sur 34 de large ; ses dorures, ses glaces encadrées dans des imitations de porcelaines, ses éclatans tapis, ses riches divans, éblouissent les regards, et ne sont pourtant rien encore, pour le luxe et la beauté, auprès de l’appartement réservé aux dames, lequel est placé à l’extrémité de cette vaste salle. Une foule d’autres pièces, chambres, chapelle, salle de conseil, etc. présentent, à un haut degré, cette magnificence utile et comfortable dont les Américains et les Anglais ont depuis long-temps donné l’exemple. 150 lits y sont réservés aux passagers, et cependant, malgré tout cet immense matériel, il y a place pour un chargement de plus de 200 tonneaux. Le fret pour l’aller est de 35 guinées (880 fr.), table comprise, et de 30 (750 fr.) pour le retour. Moins aristocrate dans ses allures, le Sirius a, comme les Liners (paquebots de Liverpool à New-York), une deuxième classe à 20 guinées (500 fr.), et même, à la chambre d’avant, une troisième classe à 8 guinées (200 fr.). Vienne au reste la concurrence, et notre siècle de démocratie saura bien faire baisser tous ces prix orgueilleux !

La concurrence !… la voilà qui de toutes parts s’éveille, et déjà elle s’apprête à lancer au-delà des mers un plus rude jouteur encore que le Great-Western. Déjà se balance à l’ancre, dans les eaux de Limehouse, l’honneur, la gloire des steamers, le navire qui portera sur son pavois le nom chéri de la jeune et brillante reine de la Grande-Bretagne, le Victoria ! — Plus long de 35 pieds que le plus fort vaisseau de la marine royale, il a 275 pieds de la poupe à la proue ; il excède en puissance le Great-Western de 50 chevaux (sa force est de 500) ; du port de 1,803 tonneaux, il pourra recevoir dans ses larges flancs 500 passagers et 1,000 tonnes de marchandises. Aussi a-t-il coûté deux millions et demi de construction. Le Victoria fera la traversée, on l’espère, en douze jours.

Et maintenant, que vont dire les hardis navigateurs de l’Amérique du Nord, les actifs et entreprenans Yankees, quand ils verront cette imposante reine de l’Océan s’avancer avec la rapidité du trait dans les eaux de leur grande cité, eux qui, à la nouvelle de l’arrivée des premiers bateaux anglais, quittaient à la hâte, la nuit, leurs maisons, et, des quais de New-York, saluaient, pleins de joie, le Sirius, trépignaient d’enthousiasme, quelques heures plus tard, au Great-Western, et s’élançaient pour aller admirer, toucher ce bateau-géant, qui, le 22 avril, leur apportait des journaux de Bristol datés du 8 ! — Qui dira les fêtes, les meetings, les repas, les toasts, les bals, les concerts, auxquels a donné lieu ce grand fait d’intérêt national, et dont les immenses colonnes des journaux américains et anglais ont depuis trois mois enregistré les détails ?

Que l’on ne s’étonne pas de cet enthousiasme ; indépendamment des intérêts commerciaux qui rattachent les États-Unis à l’Angleterre, il y a aussi au fond du cœur des deux peuples le lien du sang, le lien d’une même origine, le souvenir et l’amour de la mère-patrie ; et puis, le fait même de ce rapprochement de deux nations que la vapeur place désormais à douze ou quinze jours l’une de l’autre, ne recèle-t-il pas une révolution tout entière dans les intérêts commerciaux, industriels et politiques des deux mondes ?… Les peuples n’applaudissent jamais en vain : leurs acclamations sont des pressentimens d’avenir.

Mais nous, en face de ces progrès continus, de ces efforts suivis de nouveaux efforts et couronnés par de constans succès, nous bornerons-nous à battre stérilement des mains aux triomphes de la Grande-Bretagne ? N’aurons-nous pas aussi nos Sirius et nos Great-Western ? Certes, le gouvernement actuel, qui se préoccupe sérieusement et avec fruit des intérêts commerciaux et industriels, appréciera toute l’importance qu’auraient pour nos ports du Havre, de Nantes et de Bordeaux, des communications aussi fréquentes et aussi rapides avec les Antilles, avec les États-Unis, notre premier allié commercial.

Je ne voudrais pas terminer ces observations par une réflexion pénible, et cependant il semble que Dieu, tout en marquant chaque œuvre humaine du cachet de sa puissance bienfaitrice, ait voulu que le genre humain payât de son labeur et de son sang chacun de ses progrès. Si belle enfin que soit une œuvre, lorsqu’elle est à son début, il y a toujours place en elle pour une certaine somme de mal.

On éprouve quelque embarras à exalter la puissance de la vapeur, au lendemain des explosions de la Moselle et de l’Oronoko. Qui oserait nier que la navigation mécanique soit un bienfait pour tous les peuples, au profit desquels elle tend sans cesse à généraliser les bienfaits d’une civilisation jusqu’ici concentrée sur quelques points du globe ?… Néanmoins, il faut le reconnaître, l’emploi de la vapeur, comme puissance locomotrice, présente encore des dangers. Pratiquement, elle est de date très récente ; elle appelle des perfectionnemens au moyen desquels la science des Watt et des Fulton ne soit plus un jour, parmi les hommes, qu’un instrument de création et de progrès.

Force incalculable, on dirait presque surhumaine, la vapeur semble prendre plaisir à montrer à l’homme qu’elle n’est qu’à demi asservie. Long-temps elle se laisse manier, docile et obéissante ; et puis, tout à coup, dans un caprice sauvage, elle rejette son joug de fer, elle éclate et foudroie. Ses ravages alors sont à sa taille : c’est par centaines qu’elle immole ses victimes, et il n’est si forte paroi de fer qui puisse l’enserrer.

C’est ainsi qu’il a fallu que la gloire pacifique du Great-Western lui-même fut un instant couverte d’un voile de deuil. Voici ce que disaient les journaux anglais en annonçant son heureuse traversée :

« Nous sommes affligés d’avoir à relater ici un fait lamentable, touchant M. Pearne, l’ingénieur en chef du Great Western. C’était le jour même de l’arrivée du navire ; M. Pearne était occupé à surveiller la machine, lorsque l’un des conduits ayant soudainement crevé, laissa échapper une bouffée de vapeur dont il fut tellement brûlé que peu de jours après il expira dans de grandes souffrances. M. Pearne était un homme riche et considéré, qui, ayant été chargé de la construction de la machine, en avait voulu avoir la surveillance, à titre de volontaire, durant la traversée. »

Triste vérification de cette parole : Tu n’enfanteras que dans la douleur !


Ph. Chemin-Dupontès.
  1. Progress of the Nation, vol. II, pag. 46.
  2. On n’a pas compris dans cette énumération les bâtimens entrés ou sortis sur lest, ou qui, ne portant que des voyageurs, ne sont pas assujétis aux droits de douanes.
  3. Il s’agit ici des entrées, lesquelles peuvent être multiples pour le même bâtiment, et non du nombre réel des bâtimens mêmes.
  4. Le relevé suivant, extrait des documens fournis par l’administration des postes de l’Angleterre, témoigne de l’accroissement qu’ont pris, de 1834 à 1836, les relations entre la Grande-Bretagne et ses possessions des Indes, par suite de l’établissement des bateaux à vapeur. Il s’agit ici du nombre de lettres et de journaux échangés entre ces possessions et la métropole :

    1834. 1836.
    De et pour Ceylan 
    14,918  16,951
    Bombay 
    49,662  57,384
    Madras 
    64,656  74,190
    Calcutta 
    125,436  143,323
    254,672 291,848

    Dans ce nombre de près de 292,000, les journaux et papiers publics entraient pour un vingtième environ.

  5. Le Savannah, en 1819, avait fait cette traversée. À la hauteur de Cork, en Irlande, la fumée de sa machine le fit prendre, par les habitans, pour un navire incendié. Aussitôt l’Amirauté de lui dépêcher un cutter, fin voilier, qui, malgré sa marche supérieure, fut fort étonné de ne pouvoir atteindre un bâtiment démâté. Mais bien plus grand encore fut l’ébahissement des marins irlandais, lorsque, le steamer ayant arrêté sa machine, John Bull put s’apercevoir de sa méprise et admirer la prouesse de l’audacieux Yankee.
  6. Lardner, dont on ne contestera certainement pas les titres scientifiques, avait émis sur ce sujet des doutes qui, au point de vue de la théorie, paraissaient d’ailleurs très fondés.