La Poésie des bêtes/15

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Librairie des Bibliophiles (p. 81-83).

L’ABEILLE

À Madeleine F.


Parfois il arrive à l’abeille
De rentrer aux ruches, le soir,
Lasse et rompue, et sans avoir
Pu remplir de miel sa corbeille.

C’est qu’aussi les jours sont brûlants,
Que les nuits n’ont plus de rosée,
Que, dans chaque fleur épuisée,
Grondent des frelons turbulents.

Lors, profitant du peu qui reste
De ce long jour à son déclin,

Elle cueille un peu de pollen
Au sein de quelque fleur agreste.

C’est une cire sans valeur,
Et non du miel, qu’elle rapporte ;
Elle le sait bien, mais qu’importe ?
La faute en est à la chaleur.

Ж

Comme l’abeille harassée,
Je ne t’apporte bien souvent
Que des fleurs écloses au vent
Qui me dessèche la pensée.

Encore ai-je dû, pour pouvoir
Tresser cette maigre guirlande,
En courant à travers la lande,
Songer que j’allais te revoir,


Et que, pour délasser l’abeille,
Qui tout le jour vient de courir,
À mon baiser allait s’offrir
La fleur de ta bouche vermeille.