La Révolution française de juillet 1830/01

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RÉVOLUTION FRANÇAISE DE JUILLET 1830.


Les évènemens prodigieux qui ont marqué en France la dernière semaine de juillet étaient à peine achevés, qu’ils sont devenus l’objet d’une foule de récits particuliers, et que leurs détails ont rempli, jusqu’à ce jour, les pages des divers écrits périodiques. Déjà tout est dit sur ce sujet, et l’époque de notre apparition nous met dans l’impossibilité de rien ajouter aux faits nombreux qui ont été publiés de toutes parts. Mais il est une autre tâche qui rentre naturellement dans notre cadre : c’est de donner la série des pièces officielles qui ont produit ou accompagné ces événemens, et au nombre desquelles nous comprenons les protestations des feuilles constitutionnelles. Nous avons cru devoir lier entre eux les divers documens, de manière à ce qu’ils présentent, pour ainsi dire, l’ensemble de la révolution du 29 juillet. Cette série doit nécessairement s’ouvrir par le rapport qui détermina la suppression de la Charte.
I. — Rapport et ordonnances.
rapport au roi.


Sire,


Vos ministres seraient peu dignes de la confiance dont Votre Majesté les honore s’ils tardaient plus long-temps à placer sous vos yeux un aperçu de notre situation intérieure, et à signaler à votre haute sagesse les dangers de la presse périodique.

À aucune époque, depuis quinze années, cette situation ne s’était présentée sous un aspect plus grave et plus affligeant. Malgré une prospérité matérielle dont nos annales n’avaient jamais offert d’exemple, des signes de désorganisation et des symptômes d’anarchie se manifestent sur presque tous les points du royaume.

Les causes successives qui ont concouru à affaiblir les ressorts du gouvernement monarchique tendent aujourd’hui à en altérer et à en changer la nature : déchue de sa force morale, l’autorité, soit dans la capitale, soit dans les provinces, ne lutte plus qu’avec désavantage contre les factions ; des doctrines pernicieuses et subversives, hautement professées, se répandent et se propagent dans toutes les classes de la population : des inquiétudes trop généralement accréditées agitent les esprits et tourmentent la société. De toutes parts on demande au présent des gages de sécurité pour l’avenir.

Une malveillance active, ardente, infatigable, travaille à ruiner tous les fondemens de l’ordre et à ravir à la France le bonheur dont elle jouit sous le sceptre de ses rois. Habile à exploiter tous les mécontentemens et à soulever toutes les haines, elle fomente, parmi les peuples, un esprit de défiance et d’hostilité envers le pouvoir, et cherche à semer partout des germes de troubles et de guerre civile.

Et déjà, Sire, des événemens récens ont prouvé que les passions politiques, contenues jusqu’ici dans les sommités de la société, commencent à en pénétrer les profondeurs et à émouvoir les masses populaires. Ils ont prouvé aussi que ces masses ne s’ébranleraient pas toujours sans danger pour ceux-là même qui s’efforcent de les arracher au repos.

Une multitude de faits, recueillis dans le cours des opérations électorales, confirment ces données, et nous offriraient le présage trop certain de nouvelles commotions, s’il n’était au pouvoir de V. M. d’en détourner le malheur.

Partout aussi, si l’on observe avec attention, existe un besoin d’ordre, de force et de permanence, et les agitations qui y semblent le plus contraires n’en sont en réalité que l’expression et le témoignage.

Il faut bien le reconnaître : ces agitations qui ne peuvent s’accroître sans de grands périls, sont presque exclusivement produites et excitées par la liberté de la presse. Une loi sur les élections, non moins féconde en désordres, a sans doute concouru à les entretenir : mais ce serait nier l’évidence que de ne pas voir dans les journaux le principal foyer d’une corruption dont les progrès sont chaque jour plus sensibles, et la première source des calamités qui menacent le royaume.

L’expérience, Sire, parle plus hautement que les théories. Des hommes éclairés sans doute, et dont la bonne foi d’ailleurs n’est pas suspecte, entraînés par l’exemple mal compris d’un peuple voisin, ont pu croire que les avantages de la presse périodique en balanceraient les inconvéniens, et que ses excès se neutraliseraient par des excès contraires. Il n’en a pas été ainsi, l’épreuve est décisive, et la question est maintenant jugée dans la conscience publique.

À toutes les époques, en effet, la presse périodique n’a été, et il est dans sa nature de n’être qu’un instrument de désordre et de sédition.

Que de preuves nombreuses et irrécusables à apporter à l’appui de cette vérité ! C’est par l’action violente et non interrompue de la presse que s’expliquent les variations trop subites, trop fréquentes de notre politique intérieure. Elle n’a pas permis qu’il s’établît en France un système régulier et stable de gouvernement, ni qu’on s’occupât avec quelque suite d’introduire dans toutes les branches de l’administration publique les améliorations dont elles sont susceptibles. Tous les ministères, depuis 1814, quoique formés sous des influences diverses et soumis à des directions opposées, ont été en butte aux mêmes traits, aux mêmes attaques et au même déchaînement des passions. Les sacrifices de tout genre, les concessions de pouvoir, les alliances de parti, rien n’a pu les soustraire à cette commune destinée.

Ce rapprochement seul, si fertile en réflexions, suffirait pour assigner à la presse son véritable, son invariable caractère. Elle s’applique, par des efforts soutenus, persévérans, répétés chaque jour, à relâcher tous les liens d’obéissance et de subordination, à user les ressorts de l’autorité publique, à la rabaisser, à l’avilir dans l’opinion des peuples et à lui créer partout des embarras et des résistances.

Son art consiste, non pas à substituer à une trop facile soumission d’esprit une sage liberté d’examen, mais à réduire en problème les vérités les plus positives ; non pas à provoquer sur les questions politiques une controverse franche et utile, mais à les présenter sous un faux jour et à les résoudre par des sophismes.

La presse a jeté ainsi le désordre dans les intelligences les plus droites, ébranlé les convictions les plus fermes, et produit au milieu de la société une confusion de principes qui se prête aux tentatives les plus funestes. C’est par l’anarchie dans les doctrines qu’elle prélude à l’anarchie dans l’état.

Il est digne de remarque, Sire, que la presse périodique n’a pas même rempli sa plus essentielle condition, celle de la publicité. Ce qui est étrange, mais ce qui est vrai à dire, c’est qu’il n’y a pas de publicité en France, en prenant ce mot dans sa juste et rigoureuse acception. Dans l’état des choses, les faits, quand ils ne sont pas entièrement supposés, ne parviennent à la connaissance de plusieurs millions de lecteurs que tronqués, défigurés, mutilés de la manière la plus odieuse. Un épais nuage, élevé par les journaux, dérobe la vérité et intercepte en quelque sorte la lumière entre le gouvernement et les peuples. Les rois vos prédécesseurs, Sire, ont toujours aimé à se communiquer à leurs sujets : c’est une satisfaction dont la presse n’a pas voulu que V. M. pût jouir.

Une licence qui a franchi toutes les bornes n’a respecté, en effet, même dans les occasions les plus solennelles, ni les volontés expresses du roi, ni les paroles descendues du haut du trône. Les unes ont été méconnues et dénaturées ; les autres ont été l’objet de perfides commentaires ou d’amères dérisions. C’est ainsi que le dernier acte de la puissance royale, la proclamation, a été discrédité dans le public, avant même d’être connu des électeurs.

Ce n’est pas tout. La presse ne tend pas moins qu’à subjuguer la souveraineté et à envahir les pouvoirs de l’état. Organe prétendu de l’opinion publique, elle aspire à diriger les débats des deux chambres, et il est incontestable qu’elle y apporte le poids d’une influence non moins fâcheuse que décisive. Cette domination a pris surtout depuis deux ou trois ans dans la chambre des députés un caractère manifeste d’oppression et de tyrannie. On a vu, dans cet intervalle de temps, les journaux poursuivre de leurs insultes et de leurs outrages les membres dont le vote leur paraissait incertain ou suspect. Trop souvent, Sire, la liberté des délibérations dans cette chambre a succombé sous les coups redoublés de la presse.

On ne peut qualifier en termes moins sévères la conduite des journaux de l’opposition dans des circonstances plus récentes. Après avoir eux-mêmes provoqué une adresse attentatoire aux prérogatives du trône, ils n’ont pas craint d’ériger en principe la réélection des 221 députés dont elle est l’ouvrage. Et cependant Votre Majesté avait repoussé cette adresse comme offensante : elle avait porté un blâme public sur le refus de concours qui y était exprimé : elle avait annoncé sa résolution immuable de défendre les droits de sa couronne si ouvertement compromis. Les feuilles périodiques n’en ont pas tenu compte ; elles ont pris, au contraire, à tâche de renouveler, de perpétuer et d’aggraver l’offense. Votre Majesté décidera si cette attaque téméraire doit rester plus long-temps impunie.

Mais de tous les excès de la presse, le plus grave peut-être nous reste à signaler. Dès les premiers temps de cette expédition dont la gloire jette un éclat si pur et si durable sur la noble couronne de France, la presse en a critiqué avec une violence inouïe les causes, les moyens, les préparatifs, les chances de succès. Insensible à l’honneur national, il n’a pas dépendu d’elle que l’Europe ne restât asservie à un esclavage cruel et à des tributs honteux.

Ce n’était point assez : par une trahison que nos lois auraient pu atteindre, la presse s’est attachée à publier tous les secrets de l’armement, à porter à la connaissance de l’étranger l’état de nos forces, le dénombrement de nos troupes, celui de nos vaisseaux, l’indication des points de station, les moyens à employer pour dompter l’inconstance des vents, et pour aborder la côte. Tout, jusqu’au lieu du débarquement a été divulgué comme pour ménager à l’ennemi une défense plus assurée. Et, chose sans exemple chez un peuple civilisé, la presse, par de fausses alarmes sur les périls à courir, n’a pas craint de jeter le découragement dans l’armée, et signalant à sa haine le chef même de l’entreprise, elle a pour ainsi dire excité les soldats à lever contre lui l’étendard de la révolte ou à déserter leurs drapeaux ! Voilà ce qu’ont osé faire les organes d’un parti qui se prétend national !

Ce qu’il ose faire chaque jour, dans l’intérieur du royaume, ne va pas moins qu’à disperser les élémens de la paix publique, à dissoudre les liens de la société, et, qu’on ne s’y méprenne point, à faire trembler le sol sous nos pas. Ne craignons pas de révéler ici toute l’étendue de nos maux pour pouvoir mieux apprécier toute l’étendue de nos ressources. Une diffamation systématique, organisée en grand, et dirigée avec une persévérance sans égale, va atteindre, ou de près ou de loin, jusqu’au plus humble des agens du pouvoir. Nul de vos sujets, Sire, n’est à l’abri d’un outrage, s’il reçoit de son souverain la moindre marque de confiance ou de satisfaction. Un vaste réseau, étendu sur la France, enveloppe tous les fonctionnaires publics : constitués en état permanent de prévention, ils semblent en quelque sorte retranchés de la société civile ; on n’épargne que ceux dont la fidélité chancelle ; on ne loue que ceux dont la fidélité succombe ; les autres sont notés par la faction pour être plus tard sans doute immolés aux vengeances populaires.

La presse périodique n’a pas mis moins d’ardeur à poursuivre de ses traits envenimés la religion et le prêtre. Elle veut, elle voudra toujours déraciner dans le cœur des peuples jusqu’au dernier germe des sentimens religieux. Sire, ne doutez pas qu’elle n’y parvienne en attaquant les fondemens de la foi, en altérant les sources de la morale publique, et en prodiguant à pleines mains la dérision et le mépris aux ministres des autels.

Nulle force, il faut l’avouer, n’est capable de résister à un dissolvant aussi énergique que la presse. À toutes les époques où elle s’est dégagée de ses entraves, elle a fait irruption, invasion dans l’état. On ne peut qu’être singulièrement frappé de la similitude de ses effets depuis quinze ans, malgré la diversité des circonstances et malgré le changement des hommes qui ont occupé la scène politique. Sa destinée est, en un mot, de recommencer la révolution, dont elle proclame hautement les principes. Placée et replacée à plusieurs intervalles sous le joug de la censure, elle n’a autant de fois ressaisi la liberté que pour reprendre son ouvrage interrompu. Afin de le continuer avec plus de succès, elle a trouvé un actif auxiliaire dans la presse départementale qui, mettant aux prises les jalousies et les haines locales, semant l’effroi dans l’ame des hommes timides, harcelant l’autorité par d’interminables tracasseries, a exercé une influence presque décisive sur les élections.

Ces derniers effets, Sire, sont passagers ; mais des effets plus durables se font remarquer dans les mœurs et dans le caractère de la nation. Une polémique ardente, mensongère et passionnée, école de scandale et de licence, y produit des changemens graves et des altérations profondes ; elle donne une fausse direction aux esprits, les remplit de préventions et de préjugés, les détourne des études sérieuses, nuit ainsi au progrès des arts et des sciences, excite parmi nous une fermentation toujours croissante, entretient, jusque dans le sein des familles, de funestes dissensions, et pourrait par degrés nous ramener à la barbarie.

Contre tant de maux enfantés par la presse périodique, la loi et la justice sont également réduites à confesser leur impuissance.

Il serait superflu de rechercher les causes qui ont atténué la répression, et en ont fait insensiblement une arme inutile dans la main du pouvoir. Il nous suffit d’interroger l’expérience et de constater l’état présent des choses.

Les mœurs judiciaires se prêtent difficilement à une répression efficace. Cette vérité d’observation avait depuis long-temps frappé de bons esprits ; elle a acquis nouvellement un caractère plus marqué d’évidence. Pour satisfaire aux besoins qui l’ont fait instituer, la répression aurait dû être prompte et forte ; elle est restée lente, faible, et à peu près nulle. Lorsqu’elle intervient, le dommage est commis ; loin de le réparer, la punition y ajoute le scandale du débat.

La poursuite juridique se lasse, la presse séditieuse ne se lasse jamais. L’une s’arrête, parce qu’il y a trop à sévir ; l’autre multiplie ses forces en multipliant ses délits.

Dans des circonstances diverses, la poursuite a eu ses périodes d’activité ou de relâchement ; mais, zèle ou tiédeur de la part du ministère public, qu’importe à la presse ! Elle cherche dans le redoublement de ses excès la garantie de leur impunité.

L’insuffisance ou plutôt l’inutilité des précautions établies dans les lois en vigueur, est démontrée par les faits. Ce qui est également démontré par les faits, c’est que la sûreté publique est compromise par la licence de la presse. Il est temps, il est plus que temps d’en arrêter les ravages.

Entendez, Sire, ce cri prolongé d’indignation et d’effroi qui part de tous les points de votre royaume. Les hommes paisibles, les gens de bien, les amis de l’ordre, élèvent vers Votre Majesté des mains suppliantes. Tous lui demandent de les préserver du retour des calamités dont leurs pères ou eux-mêmes eurent tant à gémir. Ces alarmes sont trop réelles pour n’être pas écoutées, ces vœux sont trop légitimes pour n’être pas accueillis.

Il n’est qu’un seul moyen d’y satisfaire, c’est de rentrer dans la Charte. Si les termes de l’article 8 sont ambigus, son esprit est manifeste. Il est certain que la Charte n’a pas concédé la liberté des journaux et des écrits périodiques. Le droit de publier ses opinions personnelles n’implique sûrement pas le droit de publier, par voie d’entreprise, les opinions d’autrui. L’un est l’usage d’une faculté que la loi a pu laisser libre ou soumettre à des restrictions, l’autre est une spéculation d’industrie qui, comme les autres, et plus que les autres, suppose la surveillance de l’autorité publique.

Les intentions de la Charte, à ce sujet, sont exactement expliquées dans la loi du 21 octobre 1814, qui en est en quelque sorte l’appendice : on peut d’autant moins en douter que cette loi fut présentée aux chambre, le 5 juillet, c’est-à-dire un mois après la promulgation de la Charte. En 1819, à l’époque même où un système contraire prévalut dans les chambres, il y fut hautement proclamé que la presse périodique n’était point régie par la disposition de l’article 8. Cette vérité est d’ailleurs attestée par les lois mêmes qui ont imposé aux journaux la condition d’un cautionnement.

Maintenant, Sire, il ne reste plus qu’à se demander comment doit s’opérer ce retour à la Charte et à la loi du 21 octobre 1814. La gravité des conjonctures présentes a résolu cette question.

Il ne faut pas s’abuser. Nous ne sommes plus dans les conditions ordinaires du gouvernement représentatif. Les principes sur lesquels il a été établi, n’ont pu demeurer intacts au milieu des vicissitudes politiques. Une démocratie turbulente, qui a pénétré jusque dans nos lois, tend à se substituer au pouvoir légitime. Elle dispose de la majorité des élections par le moyen de ses journaux et le concours d’affiliations nombreuses. Elle a paralysé, autant qu’il dépendait d’elle, l’exercice régulier de la plus essentielle prérogative de la couronne, celle de dissoudre la chambre élective. Par cela même, la constitution de l’état est ébranlée. Votre Majesté seule conserve la force de la rasseoir et de la raffermir sur ses bases.

Le droit comme le devoir d’en assurer le maintien est l’attribut inséparable de la souveraineté. Nul gouvernement sur la terre ne resterait debout s’il n’avait le droit de pourvoir à sa sûreté. Ce pouvoir est préexistant aux lois, parce qu’il est dans la nature des choses. Ce sont là, Sire, des maximes qui ont pour elles et la sanction du temps et l’aveu de tous les publicistes de l’Europe.

Mais ces maximes ont une autre sanction plus positive encore, celle de la Charte elle-même. L’article 14 a investi Votre Majesté d’un pouvoir suffisant, non sans doute pour changer nos institutions, mais pour les consolider et les rendre plus immuables.

D’impérieuses nécessités ne permettent plus de différer l’exercice de ce pouvoir suprême. Le moment est venu de recourir à des mesures qui rentrent dans l’esprit de la charte, mais qui sont en dehors de l’ordre légal, dont toutes les ressources ont été inutilement épuisées.

Ces mesures, Sire, vos ministres, qui doivent en assurer le succès, n’hésitent pas à vous les proposer, convaincus qu’ils sont que force restera à la justice.

Nous sommes avec le plus profond respect, etc.

Les très-humbles et très-fidèles sujets,
Le président du conseil des ministres,
Prince de Polignac.
Le garde des sceaux de France, ministre de la justice,
Chantelauze.
Le ministre secrétaire d’état de la marine et des colonies,
Baron d’Haussez.
Le ministre secrétaire d’état de l’intérieur,
Comte de Peyronnet.
Le ministre secrétaire d’état des finances,
Montbel.
Le ministre secrétaire d’état des affaires ecclésiastiques et de l’instruction publique,
Comte de Guernon-Ranville.
Le ministre secrétaire d’état des travaux publics,
Baron Capelle.

Comme une conséquence de ce rapport parurent à sa suite les ordonnances qui annonçaient la dissolution de la chambre des députés, la suppression de la liberté de la presse, et le changement des lois électorales.


ordonnances du roi.

Charles, etc.

Sur le rapport de notre conseil des ministres,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. La liberté de la presse périodique est suspendue.

2. Les dispositions des art. 1er, 2 et 9 du titre 1er de la loi du 21 octobre 1814 sont remises en vigueur.

En conséquence, nul journal et écrit périodique ou semi-périodique, établi ou à établir, sans distinction des matières qui y seront traitées, ne pourra paraître, soit à Paris, soit dans les départemens, qu’en vertu de l’autorisation qu’en auront obtenue de nous séparément les auteurs et l’imprimeur.

Cette autorisation devra être renouvelée tous les trois mois.

Elle pourra être révoquée.

3. L’autorisation pourra être provisoirement accordée et provisoirement retirée par les préfets aux journaux et ouvrages périodiques ou semi-périodiques publiés ou à publier dans les départemens.

4. Les journaux et écrits publiés en contravention à l’art. 2 seront immédiatement saisis.

Les presses et caractères qui auront servi à leur impression seront placés dans un dépôt public et sous scellés, ou mis hors de service.

5. Nul écrit au-dessous de vingt feuilles d’impression ne pourra paraître qu’avec l’autorisation de notre ministre secrétaire d’état de l’intérieur à Paris, et des préfets des départemens.

Tout écrit de plus de vingt feuilles d’impression qui ne constituera pas un même corps d’ouvrage sera également soumis à la nécessité de l’autorisation.

Les écrits publiés sans autorisation seront immédiatement saisis.

Les presses et caractères qui auront servi à leur impression seront placés dans un dépôt public et sous scellés, ou mis hors de service.

6. Les mémoires sur procès et les mémoires des sociétés savantes ou littéraires seront soumis à l’autorisation préalable s’ils traitent en tout ou en partie de matières politiques, cas auquel les mesures prescrites par l’art. 5 leur seront applicables.

7. Toute disposition contraire aux présentes restera sans effet.

8. L’exécution de la présente ordonnance aura lieu en conformité de l’art. 4 de l’ordonnance du 27 novembre 1816 et de ce qui est prescrit par celle du 18 janvier 1817.

9. Nos ministres secrétaires d’état sont chargés de l’exécution des présentes.

Donné en notre château de Saint-Cloud, le vingt-cinq de juillet de l’an de grâce mil huit cent trente, et de notre règne le sixième.

Charles
Par le roi :
MM. De Polignac, Chantelauze, d’Haussez, Montbel,
de Guernon-Ranville, Capelle.

Charles, etc.

Vu l’article 50 de la Charte constitutionnelle,

Étant informé des manœuvres qui ont été pratiquées sur plusieurs points de notre royaume, pour tromper et égarer les électeurs pendant les dernières opérations des colléges électoraux,

Notre conseil entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons :

Art. 1er. La chambre des députés des départemens est dissoute.

2. Notre ministre secrétaire d’état de l’intérieur est chargé de l’exécution de la présente ordonnance.

Donné à Saint-Cloud, le 25e jour du mois de juillet 1830, et de notre règne le sixième.

Charles.
Par le roi :
Le ministre secrétaire d’état de l’intérieur,
De Peyronnet.

Charles, etc.

Ayant résolu de prévenir le retour des manœuvres qui ont exercé une influence pernicieuse sur les dernières opérations des colléges électoraux :

Voulant en conséquence réformer, selon les principes de la Charte constitutionnelle, les règles d’élection dont l’expérience a fait sentir les inconvéniens.

Nous avons reconnu la nécessité d’user du droit qui nous appartient, de pourvoir par des actes émanés de nous à la sûreté de l’état et à la répression de toute entreprise attentative à la dignité de notre couronne.

À ces causes,

Notre conseil entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons :

Art. 1er. Conformément aux articles 15, 36 et 30 de la Charte constitutionnelle, la chambre des députés ne se composera que de députés de département ;

2. Le cens électoral et le cens d’éligibilité se composeront exclusivement des sommes pour lesquelles l’électeur et l’éligible seront inscrits personnellement, en qualité de propriétaire ou d’usufruitier, au rôle de l’imposition foncière et de l’imposition personnelle et mobilière.

3. Chaque département aura le nombre de députés qui lui est attribué par l’art. 36 de la Charte constitutionnelle.

4. Les députés seront élus et la Chambre sera renouvelée dans la forme et pour le temps fixé par l’art. 37 de la Charte constitutionnelle.

5. Les colléges électoraux se diviseront en colléges d’arrondissement et colléges de département.

Sont toutefois exceptés les colléges électoraux des départemens auxquels il n’est attribué qu’un seul député.

6. Les colléges électoraux d’arrondissement se composeront de tous les électeurs dont le domicile politique sera établi dans l’arrondissement.

Les colléges électoraux de département se composeront du quart le plus imposé des électeurs du département.

7. La circonscription actuelle des colléges électoraux d’arrondissement est maintenue.

8. Chaque collége électoral d’arrondissement élira un nombre de candidats égal au nombre des députés de département.

9. Le collége d’arrondissement se divisera en autant de sections qu’il devra nommer de candidats.

Cette division s’opérera proportionnellement au nombre des sections et au nombre total des électeurs du collége, en ayant égard, autant qu’il sera possible, aux convenances des localités et du voisinage.

10. Les sections du collége électoral d’arrondissement pourront être assemblées dans des lieux différens.

11. Chaque section du collége électoral d’arrondissement élira un candidat et procédera séparément.

12. Les présidens des sections du collége électoral d’arrondissement seront nommés par les préfets parmi les électeurs de l’arrondissement.

13. Le collége du département élira les députés.

La moitié des députés du département devra être choisie dans la liste générale des candidats proposés par les colléges d’arrondissement.

Néanmoins si le nombre des députés du département est impair, le partage se fera sans réduction du droit réservé au collége du département.

14. Dans les cas où, par l’effet d’omissions, de nominations nulles ou de doubles nominations, la liste de candidats proposés par les colléges d’arrondissement serait incomplète ; si cette liste est réduite au-dessous de la moitié du nombre exigé, le collége de département pourra élire un député de plus hors de la liste ; si la liste est réduite au-dessous du quart, le collége de département pourra élire hors de la liste la totalité des députés du département.

15. Les préfets, les sous-préfets et les officiers généraux commandant les divisions militaires et les départemens ne pourront être élus dans les départemens où ils exercent leurs fonctions.

16. La liste des électeurs sera arrêtée par le préfet en conseil de préfecture. Elle sera affichée cinq jours auparavant la réunion des colléges.

17. Les réclamations sur la faculté de voter auxquelles il n’aura pas été fait droit par les préfets seront jugées par la chambre des députés en même temps qu’elle statuera sur la validité des opérations des colléges.

18. Dans les colléges électoraux du département, les deux électeurs les plus âgés et les deux électeurs les plus imposés rempliront les fonctions de scrutateurs.

La même disposition sera observée dans les sections de collége d’arrondissement, composées de plus de cinquante électeurs.

Dans les autres sections de collége, les fonctions de scrutateur seront remplies par le plus âgé et par le plus imposé des électeurs.

Le secrétaire sera nommé dans le collége des sections de colléges par le président et les scrutateurs.

19. Nul ne sera admis dans le collége ou section de collége s’il n’est inscrit sur la liste des électeurs qui en doivent faire partie. Cette liste sera remise au président, et restera affichée dans le lieu des séances du collége pendant la durée de ses opérations.

20. Toute discussion et toute délibération quelconques seront interdites dans le sein des colléges électoraux.

21. La police du collége appartient au président. Aucune force armée ne pourra, sans sa demande, être placée auprès du lieu des séances. Les commandans militaires seront tenus d’obtempérer à ses réquisitions.

22. Les nominations seront faites dans les colléges et sections de collége, à la majorité absolue des votes exprimés.

Néanmoins, si les nominations ne sont pas terminées après deux tours de scrutin, le bureau arrêtera la liste des personnes qui auront obtenu le plus de suffrages au deuxième tour. Elle contiendra un nombre de noms double de celui des nominations qui resteront à faire. Au troisième tour, les suffrages ne pourront être donnés qu’aux personnes inscrites sur cette liste, et la nomination sera faite à la majorité relative.

23. Les électeurs voteront par bulletins de liste. Chaque bulletin contiendra autant de noms qu’il y aura de nominations à faire.

24. Les électeurs écriront leur vote sur le bureau, ou l’y feront écrire par l’un des scrutateurs.

25. Le nom, la qualification et le domicile de chaque électeur qui déposera son bulletin, seront inscrits par le secrétaire sur une liste destinée à constater le nombre des votans.

26. Chaque scrutin sera ouvert pendant six heures et sera dépouillé séance tenante.

27. Il sera dressé un procès-verbal pour chaque séance. Ce procès verbal sera signé par tous les membres du bureau.

28. Conformément à l’article 46 de la Charte constitutionnelle, aucun amendement ne pourra être fait à une loi, dans la chambre, s’il n’a été proposé ou consenti par nous, et s’il n’a été renvoyé et discuté dans les bureaux.

29. Toutes dispositions contraires à la présente ordonnance resteront sans effet.

30. Nos ministres secrétaires d’état sont chargés de l’exécution de la présente ordonnance.

Donné à Saint-Cloud, le 25e jour du mois de juillet de l’an de grâce mil huit cent trente et de notre règne le sixième.

Charles.
Par le roi :
Le président du conseil des ministres,
Prince de Polignac.
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Chantelauze.
Le ministre de la marine et des colonies,
Baron d’Haussez.
Le ministre de l’intérieur,
Comte de Peyronnet.
Le ministre des finances,
de Montbel.
Le ministre des affaires ecclésiastiques et de l’instruction publique,
Comte de Guernon-Ranville.
Le ministre des travaux publics,
Baron Capelle.



Charles, etc,

Vu l’ordonnance royale en date de ce jour, relative à la réorganisation des colléges électoraux :

Sur le rapport de notre ministre secrétaire d’état au département de l’intérieur,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. Les colléges électoraux se réuniront, savoir, les colléges électoraux d’arrondissement, le 6 septembre prochain, et les colléges électoraux de département, le 18 du même mois.

2. La chambre des pairs et la chambre des députés des départemens sont convoquées pour le 28 du mois de septembre prochain.

Notre ministre secrétaire d’état de l’intérieur est chargé de l’exécution de la présente ordonnance,

Donné au château de Saint-Cloud, le 25e jour du mois de juillet de l’an de grâce 1830 et de notre règne le sixième.

Charles.
Par le roi :
Le ministre secrétaire de l’intérieur,
Comte de Peyronnet.

Charles, etc,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er Le sieur Delaveau, conseiller d’état en service extraordinaire, est nommé conseiller d’état en service ordinaire.

2. Les sieurs comte de Vaublanc, baron Dudon, ministres d’état, marquis de Forbin des Issarts, baron de Freuilly, Franchet Desperey, vicomte de Castelbajac, Syrieys de Mayrinhac, conseillers d’état en service extraordinaire, sont autorisés à assister et à participer aux délibérations de notre conseil d’état.

3. Les sieurs Cornet-d’Incourt, conseiller d’état honoraire, et baron de Villebois, maître des requêtes, sont nommés conseillers d’état en service extraordinaire, avec autorisation d’assister et de participer aux délibérations de notre conseil d’état.

4. Les sieurs de Formon et vicomte de Conny, maître des requêtes, sont nommés conseiller d’état en service extraordinaire avec autorisation d’assister et de participer aux délibérations de notre conseil d’état.

5. Les sieurs vicomte de Curzay, maître des requêtes, préfet du département de la Gironde, et marquis de Villeneuve, préfet du département de la Corrèze, sont nommés conseillers d’état en service extraordinaire.

6. Les sieurs baron de Chaulieu, préfet du département de la Loire, et Méry de Contades, sont nommés maîtres des requêtes en service extraordinaire.

Donné à Saint-Cloud, le 25e jour du mois de juillet de l’an de grâce mil huit cent trente et de notre règne le sixième.

Charles
Par le roi :
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Chantelauze

Charles, etc,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Le sieur Bergasse, ancien député aux états généraux, est nommé conseiller d’état honoraire.

Donné à Saint-Cloud, le 25e jour du mois de juillet de l’an de grâce mil huit cent trente et de notre règne le sixième.

Charles.
Par le roi :
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Chantelauze.

Ces ordonnances furent accompagnées de celle du préfet de police, M. Mangin, portant la date du 30 juillet, affichée dès le 26 sur tous les murs de Paris, et contenant les dispositions suivantes :

Nous préfet de police, etc.

Vu l’ordonnance du roi en date du 25 de ce mois qui remet en vigueur les art. 1, 2 et 9 de la loi du 21 octobre 1814, etc.

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. Tout individu qui distribuera des écrits imprimés où ne se trouvera pas l’indication vraie des noms, profession et demeure de l’auteur et de l’imprimeur, ou qui donnera à lire au public les mêmes écrits, sera conduit chez le commissaire de police du quartier, et les écrits seront saisis.

Art. 2. Tout individu tenant cabinet de lecture, café, etc., qui donnera à lire des journaux ou autres écrits imprimés en contravention à l’ordonnance du roi du 25 de ce mois sur la presse, sera poursuivi comme coupable des délits que ces journaux ou écrits pourraient constituer, et son établissement sera provisoirement fermé.

Art. 3. La présente ordonnance sera imprimée, publiée et affichée.

Art. 4. Le commissaire, chef de la police municipale, les commissaires de police seront chargés de tenir la main à son exécution. Elle sera également adressée à M. le colonel de la ville de Paris, commandant de la gendarmerie royale, pour en assurer l’exécution en ce qui le concerne.

II. — Organisation et progrès de la résistance.

À la suite de ces pièces les journaux libéraux firent paraître la protestation qu’on va lire :

On a souvent annoncé depuis six mois que les lois seraient violées, qu’un coup d’état serait frappé. Le bon sens public se refusait à le croire. Le ministère repoussait cette supposition comme une calomnie. Cependant le Moniteur a publié enfin ces mémorables ordonnances qui sont la plus insultante violation des lois. Le régime légal est donc interrompu ; celui de la force est commencé.

Dans la situation où nous sommes placés, l’obéissance cesse d’être un devoir. Les citoyens appelés les premiers à obéir sont les écrivains des journaux ; ils doivent donner les premiers l’exemple de la résistance à l’autorité, qui s’est dépouillée du caractère de la loi.

Les raisons sur lesquelles ils s’appuient sont telles qu’il suffit de les énoncer.

Les matières que règlent les ordonnances publiées aujourd’hui sont de celles sur lesquelles l’autorité royale ne peut, d’après la Charte, prononcer toute seule. La Charte (art. 8) dit que les Français, en matière de presse, seront tenus de se conformer aux lois ; elle ne dit pas aux ordonnances. La Charte (art. 35) dit que l’organisation des colléges électoraux sera réglée par les lois ; elle ne dit pas par les ordonnances.

La couronne avait elle-même, jusqu’ici, reconnu ces articles ; elle n’avait pas songé à s’armer contre eux, soit d’un prétendu pouvoir constituant, soit du pouvoir faussement attribué à l’article 14.

Toutes les fois en effet que des circonstances prétendues graves lui ont paru exiger une modification, soit au régime de la presse, soit au régime électoral, elle a eu recours aux deux chambres. Lorsqu’il a fallu modifier la Charte pour établir la septennalité et le renouvellement intégral, elle a eu recours, non à elle-même, comme auteur de cette Charte, mais aux chambres.

La royauté a donc reconnu, pratiqué elle-même ces articles 8 et 35, et ne s’est point arrogé à leur égard ni une autorité constituante, ni une autorité dictatoriale qui n’existent nulle part.

Les tribunaux qui ont droit d’interprétation ont solennellement reconnu ces mêmes principes. La cour royale de Paris et plusieurs autres ont condamné les publicateurs de l’association bretonne, comme auteurs d’outrage envers le gouvernement. Elle a considéré comme un outrage la supposition que le gouvernement pût employer l’autorité des ordonnances, là où l’autorité de la loi peut seule être admise.

Ainsi, le texte formel de la Charte, la pratique suivie jusqu’ici par la couronne, les décisions des tribunaux, établissent qu’en matière de presse et d’organisation électorale, les lois, c’est-à-dire le roi et les chambres, peuvent seules statuer.

Aujourd’hui donc le gouvernement a violé la légalité. Nous sommes dispensés d’obéir. Nous essayons de publier nos feuilles, sans demander l’autorisation qui nous est imposée. Nous ferons nos efforts pour qu’aujourd’hui, au moins, elles puissent arriver à toute la France.

Voilà ce que notre devoir de citoyens nous impose, et nous le remplirons.

Nous n’avons pas à tracer ses devoirs à la chambre illégalement dissoute. Mais nous pouvons la supplier, au nom de la France, de s’appuyer sur son droit évident, et de résister autant qu’il sera en elle à la violation des lois. Ce droit est aussi certain que celui sur lequel nous nous appuyons. La Charte dit, art. 50, que le roi peut dissoudre la chambre des députés ; mais il faut pour cela qu’elle ait été réunie, constituée en chambre, qu’elle ait soutenu enfin un système capable de provoquer sa dissolution. Mais, avant la réunion, la constitution de la chambre, il n’y que des élections faites. Or, nulle part la Charte ne dit que le roi peut casser les élections. Les ordonnances publiées aujourd’hui ne font que casser des élections : elles sont donc illégales, car elles font une chose que la Charte n’autorise pas.

Les députés élus, convoqués pour le 3 août, sont donc bien et dûment élus et convoqués. Leur droit est le même aujourd’hui qu’hier. La France les supplie de ne pas l’oublier. Tout ce qu’ils pourront pour faire prévaloir ce droit, ils le doivent.

Le gouvernement a perdu aujourd’hui le caractère de légalité qui commande l’obéissance. Nous lui résistons pour ce qui nous concerne ; c’est à la France à juger jusqu’où doit s’étendre sa propre résistance.

(Cette déclaration a été signée, par les gérans des Journaux constitutionnels.).


Signatures des gérans et rédacteurs actuellement présens à Paris.

Globe. — Leroux, gérant, Ch. Rémusat, L. de Guizard, Benjamin Dejean, J. Barthelemy. — National. — Gauja, gérant, A. Thiers, Carrel, Dubochet, A. Mignet, Chambolle, H. Rolle, Peisse, A. Stapfer. — Constitutionnel. — Évariste Dumoulin, Année, Cauchois, Lemaire. — Courrier. — Châtelain, de Jussieu, Guyet, Prosper Chalus, Moussette, Avenel, Dupont. — Journal du Commerce. — Bert, Larreguy. — Journal de Paris. — Léon-Pillet. — Tribune. — Fabre, Ader. — Révolution. Fazy, Plagnole. — Le Temps. — Coste, A. Billiard, Baud, Hausmann, Balori, Dussard. — Courrier des Électeurs. — Sarrans jeune, gérant.


Cette protestation, la résolution de paraître malgré l’ordonnance, et sans demander l’autorisation qu’elle prescrivait, valurent à tous les journaux qui prirent ces mesures la saisie de leurs presses, par des commissaires de police, escortés de nombreux détachemens. Cependant l’administration du Temps fit tirer à dix-mille exemplaires le numéro qui signalait ces violences, le fit répandre avec profusion dans tous les quartiers de Paris, dans les diligences qui partaient pour les départemens, et le National rendit le compte suivant de la descente faite dans ses bureaux.


descente dans les bureaux du national

Ce matin (27) à neuf heures, la place des Italiens, voisine des bureaux du National, a été occupée par la gendarmerie à pied et à cheval ; la rue Neuve-Saint-Marc et toutes les rues adjacentes ont été parcourues par des patrouilles. À onze heures, deux commissaires de police, appuyés par cette force armée, se sont présentés aux bureaux du National, et ont signifié l’ordre de M. Mangin, en vertu duquel ils venaient saisir les presses du National par suite de notre refus de nous soumettre aux ordonnances du 26.

Nous avons déclaré à MM. Les commissaires que le pouvoir qui les envoyait étant tout-à-fait sorti de la légalité, nous ne devions point obéissance à ce pouvoir ; qu’eux-mêmes, officiers civils établis tels par les lois en vigueur sous la Charte, étaient en rébellion contre la légalité, en se faisant porteurs et exécuteurs d’un mandat attentatoire à la Charte ; que la saisie qui allait s’opérer ne pouvait être considérée par nous que comme le vol de notre propriété, et que ce vol ne serait consommé que par la violation avec effraction de notre domicile ; que, dans l’impossibilité où nous étions d’opposer la force à la force, il ne nous restait qu’à protester contre la violence.

MM. les commissaires Colin, du quartier de la cité, et Béraud, chargé des délégations judiciaires, ayant cru, malgré nos protestations, devoir procéder aux perquisitions et à la saisie, ont pénétré dans nos bureaux, assistés par la gendarmerie et les officiers de paix. Les perquisitions les plus minutieuses pour trouver les exemplaires du numéro de ce matin, qu’on supposait exister chez nous ont été vaines. L’anxiété qui s’est emparée de la population parisienne, et la non-apparition de la plupart des journaux de l’opposition, privés de leurs imprimeurs par l’effet de l’ordonnance, avaient amené de très-grand matin aux portes du National une foule considérable, qui en moins d’une heure, avait absorbé sept mille exemplaires. Notre tirage était épuisé, et le zèle de nos imprimeurs, accablés de fatigue depuis deux jours, ne pouvait plus suffire aux demandes.

MM. les commissaires, sur notre refus d’ouvrir les portes du lieu où sont établies nos presses, ont dû recourir à l’effraction. La porte a été enfoncée. On n’a point enlevé nos presses, mais on les a fait démonter ; on a fait emporter les pièces les plus importantes du mécanisme, et ainsi, aux termes de l’ordonnance du roi, elles ont été mises hors d’état de service ; car c’est le même résultat. Ce que l’on ne peut pas emporter, on le détruit, on le brise ; il n’y a plus de garantie pour la propriété des citoyens.

Après leur exécution, MM. les commissaires se sont retirés en nous exprimant le regret de ne pas nous avoir trouvés plus disposés à l’obéissance. Comme il est impossible que de telles violences demeurent impunies, et que les officiers civils qui se prêtent à leur exécution n’aient pas un jour à rendre de leur conduite le compte le plus grave, nous croyons de notre loyauté de dire, prévoyant déjà le moment où la justice, et justice sévère, sera rendue, que MM. les commissaires Colin et Béraud ont adouci, autant qu’il a été en eux, par les formes, l’odieux de la criante mission qu’ils sont venus remplir. Mais le crime n’en est pas moins commis, les lois ne sont pas moins violées ; et, si l’on ne s’est pas porté contre nous à des extrémités sanglantes, si nous n’avons pas été assassinés en plein jour par des soldats chez nous, dans le lieu où nous nous livrions, sous la protection des lois, à l’examen des actes du pouvoir et à la défense des droits du pays, ce est pas parce que MM. les commissaires ont été polis, c’est que nous avons cru que notre devoir, comme citoyens et comme écrivains, devait se borner au refus d’obéissance. Les refus d’obéissance sans voies de fait suffiront, nous l’espérons encore, à sauver nos libertés. Nous étions placés à l’avant-garde ; nous avons fait pour notre part ce que nous n’avions cessé de conseiller au pays en cas de suspension de la légalité. Que le refus d’obéissance descende maintenant jusqu’au dernier des contribuables, et cet échafaudage monstrueux tombera. Nous avons sacrifié notre propriété comme écrivains, nous sommes prêts à la sacrifier comme contribuables.


III. — Établissement d’un gouvernement provisoire.

Cependant le 28 les députés présents à Paris se réunirent chez M. Lafitte, qui prit la parole pour exposer la situation de la capitale.

Déjà le général Lafayette avait été proclamé commandant de la garde nationale par le cri universel des citoyens, et cette nomination fut confirmée par les députés qui créèrent en même temps une commission constitutionnelle et municipale composée de MM. Lafitte, Casimir-Périer, le comte Gérard, le comte Lobau, Odier et le duc de Choiseul.[1]

Le général Gérard ayant été préposé au commandement de la force armée, sous le général Lafayette, fut remplacé par M. de Schonen, député de Paris.

Les députés, dans cette séance, rédigèrent la protestation suivante :

Les soussignés, régulièrement élus à la députation par les colléges des départemens ci-dessus nommés, en vertu de l’ordonnance royale du… et conformément à la Charte constitutionnelle et aux lois sur les élections des… et se trouvant actuellement à Paris ;

Se regardent comme absolument obligés, par leurs devoirs envers la France, de protester contre les mesures que les conseillers de la couronne ont fait naguères prévaloir pour le renversement du système légal des élections et la ruine de la liberté de la presse.

Lesdites mesures, contenues dans les ordonnances du 26, sont, aux yeux des soussignés, directement contraires aux droits constitutionnels de la chambre des pairs, aux droits publics des Français, aux attributions et aux arrêts des tribunaux, et propres à jeter l’état dans une confusion qui compromet également la paix du présent et la sécurité de l’avenir.

En conséquence, les soussignés, inviolablement fidèles à leur serment, protestent, d’un commun accord, non-seulement contre lesdites mesures, mais contre tous les actes qui en pourraient être la conséquence.

Et attendu, d’une part, que la chambre des députés n’ayant pas été constituée, n’a pu être légalement dissoute ; d’autre part, que la tentative de former une autre chambre des députés, d’après un mode nouveau et arbitraire, est en contradiction formelle avec la Charte constitutionnelle et les droits acquis des électeurs ; les soussignés déclarent qu’ils se considèrent toujours comme légalement élus à la députation par les colléges d’arrondissement et de département dont ils ont obtenu les suffrages, et comme ne pouvant être remplacés qu’en vertu d’élections faites selon les principes et les formes voulues par les lois.

Et si les soussignés n’exercent pas effectivement tous les droits, et ne s’acquittent pas de tous les droits qu’ils tiennent de leur élection légale, c’est qu’ils en sont empêchés par une violence matérielle.

MM. Labbey de Pompières, Sébastiani, Méchin, Casimir-Périer, Guizot, Audry de Puyraveau, André Gallot, Gaëtan de Larochefoucauld, Mauguin, Bernard, Voisin de Gartempe, Froidefond de Bellisle, Villemain, Firmin Didot, Daunou, Persil, Villemot, Delariboissière, comte de Bondy, Duris-Dufresne, Girod de l’Ain, Laisné de Villevêque, Benjamin Delessert, Marchal, Nau de Champlouis, comte de Lobeau, baron Louis, Millaux, comte d’Estourmel, comte Montguyon, Bailliot, Levaillant, Tronchon, Gérard (le général), Lafitte (J.), Gartias, Dugas Montbel, Camille Périer, Vassal, Alexandre Delaborde, Jacques Lefebvre, Matthieu Dumas, Eusèbe Salverte, Hernoux, Chardel, Bavoux, Charles Dupin, Hely d’Oissel, Eugène d’Harcourt, général Lafayette, Georges Lafayette, Jouvencel, Bertin de Vaux, comte de Lameth, Bérard, Duchaffault, Auguste Saint-Aignan, Kératry, Ternaux, Odier, de Schonen, Dupin aîné, le colonel Paixhans.


Le général avait déjà annoncé par un ordre du jour (29 juillet) adressé à la population parisienne qu’il répondait à la confiance dont il était l’objet.

ordre officiel.
Mes chers concitoyens et braves camarades,

La confiance du peuple de Paris m’appelle encore une fois au commandement de sa force publique. J’ai accepté avec dévoûment et avec joie les devoirs qui me sont confiés, et, de même qu’en 1789, je me sens fort de l’approbation de mes honorables collègues aujourd’hui réunis à Paris. Je ne ferai point de profession de foi : mes sentimens sont connus. La conduite de la population parisienne, dans ces derniers jours d’épreuve, me rend plus que jamais fier d’être à sa tête. La liberté triomphera, ou nous périrons ensemble.

Vive la liberté ! Vive la patrie !

Lafayette.

Le 31, le duc d’Orléans, nommé d’un commun accord aux fonctions de lieutenant-général du royaume, la chambre des députés, la commission municipale, et le général Lafayette, firent paraître simultanément les proclamations suivantes :

proclamation du duc d’orléans.
Habitans de Paris,

Les députés de la France, en ce moment réunis à Paris, m’ont exprimé le désir que je me rendisse dans cette capitale pour y exercer les fonctions de lieutenant-général du royaume.

Je n’ai pas balancé à venir partager vos dangers, à me placer au milieu de votre héroïque population, et à faire tous mes efforts pour vous préserver des calamités de la guerre civile et de l’anarchie.

En rentrant dans la ville de Paris, je portais avec orgueil les couleurs glorieuses que vous avez reprises, et que j’avais moi-même long-temps portées.

Les chambres vont se réunir, et aviseront aux moyens d’assurer le règne des lois et le maintien des droits de la nation.

Une charte sera désormais une vérité.

Louis-Philippe d’Orléans.

proclamation des députés.
Français !

La France est libre. Le pouvoir absolu levait son drapeau ; l’héroïque population de Paris l’a abattu. Paris attaqué a fait triompher par les armes la cause sacrée qui venait de triompher en vain dans les élections. Un pouvoir usurpateur de nos droits, perturbateur de notre repos, menaçait à la fois la liberté et l’ordre ; nous rentrons en possession de l’ordre et de la liberté. Plus de crainte pour les droits acquis ; plus de barrière entre nous et les droits qui nous manquent encore.

Un gouvernement qui, sans délai, nous garantisse ces biens, est aujourd’hui le premier besoin de la patrie. Français, ceux de vos députés qui se trouvent déjà à Paris, se sont réunis, et en attendant l’intervention régulière des chambres, ils ont invité un Français, qui n’a jamais combattu que pour la France, M. le duc d’Orléans, à exercer les fonctions de lieutenant-général du royaume. C’est à leurs yeux le plus sûr moyen d’accomplir promptement par la paix le succès de la plus légitime défense.

Le duc d’Orléans est dévoué à la cause nationale et constitutionnelle. Il en a toujours défendu les intérêts et professé les principes. Il respectera nos droits, car il tiendra de nous les siens. Nous assurerons par des lois toutes les garanties nécessaires pour rendre la liberté forte et durable.

Le rétablissement de la garde nationale, avec l’intervention des gardes nationaux dans le choix des officiers.

L’intervention des citoyens dans la formation des administrations départementales et municipales.

Le jury pour les délits de la presse ; la responsabilité légalement organisée des ministres et des agens secondaires de l’administration.

L’état des militaires légalement assuré.

La réélection des députés promus à des fonctions publiques.

Nous donnerons enfin à nos institutions, de concert avec le chef de l’état, les développemens dont elles ont besoin.

Français, le duc d’Orléans lui-même a déjà parlé, et son langage est celui qui convient à un pays libre : « Les Chambres vont se réunir, vous dit-il : elles aviseront aux moyens d’assurer le règne des lois et le maintien des droits de la Nation.

» Une Charte sera désormais une vérité. »

Étaient présens les députés dont les noms suivent :

Milleret (Moselle), Delaborde (Seine), Béraud (Allier), Tribert (Deux-Sèvres), Benjamin-Constant (Bas-Rhin), Benjamin Delessert, (Maine-et-Loire) Firmin Didot (Eure-et-Loir), Hennessy (Charente), le général Tirlet (Marne), Augustin Périer (Isère), Dugas Montbel (Rhône), Keratry (Vendée), Laisné de Villevêque (Loiret), Ternaux (Haute-Vienne), Bernard (Ille-et-Vilaine), Bailliot (Seine-et-Marne), Lévêque de Pouilly (Aisne), Agier (Deux-Sèvres), de Larochefoucauld (Cher), Alexandre de Larochefoucauld (Oise), Lepelletier d’Aulnay (Nièvre), Hely d’Oissel (Seine-Inférieure), de Montguyon (Oise), Auguste de Saint-Aignan (Loire-Inférieure), Duchaffaut (Vendée), Human (Haut-Rhin), Odier (Seine), Sébastiani (Aisne), Girod de l’Ain (Indre-et-Loire), Jars (Rhône), Paixhans (Moselle), Duvergier de Hauranne (Seine-Inférieure), Camille Périer (Sarthe), Méchin (Aisne), Nau de Champlouis (Vosges), Jouvencel (Seine-et-Oise), Dupin aîné (Nièvre), Caumartin (Somme), Morin (Drôme), Moreau (Meuse), Lapommeraie (Calvados), Dumeylet (Eure), Eugène d’Harcourt (Seine-et-Marne), Viennet (Hérault), Jobert Lucas (Marne), Vatismesnil (Nord), Cormenin (Loiret), Lefebvre (Seine), Le Carlier (Aisne), de Bondy (Indre), Louis Bazile (Côte d’Or), d’Arroz (Meuse), Villemain (Eure), baron Dupin (Seine), Persil (Gers), Etienne (Meuse), Bessières (Dordogne), Bouchette (Moselle), Mathieu Dumas (Seine), César Bacot (Indre-et-Loire), de Drée (Saône-et-Loire), Salverte (Seine), Cunin Gridaine (Ardennes), Jacqueminot (Vosges), Vassal (Seine), Dupont de l’Eure (Eure), Corcelles (Seine), Jacques Lafitte (Basses-Pyrénées), Tronchon (Oise), Daunou (Finistère), Martin Lafitte (Seine-Inférieure), André Gallot (Charente-Inférieure), Audry Puyraveau (Charente-Inférieure), Bignon (Eure), Duris Dufresne (Indre), Charles Lameth (Seine-et-Oise), Koechlin (Haut-Rhin), Labbey de Pompières (Aisne), Alexandre Périer (Loiret), Martin de Rouen (Seine-Inférieure), Legendre (Eure), Préval-Leygonie (Dordogne), Louis Blaise (Ille-et-Vilaine), Périn (Dordogne), Bérard (Seine-et-Oise), Garcias (Pyrénées-Orientales), Moreau Deminuy (Meuse), Pavée de Vandœuvre (Aube), Podenas (Aude), Galtier (Eure), Agier Bouchotte (Moselle).


commission municipale de paris.

Habitans de Paris,

Charles X a cessé de régner sur la France ! Ne pouvant oublier l’origine de son autorité, il s’est toujours considéré comme l’ennemi de notre patrie et de ses libertés qu’il ne pouvait comprendre. Après avoir sourdement attaqué nos institutions par tout ce que l’hypocrisie et la fraude lui prêtaient de moyens, lorsqu’il s’est cru assez fort pour les détruire ouvertement, il avait résolu de les noyer dans le sang des Français : grâce à votre héroïsme, les crimes de son pouvoir sont finis.

Quelques instans ont suffi pour anéantir ce gouvernement corrompu, qui n’avait été qu’une conspiration permanente contre la liberté et la prospérité de la France. La nation seule est debout, parée de ces couleurs nationales qu’elle a conquises aux prix de son sang ; elle veut un gouvernement et des lois dignes d’elle.

Quel peuple au monde mérita mieux la liberté ! Dans le combat vous avez été des héros ; la victoire a fait connaître en vous ces sentimens de modération et d’humanité qui attestent à un si haut degré les progrès de nos civilisation ; vainqueurs et livrés à vous-mêmes, sans police et sans magistrats, vos vertus ont tenu lieu de toute organisation ; jamais les droits de chacun n’ont été plus régulièrement respectés.

Habitans de Paris, nous sommes fiers d’être vos frères : en acceptant des circonstances un mandat grave et difficile, votre commission municipale a voulu s’associer à votre dévoûment et à vos efforts ; ses membres éprouvent le besoin de vous exprimer l’admiration et la reconnaissance de la patrie.

Leurs sentimens, leurs principes sont les vôtres : au lieu d’un pouvoir imposé par les armes étrangères, vous aurez un gouvernement qui vous devra son origine. Les vertus sont dans toutes les classes ; toutes les classes ont les mêmes droits ; ces droits sont assurés.

Vive la France ! Vive le peuple de Paris ! Vive la liberté !
Lorau, Audry de Puiraveau, Mauguin, De Schonen,
Pour ampliation :
Le secrétaire de la commission municipale,
Odillon-Barrot.
aux citoyens de paris.
Paris, le 31 juillet.

La réunion des députés actuellement à Paris vient de communiquer au général en chef la résolution qui, dans l’urgence des circonstances, a nommé M. Le duc d’Orléans lieutenant-général du royaume. Dans trois jours, la chambre sera en séance régulière, conformément au mandat de ses commettans, pour s’occuper de ses devoirs patriotiques, rendus plus importans et plus étendus encore par le glorieux événement qui vient de faire rentrer le peuple français dans la plénitude de ses imprescriptibles droits. Honneur à la population parisienne !

C’est alors que les représentans des colléges électoraux, honorés de l’assentiment de la France entière, sauront assurer à la patrie, préalablement aux considérations et aux formes secondaires de gouvernement, toutes les garanties de liberté, d’égalité et d’ordre public que réclament la nature souveraine de nos droits et la ferme volonté du peuple français.

Déjà sous le gouvernement d’origine et d’influences étrangères qui vient de cesser, grâce à l’héroïque, rapide et populaire effort d’une juste résistance à l’agression contre-révolutionnaire, il était reconnu que dans la session actuelle les demandes du rétablissement d’administrations électives, communales et départementales, la formation des gardes nationales de France sur les bases de la loi de 91, l’extension de l’application du jury, les questions relatives à la loi électorale, la liberté de l’enseignement, la responsabilité des agens du pouvoir, et le mode nécessaire pour réaliser cette responsabilité, devaient être des objets de discussions législatives préalables à tout vote de subsides ; à combien plus forte raison ces garanties et toutes celles que la liberté et l’égalité peuvent réclamer, doivent-elles précéder la concession des pouvoirs définitifs que la France jugerait à propos de conférer. En attendant, elle sait que le lieutenant-général du royaume, appelé par la chambre, fut un des jeunes patriotes de 89, un des premiers généraux qui firent triompher le drapeau tricolore. Liberté, égalité et ordre public fut toujours ma devise : Je lui serai fidèle.

Lafayette.



  1. Il y avait erreur. Voici la lettre écrite à ce sujet par M. le duc de Choiseul.

    À Messieurs les habitans de la ville de Paris.

    « Messieurs,

    » Une proclamation signée des généraux Lafayette, Gérard et le duc de Choiseul, sous le titre de membres du gouvernement provisoire, et ayant accepté cette fonction, fut affichée le 28 juillet et jours suivans sur tous les murs de Paris

    » Le résultat était alors incertain ; la lutte commençait, un danger imminent existait pour les signataires, dans le cas où l’armée royale eût triomphé, notre supplice eût suivi la victoire.

    » Mon nom avait sans doute paru utile ; mon aveu ne me fut pas même demandé. Je n’étais rien, je ne commandais rien ; le seul péril était pour moi ; je gardai le silence : j’aurais cru être un lâche de dire la vérité, puisqu’il ne s’agissait que de ma tête, et je me félicitai de ce que la bienveillance dont la garde parisienne et mes concitoyens m’honorent avait pu paraître de quelque utilité.

    » Maintenant que la victoire n’est plus incertaine, il est de ma conscience de déclarer que jamais je n’ai fait partie du gouvernement provisoire, que jamais la proposition ne m’en fut faite. J’ai accepté en silence tous les dangers à l’heure du combat, je dois hommage à la vérité à l’heure de la victoire.

    » Le duc de Choiseul.

    Pair de France, ancien colonel de la première légion, et ex-major de la garde nationale parisienne.

    » Paris, ce 1er août 1830.