La Tradition de poésie scientifique/I
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LA TRADITION
DE
POÉSIE-SCIENTIFIQUE
I
L’Étude qu’on va lire était écrite, en premier état, un temps avant la Guerre… Je l’ai reprise et revue et la donne maintenant, — maintenant qu’au-dessus de l’horizontale épaisseur amassée de l’odeur du sang et de la poussière des ruines, nous osons lever et délivrer notre respiration, et son égal rythme.
J’avais su cependant, que la catastrophe sous laquelle nous sommes demeurés silencieux avec pudeur, allait se précipitant d’année en année au nœud qui éclaterait, des résultantes : parce que cette Poésie, mon vouloir et ma vie, en partant de la Science et en opérant spirituellement, en re-création consciente et émue du monde, une Synthèse, — a droit aux anticipations et se redoue du don de vaticination, qui n’est que le terme de déductions et soudaineté d’éclair d’intuitions… Je terminais alors, vingt années avant le soir du tocsin ! les livres de partie moderne de mon Œuvre où nous avons donné mission nouvelle à la Poésie, de saisir en son poème les visions et l’émotion du monde trépidant des Activités mécaniques et chimiques mettant à leur service la science, irrespectée et dont seul vaut l’utilitarisme. Livres qui avaient évoqué la vie industrialisée et assidue à une surproduction créatrice de la misère inassouvie des Besoins, — qui, de cette intensité de vitesses mécaniques attirant de vertige les âmes, avaient dit le retentissement désagrégeant parmi les provinces et leurs villes monotones et malignes, et leurs villages se dépeuplant vers les grandes Villes de gain et d’usures morales et corporelles, — qui avaient dit l’Or et les Banques, d’où, sous des puissances occultes mêlées aux pouvoirs d’État, une sorte nouvelle de servage… Il m’était apparu que cette phase industrialisée massant toutes énergies et détaillant les intelligences en la mécanique division d’un travail sans amour, n’était point un « progrès », mais une déviation, par pléthore d’un organisme hors nature : de ce que l’intellectualité d’Occident, le sens moral et le sens secret par quoi l’homme se sent occultement uni à l’univers qui scande sa vie, n’ont point progressé en rapport de l’expansion matérielle, devenue anormale… Le dernier livre négateur, alors, en les deux mille vers de son Ouverture, prévit les causes complexes et suggéra l’horreur déséquilibrée et démente de l’Europe, et du monde : la longue Guerre, et les Révolutions vers son terme et à la suite. Exactement vingt années avant le soir de deuil…
Depuis que la stupeur déserte du monde se contemple, et suppute inconsciemment à quel stade de l’évolution l’a placé son concept du « progrès » ! une émotion nouvelle tente de naître en l’Intellectualité non asservie, et l’on peut dire internationalement. En même temps que l’instinct de la Vie — simplement — de manière incohérente ameute les peuples devant le mensonge d’un progrès qui, vaincu même en sa science de tuer, a encore mesuré son impuissance et sa détresse suprême à mesure de la disette et de l’épidémie quasi mondiales : l’Intellectualité créatrice, ainsi qu’étonnée d’elle-même, tend à se sentir des droits, — droits de vie de la Pensée, et peut-être sur les directions d’ordre moral et matériel à apporter nouvellement.
Je prends acte, en même temps que mes responsabilités pour hier et pour demain, qu’aux développements de ses principes, la « Poésie-scientifique » a imposé à la Poésie — que nous voulons en puissance de toute intellectualité — le devoir de mériter le droit d’apporter les divinations de la Pensée lourde de vérités et d’émotions universelles, et de proposer en un avenir les lois gardiennes de la Vie, seule entité sacrée, et ses rites reliant les hommes en une volonté-une vers les vertus qu’elle exige pour son évolution harmonieuse. Tout homme étant à sa place,
« et que lui soit sa loi
la place qu’il détienne selon que son être
tienne de lois de l’Univers, et s’en unisse ! »
- ↑ L’Ordre altruiste. (Livre IV de Dire du Mieux).