La Vache tachetée (recueil)/Note des éditeurs

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La Vache tachetéeFlammarion (p. v-viii).


NOTE DES ÉDITEURS


Nous souhaitons répondre ici, aussi brièvement que possible, à quelques critiques qui ont été formulées, à propos de la publication du premier volume des Œuvres inédites d’Octave Mirbeau.

Il semble, d’abord, que d’aucuns se soient mépris sur le sens du mot inédites ; pour avoir droit au qualificatif d’inédites il n’est pas indispensable que des œuvres aient été conservées en manuscrit par un écrivain ; elles peuvent avoir été publiées par lui, de son vivant, dans des journaux ou dans des revues ; il suffit qu’elles n’aient jamais été réunies en volume — éditées.

C’est ce qui s’est passé pour Octave Mirbeau.

Il n’est pas nécessaire, n’est-ce pas, de rappeler qu’Octave Mirbeau a été un journaliste littéraire de grande fécondité ? En 1880, déjà, il collaborait au Figaro et au Gaulois ; en 1910 il donnait, encore, des articles (notamment à Paris-Journal) ; de 1892 à 1902 il fut un des écrivains hebdomadaires de l’Écho de Paris puis du Journal.

Il a, de ce seul fait, laissé une production considérable, qu’il souhaitait voir paraître un jour en librairie (il nous l’a dit expressément), et que la vie ne lui avait pas laissé le temps de réunir pour sa publication en volumes.

On nous a fait un autre grief.

On nous a reproché de n’avoir pas établi une édition critique de ces Œuvres inédites.

On s’est appuyé sur cette affirmation, à notre sens gratuite, que « toute édition d’œuvres posthumes doit être une édition critique ».

Nombreuses sont les réponses que nous pourrions faire à cette sorte d’objection.

En voici, seulement, quelques-unes :

1o il n’y a pas si longtemps qu’Octave Mirbeau n’est plus des nôtres pour que le moment nous semble être déjà venu de consacrer nos soins à une édition de ce genre ;

2o si ces recueils de contes avaient paru un mois avant la mort d’Octave Mirbeau, personne — du fait qu’ils n’eussent pas été œuvres posthumes — n’eût songé à demander dans quels journaux ni à quelles dates ces contes avaient été publiés pour la première fois ; on ne les aurait pas moins appréciés ;

3o des posthumes de Verlaine et de Laforgue — pour ne citer que ces deux noms — ont été publiés sans dates ni références ; il n’apparaît pas que la mémoire de leurs auteurs en ait souffert ; au contraire ;

4o nous avouons préférer les Premières Méditations toutes nues, que suivies des Commentaires dont Lamartine a cru devoir les alourdir ; il est évident qu’il s’est chargé lui-même de les commenter ; pour nous, nous nous refusons à accomplir cette besogne pour le compte de Mirbeau ;

5o nous estimons — et c’est là notre réponse principale au reproche qui nous a été adressé, celle qui aurait pu, peut-être, nous dispenser d’en formuler aucune autre — nous estimons qu’il est indispensable de faire une distinction essentielle entre les « Contes » et les « Chroniques ».

Les contes, œuvres d’imagination, se situent d’eux-mêmes, tant par leur inspiration que par leur forme, à l’époque où ils furent conçus et écrits. Même lorsqu’ils contiennent des allusions précises à des faits naguère contemporains (allusions qui font défaut dans la Maison Tellier ou dans Un cœur simple, nouvelles dont le grand public ne s’inquiète pas de savoir à quelles dates précises elles ont été écrites) ils restent, avant tout, des œuvres dont il importe peu qu’elles aient paru pour la première fois au cours d’une période littéraire déterminée, dans tel journal, tel mois de telle année.

Il en va différemment des chroniques et pamphlets. Paul-Louis Courier ne pouvait pas ne point dater (Veretz, 16 juillet 1822) sa Pétition à la Chambre des députés pour des villageois que l’on empêche de danser.

Les chroniques et pamphlets de Mirbeau — et dès avant la publication du premier volume de cette série nous avions résolu de le faire — porteront la date du numéro du journal ou de la revue (ainsi que le titre de celle-ci ou de celui-là) où ils ont paru pour la première fois[1].

Puisque nous nous sommes déjà cru dans la nécessité d’ajouter cette Note en tête de ce volume, complétons-la par quelques mots.

À l’exception de Un gentilhomme, roman inachevé, nous ne donnerons pas, dans cette série de volumes, le moindre morceau du plus petit manuscrit d’Octave Mirbeau.

Tout a été, par lui-même, publié de son vivant.

Nous n’affirmerons point, pourtant, qu’à ces œuvres inédites nous n’ayons pas changé une virgule : la ponctuation est, parfois, défectueuse dans les journaux. Et nous avouons que, de temps à autre, notre initiative a été jusqu’à remplacer un point d’interrogation par un point d’exclamation, et vice versa.

On pourra, de reste, s’en assurer, en allant consulter les diverses collections — de 1880 à 1910 — du Gaulois, du Figaro, de l’Écho de Paris, de Gil Blas, du Journal et de Paris-Journal, sans parler de certains autres journaux d’importance littéraire moindre.



  1. Bien entendu nous n’estimons pas que les contes d’Octave Mirbeau auraient subi une diminution de valeur littéraire du seul fait que la première date où ils ont été publiés aurait été indiquée. Il nous a paru tout simplement inutile de le faire à propos d’une édition destinée au grand public.