La Vie de Jésus (Taxil)/Chapitre II

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P. Fort (p. 11-12).

CHAPITRE II

LE PRÉCURSEUR

Son service terminé, Zacharie s’en retourna bien vite à Youttah. Peu après, le ventre de madame la curée se mit à ballonner ; cela fit marcher toutes les langues de la commune, excepté celle du mari, laquelle ne fonctionnait plus du tout. Et non seulement il était muet, l’infortuné Zacharie, mais encore il était devenu sourd, bien que cela n’eût pas été tout d’abord dans le programme.

Toutefois, quoique sourd, il comprit très bien que l’on se moquait de la position si brusquement intéressante de madame Élisabeth. Aussi, pendant les cinq derniers mois de sa grossesse, la fit-il cacher. « Rien de plus naturel que cette retraite, disent les théologiens catholiques ; il convenait de soustraire aux regards et à la malignité des hommes ce qu’avait de merveilleux cette conception inespérée. » Rien, en effet, n’était plus merveilleux.

Au moment voulu, Élisabeth mit au monde un beau bébé que la sage-femme déclara être du sexe masculin. La prophétie de l’ange se réalisait ; mais cette coquine de prophétie ne se réalisa pas tout entière. À ce moment, l’événement annoncé par Gabriel était accompli, et Zacharie, selon la promesse du messager céleste, aurait dû se remettre à parler. Pas du tout, il demeura sourd et muet comme devant. Le père bon Dieu tenait à ce que la guérison de son prêtre s’accomplit en public ; à quoi bon faire des miracles en petit comité ?

Zacharie était donc sourd-muet plus que jamais, et il le resta jusqu’au jour de la cérémonie religieuse publique qui suivait chez les Juifs la naissance de tout enfant. Cette cérémonie était celle de la circoncision. Huit jours après que le petit Jean — c’était le nom qui avait été imposé par l’ange — eut fait son apparition sur cette terre, on le porta au Temple, et là on pratiqua sur lui l’opération chirurgicale qui est le baptême des israélites et des musulmans.

Soudain, Zacharie poussa un cri.

— Ah !… ah !… ah !… Ça y est !… Mes amis, je puis parler !… je parle !…

Et, pour rattraper le temps perdu pendant ses neuf mois de mutisme, il se mit, séance tenante, à débiter un long cantique de sa composition, dans lequel il célébrait la gloire de Jéhovah-Sabaoth.

Par exemple, il faut le lire, ce cantique de révélations ; il mérite d’être lu, allez. On le trouve tout au long dans l’Évangile. En voici le début :

« Béni soit le Seigneur, s’écria Zacharie dès qu’il eut la langue déliée, béni soit le Dieu d’Israël, parce qu’il a regardé et qu’il va délivrer son peuple.

« Dans la famille de David, dans ma famille, le Seigneur a fait pousser une corne, et cette corne sera notre salut…, etc. »

C’est textuel ; je n’invente rien. Mais ne plaignons pas Zacharie, puisqu’il se réjouissait si fort de sa corne.

Le petit Jean fut élevé par sa mère et par Zacharie avec un soin tout particulier ; seulement, détail curieux à noter, le gamin s’échappait le plus souvent qu’il pouvait de la maison paternelle et allait faire l’école buissonnière dans les environs. Là, il parlait tout seul pendant des heures entières.

Décidément, on le voit, Jean était le précurseur du Messie qu’attendaient les populations juives.

Quand et comment allait naître ce Messie ?

C’est ce que nous allons voir sans plus tarder.