Aller au contenu

La Vie du Bouddha (Herold)/Partie III/Chapitre 18

La bibliothèque libre.
L’Édition d’art (p. 256-259).



XVIII


On n’était pas dans la saison où les arbres fleurissent, et pourtant aux deux arbres qui abritaient le Maître il y avait des fleurs. Les fleurs pures tombaient sur le lit avec douceur, et, du ciel, descendaient lentement des chants tranquilles.

Le Maître dit au pieux Ananda :

« Vois : nous ne sommes pas dans la saison des fleurs, et ces arbres pourtant se sont couverts de fleurs, et sur moi pleuvent les fleurs pures. Écoute l’air : il est joyeux des chants qu’au ciel chantent les Dieux heureux en l’honneur du Bouddha. Mais au Bouddha revient un honneur plus durable : moines, nonnes, croyants, croyantes, tous ceux qui voient la Vérité, tous ceux qui vivent dans la loi, tous ceux-là font l’honneur suprême du Bouddha. Il faut donc, Ananda, vivre ; selon la loi, et, jusque dans les moindres actes de la vie, suivre le pur chemin des saintes vérités. »

Ananda pleurait : il voulut cacher ses larmes, il s’éloigna.

« Ah, pensait-il, que de fautes ne me sont pas remises ! Que de fautes je suis prêt à commettre encore ! Je suis loin du but sacré et celui qui avait pitié de moi, le Maître, va entrer dans le nirvâna. »

Mais le Maître le rappela et lui dit :

« Ne va pas gémir, Ananda, ne va pas te désespérer. Souviens-toi de mes paroles : il n’est rien de ce qui charme, il n’est rien de ce qu’on aime dont il ne faille un jour se séparer. Comment ce qui est né ne serait-il pas périssable ? Comment ce qui est né ne serait-il pas instable ? Comment ce qui est né, comment ce qui est créé ne passerait-il pas ? Tu m’as longtemps honoré, Ananda ; tu as été, pour moi, un tendre ami ; ton amitié fut joyeuse, et tu lui fus toujours fidèle en pensées, en paroles et en actes. Tu as fait le bien, Ananda, persévère dans la bonne route, et tes fautes anciennes te seront remises. »

La nuit monta. Ceux de Kouçinagara avaient appris que le Maître était couché sous deux arbres jumeaux, et ils venaient en foule lui rendre hommage. Un vieil ascète, Soubhadra, parut, s’inclina et confessa qu’il croyait au Bouddha, à la loi et à la communauté ; et Soubhadra fut le dernier parmi les fidèles qui eurent la joie de voir le Maître face à face.

La nuit était belle. Ananda était assis auprès du Maître. Le Maître dit :

« Peut-être, Ananda, penserez-vous : « Nous n’avons plus de Maître. » Il ne faut pas que vous pensiez ainsi. La loi reste, la loi que je vous ai enseignée, Ananda : qu’elle vous guide, quand je ne serai plus entre vous. »

Il dit encore :

« En vérité, moines, tout ce qui est créé est périssable : ne cessez jamais de lutter. »

Il ne connut plus le monde. Son esprit montait aux régions de l’extase. Son visage était d’un or lumineux. Il entra dans le nirvâna. On sentit trembler la terre, et l’on entendit le tonnerre gronder.

Sous les remparts, au lever du soleil, ceux de Kouçinagara dressèrent un grand bûcher, comme pour un roi du monde, et y brûlèrent le corps du Bienheureux.