La belle de Carillon/5

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Éditions Édouard Garand (p. 28-36).

V

L’ENNEMI APPROCHE


Le 3 juillet au matin Montcalm envoya en reconnaissance le long du Lac Saint-Sacrement un détachement de Canadiens. Il importait de savoir si l’ennemi approchait et en nombre aussi imposant que croyait le savoir le Marquis de Montcalm. Disons ici que, dans un rapport de ce même jour adressé à M. de Vaudreuil à Montréal, le général donnait un aperçu des moyens qu’il prenait pour arrêter les envahisseurs dont il fixait le nombre à « au moins » dix mille hommes, et ajoutait que les Anglais avaient rassemblé au Fort George un très gros matériel de guerre destiné à suivre l’armée envahissante. Comme on le voit, Montcalm, qui s’était basé sur les dires des émissaires qu’il avait dépêchés pour surveiller les apprêts de l’ennemi, estimait à beaucoup moins la véritable force numérique des Anglais. Mais ces « dix mille hommes et ce très gros matériel de guerre » était encore un formidable capital ennemi. L’erreur des émissaires du général était dûe au fait d’une énorme flotte de berges que l’ennemi construisait pour « conduire à Carillon par voie du Lac une armée de dix mille hommes. » Ces émissaires ignoraient qu’une autre armée de cinq mille combattants s’était acheminée pour Carillon par des voies de terre. Et, en effet, ce jour-là, 3 juillet, les éclaireurs Canadiens, envoyés en reconnaissance, se heurtèrent subitement à l’avant-garde de cette petite armée à douze mille seulement du Fort Carillon. Il y eut là plusieurs échanges de coups de feu et quelques corps-à-corps entre Canadiens et Anglais avec pertes à peu près égales des deux côtés. Naturellement, les Canadiens cédèrent le pas et prirent leur course pour revenir au Fort rendre compte de leur mission. Quelques Canadiens s’étaient momentanément égarés, et ils avaient pu voir défiler sous les bois et à travers des marais plusieurs régiments de cette armée. Aussi, à leur retour au Fort le 4 juillet, estimèrent-ils à dix mille hommes cette armée qui n’en comptait que cinq mille.

Montcalm et ses officiers ne purent s’empêcher de frémir de malaise en calculant que leur poignée d’hommes devrait faire face à vingt mille soldats anglais !

Par surcroît, d’autres émissaires, chargés de surveiller le Lac Saint-Sacrement, vinrent le même jour affirmer que les Anglais descendaient le Lac avec trois cents berges, quatre ou cinq cents chaloupes et plusieurs centaines de radeaux, le tout chargé d’hommes, de vivres et de matériel de guerre dont, encore, le total était exagéré.

L’armée de la Nouvelle-France, à l’ouïe de ces rapports, fut vivement impressionnée et quelque peu consternée. Pigmée qu’elle était, en effet, comment pourrait-elle résister ou arrêter la marche du géant qui marchait contre elle à grandes enjambées ?

Montcalm réunit son état-major et tint conseil. Le courage des officiers réaffermit celui des soldats, et l’émoi fut tôt dissipé. Si, à la vérité, l’armée française était petite et médiocrement équipée, elle possédait l’avantage de la position. Montcalm et ses officiers savaient que le nombre n’est pas nécessairement un facteur de victoire, et que le bon moral d’une armée, fût-elle dix fois inférieure numériquement à l’ennemi, son courage, sa discipline et certains avantages de terrain sont de bons appoints de victoire. Au surplus, l’Histoire leur avait enseigné qu’une poignée de braves peut suffire pour arrêter la marche d’une nombreuse armée ennemie et, quelquefois, la mettre en déroute. Au temps de la superbe Sparte, Léonidas arrêtait au Thermopyles la redoutable armée de Xerxès et il n’avait à sa suite que trois cents hommes. Plus près de nous voyons notre fougueux Salaberry, avec ses trois cents Canadiens, arrêter à Chateauguay et mettre en déroute une armée américaine de pas moins de sept mille hommes.

Montcalm et son armée possédaient bien l’avantage de la position, mais quand le général eut été informé que vingt mille hommes au lieu de dix mille, comme il l’avait pensé, marchaient contre Carillon, il jugea alors ses défenses trop faibles et son camp moins bien établi qu’il avait cru. Toute l’armée, en effet, avait pris position en bas des hauteurs de Carillon. Elle occupait un bas-fond où l’ennemi, à cause de son nombre, aurait pu l’assaillir et l’anéantir. Montcalm fit changer la disposition du camp, en ce sens qu’il fit retrancher son armée sur les pentes douces qui aboutissaient à la sortie du promontoire où s’élevait le Port Carillon, et il fit étendre ses deux ailes de façon à couvrir le plus de terrain possible. Dans le bas-fond il laissa trois cents Canadiens sous les ordres du Capitaine Valmont.

Donc, le reste de ce jour du 4 juillet et toute la nuit qui suivit, l’armée française se remit à l’œuvre pour refaire ses retranchements. En outre, dans le bas-fond, Montcalm ordonna de nouveaux abatis pour que l’ennemi, en sortant des bois qui bordaient le Lac Saint-Sacrement, se trouvât en face d’un vaste champ de tronc d’arbres et de branches entremêlés qu’il aurait à franchir avant de pouvoir aborder les ouvrages de l’armée française. Celle-ci, alors, des points élevés qu’elle occuperait aurait l’avantage de faire pleuvoir sur l’ennemi à découvert une grêle de projectiles susceptibles de causer de lourdes pertes. En plus, par des sorties opportunes les défenseurs du Canada pourraient non seulement, inquiéter l’ennemi, mais même le harasser. Tout bien pesé, Montcalm pensa qu’il lui serait possible, sinon de gagner une grande bataille, de malmener l’ennemi au point de le forcer à la retraite et de le décourager tout à fait dans sa tentative de marcher jusqu’à Montréal.

On sait, depuis, que Montcalm voyait juste et que ses prévisions furent tellement dépassées que l’action de son armée fut un prodige.

À présent que notre lecteur possède une assez bonne vision du camp français, nous reviendrons aux faits et gestes de nos principaux personnages.

Au cours de cet après-midi du 4 juillet, et plutôt sur le déclin du jour, au moment où le Capitaine Valmont, pour obéir aux ordres venus de l’État-Major, mettait ses hommes à l’œuvre pour pousser plus loin le champ d’abatis, un soldat de la garnison vint lui remettre un message, disant :

— Capitaine, j’ai ordre de rapporter une réponse à cette missive.

— De qui cette missive ? interrogea le capitaine en ne découvrant sur le pli aucune souscription et rien qui pût le renseigner sur le nom de la personne qui lui écrivait.

— De Mademoiselle Desprès, répondit le soldat.

Valmont était si peu préparé à ce nom qu’il trembla d’une émotion inquiète et joyeuse à la fois. Il n’avait pas revu Isabelle depuis le matin de l’enterrement du Commissaire Desprès, c’est-à-dire depuis deux jours, mais il n’avait pas cessé de songer à elle, bien qu’il fît mille efforts pour chasser un souvenir et une image qui l’obsédaient. Car, croyant qu’Isabelle aimait d’Altarez, l’amitié qui le liait à ce dernier lui interdisait de penser à cette séduisante jeune fille. Et Valmont n’avait pas davantage revu d’Altarez qui, depuis l’affaire du duel, dépensait tous ses loisirs auprès de la veuve et de l’orpheline. Au surplus, Valmont croyait que Mme Desprès et sa fille avaient quitté le fort, car il avait été rumeur dans le camp le lendemain des funérailles du Commissaire que la mère et la fille devaient retourner à Montréal immédiatement. Ce message étonna donc Valmont grandement : d’abord parce qu’il pensait Isabelle partie et en route pour Montréal, ensuite parce qu’il s’imaginait et croyait qu’Isabelle l’avait oublié.

Voici ce qu’il lut, non sans une grande joie qu’il sut dissimuler aux yeux du soldat qui le lorgnait.

« Monsieur le Capitaine, vous me ferez grand plaisir si ce soir, à huit heures, vous vous trouvez à la porte du Fort. J’aurai une communication à vous faire… »

Isabelle.

Ce laconique billet voulait dire peu de chose… une communication « quelconque » qu’Isabelle voulait lui faire ! Et, pourtant, Valmont sentit toute son âme tressaillir de bonheur.

— Rapporte à Mademoiselle, dit-il au soldat, que je me rendrai à son désir.

Le soldat s’en alla. Valmont se mit à réfléchir, tantôt le cœur assailli de joie, tantôt d’inquiétude. Que lui voulait Isabelle ? Une communication… disait le billet. Était-ce un danger qui menaçait Valmont que lui ignorait et que connaissait Isabelle ? Mais un danger… d’où ? Valmont ne se connaissait pas d’ennemis. Il pensa tout à coup à d’Altarez, mais non comme à un ennemi. Puis le souvenir de Mme Desprès se présenta à lui… Quoi ! est-ce que la malheureuse veuve songeait à tirer vengeance ? Non, ce n’était pas possible. Incapable de résoudre le problème qui énervait son esprit, Valmont se mit à penser à Isabelle. Il se complut à la revoir, à se griser de ses charmes. Et c’était contre sa volonté. D’ailleurs, depuis deux jours toute sa pensée était remplie d’Isabelle. Ses nuits avaient été peuplées de beaux et radieux songes où étincelait l’image de la jeune fille. Mais entre lui et elle survenait l’image d’Altarez, qui se montrait à Valmont comme un ennemi. Alors le capitaine canadien avait de terribles soubresauts sur son lit, et il sortait de ses rêves et de son sommeil en poussant des grognements indistincts. Et la nuit d’avant il avait été si agité dans son sommeil que Bertachou, qui couchait à côté de lui, lui avait demandé s’il était malade.

— Non, avait répondu Valmont, c’est la chaleur, mon vieux…

— La chaleur !… Pourtant, avait songé Bertachou, les nuits sont fraîches, et quelquefois même elles sont plutôt froides.

— Il me semble, avait répliqué Bertachou, qu’il ne fait pas trop chaud.

Valmont s’était impatienté.

— Eh bien ! si ce n’est pas la chaleur, mettons que c’est le froid…

Et le capitaine s’était brusquement replongé dans le sommeil et dans ses rêves exquis.

Un peu intrigué, Bertachou, qui avait l’expérience de cinquante années d’existence, se mit à réfléchir. Puis il sourit…

— Je tiens le fil, se dit-il, c’est « la petite » Quoi ! c’est, plus clair que l’œil d’un chat !

Bertachou avait bien deviné. Plus que ça, il avait deviné ce que lui-même, Valmont, n’osait penser : que le Capitaine aimait Isabelle. Oui, Valmont aimait Isabelle, mais sans le savoir et encore moins le vouloir, attendu que la jeune fille lui paraissait une promise à laquelle il lui était, par les lois de l’honneur et de l’amitié, défendu de penser et de toucher.

Quoi qu’il en soit et quoi qu’il dût arriver, le capitaine se présenta à la porte du Fort sur les huit heures sonnantes. Bertachou avait accompagné son capitaine jusque-là, puis il s’était dirigé vers la cantine où, avait-il déclaré, il sentait le besoin de se mouiller un peu la luette.

C’était encore un de ces splendides crépuscules d’été remarquables surtout en ce pays accidenté avec ses lacs et ses rivières, ses bois touffus et nuancés, ses coteaux et ses montagnes. Le soleil venait de se coucher. De légers nuages, teints d’une ocre rouge ou jaune et à peine mobiles, flottaient au-dessus de l’horizon de l’Ouest semblables à des panaches de fumée sortis de quelques gueules de volcans inconnus. Puis toute la voûte du firmament était magnifiquement bleue, et à la voir se poser à la crête des monts lointains puis s’élever graduellement et à l’infini au-dessus des vallées profondes, cette voûte merveilleuse semblait être une immense coupole. Pleine d’échos mystérieux, elle retentissait de toutes espèces de bruit, de rumeurs et de chants. C’était, vers les abatis, le bruit d’arbres s’abattant sur le sol, et c’était le choc des haches ; puis montaient dans l’espace les ordres des officiers, des appels, des coups de sifflet et quelquefois de longs et interminables éclats de rire. Et c’étaient encore les trémolo et les gazouillis tombant des rameaux des arbres, l’ululation de curieuses chouettes perchées aux cimes qui dominaient le fort, le glapissement de jeunes loups rôdant sous la futaie voisine et le monotone rainage des grenouilles dans les marais.

Tous ces bruits, toutes ces rumeurs se confondaient en échos joyeux qui remuaient doucement le cœur de Valmont. Car le capitaine, en attendant celle qui lui avait donné rendez-vous, contemplait le paysage environnant et prêtait une oreille ravie à cette harmonie qui semblait palpiter d’amour. Oui, de toutes parts, ainsi le sentait Valmont, la joie et l’amour se manifestaient dans la nature. Mais est-ce que cette joie et cet amour n’étaient pas plutôt des reflets ou des échos partis du cœur de Valmont ? Est-ce que cet amour qui emplissait l’espace autour de lui, amour qui chantait au-dessus de sa tête, qui fourmillait dans les herbes sous ses pieds, n’était pas son amour à lui qui s’exhalait de son âme ? Oui, et pour la première fois en sa vie un luth vibrait en lui, qu’il avait jusque-là ignoré et dont les sons et les accords si doux le ravissaient. Il entendait avec délice un mystérieux carillon à huit clochettes d’or lui murmurer en sourdine le nom d’Isabelle. Et Valmont tressaillit violemment et de joie et de peur. Il aimait, enfin, il le sentait et ne pouvait plus repousser la caresse d’amour qui l’enveloppait de son étrange fascination. Il aimait, lui qui n’avait jamais aimé, lui qui n’avait jamais songé à aimer. Il aimait tout à coup. Était-ce possible ? Oui, car l’amour jaillit d’un cœur fermé comme l’étincelle du brasier mourant, un souffle suffit. Oui, Valmont sentit tout à coup son cœur tout inondé de cette joie d’aimer, de même qu’il en sentit en même temps l’épouvante… l’épouvante d’aimer une enfant qu’il n’avait pas le droit d’aimer parce qu’elle était la promise d’un autre qui se trouvait son ami. Or, chez Valmont l’amitié primait, tout, et il aurait brisé son cœur, si ce cœur eût voulu être traître à l’amitié. Ah ! non ! non !… s’il est vrai qu’il aimait Isabelle, il arracherait son cœur plutôt que de courir le risque de succomber sous l’attrait qui le captivait ! Non ! non, Isabelle appartenait à d’Altarez, elle ne pouvait lui appartenir ! Et l’amour qui, la seconde d’avant, venait de naître dans un souffle de joie indicible, s’abîma soudain dans un vent d’amertume et de douleur. Hélas ! c’est ainsi qu’est fait l’amour… l’amour vrai : c’est un composé de joie et de douleur ! Et Valmont en sentait pour la première fois la douce et en même temps l’âpre expérience.

C’est à ce moment, cinq minutes à peine depuis qu’il était là, qu’une voix mélodieuse bien connue… une voix du Ciel peut-être — dit dans un murmure derrière lui :

— Je savais bien que vous viendriez à mon appel, Monsieur le Capitaine… Merci !

Valmont, se retournant en sursaut, demeura ébloui devant la radieuse enfant qui lui souriait de ses lèvres rouges, qui le regardait de ses grands yeux bleus si profonds qu’ils semblaient des gouffres d’azur illuminés de rayons d’or.

La jeune fille reprit aussitôt, en promenant un regard inquisiteur autour d’elle :

— Donnez-moi votre bras, Monsieur, et prenons quelque sentier désert où nous pourrons nous entretenir sans crainte de nous voir dérangés par les importuns.

Valmont fut incapable de parler. L’émotion gonflait sa poitrine et obstruait sa gorge. Automatiquement il offrit son bras. Isabelle s’y attacha, elle serra fortement contre elle ce bras d’homme, et ce fut elle qui entraîna le capitaine, sous bois, dans un sentier tout à fait solitaire, un sentier qu’elle connaisait bien, dans lequel trois jours avant elle avait rencontré Valmont. Le sentier menait vers les abatis, puis il côtoyait un moment la rivière la Chute, s’engageait sous de grands bois d’épinettes et allait aboutir sur les rives du Lac Saint-Sacrement. Dans ce sentier déjà envahi par les ombres du soir Valmont se laissait entraîner d’abord, puis à son tour, sans savoir, il entraîna Isabelle, car il s’était mis à marcher très vite. Des perdrix surprises s’envolaient brusquement en caquetant d’émoi. Les oiseaux se taisaient pour regarder passer cette belle fille et son beau cavalier. Tous deux marchaient, de plus en plus vite, silencieux. Sur sa robe de deuil Isabelle avait jeté une longue mante grise à capuchon, et les pans de la mante balayaient les herbes et faisaient un bruit de battements d’ailes. Le capuchon retombait en arrière laissant à découvert la jolie tête blonde dont les mèches de cheveux d’or papillotaient. Et plus la marche avançait, plus le teint riche de la jeune fille s’animait. Ses joues au velouté de pêche devenaient rouge grenat, et c’étaient comme deux beaux fruits juteux avec les perles de sueur qui y miroitaient. Si à cette minute, Valmont l’eût regardée, il aurait été tenté de mordre dans ces fruits. Mais Valmont ne regardait pas sa compagne, il regardait droit devant lui. Mais elle, parfois, le regardait d’un coup d’œil scrutateur comme pour essayer de saisir la pensée de ce taciturne. Car l’on marchait depuis vingt minutes et pas un mot n’avait été échangé. Isabelle comprit qu’il attendait qu’elle, la première, engageât la conversation. Au reste, n’était-ce pas à elle à parler la première ? N’avait-elle pas une communication à faire à ce beau capitaine ? Eh bien ! oui, elle le trouvait beau ce Capitaine Canadien, ce fier garçon de sa race ! Car elle était canadienne aussi, cette Isabelle : elle était venue au monde dans la capitale de la Nouvelle-France. Plus tard, son père alla remplir un poste à Montréal. Et c’est là que grandit Isabelle, et Isabelle s’était dit depuis longtemps qu’elle marierait un Canadien de préférence à un Français. Non pas qu’elle manquât de sympathie pour les Français, dont son père et sa mère étaient, mais elle craignait que, en épousant un Français, elle fût contrainte plus tard de quitter son pays, qu’elle aimait beaucoup, pour aller vivre ou en France ou dans une autre colonie où elle serait comme étrangère.

Est-ce à ces choses que pensait la jeune fille ? Peut-être ! Mais le silence entre elle et Valmont, à force de se prolonger, finissait par devenir un peu gênant, et ce fut le capitaine qui le rompit. On venait d’atteindre le champ d’abatis, et de là le sentier gagnait la rivière La Chute. On était déjà loin du fort. Valmont dit d’une voix un peu timide et sans regarder sa compagne :

— Mademoiselle, j’ai bien hâte de recevoir de vous cette communication…

— Au fait, interrompit Isabelle en riant avec ingénuité, suis-je un peu distraite. Mais plus loin, si vous le voulez, Capitaine, je vous la ferai cette communication. Tenez… lorsque nous aurons atteint le lac !

— Le lac !… fit Valmont avec surprise et en regardant, cette fois, sa compagne qu’il trouva si belle, qu’il détourna les yeux par crainte que l’éblouissement ne le fit tomber. Mais c’est un peu loin, le lac, ajouta-t-il, et, il sera tard…

— Tard ? sourit Isabelle avec une moue d’indifférence. Bah ! cela ne m’inquiète pas. Ne suis-je pas avec vous ?

Elle le regarda de grands yeux pleins de confiance et d’amour, peut-être.

— Mais vous serez fatiguée !… dit encore le capitaine.

— Non. J’aime la marche, savez-vous. Si je ne me retenais pas, je courrais, tout le jour, la forêt, les coteaux et les vallons. Allons au lac, Capitaine…

Il consentit d’autant plus qu’il se plaisait, même sans échange de paroles, dans la compagnie de cette enfant. Il aimait, là, la sentir s’appuyer sur son bras tant elle paraissait s’abandonner à lui ; et il frémissait de cet orgueil de l’homme qui vient de conquérir la compagne de sa vie. Oh ! qu’il fût allé loin ainsi, au bout du monde si on le lui avait commandé, quitte à porter dans ses bras un fardeau qui lui aurait été le plus cher et le plus précieux.

Tous deux marchèrent encore en silence durant plusieurs minutes. À un tournant du sentier qui devenait plus sombre de moment en moment, Isabelle ralentit son allure et retenant son cavalier, elle dit avec un accent candide :

— Pas si vite, mon Capitaine… il fait si bon !

— Oui… et si beau ! murmura le capitaine en soupirant d’aise.

Ils marchèrent moins vite. Là, sous de hautes épinettes et sur un tapis de mousse soyeux le sentier devenait sinueux et plus étroit. Souvent, elle et lui devaient se serrer l’un contre l’autre pour ne pas se heurter aux fûts résineux des arbres. Et l’ombre, presque épaisse, était saturée des odeurs de résine et la fraîcheur y était plus grande. Un grand silence planait sous cette voûte de rameaux verts au travers desquels glissait le rayon d’une timide étoile qui venait de s’allumer dans la voûte plus lointaine et moins sombre des cieux.

Tout à coup, il sembla que les fûts et les rameaux s’écartaient sur le passage des deux amis, que la forêt entière s’éclipsait dans une nuit mystérieuse et que le sentier se changeait en une large avenue… Ou, plutôt, il leur sembla, par un effet d’optique, qu’ils abandonnaient la terre pour entrer dans l’azur du firmament. Et ils s’arrêtèrent d’un commun accord, éblouis tous deux, devant une nappe d’eau si tranquille qu’elle était un miroir dans lequel le ciel se regardait…

C’était le Lac Saint-Sacrement.

Une belle pierre blanche était là sur le sable gris de la rive. Isabelle y entraîna son compagnon. Ils s’assirent et demeurèrent rêveurs en contemplant les poétiques paysages autour d’eux.

Tout à coup Isabelle tressaillit, regarda son compagnon avec surprise et demanda :

— Qu’est-ce cela, Capitaine ? Entendez-vous ?…

— Cela, Mademoiselle, fit Valmont avec un sourire énigmatique… Écoutez bien encore, et voyez d’où cela vient !… Ce sont les fanfares des Anglais…

Le son de musiques guerrières et joyeuses à la fois arrivait jusqu’à eux, mais si faible, que ces musiques devaient être très loin. Quand l’écho devenait plus sonore, on les entendait mieux et elles avaient des airs de victoire. Isabelle et Valmont comprirent que les Anglais, confiants en leur force, se plaisaient à acclamer d’avance la victoire pour leurs armes.

Durant dix minutes ils écoutèrent les sons mourants de ces musiques ennemies, puis tout se tut et le silence solennel de la nuit domina de toutes parts.

Valmont, alors, parla.

— Mademoiselle, le moment n’est-il pas venu que vous me fassiez part…

La jeune fille l’interrompit en égrenant un joli petit rire.

— Ah ! ah ! que vous êtes impatient, mon Capitaine ! Mais vous avez peut-être raison… Pourtant, à présent et sans savoir pourquoi, il me coûte de vous faire cette confidence…

— Une confidence ! balbutia Valmont, surpris et ému.

— Oui, une petite confidence. Et je vais me hasarder à vous la faire. Mais vous n’aurez garde de me mal juger. Mais auparavant, et pour éviter un jugement défavorable, pourquoi ne pas vous dire de suite que mon père et mère m’ont toujours laissé beaucoup de liberté, à ce point que j’ai peur, souvent, d’en abuser. Soyez tranquille, Monsieur, je n’en ai pas abusé, je l’aimais tellement cette chère liberté que je faisais en sorte de la conserver longtemps, sinon toujours. Eh bien ! je ne l’aurai pas conservé aussi longtemps que j’eusse désiré, car déjà on songe à me la retirer.

— Et pour quelle raison ?

— Celle-ci : ma mère veut, me marier !

Oh ! cette confidence que Valmont attendait… Elle survint si brusquement que le jeune homme ne put s’empêcher de tressaillir… Il tressaillit violemment… et trop visiblement, Isabelle lui demanda en riant :

— Avez-vous froid. Capitaine, que je vous sens frissonner ?

— Non, Mademoiselle… c’est la surprise !

— D’apprendre qu’on veut me marier, n’est-ce pas ? Oh ! mais je fus bien plus surprise que vous lorsque, ce matin, ma mère m’a annoncé la chose presque à brûle-pourpoint. Et pourtant je m’y attendais un peu… j’en avais une sorte d’intuition.

Cette nouvelle n’avait pas seulement surpris le capitaine, elle le bouleversait. D’un côté, cette nouvelle lui faisait mal, très mal, sans qu’il sût dire pourquoi ; de l’autre, elle le remplissait de joie, parce que, selon les paroles de la jeune fille, ce mariage n’était pas de son goût puisqu’elle le considérait comme une atteinte à la liberté qu’on lui avait laissée jusqu’à ce jour. Et Valmont devinait que la jeune fille, prise dans une sorte d’étau tel qu’un futur mari — qu’elle n’aimait probablement pas — qui la convoitait et sa mère qui lui commandait de prendre ce mari, accourait à lui, Valmont, pour lui demander conseil ou requérir sa protection contre ceux-là qui voulaient asservir la volonté et le cœur d’Isabelle. Mais la chose lui paraissait si délicate, et il avait tellement peur d’apprendre quelque pire nouvelle, comme celle-ci, par exemple : qu’Isabelle, aimant d’Altarez et s’étant donnée à lui, se voyait contrainte par sa mère d’épouser, peut-être, un autre officier de l’armée. Et Valmont, qui aimait Isabelle maintenant et qui, en son tréfonds, aurait souhaité que des circonstances se fussent alliées pour favoriser son amour… oui Valmont avait peur d’apprendre qu’il n’y avait pour lui nul espoir. Et cette peur lui suggéra de changer le sujet de conversation. Il dit, la voix mal sûre, presque tremblante :

— Mademoiselle, voulez-vous me permettre de vous poser une question ?

— Certainement.

— Je voulais vous demander, depuis un moment, s’il est vrai que vous deviez regagner Montréal le lendemain des funérailles de votre père ?

— C’est très vrai. Mais voilà qu’est survenue tout à coup cette affaire de mariage, ou, plutôt, de fiançailles qui a retardé notre départ. Ah ! je vous l’annonce de suite : nous partirons demain. Monsieur de Montcalm a mis à notre disposition un petit navire à bord duquel nous remonterons le Lac Champlain. De là à Montréal, à moins de trouver un véhicule plus confortable, nous voyagerons en charrette. Mais je reviens à ce que je vous disais… à ces fiançailles que ma mère veut faire ce soir.

— Ce soir !… fit Valmont dans un souffle oppressé.

— Oui, ce soir… Et peut-être, à l’heure présente, seraient-elles faites, consommées, si je ne m’étais pas échappée du fort.

Elle se mit à rire doucement en considérant le visage altéré de Valmont. Et son rire résonnait avec un quelque chose de malicieux ou de taquin. Quoi ! avait-elle deviné le secret du capitaine ? Oh ! c’est que les femmes, souvent, dans les affaires de cœur voient plus loin, ou, mieux, plus profondément que les hommes. Même la jeune fille qui ne fait que de s’exercer aux jeux de l’amour, elle pénètre un cœur d’homme avant que le sien n’ait été scruté, et elle se dit avec assurance : celui-là m’aime ! Si elle n’affirme pas toujours au présent, elle se rattrape au futur : il m’aimera ! Isabelle, avec la sagacité qui semblait orner son esprit, avait dû lire au fond du cœur de Valmont, et, à cette minute, elle pouvait se dire peut-être : il m’aime ! Et son rire était aussi heureux, et la joie du rire, la confiance qu’elle manifestait à l’égard de ce jeune homme qui lui était encore un étranger, son abandon, tout semblait prouver qu’Isabelle avait deviné la vérité. Elle demanda en voyant le capitaine demeurer silencieux :

— Dois-je penser que vous désapprouvez ma conduite ?

— Oui, je pense que vous avez eu tort, répondit Valmont en essayant de retrouver son calme.

— Oh ! s’écria Isabelle avec une certaine confusion et peut-être avec une grande déception, est-il possible, Capitaine, que vous me blâmiez ?

— Non que je veuille vous blâmer, Mademoiselle ; mais je comprends que vous aurez causé un grand chagrin à votre mère et un terrible désappointement…

— À mon futur ?… C’est vrai que j’ai bien pensé à tout cela. Ah ! à propos, voulez-vous savoir quel est mon futur… celui qu’on me destine pour mari ?… Votre ami, le Capitaine d’Altarez…

Valmont s’attendait un peu à ce nom, et il ne se troubla pas. D’ailleurs, il avait réussi à reprendre tout son sang-froid, à imposer le silence aux voix de son cœur. Il répondit avec assurance et un grand accent de sincérité qui impressionna Isabelle :

— D’Altarez, mademoiselle, est un brave garçon, un excellent gentilhomme, et riche, jeune, joli… Je vous félicite de tout cœur.

Isabelle ne riait plus, elle ne souriait même pas. Elle était devenue très grave, presque chagrine.

— Monsieur le Capitaine, dit-elle, vous ne me comprenez pas, car si vous m’aviez comprise, vous ne m’auriez pas félicitée pour ce dont je ne me félicite pas moi-même. Eh bien ! apprenez que je n’aime pas Monsieur d’Altarez, et vous m’aurez comprise après !

— Mais lui, Mademoiselle, il vous aime peut-être… ardemment même !

— C’est vrai, il m’aime… il m’aime beaucoup. Voilà bien ce qui me peine. Car j’ai pour lui une certaine estime, mais cette estime ne me paraît pas suffisante pour que je consente à unir pour toujours ma destinée à la sienne. Je ne me sens pas pour lui d’amour… c’est-à-dire ce sentiment intime qui me porterait, sans regret, sans crainte, à me donner à lui avec confiance, avec bonheur. Sans cet amour, Monsieur, pourrai-je être heureuse avec lui, sera-t-il heureux avec moi ? Je ne le crois pas.

— C’est vrai, soupira Valmont, il ne saurait y avoir de bonheur ni pour vous ni pour lui.

— Ah ! je suis contente de vous entendre parler ainsi. Et à présent il ne m’en coûte plus autant de vous demander un grand service.

— Parlez, Mademoiselle, je suis prêt à me rendre à vos désirs.

Et la voix du capitaine avait maintenant un accent curieux, méconnaissable. Oh ! c’est que depuis deux minutes il faisait d’inouïs efforts pour empêcher son cœur d’éclater. Quoi ! Isabelle ne venait-elle pas d’avouer qu’elle n’aimait pas d’Altarez ?… Et maintenant, l’âme frissonnante d’angoisse, il attendait de connaître la nature du service qu’Isabelle allait lui demander.

— Capitaine, reprit la jeune fille avec quelque timidité dans l’accent de sa voix, je n’ai pas oublié ce que vous m’avez promis l’autre jour : de compter sur vous si j’avais besoin de vos conseils ou de votre appui ; et vous avez ajouté que je pourrais vous appeler à quelque heure que ce fût. Je suis donc venue ce soir… ou, plutôt, je vous ai dit de venir à moi parce que je veux vous prier de voir votre ami, Monsieur d’Altarez, et de lui confier que je ne l’aime pas et que ce mariage de nous deux est impossible. Moi, voyez-vous, je n’aurais pas le courage de lui dire ces choses… J’ai pensé à vous, Capitaine, et j’ai cru que vous ne refuseriez pas de vous charger de cette mission.

Valmont demeura confondu. Il ne regarda pas Isabelle qui, elle, le regardait en attendant sa réponse. Il ne la regardait pas parce qu’il craignait qu’elle ne surprît dans la lumière de ses yeux le secret de ses pensées. À cette minute le cœur de Valmont se trouvait partagé entre deux sentiments à peu près égaux : la joie, l’amertume. La joie, parce qu’Isabelle n’aimait pas d’Altarez et ne le voulait pas pour époux ; l’amertume, parce que son amitié pour d’Altarez souffrait de la terrible déception qui frapperait le Capitaine des Grenadiers. Et là surgissait pour Valmont une troublante interrogation : si Isabelle n’aimait pas d’Altarez, qui donc était l’heureux élu de son cœur ?… Mais là aussi de sombres idées l’assaillaient, et le pauvre Valmont s’imagina tout à coup qu’il n’était rien pour Isabelle… tout au plus un grand ami qu’on aime à choisir pour confident. Non, assurément, Isabelle ne pouvait avoir jeté son dévolu sur ce fils de paysan, sans nom, sans fortune, un petit capitaine de milices simplement. Et Valmont voulut se faire à cette déception pour s’accoutumer à la souffrance. Oh ! il n’en avait pas fini avec la souffrance… il ne faisait que de commencer à souffrir. Et déjà une autre souffrance se joignait à la première : se faire auprès d’un ami cher un messager de malheur ! Aller dire à d’Altarez qui aimait… qui aimait avec toute la sève brûlante de son jeune cœur : « Mon pauvre ami, Isabelle ne t’aime pas… elle ne veut pas être à toi ! » Non, Valmont ne se sentait pas le courage d’accomplir cette mission. Pourtant, n’avait-il pas donné sa parole à Isabelle de lui venir en aide au moment opportun ? Il le reconnaissait bien. Mais la mission que lui confiait la jeune fille était si difficile… presque impossible. Et puis — ah ! non, Valmont n’était pas meilleur qu’un autre, tout généreux que fut d’ordinaire son caractère — il se sentait froissé, mortifié, dans sa déception de ne pas se savoir l’élu d’Isabelle. Il lui en voulait et s’irritait contre elle, comme si c’eût été sa faute, à cette pauvre enfant, d’avoir fait naître dans le cœur de Valmont un amour illusoire, Et alors, par revanche, par malice, par cruauté, et que savait-il ? il était tenté de lui refuser le service demandé. Quoi ! était-il sensé qu’il souffrit seul ? Ne serait-il pas bon de faire souffrir un peu cette jeune fille qui, savait-on ? pouvait bien être une de ces terribles coquettes dont le plus piquant plaisir est de martyriser le cœur de leurs soupirants. Qui assurait à Valmont que cette petite fille de seize ans, seulement, voyez-vous ça ?… n’eût pas délibérément, par caprice, par fantaisie, sinon par méchanceté — car la femme est souvent méchante avec un cœur d’homme — simulé quelque amour pour d’Altarez ? Combien de femmes se sont plu à enflammer des cœurs, pour les laisser se consumer ensuite et souffler avec dédain et mépris sur leurs cendres ? Valmont croyait que de telles femmes existaient ; aussi était-il porté, dans son irritation, à placer Isabelle dans la même catégorie. Mais pourtant… elle avait l’air si chagrin, elle paraissait si sincère… Et puis, est-ce qu’une enfant de seize ans peut être comédienne à ce point, avec cette assurance, cette maîtrise ? Il est vrai que, en dépit de son jeune âge, Isabelle était une fille précoce, mûrie plus tôt que la plupart des jeunes filles ; souvent on lui découvrait des airs de femme expérimentée, et dans son jeune corps d’adolescente elle pouvait porter un cœur de trente ans.

Toutes ces pensées tourbillonnaient avec une rapidité d’éclair dans le cerveau du capitaine, et à la fin, sans se décider à se charger de la mission d’Isabelle, il essaya d’un biais pour se dégager.

— Il me semble, dit-il, que votre mère pourrait mieux que moi faire cette démarche auprès du Capitaine d’Altarez…

— Oh ! monsieur, s’écria la jeune fille avec effroi, qu’osez-vous me suggérer ? Ma mère… Mais c’est à elle surtout que je redouterais de me présenter ! Mon ! non ! jamais je ne dirai à ma mère que je m’oppose à ses projets à mon sujet. Je vous assure, Capitaine, que j’ai pensé à tout et que j’ai pesé toutes choses : ou que j’aille à Monsieur d’Altarez, ce que je redoute, ou que vous y alliez pour moi, ce que je désire. Il ne saurait être d’autre alternative. Et que vous y alliez, me semble le meilleur moyen, car Monsieur d’Altarez est un gentilhomme, ainsi que vous me l’avez dit vous-même, et, à ce titre et avec la galanterie d’un gentilhomme, Monsieur d’Altarez comprendra de suite qu’il doit se rendre auprès de ma mère pour lui annoncer, et d’après des raisons qu’il saura imaginer, qu’il renonce à ma main. Voilà tout. Si, après, Monsieur d’Altarez me conserve quelque rancune, ce dont je le blâmerais, au moins je n’aurai rien à redouter de ma mère. Voyons, Capitaine, que décidez-vous ?

— Mademoiselle, répondit Valmont avec un courage héroïque, je ne reviens jamais sur ma parole. Puisque je vous ai promis assistance, j’irai ce soir, cette nuit, trouver d’Altarez…

— Merci, Capitaine, merci, s’écria joyeusement Isabelle.

L’instant d’après, alors que la nuit était tout à fait venue, mais une nuit si pleine d’étoiles qu’elle était claire comme un demi-jour, Valmont et Isabelle s’engageaient dans le sentier qui remontait vers le fort. Ils allaient, silencieux encore, bras dessus bras dessous…

Lorsqu’ils furent arrivés à ce point où le sentier quittait la haute futaie pour se glisser entre le champ d’abatis et la rivière La Chute, et là où, en cette clairière, la nuit était plus lumineuse, une silhouette d’homme se dressa devant eux et en plein milieu du sentier.

C’était, d’Altarez…

« J’ai pensé à vous, capitaine, et j’ai vu que vous ne refuseriez pas de vous charger de cette mission. »