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La guerre de 1870, simple récit/chap6

La bibliothèque libre.
Librairie Ch. Delagrave (p. 71-76).


VI

DEUXIÈME ARMÉE DE LA LOIRE


Le général Chanzy prit le commandement de la Deuxième Armée de la Loire. Il appuya sa droite à la Loire pour couvrir Tours.

Le gouvernement se retira de Tours à Bordeaux.


Combats en avant de Josnes (7 au 10 décembre). — Pendant quatre jours, du 7 au 10 décembre, dans une série de combats partiels, livrés en avant de Josnes et qui coûtèrent à l’ennemi plus de 3 000 hommes, les troupes firent preuve d’une vigueur remarquable. Mais leur force de résistance s’épuisait.

Des ordres, envoyés directement par le gouvernement, étaient en désaccord avec ceux donnés par le général Chanzy et causaient de l’indécision.

Les détachements qui tenaient les rives de la Loire, ne conservèrent pas leurs positions.

La situation devint critique.


Combats sur le Loir. — L’ennemi ayant ainsi la possibilité de déborder son aile droite, le général Chanzy ordonna un changement de front en arrière sur l’aile gauche et vint établir son front sur le Loir, parallèlement à la Loire. Ce mouvement fut exécuté du 11 au 13 décembre avec une assez grande régularité, par un grand froid auquel succéda la pluie.

Les troupes étaient très fatiguées et laissaient beaucoup de traînards qui tombaient aux mains de l’ennemi.

Le 14 et le 15 décembre, l’armée fit vigoureusement tête à Fréteval et à Vendôme.


La retraite continua dans la direction du Mans. Les misères étaient grandes. Il pleuvait sans cesse ; le froid était toujours rigoureux. Des bataillons entiers se débandaient ; les hommes se dispersaient dans les fermes et dans les villages pour chercher à se réchauffer et à manger. Cependant les troupes continuaient à camper sous les petites tentes. Telle était la force des habitudes ! Des cohues d’isolés couvraient les chemins. Les uns traînaient derrière les colonnes ; les autres, au contraire, les précédaient, se hâtant pour arriver plus vite au Mans, où ils espéraient trouver quelque repos.

Chaque jour, jusqu’à la nuit et parfois pendant la nuit, le canon se faisait entendre d’un côté ou de l’autre ; c’étaient des combats de détail sans solution, et l’énervement en augmentait. Pour arrêter cette désorganisation, des mesures de répression fort sévères furent ordonnées, mais elles restèrent insuffisantes.


« Il faut rendre pleine justice, a écrit un historien allemand, aux hommes qui, même dans une telle situation, ne perdirent pas courage et s’obstinèrent à continuer la lutte au milieu de circonstances si difficiles. » Le général Chanzy fit, en effet, preuve d’une force d’âme peu commune[1].

Le 29 décembre, l’armée arriva aux environs du Mans. Le plan du général Chanzy était de s’y arrêter, de s’y réorganiser, de recevoir des renforts, et ensuite de tenter, avec la partie de l’armée restée sur la Loire, sous les ordres du général Bourbaki, un mouvement offensif dans la direction de Paris.

Mais le gouvernement avait d’autres projets. Le général Bourbaki devait faire une diversion vers Belfort. Le général Chanzy resta livré à ses seules forces.


La retraite sur le Mans n’avait pas été gênée par l’ennemi.

Après les combats du 15 décembre, le prince Frédéric-Charles ramena ses troupes à Orléans pour leur donner un peu de repos. Elles étaient harassées de fatigue. Leurs effectifs fondaient ; les pertes qu’elles subissaient dans ces combats continuels qui n’aboutissaient à rien, les décourageaient. Elles souffraient beaucoup aussi des rigueurs de la température, moins cependant que les Français, parce qu’elles cantonnaient dans les villages au lieu de camper.


Afin d’éviter une trop grande dissémination des troupes, le grand état-major allemand prescrivit de n’occuper d’une manière permanente qu’un certain nombre de points : Dreux, Chartres, à l’ouest ; Blois, Orléans, Gien, Auxerre, au sud. Il donna l’ordre d’y maintenir les troupes rassemblées, et d’attendre que les forces françaises se fussent réunies en corps assez importants, pour se porter contre elles et les détruire. C’est-à-dire que les Allemands craignaient de s’user dans la guerre de détail, et c’était bien en effet la seule qu’eussent été capables de mener les troupes françaises, auxquelles le courage ne manquait pas, mais qui n’étaient ni assez solides, ni assez bien commandées pour livrer des batailles rangées. Le gouvernement ne paraissait pas s’en rendre compte, et il persistait à combiner des manœuvres stratégiques qu’il n’avait pas le moyen de faire réussir.

Cependant, tout en se concentrant sur le Mans, le général Chanzy ne perdait pas le contact avec l’ennemi ; des colonnes légères, montrant beaucoup d’activité, arrêtaient les avant-gardes allemandes sur la ligne du Loir, notamment à Vendôme, le 31 décembre.


De son côté, le prince Frédéric-Charles était préoccupé des tentatives que pouvait faire le général Bourbaki.

Lorsqu’il fut assuré que le général Bourbaki ne se disposait pas à reprendre l’offensive sur la Loire, il décida de se porter en masse contre le général Chanzy.

Le 6 janvier, les corps de la iie Armée arrivèrent sur le Loir ; à leur droite, du côté de Chartres, se trouvait le xiiie corps allemand (grand-duc de Mecklembourg).


Les colonnes ennemies se dirigèrent vers le Mans.

Après avoir refoulé les détachements de l’armée française, elles abordèrent les positions sur lesquelles le général Chanzy avait résolu de résister.


L’armée du général Chanzy avait reçu des renforts et comptait alors 90 000 hommes. Mais c’étaient en grande partie des mobilisés, sans aucune instruction militaire. Rassemblés au camp de Conlie (à l’ouest du Mans), ils y avaient déjà extrêmement souffert, dans la boue, sous les intempéries de ce rude hiver ; ils étaient démoralisés avant d’avoir vu le feu. Comment, avec de pareilles troupes, tenir devant les Allemands, qui, bien qu’éprouvés, eux aussi, par les fatigues et le froid, avaient conservé la solidité qu’on peut attendre de troupes toujours victorieuses, régulièrement commandées, bien disciplinées, et confiantes dans leurs chefs !

On l’essaya cependant.


Bataille du Mans (10 et 11 janvier). — Le nom de bataille du Mans a été donné à l’ensemble des combats livrés, le 10 et le 11 janvier, à l’est du Mans.

Sur bien des points, notamment au plateau d’Auvours, le 11 janvier, la lutte fut très énergique.

Ces hauteurs formaient la clef de la position ; d’abord perdues, elles furent reprises à la suite d’une vigoureuse charge des volontaires de l’Ouest conduits par le général Gougeard[2]. Mais, dans la nuit du 11, un corps de mobilisés de Bretagne, pris de panique, abandonna, sans tirer un coup de fusil, un poste qu’il était chargé de défendre.

Lorsqu’une brèche se produit ainsi sur une ligne de bataille, toute la ligne est compromise. Il n’était plus possible de se maintenir sur les autres positions.

La retraite fut ordonnée le 12 au matin ; un corps de gendarmes fit très belle contenance pour la couvrir.

Les Allemands entrèrent au Mans. Le combat se prolongea jusqu’à la nuit dans les rues de la ville.


Dans les combats livrés autour du Mans, du 6 au 12 janvier, les Allemands engagèrent 75 000 hommes ; ils eurent 200 officiers et plus de 3 000 hommes hors de combat. Sur un effectif de 90 000 hommes, l’armée française perdit environ 6 000 hommes et 20 000 prisonniers.


Retraite sur la Mayenne. — Cependant le général Chanzy ne voulait pas encore abandonner la partie, ni trop s’éloigner de Paris. Son projet était de se retirer du côté d’Alençon, dans le pays difficile du Perche. Mais les ordres du gouvernement lui prescrivirent de se replier derrière la Mayenne. L’ennemi le suivit sans grande vigueur ; les troupes allemandes étaient très fatiguées ; leurs cadres en officiers, extrêmement réduits.


Quelques combats furent encore soutenus par les arrière-gardes françaises.

À Sillé-le-Guillaume (15 janvier), les Allemands perdirent une centaine d’hommes et 30 prisonniers.

Le même jour, des engagements eurent lieu à Saint-Jean-sur-Erve et à Alençon.


Le 18 janvier, on combattit encore près de Laval, à Saint-Mélaine ; puis, ce fut fini dans cette partie de la France.


Le 28 janvier, l’armistice arrêta les opérations.



  1. Aussi, malgré les revers que subit l’armée française aux environs du Mans, le pays a honoré son courage en élevant un monument au général Chanzy sur une des places de la ville.
  2. Le général Gougeard était un capitaine de vaisseau nommé général au titre auxiliaire.