La religion du crime/Chapitre LXXXI

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Librairie anti-cléricale (p. 430-431).

CHAPITRE LXXXI

SOIR NUPTIAL

Dans l’immense nuit douce et bleue, les étoiles reflétées se berçaient comme des baigneuses sur les flots tremblants de la mer. La lune emplissait d’une phosphorescence tranquille l’atmosphère tiède que rafraîchissait par instant l’haleine caressante des vagues. Accoudés au balcon d’une fenêtre de Bordighiera, Pierre et Clairette respiraient à pleins poumons l’air et le bonheur. Oh ! la bénédiction de la nature flottait autour de ces deux enfants. Ils regardaient le ciel, et puis se regardaient. Il leur semblait que leurs âmes mêlées contenaient, résumaient la création éparse, et que le rossignol chantait en eux, et que les constellations les étoilaient, et que les parfums de la nuit leur apportaient l’ivresse de l’universelle extase.

Pierre parla :

— Ma bien-aimée, comme tes yeux sont beaux, comme tes cheveux sentent bon, comme tu es belle ! J’aime tes yeux, j’aime tes cheveux, j’aime ton sourire. Tu es ma femme, Clairette, et tu seras aussi mon amante et mon enfant. Je te bercerai et je t’adorerai. J’aurai pour lumière ton regard, pour bonheur ton bonheur, pour vie toute ta vie. Je ne te tourmenterai jamais, ma chère petite sainte, et je serai fier de toi et je t’obéirai, parce que tu ne peux pas vouloir le mal, et parce que nous ne serons qu’un seul être et qu’un seul cœur.

Il y eut un instant de silence. Pierre et Clairette se contemplaient, les yeux en pleurs, éperdus dans l’honnêteté charmante de l’amour.

Pierre reprit doucement :

— Oh ! parle-moi… Tu parles si bien. Entends-tu comme le rossignol cause, mais sa voix ne vaut pas ta voix. En toi, mon enfant, chantent tous les hymnes de l’infini. Ma petite Clairette, nous serons bien heureux, n’est-ce pas, et toujours ?

Clairette répondit :

— Je t’aime !



FIN