Leçons élémentaires de chimie/1

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LEÇONS ÉLÉMENTAIRES
DE CHIMIE

CHAPITRE PREMIER

L’EAU


1. Les trois états de l’eau.

Nous connaissons l’eau sous les trois états : liquide, solide, gazeux.

Fig. 1. — Diverses formes des cristaux de neige et de glace.
Fig. 1. — Diverses formes des cristaux de neige et de glace.

À l’état solide, l’eau constitue la glace et la neige. Vue à la loupe, la neige présente des formes régulières (fig. 1) ; ce sont des figures géométriques à six côtés, simples ou portant six branches régulièrement distribuées. On donne à ces formes régulières le nom de cristaux. Nous aurons occasion de voir d’autres corps solides présentant des dispositions analogues ; on dit sont cristallisés (fig. 2 et 3).

Fig. 2. — Diverses formes de cristaux. — 1 et 2, alun ; 3, salpêtre.
Fig. 2. — Diverses formes de cristaux. — 1 et 2, alun ; 3, salpêtre.

À l’état gazeux, l’eau existe dans l’atmosphère. La vapeur d’eau est invisible. Quand elle se condense en fines gouttelettes, elle forme le brouillard. Si on apporte dans un appartement du corps froid, on voit se produire à sa surface une buée provenant de la condensation de la vapeur dans l’atmosphère.

Fig. 3. — Cristaux d’alun groupés.
Fig. 3. — Cristaux d’alun groupés.

2. Corps dissous dans l’eau.

I. SOLIDES

Cette vapeur, condensée par refroidissement, constitue les nuages, retombe sous forme de pluie et dissout au contact du sol les éléments qui le composent, les calcaires, par exemple ; dans certains cas, les substances dissoutes la font employer en médecine (eau de Vichy).

Beaucoup d’autres corps, tels que le sel marin, le sucre, le salpêtre, peuvent aussi se dissoudre dans l’eau. Mais la quantité d’un même corps qui se dissout dans un même poids d’éau varie avec la température. Ainsi 100 grammes d’eau dissolvent :

à 13gr,3 de salpêtre,
à 25° 33gr,5 »
à 100° 250gr,0 »

et 100 grammes d’eau dissolvent :

à 36gr,0 de sel marin,
à 25° 37gr,0 »
à 100° 39gr,5 »

Ces tableaux montrent en outre :

1° Que, à une même température, le poids du corps dissous dans un même poids d’eau dépend de la nature de ce corps ;

2° Que le salpêtre est beaucoup plus soluble à chaud qu’à froid, c’est ce qui a lieu généralement pour les autres corps solubles, et que, pour le sel marin, la différence est peu sensible.

Si l’on fait évaporer l’eau, le corps dissous se dépose, et généralement il cristallise.

II. GAZ

De même que l’eau dissout des corps solides, elle dissout aussi des gaz. On peut les extraire par l’expérience suivante (fig. 4). On prend un ballon plein d’eau ; on y adapte un tube de verre recourbé (tube abducteur) également rempli d’eau ; l’autre extrémité du tube aboutit à une cloche longue et étroite (éprouvette), pleine d’eau, retournée sur la cuve à eau, et soutenue par un têt à gaz (fig. 5).

Fig. 4. — Extraction des gaz dissous dans l’eau.
Fig. 4. — Extraction des gaz dissous dans l’eau.
Fig. 5. — Têt à gaz.
Fig. 5. — Têt à gaz.

L’appareil doit être entièrement rempli de liquide, si l’on veut ne recueillir que les gaz dissous dans l’eau. On chauffe jusqu’à l’ébullition. On voit des bulles de gaz monter dans l’éprouvette et le niveau de l’eau baisser. Le gaz ainsi recueilli est en réalité un mélange de trois gaz que nous étudierons sous les noms de : oxygène, azote, gaz carbonique*[1]. On peut montrer de plus que tous les gaz dissous se sont dégagés, et qu’il reste seulement de la vapeur d’eau dans la partie supérieure du ballon et dans le tube. Il suffit de laisser refroidir l’appareil ; la vapeur se condense et l’eau de la cuve vient remplir le ballon et le tube.

3. Eau potable.

L’eau est potable quand elle peut servir à l’alimentation. Dans ce cas, elle est aérée et contient en petite quantité certaines matières minérales (de 1 à 5 décigrammes par litre). L’eau non aérée est fade et de digestion difficile. Les matières minérales qu’elle renferme sont, en général, le calcaire et la pierre à plâtre, le calcaire étant très utile, car il entre dans la constitution des os. Mais, quand ils sont trop abondants, ces corps durcissent les légumes, et rendent le savon insoluble. De plus, l’eau ne doit pas contenir de substances organiques, c’est-à-dire provenant des êtres vivants, comme celles qui se produisent dans les putréfactions, et qui peuvent être malsaines ; et surtout, il faut en éliminer les êtres microscopiques, qui sont souvent les germes de maladies contagieuses (fièvre typhoïde). Il est donc utile de faire l’essai de l’eau.

Essai de l’eau. — 1° On verse dans l’eau quelques gouttes d’une dissolution de savon dans l’alcool : il se forme des grumeaux quand l’eau est mauvaise ; sinon, le liquide reste limpide.

2° Cette expérience n’apprend rien quant aux substances organiques et aux êtres vivants ; on les met en évidence en chauffant l’eau avec quelques gouttes d’une dissolution de chlorure d’or* ; l’eau insalubre brunit.

4. Distillation de l’eau.

Si l’on veut de l’eau privée de gaz, nous avons vu qu’il suffit de à faire bouillir ; pour la débarrasser des matières solides, il faut la distiller. La distillation consiste à transformer le liquide en vapeur par l’ébullition, et à condenser la vapeur obtenue. L’appareil le plus simple est le suivant (fig. 6) : un vase de verre coudé et aminci en forme de col (cornue) se prolonge par une allonge de verre, qui aboutit dans un ballon refroidi. On fait bouillir l’eau dans la cornue, la vapeur se condense dans le ballon. Plus la surface de contact entre la vapeur et la paroi froide, est grande, plus la condensation est rapide.

Fig. 6. — Distillation de l’eau. — A, cornue ; B, allonge ; C, tube pour la sortie de l’air dilaté et des gaz dissous dans l’eau.
Fig. 6. — Distillation de l’eau. — A, cornue ; B, allonge ; C, tube pour la sortie de l’air dilaté et des gaz dissous dans l’eau.

Dans l’appareil industriel appelé alambic (fig. 7), la cornue est remplacée par une chaudière (cucurbite) surmontée d’un couvercle (chapiteau) et le ballon par un tube contourné en serpentin. Cette dernière disposition augmente la surface de contact sans exiger beaucoup de place. La vapeur, en se condensant, abandonne toute la chaleur qu’on avait dû fournir à l’eau liquide pour la vaporiser. L’eau du vase qui entoure le serpentin s’échauffe très vite ; on la renouvelle en amenant de l’eau froide à la partie inférieure, pendant que l’eau chaude, plus légère, s’écoule par une ouverture ménagée à la partie supérieure.

Fig. 7. — Alambic. — A, cucurbite ; B, chapiteau ; C, serpentin ; D, entonnoir par lequel on verse de l’eau froide ; E, écoulement de l’eau chaude ; F, fourneau.
Fig. 7. — Alambic. — A, cucurbite ; B, chapiteau ; C, serpentin ; D, entonnoir par lequel on verse de l’eau froide ; E, écoulement de l’eau chaude ; F, fourneau.

5. Filtration de l’eau.

Fig. 8. — Filtre Pasteur. — A, bougie ; B, écoulement de l’eau filtrée ; C, garniture métallique que l’on dévisse pour nettoyer la bougie ; D, vase adapté au robinet E ; F, eau à filtrer.
Fig. 8. — Filtre Pasteur. — A, bougie ; B, écoulement de l’eau filtrée ; C, garniture métallique que l’on dévisse pour nettoyer la bougie ; D, vase adapté au robinet E ; F, eau à filtrer.
On débarrasse l’eau des germes de maladies qu’elle

contient, en même temps que des corps solides qui y sont en suspension en la filtrant d’après la méthode Pasteur. La partie essentielle d’un filtre Pasteur (fig. 8) est un tube de porcelaine poreuse ou bougie, contenu dans un vase que l’on adapte au robinet d’une conduite d’eau ; l’eau qui arrive dans ce vase traverse la paroi poreuse de l’extérieur à l’intérieur et s’écoule par un tube qui prolonge la bougie. Les substances solides de toute nature sont retenues par la porcelaine dont les pores se bouchent peu à peu, le débit du filtre diminue. Pour nettoyer le filtre, on le démonte, on brosse la surface extérieure de la bougie, et on plonge celle-ci pendant quelques minutes dans l’eau bouillante pour détruire les germes vivants.

6. Composition de l’eau.

C’est en 1781 que Lavoisier établit la composition l’eau et prouva qu’elle n’est pas un corps simple, un élément, comme on l’avait cru jusqu’alors.

On peut décomposer l’eau par l’électricité dans le voltamètre. Le voltamètre (fig. 9) est un vase de verre dont le fond, couvert de cire, est traversé par deux fils de platine. Deux fils de cuivre mettent ces fils de platine en communication avec les deux pôles d’une pile électrique. Le vase contient de l’eau acidulée par quelques gouttes d’acide sulfurique*, et on retourne sur les fils des éprouvettes pleines d’eau. Quand la pile fonctionne, on voit des bulles de gaz monter dans les éprouvettes, et dans l’une le volume du gaz est très sensiblement le double de ce qu’il est dans l’autre. Si l’on prolongeait suffisamment l’expérience, on verrait l’eau disparaître en même temps que les gaz continueraient à se dégager. Prenons l’éprouvette contenant le plus de gaz et approchons-en une allumette enflammée ; l’allumette s’éteint et le gaz brûle avec une flamme à peine visible, ce sont les caractères de l’hydrogène*. Une allumette qui n’a plus qu’un point rouge se rallume dans l’autre gaz, c’est l’oxygène*. L’eau est donc formée d’hydrogène et d’oxygène dans la proportion de deux volumes du premier pour un du second. Si, au lieu de mesurer les volumes, on pesait les gaz obtenus, on trouverait que, pour 9 grammes d’eau décomposée, il y a toujours 1 gramme d’hydrogène et 8 grammes d’oxygène.

Fig. 9. — Voltamètre. — H, hydrogène ; O, oxygène.
Fig. 9. — Voltamètre. — H, hydrogène ; O, oxygène.



  1. La formation des mots marqués d’un astérisque sera indiquée plus loin.