Le Bordel des Muses/Notice sur le Bordel des Muses

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Les Libertinage au XVIIe siècle
Texte établi par Frédéric Lachèvre (Les Œuvres libertines de Claude Le Petitp. 95-96).


LE

BORDEL DES MUSES OU LES NEUF PUCELLES PUTAINS.

CAPRICES SATYRIQUES

DE

THÉOPHILE LE JEUNE.




Le manuscrit et les feuilles tirées du Bordel des Muses de Claude Le Petit furent brûlés avec le poète le 1 septembre 1662. Le fragment qui nous en est parvenu a dû être imprimé en Hollande par les soins du baron de Schildebek. Nous disons fragment car il est facile de se rendre compte que jamais ce livre libertin n’a été édité en entier.

On sait que ce fragment a échoué à la Bibliothèque nationale ; il est mentionné dans le Catalogue de la Bibliothèque du Roi[1]. Heureusement que deux érudits : Ed. Tricotel et Alfr. Bégis avaient eu la précaution d’en prendre une copie ; sans leur prévoyance le Bordel des Muses passait au nombre des ouvrages perdus. En effet la Bibliothèque nationale ne le possède plus depuis 1850. Il est à penser que le Recueil factice dont il faisait partie a été dépecé : la plaquette du Bordel des Muses est sortie pour être cartonnée et on a oublié d’en constater le retour. C’est là une hypothèse vraisemblable, sinon exacte.

Le Bordel des Muses, tel qu’il nous est parvenu, comprend 24 pages dont la table. Si l’on consulte cette dernière, on s’aperçoit qu’elle ne concorde pas avec la fraction de pièces qui nous reste.

Les six premières pièces ont été imprimées dans l’ordre suivant : 1, 2, 6, 5, 3, 4. Ensuite la dite table indique :

L’Europe ridicule. Sonnet au Ciel. La Chronique scandaleuse ou Paris ridicule. Seconde Partie. La Pantalonade ou Venise ridicule. L’Autrichiade ou Vienne ridicule. Troisième partie. Le Cromwellisme ou Londres ridicule. La Castillade ou Madrid ridicule, alors que le dernier feuillet de l’imprimé porte le titre suivant :

L’Europe ridicule
C’est à sçavoir
La France dans Paris ridicule
L’Allemagne dans Vienne ridicule
L’Italie dans Venise ridicule
L’Espagne dans Madrid ridicule
Et l’Angleterre dans Londres ridicule
Le tout divisé en 3 parties


On remarquera : 1° les modifications apportées aux titres des petits poèmes ci-dessus qui ne sont plus ceux inscrits à la table, 2° la mention de l’Angleterre dans Londres ridicule, et de l’Espagne dans Madrid ridicule. En se reportant à l’épître dédicatoire à Christien Wolfang, signée par le baron de Schildebek, placée en tête du Bordel des Muses, on lira les lignes suivantes :

« … si on ne luy avoit point desrobé meschamment son Madrid et sa Londres, vous auriez de luy l’Europe entière ridicule. Si ces larrons font restitution à sa mémoire de ses mémorables escrits et que je sois assez heureux d’en pouvoir un jour disposer, je vous en feray part en quelque lieu du monde que vous soyez et ce sera la quatrième et dernière partie de toutes les œuvres satyriques du deffunt… »

De ces rapprochements il résulte que non seulement la table ne correspond ni avec l’ordre des pièces conservées ni avec le titre général de l’Europe ridicule mentionnée au dernier feuillet, mais encore que ce titre est lui-même erroné en inscrivant les poèmes de l’Angleterre dans Londres ridicule et de l’Espagne dans Madrid ridicule que le baron de Schildebek déclare avoir été volés à Claude Le Petit.

La conclusion à tirer de cet exposé c’est qu’il faut renoncer à retrouver le texte intégral du Bordel des Muses ou les neuf pucelles putains, tout simplement parce que cet ouvrage, nous le répétons, n’a jamais vu le jour en entier ; le fragment sous la rubrique Leyde est tout ce qui en a subsisté.




  1. Y 4920. Cette plaquette était reliée avec deux autres pièces : Les soupirs d’Alexis sur la retenue si longue de son amy Théophile. 1624, in-8o, et l’Éventail satyrique, 1625, in-8o, qui ont également disparu.