Le Chant des marais

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Éclairs et FuméeEditions Armorica Voir et modifier les données sur WikidataOeuvres posthumes, 1907-1930, vol. 1 (p. 38-39).


LE CHANT DES MARAIS


À Florian Le Roy.

Le saule penche
Sa maigre branche
Au bord des eaux.
Le vent déclanche
Une avalanche
Par monts et vaux.

Dans les tourbières,
Dans les bruyères,
Vont les damnés.
Vaines prières,
Des cimetières
De conjurés…

Des âmes pleurent,
Des espoirs meurent
Dans le néant.
Des morts se leurrent,
D’autres effleurent
L’enfer béant !

Toute garenne
Devient géhenne
D’hallucinés.
Alors s’égrène
Cette antienne
Des égarés.


Toute tristesse
Devient détresse
Dans les marais.
Nulle tendresse,
Nulle caresse
N’y fut jamais.

Lorsque la bise
La nuit aiguise
Ses dents de froid.
Ce chant dégrise,
Sans cesse attise
Un vif effroi.

Mon cœur s’abuse,
Mon esprit s’use
Et chaque soir
Plus je m’accuse,
Plus je m’excuse
D’un grand espoir.