Le Chariot de terre cuite (trad. Regnaud)/Acte IX

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Traduction par Paul Regnaud.
(tome 4p. 1-43).


ACTE IX


LE PROCÈS




L’huissier, apparaissant sur la scène. — J’ai reçu l’ordre des juges (1). « Huissier, m’ont-ils dit, rends-toi dans la salle de justice et prépare les sièges. » Je viens en conséquence exécuter ces prescriptions. (Il s’avance en regardant autour de lui.) Voilà la salle ; entrons. (Il entre, balaye et met les sièges en place.) La salle est nettoyée (2) et les sièges sont prêts ; je vais en informer les juges. (Il s’avance en regardant autour de lui.) Ah ! voilà le beau-frère du roi qui vient ici ; c’est un méchant homme (3) et je vais tâcher de passer sans qu’il me voie. (Il se retire à l’écart.) Samsthânaka, brillamment paré. — « Je me suis baigné dans de l’eau, dans des ondes, dans des flots : je me suis couché dans un parc, dans un bosquet, dans un jardin, entouré comme un gandharva de jouvencelles, de tendrons, de femmes belles et bien faites.

« On m’a fait et des nœuds et des nattes : on m’a mis des boucles d’oreilles et des perles et un chignon relevé. Ne suis-je pas un prince (4) paré et décoré ? »

Pareil au ver qui, ayant pénétré dans les entrailles, y exerce les effets du poison, j’ai trouvé de vastes intestins à ravager Reste à savoir sur qui je ferai retomber cette déplorable affaire (5) ? (Rappelant ses souvenirs.) Ah ! j’y suis. C’est sur Chârudatta, cet indigent, que j’en ferai porter le fardeau. D’ailleurs il est pauvre : la chose paraîtra tout à fait vraisemblable (6). C’est cela ; je vais entrer dans la salle de justice et faire prendre note devant moi que Chârudatta a assassiné Vasantasenâ. Allons-y sans tarder. (Il s’avance en regardant autour de lui.) La voici justement. (Il entre.) Ah ! les sièges sont prêts ; en attendant que les juges n’arrivent, je vais m’asseoir un instant sur ce carré de gazon et je regarderai les passants (7). (Il s’assied.)

L’huissier, s’avançant d’un autre côté en regardant devant lui. — Voici les juges ; il faut m’approcher.

(Arrive sur la scène le Juge président entouré du prévôt des marchands (8), du greffier, etc.)

Le juge. — Holà ! Messieurs le prévôt des marchands et le greffier !

Le prévôt et le greffier. — Nous sommes à vos ordres, Seigneur.

Le juge. — La solution d’une affaire dépend de bien des choses (9) et il est toujours difficile aux juges de pénétrer dans la pensée d’autrui (10).

« On voit souvent porter contre quelqu’un une demande en justice dont la preuve est à faire (11) et que l’enquête (12) ne justifie pas. Mais les demandeurs, dominés par la passion, ne reconnaissent pas leurs torts devant le tribunal, et le prince n’est touché que par les griefs qu’exagèrent à plaisir les plaideurs en présence (13). Bref, pour le juge (14) il est très-facile d’encourir le blâme, tandis que son mérite est hors de la portée des plaideurs. »

Ou bien (15)

« On voit des gens irrités porter contre d’autres des accusations dont la preuve est à faire et que l’enquête ne justifie pas. Mais les accusateurs ne reconnaissent pas leurs torts devant la justice ; quoique honnêtes (16) à d’autres égards, ils commettent en cela un crime qui s’accroît dans la chaleur du débat entre les parties, et ils courent à une perte (17) certaine. Bref, pour le juge, il est très-facile d’encourir le blâme, tandis que son mérite est hors de la portée des plaideurs. »

Aussi, doit-il (18)

« Connaître la loi, être habile à découvrir les fourberies, doué d’éloquence, non irascible, équitable pour ses amis comme pour ses ennemis ; qu’il ne prononce de sentence qu’après que la cause a été examinée ; qu’il protège les faibles (19), châtie les méchants et reste fidèle à ses devoirs et dépourvu de cupidité devant un cas à résoudre (20) ; son cœur doit s’attacher à la vérité pure et il faut qu’il s’applique à détourner la colère du roi. »

Le prévôt et le greffier. — On ne pourra vous taxer de blâme (21), Seigneur, que le jour où l’on pourra dire que le monde de la lune est obscur.

Le juge. — Ami huissier, indique-nous le chemin de la salle de justice.

L’huissier. — Venez, venez ! Monsieur le juge. (Les juges se mettent en marche vers la salle.) Voilà la salle de justice. Messieurs les juges peuvent entrer. (Ils entrent tous.)

Le juge. — Ami huissier, va dehors et demande s’il y a des plaideurs.

L’huissier. — J’obéis. (Il sort.) Messieurs les juges demandent s’il y a des plaideurs.

Samsthânaka, avec joie. — Ah ! les juges sont en séance. (S’avançant avec orgueil.) Moi, homme d’importance, le beau-frère du roi, le beau-frère du prince, un Vasudeva personnifié, j’ai une plainte à porter en justice.

L’huissier, effrayé (22). — Ciel (23) ! c’est le beau-frère du roi qui se présente le premier devant la justice. Seigneur, veuillez attendre un instant, je vais avertir les juges. (Il rentre dans la salle du tribunal.) Seigneur, voici le beau-frère du roi qui vient à titre de demandeur présenter une affaire au tribunal.

Le juge. — Quoi ! le premier plaignant est le beau-frère du roi ! Cela nous annonce, comme quand on voit une éclipse (24) au lever du soleil, la chute d’un homme considérable. Huissier, nous avons aujourd’hui à nous occuper d’affaires nombreuses (25), sors donc et dis au beau-frère du roi de s’en aller, car sa plainte ne peut pas être examinée actuellement.

L’huissier. — J’exécute vos ordres, Seigneur. (Il sort et revient trouver Samsthânaka.) Seigneur, les juges vous font dire que vous pouvez vous en aller ; ils ne peuvent pas s’occuper de votre affaire aujourd’hui.

Samsthânaka, irrité. — Quoi ! mon affaire ne sera pas examinée aujourd’hui ? S’il en est ainsi, j’en informerai le roi Pâlaka, mari de ma sœur (26), ainsi que ma sœur elle-même et ma mère (27) ; je demanderai qu’on renvoie (28) ce juge et je le ferai remplacer par un autre. (Il fait mine de s’en aller.)

L’huissier. — Prince, attendez une minute ; je vais faire part de votre réponse aux juges. (Il se rend auprès du juge.) Seigneur, le beau-frère du roi s’est mis en colère et a dit que si son affaire n’est pas examinée aujourd’hui, il en informera le roi Pâlaka, mari de sa sœur, ainsi que sa sœur et sa mère. Il demandera qu’on vous renvoie et vous fera remplacer par un autre.

Le juge. — On peut tout craindre de cette tête folle. Retourne auprès de lui pour lui dire qu’il vienne et qu’on va s’occuper de son affaire.

L’huissier, retournant auprès de Samsthânaka. — Seigneur, les juges vous font dire de vous rendre auprès d’eux : ils vont s’occuper de votre affaire. Veuillez donc entrer.

Samsthânaka, à part avec joie. — Ah ! ah (29) ! ils ont commencé par dire : « On ne l’examinera pas », puis ils disent maintenant : « On l’examinera » ; ils ont eu peur, Messieurs les juges, et ils s’en rapporteront à tout ce que je vais leur dire (30). Entrons. (Il entre et s’avance près du tribunal.) Bien le bonjour à nous-mêmes ; quant à vous, Messieurs les juges, je puis vous donner ou vous refuser le bonjour (ou la possession tranquille de votre emploi).

Le juge, à part. — Voilà bien l’attitude implacable d’un plaignant ! (Haut.) Veuillez vous asseoir.

Samsthânaka. — Hé bien ! toutes ces places ne m’appartiennent-elles pas et ne puis-je pas m’asseoir où bon me semble ? (Au prévôt.) Je veux m’asseoir à votre place. (À l’huissier.) Mais non, à la tienne. (Mettant la main sur la tête du juge.) Voici plutôt où j’entends m’asseoir. (Il finit par s’asseoir à terre.)

Le juge. — Seigneur, vous avez une plainte à déposer ?

Samsthânaka. — Certainement !

Le juge. — Exposez-nous l’affaire.

Samsthânaka. — Je vais la faire entendre à vos oreilles ; mais sachez d’abord que j’appartiens à une grande famille.

« Mon père est le beau-père du roi, le roi est le gendre de mon père, moi je suis le beau-frère du roi et le roi est le mari de ma sœur. »

Le juge. — Nous savons tout cela.

« Au reste, qu’importe la naissance : la vertu est le seul mobile en pareille circonstance. C’est sur un sol fertile que les épines croissent le plus vigoureusement. »

Veuillez donc nous faire connaître l’affaire.

Samsthânaka. — La voici. Je ne suis coupable en quoi que ce soit (31). L’époux de ma sœur, content de moi, m’a donné, pour m’y amuser, la jouissance du plus beau de tous les parcs, du vieux (32) jardin Pushpakarandaka, et je vais chaque jour le visiter et veiller à ce qu’il soit tenu sec, propre, bien soigné et bien émondé. En m’y promenant aujourd’hui, le hasard a voulu que je visse, ou plutôt que je ne visse pas, le cadavre d’une femme assassinée.

Le juge. — Et l’avez-vous reconnue ?

Samsthânaka. — Ah ! Messieurs les juges, comment aurais-je pu ne pas reconnaître cette femme qui était l’ornement de la ville et que paraient cent bijoux précieux ? C’est Vasantasenâ qui aura été étouffée à force de bras par quelque mauvais sujet venu dans le parc désert avec l’intention de voler, — non par moi… (Il se couvre la bouche sans achever.)

Le juge. — La police de la ville est bien négligente ! Prévôt et vous greffier, couchez par écrit les mots : « Non, par moi. » Voilà un premier point acquis pour l’affaire (33).

Le greffier. — J’obéis, seigneur. (Il écrit.) La rédaction est faite.

Samsthânaka, à part. — Ciel ! (34) j’ai fait comme Pâyasapindaraka courant et volant à toute vitesse (35)… Je me suis exposé à un grave danger. Soit ; tâchons d’en sortir. (Haut.) Mais, Messieurs les juges, j’allais dire simplement que je ne l’avais pas vu assassiner. Pourquoi faire tant de bruit à ce propos ? (Il efface avec le pied ce qu’on vient d’écrire.)

Le juge. — Comment avez vous su que quelqu’un l’avait étouffée dans ses bras pour prendre ce qu’elle avait sur elle ?

Samsthânaka. — Parbleu ! je l’ai conjecturé à la vue de son cou congestionné et privé de ses ornements (36), ainsi que par l’absence d’objets précieux dans les endroits où les femmes en portent habituellement.

Le prévôt et le greffier. — Cela paraît juste (37).

Samsthânaka, à part. — Ah ! je reviens à la vie.

Le prévôt et le greffier. — Sur qui repose cette affaire ?

Le juge. — Elle peut être considérée sous deux aspects.

Le prévôt et le greffier. — Lesquels ?

Le juge. — On peut envisager l’examen de la plainte et la recherche des faits. Le premier point dépend des dires du plaignant et de la personne qu’intéresse la plainte, et le second est livré à l’intelligence des juges.

Le prévôt et le greffier. — Alors l’affaire repose sur la mère de Vasantasenâ (38) ?

Le juge. — Parfaitement. Ami huissier, va citer tranquillement la mère de Vasantasenà à comparaître devant le tribunal.

L’huissier, qui est sorti pour revenir un instant après avec la mère de Vasantasenâ. — Venez, venez ! Madame.

La mère de Vasantasenâ. — Ma fille s’est rendue chez un ami pour profiter de sa jeunesse. Sur l’entrefaite, ce vieillard vient me dire que le juge me fait appeler… Je me sens prête à défaillir et le cœur me bat à se rompre… Montrez-moi, Seigneur, le chemin de la salle où siège le tribunal.

L’huissier. — Venez, venez ! Madame. (Ils se mettent en marche.) Voilà la salle d’audience ; entrez, Madame. (Ils entrent.) La mère de Vasantasenâ, s’avançant. — Bonjour, Messieurs les juges !

Le juge. — Madame, soyez la bienvenue ; veuillez vous asseoir.

La mère de Vasantasenâ. — Soit. (Elle s’assied.)

Samsthânaka, d’un ton de mépris. — Te voilà venue, vieille entremetteuse.

Le juge. — Vous êtes bien la mère de Vasantasenâ ?

La mère de Vasantasenâ. — Oui, Monsieur le juge.

Le juge. — Pouvez-vous nous dire où est allée Vasantasenâ ?

La mère de Vasantasenâ. — Chez un ami.

Le juge. — Comment s’appelle cet ami ?

La mère de Vasantasenâ, à part. — Je rougis d’avoir à le dire. (Haut.) C’est une question que pourraient faire certaines personnes, mais non pas un juge.

Le juge. — Pas tant de pruderie ; l’affaire exige que vous répondiez.

Le prévôt et le greffier. — L’affaire l’exige ; il n’y a pas là d’inconvénient ; parlez !

La mère de Vasantasenâ. — L’affaire l’exige ? Dans ce cas, veuillez m’écouter, Messieurs les juges. Dans le quartier du Commerce réside un particulier qui est petit-fils de Vinayadatta le syndic, fils de Sâgaradatta et qui porte le nom justement appliqué de Chârudatta ; c’est chez lui que ma fille est allée goûter le plaisir de la jeunesse.

Samsthânaka. — Vous avez entendu, Messieurs les juges ? Écrivez cette déposition ; c’est contre Chârudatta que ma plainte se trouve dirigée.

Le prévôt et le greffier. — Chârudatta était son ami ; il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle soit allée le voir.

Le juge. — Chârudatta se trouve néanmoins impliqué dans l’affaire.

Le prévôt et le greffier. — Évidemment.

Le juge — Dhanadatta (39), écrivez que Vasantasenâ est allée chez Chârudatta ; — voilà le premier point de l’affaire. Mais pouvons-nous faire comparaître ici le seigneur Chârudatta ? Oui, car l’affaire l’exige. Ami huissier, va dire au seigneur Chârudatta, naturellement, tranquillement, sans esclandre, et avec le respect qui lui est dû, de vouloir bien se rendre ici, que le juge désirerait le voir à l’heure qui lui conviendra.

L’huissier. — Seigneur, j’exécute vos ordres. (Il sort pour revenir avec Chârudatta.) Seigneur, veuillez venir avec moi.

Chârudatta, d’un air pensif. — « Ma famille et mon caractère sont choses connues du roi, mais, vraiment, cette citation implique un doute dont ma considération serait l’objet. »

(À part, d’un ton indécis.)

« Saurait-on que cet homme (40) échappé de prison, dont j’ai fait la rencontre, a été engagé par moi à s’esquiver dans ma litière ? Le fait d’ailleurs a pu venir aux oreilles du roi par les espions qui voient tout pour lui, et c’est pour cela que me voilà m’en allant appréhendé, en quelque sorte. »

Mais à quoi bon tant d’inquiétudes ? Je vais savoir de quoi il s’agit en me rendant au tribunal. Allons, mon ami l’huissier, montre-moi le chemin qui conduit auprès des juges.

L’huissier. — Venez, Seigneur, venez ! (Ils s’avancent tous les deux.)

Chârudatta, avec inquiétude. — Mais quoi ?

« Des signes de mauvais augure ! Ce (41) corbeau qui crie d’une voix rauque (42), ces appels réitérés des employés du juge, mon œil gauche qui éprouve un vif clignotement : ces fâcheux présages (43) jettent le trouble dans mon âme. »

L’huissier. — Venez, venez, Seigneur, à votre gré et sans vous émouvoir.

Chârudatta, s’avance en regardant devant soi.

« Voilà perchée sur cet arbre sec une corneille qui fixe le soleil ; mon œil gauche a tressailli ; tout cela est évidemment effrayant (44). »

(Regardant d’un autre côté.) Ah ! un serpent !

« Ses yeux sont fixes ; il brille comme s’il était frotté d’un collyre noir (45) ; il darde sa langue allongée ; il montre quatre dents venimeuses toutes blanches ; son ventre est gonflé et tortueux. Il dormait sur mon chemin et se précipite avec colère sur moi au moment où je passe (46). »

Autres présages funestes !

« Mon pied trébuche et glisse, quoique la terre ne soit pas humide ; mon œil gauche éprouve un clignotement et mon bras tremble à plusieurs reprises. Puis, voilà un autre oiseau qui pousse de grands cris et qui m’annonce à différentes reprises une mort épouvantable… Il n’y a pas à en douter. »

Quoi qu’il en soit, les dieux donneront à toutes choses une issue heureuse ! (47)

L’huissier. — Venez, venez ! Seigneur ; voici la salle d’audience, entrez !

Chârudatta. (Il entre et regarde de tous côtés.) — Quel brillant aspect présente cette salle !

« Le palais du roi (48) est comme une mer (49) aux rives agitées (50) par les flots des affaires publiques et peuplée d’hôtes redoutables (51) : les ministres plongés (52) dans leurs réflexions figurent l’eau profonde ; les messagers sont les coquillages agités par les flots qui la remplissent (53) ; les espions (54) tiennent lieu des crocodiles et des makaras qu’on rencontre sur ses bords (55) ; les éléphants et les chevaux servant aux supplices (56) correspondent aux poissons de proie qu’elle renferme dans son sein ; les cris des plaideurs (57) rappellent ceux des hérons et les scribes ressemblent aux serpents dont elle est le refuge. »

N’importe, entrons. (Il se donne un coup à la tête en entrant et réfléchit.) Encore un augure sinistre.

« Mon œil gauche a tressailli, une corneille a croassé à mes oreilles, un serpent m’a barré le chemin… Puisse néanmoins le destin (58) m’être favorable ! »

Entrons, cependant. (Il entre dans la salle d’audience.)

Le juge. — Ah ! c’est lui qui est Chârudatta.

« Son visage, au nez aquilin, aux yeux grands et allongés, ne saurait être celui d’un homme (59) qui s’est rendu coupable sans motif de grand méfaits. Chez les éléphants, chez les bœufs, chez les chevaux, comme chez les hommes, la physionomie (60) n’est habituellement pas en désaccord avec les mœurs (61). »

Chârudatta. — Messieurs les juges, je vous salue ; bonjour aussi aux employés de la justice.

Le juge, avec émotion. — Seigneur, soyez le bienvenu. Ami huissier, donne un siège au seigneur Chârudatta.

L’huissier, approchant un siège. — Seigneur, voilà un siège ; veuillez vous asseoir.

(Chârudatta s’assied.)

Samsthanaka, d’une voix irritée. — Tu es arrivé, tueur de femme, tu es arrivé ! Voilà une affaire bien menée ! Voilà une affaire où les règles sont bien observées, qu’on offre un siège à ce meurtrier qui tue les femmes (62) ! (Avec hauteur.) Puis, après tout, qu’on le lui donne !

Le juge. — Seigneur Chârudatta, avez-vous de l’attachement ou de l’amour pour la fille de cette dame ?

Chârudatta. — De quelle dame ?

Le juge. — De celle-ci. (Il montre la mère de Vasantasenâ.)

Chârudatta, se levant. — Madame, je vous salue.

La mère de Vasantasenâ. — Seigneur, puissiez-vous vivre longtemps ! (À part.) C’est Chârudatta ; ma fille a bien placé son amour.

Le juge. — Seigneur, cette courtisane est-elle votre amante ?

(Chârudatta manifeste un sentiment de réserve.)

Samsthânaka. — « Qu’il dissimule sa conduite par pudeur ou par crainte, voici un prince qui ne taira pas qu’il a tué une femme pour lui dérober ses bijoux (63). »

Le prévôt et le greffier. — Seigneur Chârudatta, veuillez vous expliquer. Mettez de côté la timidité. Vous êtes impliqué dans un procès.

Chârudatta. — Ah ! Messieurs les juges, comment faire l’aveu que cette courtisane est mon amante ? En tous cas, si la jeunesse m’a fait commettre une faute, mon caractère est intact.

Le juge. — « Cette affaire est semée de difficultés ; laissez de côté la timidité que votre cœur recèle. Dites la vérité ; parlez avec assurance. La dissimulation n’est pas accueillie ici. »

Trêve de pudeur ! L’affaire exige que vous répondiez.

Chârudatta. — Monsieur le juge, à qui ai-je affaire ici ?

Samsthânaka, avec hauteur.À moi.

Chârudatta. — À vous ? La chose est grave, alors.

Samsthânaka. — Ah ! tueur de femme, tu as assassiné Vasantasenâ au moment où elle était parée de cent bijoux précieux et maintenant tu cherches à dissimuler ton crime, maître fourbe !

Chârudatta. — Vous ne savez pas ce que vous dites.

Le juge. — Seigneur Chârudatta, assez de ce dialogue. Dites-nous la vérité. Cette courtisane était-elle votre amante ?

Chârudatta. — Oui.

Le juge. — Où est-elle ?

Chârudatta. — Elle est retournée chez elle.

Le prévôt et le greffier. — Quand et comment y est-elle retournée ? Était-elle accompagnée de quelqu’un ?

Chârudatta, à part. — Dois-je dire qu’elle est partie secrètement (64) ?

Le prévôt et le greffier. — Voyons, parlez. Seigneur !

Chârudatta. — Elle est retournée chez elle ; que dirais-je de plus ?

Samsthânaka. — Elle est entrée dans mon vieux jardin Puskpakarandaka où on l’a étranglée à la force du poignet pour lui prendre ses bijoux ; et tu viens dire maintenant qu’elle est retournée chez elle ?

Chârudatta. — Vous tenez des discours insensés !

« Vous ressemblez au bout de l’aile du châsha (65) qui n’est jamais arrosée par la pluie que versent les nuages du ciel (66), et votre bouche ne profère que des mensonges ; aussi est-elle souillée comme la feuille du lotus en hiver (67).

Le juge, à ses assesseurs. — « Il est aussi difficile (68) de ternir la réputation de Chârudatta que de soulever l’Himalaya, de traverser l’Océan à la nage ou de saisir le vent dans ses bras. »

(Haut.) Comment le seigneur Chârudatta aurait-il pu commettre un crime ?

« Son visage, au nez aquilin, etc. (comme plus haut). »

Samsthânaka. — Pourquoi donc instruire (69) l’affaire avec partialité ?

Le juge. — Arrière, insensé !

« Si vous apparteniez aux castes inférieures (70) et que vous vouliez expliquer le sens des Védas, on ne vous couperait donc pas la langue ? Si vous fixiez le soleil en plein midi, vos yeux ne seraient donc pas fortement éblouis ? Si vous mettiez la main dans un brasier, ne se consumerait-elle donc pas à l’instant, qu’au moment où vous cherchez à ravir l’honneur de Chârudatta, la terre ne s’ouvre pas pour vous engloutir (71) ? »

Comment le seigneur Chârudatta se serait-il rendu coupable d’un crime,

« Lui dont les richesses étaient comme une mer profonde qu’il a réduite à quelques gouttes d’eau (72), en se livrant sans compter à de généreuses largesses ? Est-il possible de supposer qu’un homme aussi magnanime, un réceptacle unique de vertus, ait pu commettre un forfait odieux à tout homme d’honneur (73) dans une intention cupide ? »

Samsthânaka. — Pourquoi donc instruire l’affaire avec partialité ?

La mère de Vasantasenâ. — Malheureux ! Chârudatta avait reçu d’elle naguère une cassette d’or en dépôt qui, a-t-il dit, lui a été enlevée par les voleurs pendant la nuit et il lui a donné en remplacement un collier de perles, quintessence de quatre océans. Et c’est cet homme qui aurait commis un pareil crime pour s’approprier ce qu’elle avait (74) ! Ah ! ma pauvre fille (75), mon enfant, que ne viens-tu ? (Elle pleure.)

Le juge. — Seigneur Chârudatta, Vasantasenâ est-elle revenue à pied ou en litière (76) ?

Chârudatta. — Je n’étais pas là quand elle s’en est allée et j’ignore si elle est revenue à pied ou en litière.

Vîraka, entrant sur la scène avec emportement. — « Sous le coup de la haine violente allumée (77) dans mon cœur par les coups de pieds insultants que j’ai reçus et le mépris dont j’ai été l’objet, j’ai passé la matinée à déplorer mes ennuis. »

(Il entre.) Messieurs, je vous salue (78).

Le juge. — Ah ! voilà Vîraka, le chef de la police urbaine. Quel est l’objet qui vous amène ici, Vîraka ?

Vîraka. — Je vais vous le dire, Monsieur le juge. Dans l’émoi causé par l’évasion d’Aryaka, à la recherche duquel je m’étais mis, il s’est présenté devant moi une litière couverte ; j’en faisais la remarque et j’allais la visiter en disant au capitaine Chandanaka : « Tu l’as visitée, je dois la visiter aussi, » quand il s’est mis à me donner des coups de pied. Voilà les faits, Messieurs les juges, à vous de prononcer.

Le juge. — Ami, savez-vous à qui appartenait cette litière ?

Vîraka. — D’après ce qu’a dit le cocher, c’était celle de Chârudatta, ici présent, dans laquelle Vasantasenâ était montée pour aller s’amuser avec lui au vieux jardin Pushpakarandaka.

Samsthânaka. — Avez-vous entendu, Messieurs les juges ?

Le juge. — « Hélas ! cette (79) lune aux purs rayons est dévorée par Râhu ; la rivière limpide est troublée par l’éboulement de ses bords. »

Vîraka, nous examinerons votre affaire plus tard ; en attendant, montez ce cheval qui est à la porte du tribunal et rendez-vous au jardin Pushpakarandaka pour voir s’il s’y trouve oui ou non une femme assassinée.

Vîraka. — J’y vais. (Il sort et revient au bout de quelques instants) (80). Je m’y suis rendu et j’ai vu que le cadavre d’une femme y avait été dévoré (81) par les bêtes féroces.

Le prévôt et le greffier. — Comment avez-vous reconnu que c’était le cadavre d’une femme ?

Vîraka. — Par des restes de sa chevelure et les empreintes de ses mains et de ses pieds (82).

Le juge. — Hélas ! quelles difficultés présentent les affaires de ce monde !

« Plus on examine soigneusement une cause, plus elle semble obscure. Les règles à suivre sont claires, mais l’esprit (83) ne s’en trouve pas moins dans la situation d’une vache embourbée dans un marécage (84). »

Chârudatta, à part. — « De même que les abeilles se rassemblent autour des fleurs qui viennent de s’entr’ouvrir pour en boire le suc, les malheurs s’abattent à l’envi sur l’homme au moment de l’infortune et pénètrent par toutes les ouvertures. »

Le juge. — Seigneur Chârudatta, il faut dire la vérité.

Chârudatta. — « Quand un méchant homme, jaloux de la vertu des autres, aveuglé par la passion, et dont l’esprit s’attache à causer la perte de quelqu’un, dit des faussetés, obéissant en cela à sa perversité naturelle, doit-on les prendre en considération ? Non, il n’y a pas lieu de les examiner. »

D’ailleurs,

« Aurais-je pu saisir par ses longs cheveux, noirs comme l’aile de l’abeille, et donner la mort à une belle éplorée, moi qui ne voudrais pas même tirer à moi une liane épanouie pour en cueillir les fleurs et en former un bouquet ? »

Samsthânaka. — Messieurs les juges, pourquoi apporter tant de partialité dans cette affaire, au point de permettre que ce misérable Chârudatta reste encore à présent assis devant vous ?

Le juge — Ami huissier, enlève le siège de Chârudatta. (L’huissier exécute l’ordre qui lui a été donné.)

Chârudatta. — Réfléchissez, Messieurs les juges, réfléchissez ! (Il descend de son siège et s’assied à terre.)

Samsthânaka, à part joyeusement. — Ah ! ah ! voilà maintenant qu’un autre est chargé du crime que j’ai commis (85) et je puis m’asseoir sur le siège qu’occupait Chârudatta. (Il met sa pensée à exécution.) Hé bien ! Chârudatta, regarde-moi et avoue que c’est toi qui l’as tuée.

Chârudatta. — Ah ! Messieurs les juges,

« Quand un méchant homme, jaloux de la vertu des autres, etc. (comme plus haut). »

(À part avec un soupir.)

« Ah ! Maitreya, quel coup me frappe aujourd’hui. Hélas ! chère épouse (86), issue d’une famille de brâhmanes sans tache ! Hélas ! Rohasena, toi qui ne connais pas mon infortune et qui continue sans doute malgré le grand malheur qui t’atteint (87) de te livrer avec une confiance trompeuse à tes jeux habituels ! »

Mais j’ai envoyé Maitreya auprès de Vasantasenâ pour obtenir de ses nouvelles et, lui rendre les bijoux qu’elle a donnés à mon fils afin d’acheter un chariot d’or. Pourquoi tarde-t-il si longtemps ?

(Maitreya arrive sur la scène avec les bijoux.)

Maitreya. — Le seigneur Chârudatta m’envoie auprès de Vasantasenâ. « Prends ces bijoux, Maitreya, m’a-t-il dit, dont Vasantasenâ avait paré mon fils Rohasena en l’envoyant auprès de sa mère ; rends-les-lui et n’accepte pas de les reprendre (88). « Je vais donc chez Vasantasenâ pour m’acquitter de cette commission. (Il se met en marche en regardant en l’air.) Tiens ! maître Rebhila. Hé bien ! maître Rebhila (89), pourquoi cet air si inquiet ? (Il écoute ce que lui répond Rebhila.) Que me dites-vous là ? Le seigneur Chârudatta a été appelé en justice ? (Réfléchissant.) Ce n’est pas une bagatelle ; j’irai plus tard chez Vasantasenâ. Il faut me rendre à la salle de justice. (Il se met en marche en regardant autour de lui.) Ah ! bon, la voilà ; j’entre. (Il entre.) Messieurs les juges, je vous salue. Où est mon ami ?

Le juge. — N’est-ce pas lui que voilà ?

Maitreya. — Salut, ami !

Chârudatta. — J’espère que ton souhait se réalisera.

Maitreya. — Que la paix soit avec vous !

Chârudatta. — Peut-être la retrouverai-je.

Maitreya. — Ami, pourquoi paraissez-vous si inquiet et quel est le motif qui vous a fait appeler ici ?

Chârudatta. — « Je suis un homme cruel, je ne tiens pas compte de l’autre monde et c’est par moi qu’une femme, la volupté en personne, a été… Celui-là te dira tout le reste. »

Maitreya. — Que dira-t-il ?

Chârudatta, lui parlant à l’oreille. — Ceci (90).

Maitreya. — Qui est-ce qui prétend cela ?

Chârudatta — Ce malheureux est l’auteur de ce qui arrive ; le dieu de la mort lui-même s’est fait mon accusateur (91).

Maitreya. — Pourquoi ne pas dire qu’elle est retournée chez elle ?

Chârudatta. — J’ai beau le dire, ma pauvreté fait qu’on ne me croit pas (92).

Maitreya. — Quoi ! Messieurs, cet homme à la libéralité duquel la ville d’Ujjayinî (93) doit tant d’embellissements, — des portiques (94), des couvents (95), des parcs (96), des lacs et des fontaines (97) — aurait commis un aussi grand crime pour s’approprier quelques bijoux ? (Avec emportement.) Et vous, Samsthânaka, beau-frère du roi, vous, fils de femme adultère (98), homme sans frein (99), réceptacle de tous les vices que peuvent avoir les hommes, singe tout chamarré d’or, dites, osez dire devant moi comment mon ami, qui ne voudrait pas même cueillir une fleur de madhavî (100) pour former un bouquet, de crainte, pense-t-il, qu’en le faisant il ne détruise des boutons, aurait commis un pareil crime, en horreur dans les deux mondes ! Attends, attends ! fils d’entremetteuse, je vais faire cent morceaux de ta tête avec ce bâton aussi noueux et tortu que ton cœur !

Samsthânaka, avec colère. — Écoutez, Messieurs les juges, écoutez. La querelle, ou plutôt l’affaire, est entre moi et Chârudatta ; de quel droit donc cet individu vient-il me dire, avec son crâne en patte de corneille, qu’il me mettra (101) la tête en cent morceaux ? Viens-y, fils d’esclave !

(Maitreya brandit son bâton en répétant ses invectives ; Samsthânaka se lève et le frappe, Maitreya rend coups pour coups, et dans la lutte les bijoux qu’il porte dans son sein tombent à terre.)

Samsthânaka, qui a mis la main sur les bijoux et les regarde avec stupeur. — Voyez, voyez. Messieurs les juges, les bijoux de cette malheureuse ! (Se tournant du côté de Chârudatta.) Voilà les objets pour lesquels il l’a étranglée, assassinée. (Tous les juges baissent la tête en silence.)

Chârudatta, à Maitreya.

« La chute de tous ces bijoux s’étalant aux regards en un pareil moment est une iniquité du sort qui me fera choir à mon tour (102). »

Maitreya. — Pourquoi ne pas dire ce qu’il en est ?

Chârudatta. — Ami.

« L’œil du roi n’est pas capable de discerner la vérité en cette circonstance. Dans la situation misérable où je me trouve placée tout ce que je pourrais dire (103) n’aboutirait qu’à une mort ignominieuse. »

Le juge. — Hélas ! hélas !

« La planète Jupiter, en lutte avec Mars, est anéantie, maintenant qu’un autre corps céleste pareil à une comète apparaît à côté d’elle (104). »

Le prévôt et le greffier, à la mère de Vasantasenâ. — Madame, examinez (105) avec attention cette cassette d’or afin de voir si c’est oui ou non celle de votre fille.

La mère de Vasantasenâ, l’examinant. — Elle ressemble à la sienne, mais ce n’est pas elle (106).

Samsthânaka. — Vieille entremetteuse, tes yeux avouent ce que ta bouche dissimule.

La mère de Vasantasenâ. — Arrière, malheureux !

Le prévôt et le greffier. — Faites bien attention à ce que vous dites ; ces bijoux sont-ils oui ou non à votre fille ?

La mère de Vasantasenâ. — Le travail en est merveilleux et captive les regards, mais ce ne sont pas les siens.

Le juge.Allons ! brave femme, connaissez-vous ces bijoux ?

La mère de Vasantasenâ. — N’ai-je pas déjà répondu ? Certainement, ils ne me semblent pas inconnus. Mais l’orfèvre a pu leur donner cette apparence (107).

Le juge. — Voyez, prévôt !

« Bien que différents en réalité, des bijoux peuvent se ressembler pour la forme, la beauté et le travail ; les orfèvres imitent un objet qu’ils ont vu et l’analogie qu’on remarque entre l’original et la copie est due à l’habileté de main (108) de l’artiste. »

Le prévôt et le greffier. — Ces bijoux sont-ils au seigneur Chârudatta ?

Chârudatta. — Non, certainement.

Le prévôt et le greffier. — Alors, à qui sont-ils ?

Chârudatta. — À la fille de cette dame.

Le prévôt et le greffier. — Comment se trouvent-ils séparés d’elle (109) ?

Chârudatta. — Ils s’en trouvent séparés, — voilà (110) !

Le prévôt et le greffier. — Seigneur Chârudatta, dites-nous la vérité. N’oubliez pas que

« La vérité procure le bonheur ; celui qui dit la vérité évite de pécher (111) ; la vérité (satyam) forme deux syllabes (ou deux choses impérissables) (112) ; il ne faut pas cacher la vérité sous l’enveloppe du mensonge. »

Chârudatta. — Je ne reconnais pas ces bijoux comme ayant été apportés (113) chez moi, mais je les reconnais comme en étant sortis.

Samsthânaka. — Elle est entrée dans le jardin où tu l’as tuée, et tu as recours maintenant aux subterfuges pour dissimuler la vérité.

Le juge. — Seigneur Chârudatta, je vous engage à dire la vérité ;

« Autrement, nous allons donner hardiment l’ordre de livrer votre corps délicat à des supplices cruels (114). »

Chârudatta. — « Je suis issu d’une famille honnête et je ne suis pas coupable. Que m’importe à moi innocent qu’on m’impute un crime ? »

(À part.) D’ailleurs, à quoi bon vivre, si je n’ai plus Vasantasenâ ? (Haut) Ah ! il n’est pas besoin de longs discours :

« Je suis un homme cruel, je ne tiens pas compte de l’autre monde et c’est par moi qu’une femme, la volupté en personne, a été… Celui-là vous dira tout le reste. »

Samsthânaka. — Oui, tuée ; dis-le donc toi-même, tuée.

Chârudatta. — Vous l’avez dit (115), cela suffit.

Samsthânaka. — Vous avez entendu, Messieurs les juges, c’est lui qui l’a tuée. D’après son aveu même il n’y a plus de doute et le corps de Chârudatta l’indigent doit être livré au supplice (116).

Le juge. — Huissier, il faut faire comme dit le prince. Holà ! les gardes, emparez-vous de Chârudatta.

(Les gardes obéissent.)

La mère de Vasantasenâ. — Apaisez-vous, apaisez-vous, Messieurs les juges ; Chârudatta avait reçu en dépôt une cassette d’or qui lui a été enlevée par les voleurs pendant la nuit et il a donné à ma fille en substitution un collier de perles, quintessence de quatre océans. Et c’est cet homme qui aurait commis un pareil crime pour s’approprier ce qu’elle avait sur elle ! Si ma fille a été tuée, laissez-le jouir d’une longue vie ; je vous en prie. Du reste, toute affaire a lieu entre un plaignant et un accusé. Je tiens lieu de la plaignante (117) et je demande qu’on le mette en liberté.

Samsthânaka. — Allez-vous-en, fille d’esclave ; sortez, vous n’avez plus affaire à lui.

Le juge. — Madame, retirez-vous. Holà ! gardes, faites la sortir.

La mère de Vasantasenâ. — Ah ! mon enfant ! mon fils ! (Elle sort en pleurant.)

Samsthânaka, à part. — J’ai mené la chose d’une manière digne de moi : je puis m’en aller maintenant. (Il sort.)

Le juge. — Seigneur Chârudatta, c’était à nous d’instruire l’affaire ; le reste dépend du roi. Huissier, fais savoir au roi Pâlaka que,

« D’après Manu, le coupable étant un brâhmane, ne doit pas être puni de mort, mais seulement banni du royaume sans que ses biens soient soumis à la confiscation. »

L’huissier. — J’obéis. (Il sort, puis rentre en pleurant.) — Messieurs, je me suis rendu où vous m’avez envoyé et le roi Pâlaka ordonne que celui qui s’est rendu coupable du meurtre de Vasantasenâ pour lui prendre ses bijoux soit conduit au son du tambour au cimetière du sud, avec ces mêmes bijoux pendus au cou, pour y être supplicié. Quiconque commettra un pareil crime sera puni de ce châtiment terrible (118).

Chârudatta. — Hélas ! avec quelle légèreté agit le roi Pâlaka ! Ou plutôt

« Précipités par leurs ministres, dans les dangers de tels jugements, les rois encourent à bon droit (119) un sort lamentable (120).

« Des milliers d’innocents ont été et sont chaque jour les victimes de ces pernicieux (121) conseillers qui corrompent les volontés du roi. »

Maitreya, mon ami, va-t’en et charge-toi de mes derniers adieux pour ma mère (122) ; sois aussi le protecteur de mon fils Rohasena.

Maitreya. — Hélas ! quand la racine de l’arbre est coupée, comment sauver l’arbre lui-même ?

Chârudatta. — Ne dis pas cela ; « Le fils de celui qui a pris place dans un autre monde, le remplace ici-bas (123) : reporte sur Rohasena l’amitié que tu ressens pour moi. »

Maitreya. — Vous êtes mon ami le plus cher, pourrai-je vivre sans vous ?

Chârudatta. — Procure-moi la vue de Rohasena.

Maitreya. — C’est juste ; vous serez satisfait.

Le juge. — Ami huissier, emmène ce jeune homme. (L’huissier obéit.) Y a-t-il quelqu’un là ? Qu’on avertisse les Chândâlas ! (Chârudatta est emmené et tous les juges sortent.)

L’huissier. — Venez, Seigneur.

Chârudatta. (Il répète d’une voix attendrie la stance commençant par ces mots : Hélas ! Maitreya, quel coup me frappe aujourd’hui, etc.)

(Derrière la toile.)

« Ô roi (124) ! si vous m’aviez fait appliquer à la question (125) avec du poison, de l’eau, des balances et du feu (126), vous pourriez livrer mon corps à la scie, une fois la preuve acquise ; mais en mettant aux mains des bourreaux un brahmane comme moi sur la simple accusation d’un ennemi, vous vous précipitez en plein enfer avec vos fils et vos petits-fils. »

(Aux bourreaux.) Me voici.

(Tous les personnages quittent la scène.)


NOTES SUR LE NEUVIÈME ACTE


(1) Comm. adhikaranam râjyanidànam nyâyavivddasthalam prasiddham yàranyàm idànim ràjyasrhtau adàlata iti yad ucyate tat ; tasya bhojakàh prabhavah tair ity arthah.

(2) Comm. viviktah pûtah svacchah ity arthah.

(3) Comm. dushtadurjanamannshyah. Stenz. durjan : — manushyah.

(4) Comm. râjaçyâlatrena mayi sarram sambhâvyate iti bhâvah.

(5) Comm. kasya uparhi çesha… etat vaaantasciidmdranarûpam krpanam dînam suçakyam ity arthah krpanam ca tat ceshtitam ceti karmadhdrayah. — Le comm. semble vouloir indiquer le sens de bagatelle pour krpauaceshitam.

(6) Comm. âm smrtam mayd daridracdrudattasya sambhdvyate. Stemz. âm smrtam daridracarudattasyedam krpanaceshiitam pâtayishydmi anyac ca daridrah khalu sa tasya sarvam sambâdvyate.

(7) Comm. pratipâtanam mârgapratikshâ.

(8) Comm. çreshthî ranik seta iti bhâdsâdi… sarvam idam spashtam mitâshardyâm.

(9) De la connaissance du droit traditionnel et des lumières naturelles de l’intelligence d’après le commentaire ; d’après Wilson, des assertions des parties, parmi lesquelles le juge doit démêler la vérité.

(10) Comm. vyavahârapâdhinatayâ vyavahârasya parâdhînatayâ parasya adhînatayâ tanmâtraprayojyatvena parasya anyasya anyat smrtiçâstram kâmandakâdinîtiçâstram buddhiç ca nisargapadvî. satyâsatyaparâbhiprayâjnânam dushkaram adhikaranikair ity arthah.

(11) Comm. channam satyam kâryam asatyena âchâditam asatyam satyena channam ity arthah. Cf. un peu plus bas, p. 143, l. 18. édit. Stenz.

(12) Comm. nyâyah divyapramânâdimân nirnayah pramânam vâcanikam câkshusham pattralekhâdi vâ etadabhâve divyam avataratîti dhyeyam.

(13) Comm. tair idrçaih pumbhih pakshâparapakshâdhyâm vardhitâni balâni sâmarthyâni yeshâm taih doshair ity arthah pakshah sviyatvâbhimânavân aparapakshah sviyatvâbhimânaçûnyah.

(14) Comm. drashtuh prâdvivâkasya.

(15) Comm. Après avoir exposé les difficultés des affaires civiles, il montre celles des affaires criminelles : channam kâryam pratipâdya channam dosham pratipâdayati.

(16) Comm. san’o[illisible] pi sâdhavah sadâcârâh api ye râgâdinâ pakshâparapakshiyair doshaih sahitâh, etc.

(17) Comm. nashtâh lokadvayabhrashtâh ity arthah.

(18) Comm. Il indique quel doit être le caractère du juge chargé d’examiner les preuves : idânim nyâyadrashtur lakshanam âha.

(19) Comm. klivan asama thavân.

(20) Comm. dharmyah dharmâd anapetah dvârbhâve.

(21) Comm. gune doshah. Stenz. doshah.

(22) Comm. sasambhramam sabhayam ity arthah.

(23) Comm. hi mâdike khede.

(24) Comm. uparâgah grahanam.

(25) Comm. vyâkulena uividena.

(26) Comm. âvvttam bhaginidhavam ity arthah.

(27) Comm. mâtaram. Stenz. attikâm.

(28) Comm. prakshipya. Stenz. durîkarishyâmi.

(29) Comm. hî vitarke.

(30) Comm. yâvad aham bhanishyâmi tâvat pratyeshyante. Stenz. yadyad aham bhanishypami tattat pratyâyayishyâmi.

(31) Comm. etena yad uktam bhavali tad âha aparâdhasyâpîtyâdi.

(32) Comm. « Vieux » joue ici le rôle de qualificatif distinctif : jirneti viceshanam vijnânatrajnâpanârtham.

(33) Comm. vyavahârasya padam sthânam. — Ce passage est à double entente selon l’intonation ou l’accentuation appliquée aux mots « non par moi ». Dans la bouche de Samsthânaka, c’est une dénégation pure, tandis que pour le juge, le prince aurait voulu revenir sur une fausse déclaration et s’accuser du meurtre de Vasantasenâ. Il est étonnant que Wilson ait négligé de donner cet éclaircissement sans lequel tout le passage paraît incompréhensible.

(34) Comm. hi mâdike bhaye khede vâ.

(35) Comm. uttalâ attena tvarayâ tvarâm kurvânenety arthah utpatatâ cety arthah iva pâyasapindarakena.

(36) Comm. çûnaçûnaya (sic) moghasthânayâ grivâlikayâ (Stenz. ĉunaçûnagrivâlikayâ)… çûnyâ ca çûnâ ucchûnâ ucchothavatity arthah grivâlikâ grivaiva.

(37) Comm. Avec ce qu’il a dit d’abord, c’est-à-dire : c’est lui qui l’a tuée : çakparenaira mâriteti yujyate ity arthah.

(38) Comm. çakâravâkyânusârenâyam vyavahârah iti pratyarthinam âhatuh tat vasantaseâmâtaram avalambate vyavahârah.

(39) Comm. C’est le nom du greffier : dhanadatteti nâmakâyasthasya.

(40) Comm. sa âryakah.

(41) Comm. cârudat asyânishtasûcakáni apaçakunániti bodhyam ruksheti.

(42) Comm. vâyasah vâkah vâsati cancûputah mudvâsya (?) virauti tatrápi rûkshasvaram yathà syût tathâ.

(43) Comm. animittâni apaçakumâni.

(44) Comm. Chaque pada de cette stance est relatif à un mauvais présage : pûrvârdhaikam apaçakunam uttarârdhe câparam iti bodhyam.

(45) Comm. bhinnah kaffalarâçir madhye’ dhikanila ity âha bhinneti.

(46) Comm. ayam yah sarpah me mârgam âkramya suptah sa vinihitetyâdi shadviçeshanaviçishtah mayi abhipatatîty anvayah.

(47) Wilson a vu dans cette phrase les paroles d’un homme qui se résigne aux décrets de la Providence. Ne serait-ce pas plutôt un pressentiment de la péripétie heureuse qui terminera ses épreuves ?

(48) Comm. râjakaranam adhikaranam kvacit tu râjabhavanam iti pâthah sphutah.

(49) Comm. samudrâyate samudrah ivâcarati.

(50) Comm. kshunam cûrnîkrtam ucanîcam tatam yatra tat tathâ.

(51) Comm. himsraih himsârucibhir narair upalakshitam.

(52) Comm. âsaktâh nimagnâh.

(53) Comm. dûtâh vakilâh (?) eva urmayah mahâtaranh çankhâç ca tair âkulam.

(54) Comm. cârâh bhatâh ; je traduis, en dépit du comm. cârâh par espions.

(55) Comm. paritah sthitâh.

(56) Comm. yeshâm pâdâdhastâd vadhyâh dîyante te nâgâh gajâh açvâç ca.

(57) Comm. nânâ bahuprakârâh vâçakâh çabdam kurvânâh karnnejayâh piçunâ eva kankapakshinah taih ruciram.

(58) Comm. dairena iti daivatah.

(59) Comm. bhâjanam pâtram.

(60) Comm. âkrtih svarûpam.

(61) Comm. vritam âcaranam.

(62) Comm. nyâyah. Stenz. nyâyyah ; comm. dharmah. Stenz. dharmyah ; comm. yat etat anyasya. Stenz. yad etasmai.

(63) Voir la note de Stenz. sur ce passage dont le texte est très-incertain. Le commentaire, qui ne le considère pas comme formant une stance, en donne l’interprétation sanscrite suivante : lajjayâ athavâ bhirutayâ vâ câritram alikam nigûhitum svayam strim mârayitvâ arthakâranâya nigûhati na tat hi bhattakah.

(64) Il ne peut indiquer les circonstances du retour de Vasantasenâ après la nuit passée dans sa maison, — circonstances qu’il ne connaît du reste que par conjectures, — parce qu’il serait obligé de parler de la fuite d’Aryaka.

(65) Sorte de geai, coracias indica. D’après Wilson, nous aurions ici une comparaison entre la sécheresse de cœur de Samsthânaka et la plume de l’oiseau en question, sur laquelle la pluie glisse sans pénétrer ; j’y verrais plutôt une allusion à quelques circonstances concernant ses mœurs ou à sa nature, qui nous sont inconnues. — Comm. pakshâgram tatsadrçam.

(66) Comm. antarâte (Stenz. antarâ te) gagane.

(67) Comm. sarvam mithyâ radasi atah pâpinas te mukham malinam ity âha, etc.

(68) Comm. akvtapâpasya saprabham mukham idam drçyate atah cârudattasya dushanam asambhavagrastam ity âha tulanam iti.

(69) Comm. drçyatâm. Stenz. drçyate.

(70) Comm. prâkrtah nîcah.

(71) Comm. deham harati bhûr iti bhûmir vidirya huto na tvâm gilatity arthah.

(72) Comm. udakena udakasya vâ ucchrayah uccatâ eva çesho yasya tam samudram samudrasyodakamahattayaiva mahattram na punah sampadbhir ity arthah.

(73) Comm. yat rîraih na jushtam sevitam pâpam.

(74) Comm. arthakalyavartasya kâranât. Stenz. arthakâranât.

(75) Comm. jâte. Stenz. tâta.

(76) Il est à remarquer qu’en dépit des incidents et des parenthèses qui se produisent à chaque instant, le juge ne perd pas de vue l’enchaînement de l’interrogatoire et le point d’où il est parti.

(77) Comm. baddha. Stenz. labdha.

(78) Comm. sukham çubham iti vâ.

(79) Comm. esha cârudattah. C’est la figure appelée aprastutapraçamsâ.

(80) Il est évident qu’à la représentation on devait faire abstraction, aux dépens de la vraisemblance, du temps qu’exigeaient moralement de pareilles courses.

(81) Comm. viluptam. Stenz. vilupyamânam.

(82) On pourrait traduire aussi : « par les restes de ses cheveux, de ses mains et de ses pieds » ; mais les faits, tels qu’ils sont connus, déterminent le sens que j’ai adopté après Wilson. Il est clair qu’il s’agit des vestiges laissés par Vasantasenâ sur le théâtre du crime.

(83) Comm. vyavahârasya nyayasya nitayah susannâh yat prâptam tat kartavyam evety arthah ata crâhâ matir iti ; brâhmanatrâd apity arthah.

(84) Wilson remarque un peu naïvement que cette comparaison messied dans la bouche d’un juge. C’est tout simplement un lieu commun qu’on retrouve très-souvent dans la littérature sanscrite.

(85) Comm. anena madiyachadmakaranenety arthah.

(86) Comm. dhûtanâmnim patuim smvtvâha brahmaniti.

(87) Comm. pareaa vyasanena upalakshito pi.

(88) Comm. asya rohasenasy dataryam abharanam tvayâ grhitum yagyam nety arthah. — rohasenakhelanamrcchakatikâpûritâni imâni bhûshanâni vasantasenayâ ityâdi smaranîyam teshâm eshâm bahutvât pratyarpanam vasantasenayâ tu suvarnaçakatikâyai rudato rohasenasya lâlanam kvtam ityâdi dhyeyam

(89) Il n’est pas question de Rhebila dans le comm. Ce passage commence ainsi : kim nimittam, etc.

(90) Le comm. ne développe pas la question de Maitreya ni la réponse à voix basse de Chârudatta.

(91) Comm. krtântah yamarâjah vyâharati vasantasenâ mayâ mariteti vadatity arthah.

(92) Comm. avasthâyâh dâridryarûpâyâh doshât.

(93) Le comm. ajoute aniçah après sa, qui manque chez Stenz. et nagarî avant ujjayini qui manque également chez Stenz.

(94) Comm. purasthâpanam purârasthitih. Le Dictionnaire de Saint-Pétersbourg ne connaît pas ce vocable et la traduction que j’en donne est conjecturale. Wilson l’a rendu par « jardin ».

(95) Comm. vihârah jainamandiram.

(96) Comm. ârâmah upavanam.

(97) Le comm. ajoute kûpayûpaih qui manque chez Stenz.

(98) Comm. nelisuta. Stenz. kulatâputra.

(99) Comm. duhçânkana (?). Stenz. ucchrnkliala.

(100) Gacrtnara racemosa.

(101) Comm. karoti. Stenz. karoshi.

(102) Comm. patitah vidushakakakshâdeçât mâm pâtayishyati.

(103) Comm. Si je disais que ce n’est pas moi qui l’ai tuée : mayâ na mâriteti vadatah.

(104) Comm. angdrakah mangalah tena saha viruddhasya angârakah viruddho yasyeti samyagarthah. C’est la figure appelée aprastutapraçamsâ ; Mars représente Samsthânaka, Jupiter, Chârudatta et la comète, la chute des bijoux du sein de Maitreya : iyam aprastutapraçamsâlamkrtih : angâraka iva çakârah ; brhaspativat cârudattah ; vidûshakakakshâdeçâd alamkârapâto dhûmaketur ivetyâdi dhyeyam dhivaraih.

(105) Comm. avaloka tâm. Stenz. avalokayatu.

(106) Le commentaire met au masculin les adjectifs et les pronoms, qu’il fait rapporter à alamkâra sous-entendu, tandis que Stenz. les donne au neutre, en supposant l’accord avec bhândam.

(107) Comm. na khalu anyatah atha kadâpi kenâpi çilpinâ ghatito bhavet. Stenz. na khalu na khalu anabhijnâtam athavâ kadâpi çilpinâ ghatitam bhavet.

(108) Comm. krtahastatâ çilpakuçalatâ hastalâghavam ity arthah ; ata eva krtahastatayâ ripukulam ishuvarshenâbhipâtyety uktam daçakumâre. hastaçabdena hastâdiçilpam krtapadena bahuvrîhih.

(109) Comm. tasyâh vasantasendyâh.

(110) D’après le comm. evam tiendrait lieu de tout un récit expliquant la chose : evam gatânîti suvarnaçakatikâyai rodanam kurvan rohasenah samalamkrtya preshito vasantasenayetyâdi sarvam evampadasyârthah ; âm angîkâre idam yad uktam tad idam vrttântajâtam ity arthah.

(111) Comm. satyâlâpe na bhavati pâpakam. Stenz. satyâlâpî na bhavati pâtakî.

(112) Ce jeu de mots sur le double sens d’akshara se rencontre très-fréquemment dans les Upanishads.

(113) Comm. âbharanâni bhûshanâni imâni âbharanâni udaradarîparipûranakaranânity arthah iti na jâne. — L’explication du commentaire m’a paru peu satisfaisante à première vue, mais elle m’a mis sur la voie du sens que j’ai adopté. Le second âbharanâni doit être pris en effet, ce me semble, dans le sens étymologique tout spécial de « apport » par opposition avec jeu de mots à ânîtâni qui termine la phrase. Le tout revient à dire : « ce n’est pas moi qui les ai pris, mais c’est moi qui les renvoie. » Du reste, Chârudatta, frappé par les présages sinistres qui se sont multipliés autour de lui et par la succession de circonstances accusatrices qui l’accablent l’une après l’autre, a perdu tout espoir et se retranche dans des réponses laconiques dont le résultat, au point de vue de l’issue de la cause, semble peu lui importer.

(114) Comm. kaçâ turagaghâtanîti koçah. C’est un sens que n’indique pas le Dictionnaire de Saint-Pétersbourg.

(115) La réponse de Chârudatta est à double sens et peut signifier également : « c’est seulement vous qui le dites. »

(116) Comm. çarîre dando dhâryatâm. Stenz. çârîro dando na dhâryatâm.

(117) Comm. na ca aham arthinî. Stenz. aham arthinî.

(118) En méprisant la loi brâhmanique, Pâlaka fait acte de tyran et justifie d’avance sa déposition.

(119) Comm. sthâne yogyam.

(120) Comm. krpanâm dinâm nârakiyâm ity arthah.

(121) Comm. çvetakâkîyaih çvetakâkasadrçaih ivârthe chah utpâtakalpair ity arthah.

(122) Comm. ambâ cârudattamâtâ.

(123) Comm. dehasya pratikrtih pratimâ dvitîyo dehah ity arthah. tathá ca çrutih sâjâyâ jâyâ bhavati yad asyâm jâyate punah iti ; angâd angât sambhavasi hrdayâd adhijâyase âtmâ vai putranâmâsi sa jiva çaradah çatam iti ca.

(124) Comm. râjânam pâlakam praty uktir iyam.

(125) Comm. prârthite vicâre parîkshâyâm satyâm.

(126) Comm. visham bhakshayitvâpi na mrtaç cet vishaparîkshâ ; vishena çapathah ity arthah. agninâ tu prasiddhaiva parîkshâ. tulâparîkshâpi sphutâ çâstre, evamâdi jneyam vijnair.