Le Chat du Neptune/8

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VIII

SAUVÉ !

Tom repêché, et repêché comme vous pouvez le voir, c’est-à-dire avec infiniment plus de promptitude que de précaution (mais qui aurait le cœur de s’en plaindre ?), fut déposé sur le pont du Neptune dans un état très voisin de la syncope.

De plus, il avait perdu les quatre cinquièmes de ses grâces.

Ce n’était plus, aurait dit le poète Racine,

Qu’un horrible mélange
De poils et de varechs inondés d’eau jaunâtre
Bien fait pour effrayer le public d’un théâtre.

Le matelot qui avait arraché Tom à la fureur des flots, fut chargé par le lieutenant Coquillard d’exprimer délicatement l’eau dont l’imprudent chasseur était tout imbibé.


Le marin n’en fit ni une ni deux.

Le marin n’en fit ni une ni deux ; il se dévoua, et, ne pouvant le tordre comme un linge mouillé, il le secoua comme une salade trop humide.

Cela fait, et comme le soleil était chaud et brillant, il lança l’animal ahuri sur le prélart goudronné qui sert d’ombrelle immense aux passagers de la première chambre pendant les ardeurs de l’été.


Il lança l’animal ahuri.

Or, on était en été.

Et c’était bien heureux pour le pauvre cher petit revenant !

Le bain qu’il avait pris dans de l’eau tiède fut sans conséquence pour lui, et, d’autre part, en moins d’un quart d’heure il fut complètement séché sur la banne brûlante où son sauveur l’avait envoyé avec aussi peu de cérémonie que s’il eût été un paquet de cordages.

Par exemple, quand il eut fini de peigner et de lisser sa fourrure, que la catastrophe avait peut-être un peu mise en désordre, Tom se sentit tous les symptômes d’un appétit formidable et qui demandait à être immédiatement satisfait, toute affaire cessante !

Rien ne creuse l’estomac comme la mer, de quelque manière qu’on la goûte.