Le Christ, Aphrodite et M. Pépin/Avant-Propos

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AVANT-PROPOS


Je prie les quelques-uns qui me liront de ne voir, dans cette satirette, aucune irrévérence à l’égard du divin Maître Jésus-Christ. Le Messie occidental occupe, dans la hiérarchie de mes Dieux, une place très haute. Je l’aime et je le vénère avec tendresse et profondeur. Et ce que j’attaque, dans ce minuscule volume, c’est uniquement la médiocrité et la laideur du siècle, qui rendraient impossible la seconde venue, — cependant promise ! — du Sauveur.

Jadis, le beau décor syrien entourait le Fils de l’homme de sa majesté tranquille. Et c’étaient le Jardin des Oliviers, le désert splendide, le temple de Salomon, aux murs lambrissés de cèdre, à l’autel d’or.

Mais aujourd’hui ? Si le Christ réapparaissait, parmi les souteneurs et les filles de Belleville et de Ménilmontant, comment serait-il accueilli par les reporters ?

M. Alphonse Pépin, rédacteur au Grand Journal, transcrit en ces pages les origines du Christianisme. Il a vu. Il a écouté. Et, scribe quotidien, presque mécanique, payé sans générosité outrancière d’ailleurs, il enregistre, il constate. Des milliers de lecteurs, dépliant la feuille matinale, voient Jésus-Christ avec les yeux quelconques de M. Pépin, l’entendent avec ses oreilles vulgaires. Les Dieux ne se révèlent qu’aux âmes dignes de les contempler. Et Jésus-Christ, quoique Fils de Dieu et Dieu lui-même, ne sera jamais, pour M. Pépin et les médecins célèbres interviewés par lui, qu’un « aliéné vulgaire, atteint de mégalomanie compliquée, d’hystérie religieuse ».

Soyons chrétiens, — plaignons-les —, ne les blâmons pas.

Me fera-t-on la grâce de m’attribuer le style si personnel et si particulièrement savoureux de M. Pépin ? En toute honnêteté, je ne saurais en assumer le mérite et je considère comme un devoir de remercier les collaborateurs anonymes auxquels j’ai empruntés les tournures de phrases les plus propres à traduire exactement la beauté de nos mœurs.