Le Cimetière catholique de Pékin

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Le cimetière catholique de Pékin
Villetard de Laguérie

Revue des Deux Mondes tome 15, 1903


LE CIMETIÈRE CATHOLIQUE
DE PÉKIN

Les coutumes judiciaires des Chinois, déterminées, comme leurs mœurs et leurs pratiques administratives, par l’adoration des ancêtres, comportent des pénalités contre les morts. Certains criminels sont ainsi frappés d’un châtiment ajouté à la peine capitale par la suppression de tout honneur et de tout culte pour leurs ascendans décédés, dont les cendres sont même, parfois, exhumées et dispersées. Et cette pénalité est la plus lourde et la plus redoutée de toutes, car elle jette au néant les familles et réduit à l’état d’épaves sociales ceux qui les continueront, puisque aucun protecteur ne veillera désormais sur eux et ne leur conciliera les faveurs des génies bienfaisans de la Terre et des Eaux.

La secte de furieux, savamment entraînés à la frénésie par des pratiques épileptiformes et que les Anglais ont baptisés « les Boxeurs, » n’a eu garde d’oublier que les blancs croient, eux aussi, à l’intercession de leurs morts auprès de la Divinité. Après avoir exercé sa rage contre les rails, le ballast, les locomotives et les wagons des chemins de fer, les briques des oratoires, des chapelles, des mille hôpitaux et dispensaires, où tant d’indigènes avaient pu bénir l’ingénieuse charité des Missionnaires, la secte pensa porter aux « Diables de la mer » le coup suprême, leur enlever leur plus grande force en dispersant les cendres de ceux d’entre eux qui dormaient leur dernier sommeil à l’ombre de la croix. Et les « Boxeurs » ont impartialement profané tous les cimetières, chrétiens orthodoxes, protestans ou catholiques.

Le plus important de ces champs de repos était le cimetière catholique de Cha-la-eurl, situé en dehors de Ping-tze-men, une des portes occidentales de la Cité Tartare de Pékin. Il occupait la partie ouest d’un ensemble comprenant : une chapelle et une résidence de Lazaristes ; un hôpital, pourvu d’un dispensaire ; une résidence de Frères Maristes et une école annexée. La plupart des Pères Jésuites, des évêques de Pékin et des Européens établis dans cette ville avaient été, depuis 1610, enterrés dans cet enclos, qui était, par conséquent, un monument historique du plus haut intérêt.

Or, le 7 juin 1900, dix jours avant que les amiraux des escadres alliées eussent sommé de se rendre les forts de Takou, trois jours avant la nomination du prince Touan à la Présidence du Tsong-li-Yamen, les sœurs de l’hôpital, les Pères Lazaristes et Maristes, vinrent demander asile au grand établissement catholique du Pétang, centre de la Mission Lazariste, siège du Vicariat Apostolique et résidence de l’évêque de Pékin. Ils annonçaient que tous les bâtimens de Cha-la-eurl avaient été renversés, leurs ruines réduites en miettes, la nécropole historique bouleversée de fond en comble, toutes les tombes profanées et vidées.

La Mission était déjà virtuellement bloquée par les suppôts de Tong-Fou-Hsiang. Elle ne fut délivrée par le général Frey que le 16 août, juste au moment où la famine allait la faire tomber, après une héroïque défense de soixante-cinq jours, aux mains de ces bandits. Ils eurent tout le temps de parachever à loisir leur œuvre, et s’acquittèrent de ce soin de façon à prouver que, quand les Chinois travaillent mal ou mollement, il ne faut en accuser que leur mauvaise volonté.

Ma visite à ce dépôt de tant de souvenirs fut retardée jusqu’au 18 octobre. Elle faillit même subir un nouveau délai. La veille, en effet, une corvée de coolies au service de la France, escortée par un peloton d’artilleurs annamites commandés par un sous-officier européen à cheval, avait surpris, tout près de la maison du gardien de Cha-la-eurl, une bande de « Boxeurs » en train de « rendre la justice » à des Chinois aux gages de notre armée. Ils les tailladaient à coups de sabre. Habilement tournés par le cavalier, chassés et rejetés sur les Annamites, quatre de ces malandrins avaient été capturés, ficelés et déposés en mains et bleu sûrs. Notons que le théâtre de ce petit drame est à un kilomètre à vol d’oiseau du mur ouest de la Cité Tartare, et de la porte Ping-tze, à quelques pas des dernières maisons d’un assez gros faubourg qui la précède.

Le bruit avait couru qu’un exemple serait fait, et les Boxeurs fusillés le lendemain au lieu même où ils avaient été pris. L’occasion était excellente de faire d’une pierre deux coups. Mais, quand J’allai aux informations, le colonel Conte, du 17e d’infanterie coloniale, démentit l’exécution et me déconseilla la visite que je lui annonçais au cimetière de Cha-la-eurl. Il insista amicalement pour me donner une escorte empruntée au poste de Ping-tze-men. Pour reconnaître sa sollicitude, j’acceptai le papier qu’il voulut bien libeller à cet effet. Puis, je le déposai précieusement dans la pochette de mon carnet, et, sans déranger personne, bouclai mon revolver par-dessus ma veste, bien visible, et m’acheminai vers le cimetière profané.

Une petite pluie tombait, fine et froide, qui délayait en boue collante la poussière du chemin et n’égayait pas la campagne maussade et insipidement plate, quand elle n’a pas pour fond la falaise bleue du grand plateau de Mongolie. Des bouquets de saules, des groupes de maisons rapetisses et presque fondus dans le vague rideau fluide qui s’abaissait sur eux, émergeaient, pareils à des touffes de grandes graminées bordant des taupinières, d’une mer de légumes. Des replis invisibles la creusaient probablement en plus d’un endroit, car, dès mon entrée dans les ruines, j’entendis se répondre les bizarres cris d’appel que les Chinois poussent si volontiers pour s’encourager réciproquement. Pourtant, je n’aperçus pas la natte d’un seul de ces hurleurs.

Tout autour de moi, quelle désolation ! Sauf les solides murs de pierres maçonnées du cimetière historique, où l’on avait seulement ouvert une demi-douzaine de larges brèches, toute la propriété de Cha-la-eurl n’était qu’un champ de décombres, fragmentés menu comme par des coups de mélinite. Les lignes mêmes des fondations n’apparaissaient plus dans ce terrain qui semblait un grand chantier de casseurs de pierres. Çà et là, des trous à demi comblés rappelaient une tombe ; quelques fragmens d’os dispersés parmi les morceaux de briques témoignaient, que le cercueil avait été vidé et ses planches volées. Le bois de charpente ou de menuiserie coûte cher, à Pékin, et dans tout le Tché-li, et les Chinois emploient volontiers ce procédé économique pour s’en procurer, même quand il leur faut violer des sépultures indigènes. Le culte des Mânes est circonscrit à la famille de chacun et n’englobe pas celle du voisin.

Quant au grand cimetière historique, la dévastation en était diabolique et grandiose à force d’horreur.

Les Pères l’avaient tracé en yamen de mandarin. Deux épaisses et larges tables de fin schiste vert, profondément incisées d’idéogrammes et surmontées d’un tympan monolithe de même matière, figuraient un portique d’entrée fictif, dans le mur sud, dressé sur le grand chemin, dans la direction du vent du bonheur (feng shoui), adoptée pour orienter les portes de tous les édifices impériaux.

Venait ensuite une sorte de vaste cour, dont la bande médiane formait une avenue dallée, bordée de lions accroupis, de tortues à des chargé d’épaisses stèles, de grands vases décoratifs, le tout en marbre.

Portique, animaux, vases, gisaient dans l’herbe, cassés, quand ils avaient pu l’être.

Au fond de cette cour d’honneur, un portique de marbre, accolé de deux grandes rondes-bosses, scellées dans un épais mur transversal, donnait accès au terrain des sépultures. Les efforts des Vandales n’avaient pu ni les renverser ni les arracher de leurs scellemens. Ils avaient été plus peureux contre deux tables solides de marbre noir, posées sur la face opposée du mur, juste derrière les deux rondes-bosses.

L’une de ces tables, brisée en tombant, cachait son inscription dans l’herbe. L’autre, qui avait résisté à la chute, tournait vers le ciel cette dédicace :

« Anno Domini MLCCXXXIX ab erectâ Jesû Societate bi-sæculari sancto fundatori et parenti suo Ignatio minimi utriusque filii hunc lapidem in titulum erexere. »

De là, une avenue dallée, large de trois mètres, jalonnée de lions et de tortues portant des stèles, mène à un tertre, qui dresse, le long du mur terminal du cimetière, une couronne de vases et d’animaux ornementaux, surmontée d’un grand autel. Tout est de marbre blanc. Mais il faudrait employer le mode passé, car lions, stèles, tortues, vases, étaient culbutés et brisés.

Une des tortues, au pied de l’autel, avait été décapitée tout net comme par un obus.

A droite et à gauche de l’allée centrale, une forêt de stèles hautes et épaisses s’élevait autrefois au-dessus des tombes des Pères Jésuites. Devant moi, pas une n’était debout. Tantôt à plat, tantôt en porte-à-faux, tantôt au quart dressées sur l’angle d’une voisine, parfois brisées, malgré leur épaisseur et leur dureté, toutes gisaient sur la terre de l’exhumation ou dans l’herbe. Et, près d’elles, toutes les sépultures étaient béantes et vides.

Chacune formait un carré long, mesurant trois mètres sur deux, et deux mètres cinquante de profondeur, entièrement revêtu de briques. Aux deux tiers de la fosse, trois dalles de schiste vert ménageaient une chambre funéraire pour le cercueil et la séparaient de la couche de terre rabattue. Elles avaient été découvertes, levées, mises sens dessus dessous, au prix d’un travail surprenant de la part de gens peu habitués à se fatiguer gratuitement.

Au pied Est du tertre et de l’autel à ciel ouvert qu’il supporte, une épaisse table de marbre noir, étendue sur le déblai d’une fosse vide, était entaillée d’une inscription double, latine à gauche, chinoise à droite. La voici :

« D. 0. M.-P. Matthœus Ricci, Italus, Maceratensis. Soc. Jesu profess., in quâ vixit annos LII, expensis XXVIII in sacrâ apud Sinas expeditione, ubi prim. cum Chri fides tertio jam inveheretur. Sociorum domicilia erexit, tandem doctrinâ et virtutis fama celeber, obiit Pekini A. C. MLCX, Die XI Maii, ætalis sux LIV. »

Matteo Ricci ! Grand nom qui résume toute une période de l’histoire des missions catholiques dans l’Empire du Milieu ! Il y débarqua en 1599, quarante-sept ans après que saint François-Xavier fut mort dans l’île de San-tchouen, devant la colonie portugaise de Macao, en bénissant de loin cette « Terre Promise, » où il ne devait jamais pénétrer. Ricci avait pour compagnon Ruggiero Paccio et Diego Pantoja. Sous sa direction habile et ferme, ces pionniers promenèrent, pendant des années, leur apostolat errant à travers les provinces centrales de l’Empire et du Kouang Si à Pékin, réveillèrent les souvenirs endormis depuis Jean de Monte Corvino (1282-1326).

Parfaitement accueilli dans la capitale par l’Empereur, qui lui accorda une pension sur son trésor, Ricci mit le sceau de la politique à son œuvre religieuse en résolvant par une transaction le problème devant lequel les chrétiens, sujets romains, des premiers siècles de notre ère, avaient fait le choix qui a rempli le martyrologe. Ricci admit que le culte de Confucius et le culte des Ancêtres étaient des cérémonies de la vie civile chinoise, uniquement, et les déclara compatibles avec les croyances et les pratiques orthodoxes.

Les élèves qu’il laissa dépositaires de sa pensée, le grand mandarin Paul Siu et sa fille Candide, convertis et baptisés (jar lui ; le Père Shaal, qui devint le favori du premier empereur mandchou Chouen-Tche ; le Père Verbiest, à son tour le favori du grand Kang Hi (1660-1725), continuèrent si habilement l’œuvre commencée, qu’ils furent bien près de réussir à assurer la conversion de la Chine au catholicisme. Ce ne furent ni les intrigues des mandarins, ni l’indifférence religieuse des Chinois, ni les persécutions, ni les exils, qui firent échouer les Jésuites, mais l’intransigeance des Dominicains.

Dès 1611, un moine espagnol de cet ordre, Morales, missionnaire au Fokien, avait très violemment attaqué et stigmatisé d’idolâtrie la tolérance de Ricci et des Jésuites pour les usages qui sont le fondement de toute la vie civile et politique de Chine. Et, une première fois, la Papauté, par la bouche d’Innocent X, avait donné raison aux enfans de Saint-Dominique et interdit aux chrétiens chinois les cultes de Confucius et des Ancêtres.

Mais, en 1656, un autre pape, Alexandre VII, mieux informé, avait prononcé que, dans certains cas, ces usages ne sont que des actes de la vie civile, conformément à la doctrine de Ricci.

Malheureusement, au lieu de concilier par un compromis ces deux décisions en apparence contradictoires, les ordres rivaux se brouillèrent définitivement, et cela au moment même où l’habileté du P. Verbiest venait d’obtenir du ministre des Rites un édit de tolérance, où il était expressément déclaré :

« On permet à tout le monde d’aller dans les temples des Lamas, de Boudha et de Fô, et l’on défend d’aller dans les églises des Européens, qui ne font rien de contraire aux lois. Cela ne paraît pas raisonnable.

« On n’a jamais accusé les Européens qui sont dans les provinces (les missionnaires) d’avoir fait aucun mal ni d’avoir commis aucun désordre. La doctrine qu’ils enseignent n’est pas mauvaise, ni capable de séduire le peuple et de causer des troubles.

« Il faut donc laisser toutes les églises de l’empire dans l’état où elles étaient auparavant et permettre à tout le monde d’aller adorer Dieu, sans inquiéter dorénavant personne. »

Autre malheureuse coïncidence. Le Chou-King, un des livres canoniques chinois, vieux déjà de trois mille ans à cette date, prescrit de consulter Tien et Chang-Ti sur la valeur morale d’un acte avant de l’accomplir. Les Chinois, qui manquent totalement de l’esprit géométrique auquel nous devons notre besoin de précision dans les idées et dans leur expression par le langage, n’avaient pu jusqu’alors tomber d’accord sur le sens de ces deux termes. Les catholiques s’étaient mêlés aux débats et n’avaient pas contribué à éclaircir si Tien signifie « le Ciel, astronomique ou religieux, » ou « l’Être suprême et immatériel qui régit le monde, » et si, par suite, il était bien certain que Chang-Ti désigne « le Seigneur, tête de toute la hiérarchie terrestre et divine. »

Pour terminer toute dispute théologique, Kang-Hi avait prononcé souverainement que Tien signifie le vrai Dieu, celui des chrétiens, et que les cultes de Confucius et des Ancêtres sont, avant tout, des actes politiques. Mais le Saint-Siège venait de créer les vicariats apostoliques pour les partes infidelium. Conformément à l’avis de Mgr Maigrot chargé d’exercer en Chine ces délicates fonctions, il condamna de nouveau les pratiques que l’empereur avait séparées du domaine religieux, et envoya en Chine, pour signifier cette sentence, un légat, le cardinal Tournon.

Celui-ci, à son tour, condamna les pratiques idolâtriques tolérées par les Jésuites. Kang Hi, offensé, refusa de lui donner audience, protesta contre l’empiétement commis sur son autorité impériale, et exila tous les missionnaires qui déclaraient s’associer à la sentence du légat.

Puis, désespérant peut-être du succès de l’entreprise qu’il avait favorisée, il rappela à Pékin les Jésuites qu’il avait chargés de dresser une carte générale de l’Empire, sous la direction des R. P. Régis, Bouvet et Gertoux. À ce moment, dans les seules provinces du Kouang-Si et du Kouang-Tong, on comptait plus de cent églises et de cent mille convertis ! La persécution commença aussitôt contre les prédicateurs d’une doctrine qui semait la désunion et les troubles, même parmi ceux qui l’enseignaient, et n’a cessé qu’en 1823, sous le règne de Tao-Kouang !

Devant le grand tertre, et à quelques pas de la tombe de Matteo Ricci, s’ouvrait la sépulture, également violée, des victimes des massacres de 1860 et de l’expédition glorieuse de Cousin-Montauban. Elle évoquait un autre chapitre, l’épopée des missions catholiques en Chine depuis quatre-vingts ans, avec ses alternatives de massacres, d’interventions européennes et de traités réitérés, aboutissant à la crise dernière, qui sera peut-être le point de départ d’un cycle nouveau de l’histoire du monde.

Et, au-dessus de tous ces marbres renversés ou brisés, l’imagination plaçait la pierre fameuse de Si-ngan-fou, preuve de la première prédication chrétienne faite en Chine, à partir du vie siècle, par des missionnaires de la confession de Nestorius, qui y vinrent enseigner l’union hypostatique, en Jésus-Christ, de deux personnes et de deux natures, soutenue par le patriarche de Théodose II (428 après J. -C).

L’inscription de cette table célèbre, œuvre du prêtre King-Sing, est datée de 781 de notre ère. Elle définit l’essence de la divinité, l’excellence de l’homme primitif, les ruses de Satan, sa chute et l’idolâtrie. Elle expose la nécessité de la Rédemption et la naissance du Christ dans le sein d’une vierge, l’adoration des mages, la mort vaincue, le monde sauvé, la civilisation régénérée par la miséricorde, l’égalité des hommes, la protection du faible et du pauvre, le repos du septième jour, l’utilité de l’enseignement religieux et de la mission du prêtre, la célèbre entreprise du pontife Olopoun, venu de Judée (Ta-Tsin) pour apporter la vraie religion aux Chinois ; les faveurs que lui accorda l’empereur Tsaï-Tsong (de la dynastie des Tang), après avoir examiné sa doctrine et l’avoir sanctionnée par un édit ; la protection des successeurs de Tsaï-Tsong et la réputation du Nestorianisme en Judée, les persécutions du VIIe siècle (sous l’empereur Vou-Tsoung, 845), les bienfaits des empereurs Hiouen-Tsoung, Tien-Pao, Sou-Tsoung, Taï-Tsoung et Kien-Tchoung ; les travaux, la science et les succès du pontife Isaac ; les services rendus à la religion nestorienne par le grand mandarin Kouo-Tze, et la résolution de perpétuer ces souvenirs par une stèle mémoriale.

Gengis-Khan et ses successeurs persécutèrent les Nestoriens ; la dynastie des Youen les protégea. Mais les lettrés, les mandarins et les collaborateurs et successeurs de Jean de Monte Corvino (1282) la discréditèrent dans l’esprit des Ming, en alléguant que cette croyance s’était adultérée de superstitions chinoises.

Et cette forme du christianisme disparut de la Chine au XVe siècle, après s’y être développée pendant huit cents ans.

Et, par une singulière ironie du sort, l’Empereur, l’Impératrice douairière, le prince Touan et toute la cour, chassés de Pékin par les peuples de la Croix qu’ils n’ont pu renverser, sont allés chercher un asile justement auprès du plus ancien témoin qu’on ait trouvé de sa plantation en Chine !

Les Nestoriens avaient, eux aussi, profondément entamé la « Fleur du Milieu. » Ils ont passé. A leur tour, toutes les ombres qui voltigeaient autour de moi, dans la pluie fine, au-dessus de l’herbe mouillée, ont passé, après avoir un moment pu croire qu’elles touchaient au triomphe.

De leurs œuvres, restent des murs émiettés, des stèles funéraires brisées, des tombes vidées et des fragmens d’os dispersés dans les ronces…

Une fois encore le champ qu’ils avaient cultivé vient d’être brûlé par le tonnerre avant que la moisson fût mûre, et l’Église devra recommencer à promener patiemment, sur l’empire du Fils du Ciel, le geste auguste du semeur.


VILLETARD DE LAGUÉRIE.