Le Collier des jours/Chapitre XXXVIII

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Félix Juven, Éditeur (p. 161-162).




XXXVIII




Ce bain, que mon père avait exigé pour moi et auquel on avait consenti, par crainte de perdre une élève, n’allait pas sans causer un grand embarras. C’était un événement insolite, pour lequel rien n’était disposé, et qui inspirait une sourde réprobation : le premier degré, peut-être, des pompes de satan… On avait des hochements de tête, des haussements d’épaule, des yeux levés vers le ciel, et la sœur Dodo me confiait, innocemment, que le bain de la religieuse consistait, tout simplement, à secouer sa chemise !…

Je voyais arriver le jour de ce bain avec une certaine appréhension, car il constituait pour moi presque un supplice.

Le sol du couvent même, ne pouvant pas se prêter à cet acte peu décent, on me faisait passer par le tour, puis descendre dans une cave, où on avait posé un baquet plein d’eau chaude, et, personne ne voulant être complice, on me laissait là toute seule, après m’avoir bien recommandé de ne pas ôter ma chemise et de la baigner avec moi.

J’avais toujours, et par dessus tout, l’horreur des caves, et la demi-heure, interminable, que je devais passer dans ce baquet, où l’eau se refroidissait, était pleine d’angoisse et de dégoût.

Il ne faisait pas très noir, et je voyais les grosses araignées, courir dans les angles, drapés de toiles poussiéreuses.

Une seule chose m’intéressait et me faisait prendre ma peine en patience : le soupirail, férocement grillé, donnait sur la rue, j’apercevais un peu des pavés, un peu de l’air libre et, par moment, des pieds de passant qui couraient, au ras du grillage.