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Le Combat spirituel (Brignon)/37

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 190-193).


CHAPITRE XXXVII.
Que puisqu’il faut continuer toujours à pratiquer les vertus, on ne doit omettre aucune occasion de s’y exercer.

NOus avons fait voir assez clairement qu’il faut toujours avancer, & ne s’arrêter jamais, dans le chemin de la perfection. Veillez donc tellement sur vous, que vous ne manquiez aucune occasion de travailler à acquérir les vertus. Gardez-vous bien de vous éloigner, comme on fait ordinairement des choses contraires aux inclinations de la nature corrompuë, puisque c’est par elle que l’on parviens aux vertus les plus héroïques.

Voulez-vous (pour ne point sortir de votre premier exemple) vous lez-vous devenir patient ? Prenez garde à ne pas fuïr les personnes, les emplois & les pensées même qui vous causent le plus souvent de l’impatience ; accoûtumez-vous à converser avec toutes sortes de personnes, quelques fâcheuses & incommodes qu’elles soient. Soyez toujours dans la disposition de souffrir tout ce qui vous peut faire le plus de peine. Autrement vous n’acquérerez point l’habitude de la patience.

Si quelque emploi vous déplaît ou de lui-même, ou parce qu’une personne que vous n’aimez pas, vous en a chargé, ou parce qu’il vous détourne d’une autre occupation, qui seroit plus selon votre goût, n’y renoncez pas pour cela. Ayez assez de courage, non-seulement pour l’embrasser avec joye, mais pour y persévérer jusqu’à la fin, quand même vous en ressentiriez de l’inquiétude ; & qu’en le quittant vous pourriez vous mettre l’esprit en repos. Sans cela, vous n’aprendrez jamais à souffrir, & vous ne joüirez point de la véritable paix que posséde une ame qui n’a nulle passion, & qui a toutes les vertus.

Je dis le même de certaines sortes de pensées qui vous tourmentent quelquefois. Car ce n’est pas un avantage pour vous, que d’en être entiérement quitte, puisque la peine qu’elles vous donnent, vous accoûtume à la souffrance des choses les plus fâcheuses. Tenez donc pour assuré que quiconque vous enseigne le contraire, vous aprend plûtôt à fuïr la peine que vous craignez, qu’à acquérir la vertu que vous desirez.

A la vérité un Soldat nouveau & peu aguérri doit se comporter dans ces occasions avec beaucoup de prudence & de retenuë, tantôt en attaquant l’ennemi, & tantôt en reculant, selon qu’il se sent plus ou moins de force & de vertu : mais il ne doit pas lâcher le pied, & abandonner entierement le Combat ; il ne faut pas qu’il évite tout ce qui lui pourroit causer du trouble & du chagrin. Car bien qu’il se mit alors hors de danger de tomber dans l’impatience, il s’y trouveroit ensuite plus exposé que jamais, ne s’étant pas fortifié contre ce vice par habitude de la patience.

Tout ceci n’a point de lieu dans le vice de l’impureté, dont on se sauve par la fuite, comme nous l’avons remarqué ailleurs.