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Le Combat spirituel (Brignon)/41

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 204-207).


CHAPITRE XLI.
Qu’on ne doit pas trop souhaiter d’être délivré des afflictions qu’on endure patiemment, & de quelle sorte il faut régler ses désirs.

QUand vous vous trouverez en quelque affliction, quelle qu’elle soit, & que vous suportiez patiemment, gardez-vous bien d’écouter, ni le démon ni votre amour propre, qui excitent dans votre cœur de violens désirs d’être délivré de cette peine. Car votre impatience seroit cause de deux grands maux, l’un que quand vous ne perdriez pas alors tout-à-fait l’habitude de la patience, ce seroit toujours une disposition au vice contraire ; l’autre, que votre patience ne pourroit être qu’imparfaite, & que vous ne seriez récompensé que pour le tems où vous l’auriez exercée, au lieu que si vous n’aviez point souhaité de soulagement, mais que vous eussiez témoigné une résignation entiére à la volonté divine, quand votre peine n’auroit duré qu’un quart-d’heure, Dieu vous en récompenseroit comme d’une longue souffrance.

Prenez donc pour regle générale en toutes choses, de ne vouloir faire que ce que Dieu veut ; de raporter-là tous vos desirs, comme l’unique but où ils doivent tendre : par ce moyen ils deviendront justes & saints ; & quelques accidens qui puissent arriver, non-seulement vous demeurerez tranquile, mais vous joüirez d’un contentement parfait. Car comme il n’arrive rien en ce monde que par l’ordre de la Providence, si vous ne voulez que ce qu’elle veut, vous aurez tout ce que vous désirerez, parce qu’il n’arriyera rien que selon votre volonté.

Ce que je dis ne s’entend pas à la vérité des pechés d’autrui, ni des vôtres, puisque Dieu les a en horreur ; mais il s’entend de toutes sortes de peines, soit qu’elles soient des punitions de vos pechés, ou de simples épreuves de votre vertu, quand même vous en auriez le cœur tout pénetré de douleur, & que vous seriez en danger d’en perdre la vie. Car ces sortes de croix sont celles dont Dieu a coutume de favoriser les meilleurs amis.

Que si vous cherchez quelque adoucissement à votre peine, & que vous usiez pour cela des moyens communs, sans pouvoir vous soulager, il faut vous résoudre à souffrir patiemment un mal, que vous avez essayé en vain de guérir. Il faut même que vous employez ces moyens, qui de soi sont bons, & dont Dieu veut que vous vous serviez dans le besoin ; il faut, dis-je, que vous les employiez par cette seule raison que Dieu le veut, & non par aucune attache pour vous-même, ni par une trop grande passion de vous délivrer des souffrances.