Le Conflit anglo-turc

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Revue des Deux Mondes5e période, tome 34 (p. 153-175).

LE CONFLIT ANGLO-TURC


Il est rapporté au second livre des Chroniques, que Salomon, « lorsqu’il eut achevé de bâtir la maison de l’Éternel, alla à Eziongaber et à Elath, sur le bord de la mer, au pays de l’Idumée, et Hiram lui envoya des navires et des matelots expérimentés qui s’en allèrent avec les serviteurs de Salomon à Ophir, d’où ils rapportèrent quatre cent cinquante talens d’or… Les navires du roi allaient à Tarsis avec les serviteurs d’Hiram et, de Tarsis, les navires revenaient une fois en trois ans, apportant de l’or, de l’argent, de l’ivoire, des singes et des paons. Ainsi le roi Salomon fut plus grand que tous les rois de la terre… et il dominait sur tous les rois depuis le fleuve d’Euphrate jusqu’au pays des Philistins et jusqu’à la frontière d’Égypte[1]. » Transposons ces scènes bibliques dans un cadre moderne : la mer d’Idumée, c’est la Mer-Rouge ; Ophir c’est l’Yémen, l’Éthiopie, les trésors de l’Orient mystérieux ; Elath et Eziongaber au fond du golfe Elamitique, occupaient à peu près l’emplacement où s’élèvent aujourd’hui le petit port d’Akaba et les palmiers de Tabah. Un empire qui s’étendrait, comme celui de Salomon, de l’Euphrate aux frontières de l’Égypte, ne saurait manquer d’attacher un haut prix à la possession du golfe d’Akaba et au libre débouché sur la Mer-Rouge. Nous nous trouvons ainsi transportés dans le décor géographique du récent conflit anglo-turc et déjà nous en pouvons deviner les causes et l’importance. Sur le rivage même où le plus magnifique des rois d’Israël vint au-devant de la reine de Saba, au pied du Sinaï où Moïse, recevant de Dieu la Loi,


Dans le nuage obscur lui parlait face à face,


des troupes turques et anglo-égyptiennes ont été à la veille d’en venir aux mains ; le monde, pendant quinze jours, a été occupé de Tabah et d’Akaba. Ces lieux que l’humanité révère pour y avoir vécu quelques-unes des heures solennelles de sa destinée, s’éveillent de nouveau à la vie et à l’histoire : la civilisation européenne, refluant vers ses origines, provoque sur sa route la résurrection de l’Asie.

La saignée profonde de l’écorce terrestre où la Mer-Rouge s’allonge sous son ciel de feu, vient se heurter au Nord aux puissantes assises du Sinaï ; sa masse la divise en deux golfes qui étreignent, comme entre les deux branches d’une pince, la péninsule triangulaire de Tor-Sinaï. Ces deux bras de mer, jadis, finissaient en cul-de-sac, l’un à Suez, l’autre à Akaba. Depuis longtemps la branche d’Akaba n’avait plus d’histoire ; la fortune de celle de Suez, depuis l’ouverture du canal, avait achevé de la reléguer dans l’oubli et l’obscurité ; on pouvait cependant lui prédire qu’un jour sa position et son orientation attireraient de nouveau l’attention sur elle. La longue crevasse que remplissent les eaux de la Mer-Rouge se continue bien avant dans les terres : entre les montagnes de Moab, qui forment le rebord occidental du plateau d’Arabie, et le massif dont le Sinaï est le sommet le plus élevé, s’ouvre une large dépression, nommée El-Arabah qu’un seuil peu élevé sépare de la Mer-Rouge et dont une série de lagunes jalonne le fond ; elle se dirige droit vers le Nord et vient s’évaser en une vaste cuvette dont la Mer-Morte, à 394 mètres au-dessous du niveau des océans, occupe la partie la plus déprimée ; la vallée du Jourdain, si curieusement rectiligne, et le lac de Tibériade prolongent encore cette étrange faille qui, de la Palestine et de la Syrie à la Mer-Rouge, est la voie la plus courte et la plus directe. Cette route, tracée par la nature elle-même, fut jadis très fréquentée et pourrait le redevenir. Le petit port u Akaba marque précisément le point où elle aboutit à la mer. Tabah, à douze kilomètres à l’Ouest d’Akaba, n’est même pas un village, un simple point d’eau, une petite oasis avec quelques dattiers ; mais qui occupe Tabah, commande le port d’Akaba et surveille le débouché de tout chemin de fer venant toucher à la mer au fond du golfe.

Tabah était probablement ignoré, il y a quelques semaines, même des spécialistes de la géographie, et voilà que brusquement son nom entre dans la renommée et remplit les journaux du monde entier ; à propos de cette humble oasis, les nations prennent l’alarme, les diplomates entrent en campagne, les cuirassés appareillent. Pareil phénomène n’est ni isolé, ni nouveau, dans notre histoire contemporaine, depuis que l’impérialisme conquérant a transporté au loin les rivalités des grands États européens et étendu à la terre entière le champ de leurs ambitions. Fachoda, naguère, et Port-Arthur, eurent semblable fortune ; les peuples apprirent à retenir leurs noms moins pour leur importance intrinsèque que pour la grandeur des intérêts dont ils résumèrent et synthétisèrent le conflit décisif. Fachoda est resté dans l’histoire pour signifier l’abandon de la vallée du Nil par les Français ; Port-Arthur représente les Russes éloignés des mers chinoises et l’humiliation des blancs devant les jaunes. Comment Tabah, durant quelques jours, a connu la même célébrité ; pourquoi la présence, à une certaine heure, de quelques centaines de soldats turcs au fond du golfe d’Akaba a failli troubler la paix du monde ; quelles circonstances enfin ont été au moment de déchaîner un conflit anglo-turc à propos de la presqu’île du Sinaï, c’est ce que nous voudrions expliquer ici.


I

C’est la Convention de Londres, en 1840, qui, en même temps qu’elle obligeait Mehemet-Ali, malgré les victoires de son année, à se contenter de l’Egypte que lui et ses descendans administreraient héréditairement au nom et sous la souveraineté du Sultan, a déterminé la limite qui séparerait les États du Khédive des provinces soumises à l’autorité des valis de Constantinople. L’Europe, qui faisait grise mine à ce vainqueur ami de la France et qui s’acharnait à le dépouiller de ses conquêtes, se montra du moins accommodante sur la question des frontières : elle laissa à l’Egypte, en avant de l’isthme de Suez, un large bastion formé de toute la péninsule de Tor-Sinaï. La frontière quitte le rivage de la Méditerranée à l’embouchure du Ouadi-Rifah, à l’Est d’El-Arich, près d’El-Rifah contourne le plateau de Bir-Sabeh et le massif du Djebel-Makra, et vient aboutir à la Mer-Rouge au fond du golfe d’Akaba. Ce port, situé un peu à l’Est de la pointe septentrionale du golfe semble donc être incontestablement turc, tandis que Tabah, placé un peu à l’Ouest, serait égyptien. Le Sultan, pour assurer la sécurité des pèlerins se rendant d’Égypte à la Mecque, avait, en 1840, autorisé le Khédive à mettre des gendarmes dans certaines localités, notamment à El-Ouedj, Dabah, Mouellah, petits ports de la côte du Hedjaz, et à Akaba. A l’époque de l’avènement du Khédive actuel, Abbas-Hilmi, en 1892, ces localités firent retour à l’administration du vilayet du Hedjaz ; le fait est constaté dans le firman d’investiture ; mais, tant dans le firman lui-même, dont le texte ne reproduisait pas exactement celui dont la Porte s’était servi pour Tewfik-pacha, que dans une dépêche explicative adressée le 8 avril 1892 par le grand vizir au Khédive, certaines phrases laissaient entendre que l’administration de la péninsule Sinaïtique relevait du vilayet du Hedjaz et que la frontière devrait aller, non d’El-Rifah à Akaba, mais d’El-Arich à Suez, donnant toute la péninsule à la Turquie et prolongeant le territoire directement soumis au Sultan jusqu’au bord du canal de Suez. C’est contre une pareille interprétation que, dès cette époque, le gouvernement britannique ne manqua pas de protester : sans délai, le 11 avril, sir Evelyn Baring (depuis lord Cromer) télégraphia au ministre des Affaires étrangères du Sultan, Tigrane-pacha, pour lui demander si des explications avaient été données au Khédive au sujet de la différence de rédaction constatée entre le firman de 1892 et ceux qui l’avaient précédé. Tigrane-pacha répondit en communiquant au représentant du gouvernement anglais en Égypte la dépêche adressée le 8 avril par le grand vizir au Khédive. Il y était dit :

Il est à la connaissance de Votre Altesse que Sa Majesté le Sultan avait autorisé la présence à El-Ouedj, Mouellah, Dabah et Akaba, sur le littoral du Hedjaz, ainsi que dans certaines localités de la presqu’île de Tor-Sinaï, d’un nombre suffisant de zaptiehs (gendarmes) placés par le gouvernement égyptien à cause du passage du Mahmal (pèlerinage) égyptien, par voie de terre. Comme toutes ces localités ne figurent point sur la carte de 1257 remise à feu Mehemet-Ali-pacha et indiquant les frontières égyptiennes, El-Ouedj en conséquence a fait dernièrement retour au vilayet du Hedjaz, par iradé de Sa Majesté Impériale, comme lui ont fait retour dernièrement les localités de Dabah et de Mouellah. De même Akaba aujourd’hui est également annexé au dit vilayet et, pour ce qui est de la presqu’île de Tor-Sinaï, le statu quo est maintenu et elle sera administrée par le Khédivat de la même manière qu’elle était administrée du temps de votre grand-père Ismaïl-pacha et de votre père Mehemet-Tewfik-pacha.


Aussitôt sir Evelyn Baring prit acte, par dépêche du 13 avril, de l’engagement relatif à la péninsule Sinaïtique et profita de la circonstance pour affirmer les droits de la Grande-Bretagne.


… Votre Excellence sait qu’aucun changement ne peut être apporté dans les firmans réglant les relations entre la Sublime Porte et l’Egypte sans le consentement du gouvernement de Sa Majesté Britannique. C’est pour cette raison que j’ai reçu l’ordre de demander à Votre Excellence de bien vouloir insérer dans le présent firman une définition des frontières, le présent firman laissant entendre que la péninsule du Sinaï ne dépendrait plus dans l’avenir, administrativement, du Khédivat d’Egypte, mais du vilayet du Hedjaz.


Le télégramme du grand vizir, que vous me faites l’honneur de me communiquer, dit clairement que la péninsule du Sinaï, c’est-à-dire le territoire limité à l’Est par une ligne partant un peu à l’Est d’El-Arich et se terminant à la pointe du golfe d’Akaba, continuera à être administré par l’Egypte. Le fort d’Akaba, qui est à l’Est de cette ligne, doit donc faire partie du vilayet du Hedjaz…

Ces deux pièces constituent en somme les documens essentiels du débat entre la Turquie d’une part, l’Egypte et l’Angleterre de l’autre. En envoyant, le 15 février 1906, un bataillon occuper l’oasis de Tabah, ce sont les revendications de 1892 que le gouvernement ottoman a voulu reprendre. Aux premières protestations de la diplomatie britannique, la Porte essaya de répondre en établissant une confusion entre le Tabah (ou Dabah) situé sur la côte du Hedjaz, occupé jadis par les zaptiehs égyptiens et réoccupé en 1892 par les Turcs, et l’autre Tabah, voisin d’Akaba, et véritable objet du litige. Mais le débat ne tarda pas à être replacé sur son véritable terrain : l’occupation par les troupes turques de quelques morceaux du désert, entre l’ouadi-Rifah et El-Arich, le déplacement de bornes-frontière et de poteaux télégraphiques aux couleurs égyptiennes, montrèrent que c’était bien toute la péninsule que le gouvernement du Sultan réclamait le droit d’occuper et de soustraire à l’administration du Khédive. Si ces exigences avaient reçu satisfaction, le territoire turc se serait avancé jusqu’en face de Suez, sur le bord même du canal. C’est ce qui faisait dire, le 7 mai, au sous-secrétaire d’État au Foreign-Office, parlant à la Chambre des lords : « Il était peu probable que l’Angleterre, après l’intervention de 1882 motivée par le danger que courait du côté de l’Ouest le canal de Suez, se montrât indifférente, vingt-cinq ans après, à des dangers analogues se présentant du côté de l’Est. »

Depuis l’époque où le gouvernement de lord Palmerston traçait, autour de l’Egypte de Mehemet-Ali, le cercle de Popilius d’où il ne lui serait pas permis de sortir, l’importance de l’isthme de Suez et de la presqu’île du Sinaï s’est considérablement accrue ; ces régions stériles et abandonnées sont devenues, dans la lutte politique et économique universelle, un point stratégique dont les grandes puissances se disputent âprement la possession. Garantir les approches du canal contre toute tentative d’obstruction ou d’accaparement est devenu la préoccupation dominante des maîtres, quels qu’ils soient, de la vallée du Nil. L’Angleterre a occupé l’Egypte et substitué sa politique active, son esprit d’initiative et son besoin d’expansion à l’inertie et au désordre où les successeurs de Mehemet-Ali avaient laissé déchoir leur pays ; devenue maîtresse au Caire et à Alexandrie, elle attache d’autant plus de prix à tenir sous son autorité et sous son contrôle les abords du canal que des traités internationaux garantissent la neutralité du canal lui-même ; si, en cas de guerre, l’Angleterre avait scrupule à mettre la main sur le passage, elle pourrait en tout cas en bloquer les issues à la distance requise par les conventions : la domination de la Mer-Rouge rentre donc dans le programme de sa politique impériale. Au moment où, sur la côte occidentale, elle créait Port-Soudan pour servir de débouché à tout le bassin moyen du Nil, il ne pouvait convenir à la Grande-Bretagne que la Turquie fît acte d’autorité sur la côte orientale, sur le flanc de cette route de l’Inde que l’Angleterre surveille comme l’instrument indispensable de son omnipotence maritime et comme le signe visible de son hégémonie universelle. Le péril d’invasion, pour l’Egypte, est toujours venu de l’Orient, de Syrie ou d’Arabie ; l’Angleterre le sait ; attentive à deviner les dangers dont l’avenir pourrait menacer la vallée du Nil, elle monte une garde vigilante sur les bastions qui flanquent vers l’Est l’Egypte et le canal de Suez. Nous aurons à expliquer quels mouvemens ostensibles et quelles sourdes agitations du monde arabe, prélude de profonds bouleversemens, incitent, particulièrement à l’heure actuelle, le cabinet de Londres à redoubler de vigilance et à surveiller les frontières du côté de la Syrie et de l’Arabie.

L’occupation de Tabah par les troupes turques posait donc, au point de vue territorial, une question dont on aperçoit déjà l’intérêt et sur l’importance propre de laquelle nous devrons revenir, mais qui, semble-t-il, ne suffirait ni à provoquer la vigoureuse riposte de l’Angleterre, ni à justifier l’émoi des chancelleries européennes. Mais, à côté de la question de fait, l’occupation de Tabah et, plus encore, les raisons par lesquelles la Porte prétendait la justifier, posaient une question de droit singulièrement plus grave et dont les conséquences n’allaient à rien moins qu’à contester la situation de fait prise par l’Angleterre en Égypte. Plus que l’objet revendiqué c’est donc la forme de la revendication qui a ému l’opinion et le gouvernement britanniques. La Sublime Porte se réfère au firman d’investiture de 1892 et à la dépêche du grand vizir au Khédive qui semblent faire de l’occupation, par le khédivat, de certains points de la côte du Hedjaz et de la péninsule de Tor-Sinaï, une concession gracieuse, et par conséquent révocable, du Sultan à son délégué le Khédive : occuper Tabah c’était donc pour le Sultan faire tout simplement acte de souveraineté sur une terre dont il se considère en effet comme le souverain légitime, c’était rappeler au gouvernement égyptien que celui qui a le pouvoir de donner a aussi la faculté de reprendre : le Sultan avait confié au Khédive l’administration de la péninsule du Sinaï, il usait de son droit en la lui retirant. Si le Sultan est non seulement suzerain, mais souverain de l’Égypte comme des autres provinces de son empire, il ne saurait exister de contestations de frontière entre deux parties d’un même tout ; la volonté du souverain doit suffire à faire loi. Ainsi posée, la question de Tabah entraînait les plus graves conséquences : elle rouvrait la question d’Égypte en rappelant au Khédive sa situation juridique internationale, créée et consacrée par les traités, et, par suite, elle ravivait le débat sur l’occupation anglaise. Juridiquement, en effet, la présence des troupes et des fonctionnaires britanniques n’a pas modifié la situation du Khédive vis-à-vis du Sultan ; l’Égypte, même occupée par les Anglais, reste une province de l’empire ottoman gouvernée héréditairement par le Khédive et ses héritiers. Le fait, par la France, d’avoir, par la convention du 8 avril 1904, renoncé à prendre l’initiative de réclamer l’évacuation de l’Égypte par les Anglais n’a rien changé à sa situation internationale ni rien retranché aux droits des autres puissances ou à ceux de la Turquie. C’est ce que M. de Freycinet a, dans la conclusion de son beau livre, fortement exprimé : « La présence des troupes britanniques, écrit-il, n’est pas plus légitime à cette heure qu’elle ne l’était il y a vingt ans. La position « exceptionnelle et transitoire » de la Grande-Bretagne — pour employer les expressions de lord Salisbury — ne s’est, au point de vue du droit, aucunement modifiée. La convention du 8 avril 1904 n’y a rien changé. La France s’est interdit une initiative, et c’est tout. Mais l’Angleterre, pas plus aujourd’hui qu’hier, n’est ni souveraine de l’Egypte, ni protectrice, ni investie d’une délégation du Sultan. Les traités de 1856 et de 1878 sont toujours en vigueur. L’Europe peut évoquer la question et réclamer une solution conforme au droit[2]. »

Est-ce précisément cette question que le Sultan a voulu poser ? est-ce cette situation juridique qu’il a prétendu rappeler ? a-t-il voulu, par un acte, empêcher une sorte de prescription de s’établir et affirmer ses droits souverains ? Il est permis de le croire et il est certain que l’Angleterre l’a pensé : dans l’affaire de Tabah, elle a vu apparaître, menaçante, toute la question d’Egypte. Etonnée de l’initiative audacieuse d’Abdul-Hamid, elle a cru discerner derrière lui l’action d’une puissance européenne dont ! il passe pour suivre volontiers les inspirations ; la coïncidence de l’affaire de Tabah avec les incidens du Maroc et la conférence d’Algésiras lui a paru trop frappante pour être fortuite ; elle a cru qu’aux deux extrémités de la Méditerranée, l’Allemagne appliquait une même méthode et qu’après avoir voulu rendre manifeste, à Tanger et à Algésiras, que la convention franco-anglaise n’avait pas modifié la situation internationale du Maroc, elle cherchait à établir, en poussant les troupes turques à Tabah, que la même convention n’avait pas changé davantage la situation internationale de l’Egypte. On comprend dès lors pourquoi le Cabinet britannique s’est hâté d’interrompre la négociation au Caire pour l’évoquer à Londres et à Constantinople, et pourquoi, à propos d’une insignifiante localité de la côte d’Arabie, il a mobilisé des troupes, envoyé une puissante escadre dans les eaux de l’Archipel et lancé au Sultan, sous la forme d’une note ultimatum, une sommation d’avoir, dans un délai de dix jours, à évacuer Tabah et la péninsule du Sinaï.


II

Jamais les turcs n’ont dominé effectivement toute la péninsule arabique : la race de rudes et fiers pasteurs dont les aïeux, jadis, coururent d’un seul élan jusqu’en Poitou et jusqu’en Perse, s’est retranchée, à l’abri de ses déserts, dans un particularisme irréductible ; elle a toujours réussi à sauvegarder la pureté de son sang et l’indépendance de ses tribus. Cependant, au cours de ces trente dernières années, par politique plus encore que par force, tantôt soudoyant les rivalités des clans, tantôt semant la discorde dans les familles régnantes, tantôt exploitant les dissidences religieuses, les valis ottomans, — et surtout Midhat-pacha pendant son gouvernement de Bagdad — avaient réussi à introniser, à la tête de chacune des principales agglomérations arabes des hommes dévoués au Sultan et disposés à accepter, au moins nominalement, sa suzeraineté ; ils leur prodiguaient les titres, les décorations et les honneurs, et prenaient soin de les pourvoir de belles esclaves circassiennes directement exportées du harem même du Sultan ; ainsi, peu à peu, ils parvenaient, tant bien que mal, à plier ces fiers émirs à la discipline des fonctionnaires turcs. Le principal effort des agens de Constantinople portait sur le Hedjaz, où l’on révère les villes saintes de l’Islam et qui a toujours été un foyer d’influence et un noyau de centralisation, et sur l’Yémen, la plus riche partie de l’Arabie, la mieux cultivée et la plus peuplée. Les intrigues de la faction turque et l’argent de Yildiz-Kiosk faisaient et défaisaient, au gré du maître, le grand chérif de la Mecque. Sanâa, ville principale du Yémen, était devenue le siège d’un corps d’armée turc, le 7e, dont la présence attestait l’autorité réelle du Sultan dans l’Arabie méridionale. Ainsi la pénétration turque faisait lentement son œuvre, et Abdul-Hamid voyait venir l’heure où il pourrait se flatter d’avoir regagné en Asie ce que la guerre de 1878 avait fait perdre à son empire en Europe et d’avoir définitivement attaché à son service la forte et belliqueuse race des Arabes. Il espérait, grâce à cette source nouvelle et inépuisable de recrutement, augmenter le nombre de ses troupes et balancer, à l’aide des ressources de l’Asie, l’effort hostile des nationalités balkaniques.

Mais ces succès devaient rester sans lendemain, une nouvelle poussée du particularisme arabe allait, dans un sursaut de révolte contre la domination abhorrée des Turcs, emporter les combinaisons éphémères de la politique Hamidienne. L’émir du Nedjed, lbn-Esseoud, avait commencé, dès 1884, à réorganiser, dans l’Arabie centrale, l’ancien empire des Wahabites ; en 1904, il battit et chassa l’émir du Chammar, Abdel-Aziz-ibn-Raschid, qui avait mis son influence au service de la suprématie ottomane ; allié à Moubarek, sultan de Koweït, sur le golfe Persique, qui, soutenu par les Anglais, avait fait reconnaître son indépendance, il réussit peu à peu à grouper autour de lui, en haine des Turcs, les principales tribus de l’Arabie centrale et à étendre son autorité directe ou son influence jusque sur les nomades du désert de Syrie, jusqu’aux approches de Damas et jusqu’en Mésopotamie. Une telle puissance devenait inquiétante : pour en venir à bout, le maréchal turc commandant le 6e corps (Bagdad), Feizi-pacha, marcha contre l’armée insurgée avec trente bataillons ; il subit, dans l’été de 1904, une défaite complète. En même temps, dans l’Yémen, l’iman Mahmoud-Yahia se soulevait contre les Turcs, rassemblait autour de lui les tribus mécontentes du séjour prolongé dans leur pays des troupes ottomanes, et assiégeait Sanâa. En 1905, le corps du maréchal Riza-pacha, composé de troupes arabes de Syrie, refusait de combattre contre les Arabes du Yémen ; 22 000 fantassins, dit-on, avec 14 canons et 4 000 chameaux, passaient à l’ennemi qui s’emparait de Sanâa et y faisait prisonnier Feizi-pacha qu’il relâchait généreusement. Un tel échec, s’il restait sans vengeance, était la ruine complète de la domination turque en Arabie : le Sultan à l’automne 1905, ordonna de tenter un grand effort ; Feizi-pacha, avec 45 000 hommes, réussit à s’emparer de Sanâa, mais, lorsqu’il en voulut sortir, il subit des échecs répétés : il y est actuellement presque assiégé par les tribus hostiles et son autorité ne s’étend guère au-delà de la ville où il campe avec » les débris de son armée. A la même époque, l’Assyr et le Hedjaz suivaient l’exemple de l’Yémen et chassaient les garnisons turques ; presque toute l’Arabie péninsulaire échappait à l’autorité du Sultan.

Un mouvement de révolte aussi prononcé et aussi général ne pouvait manquer de provoquer à Constantinople un désappointement d’autant plus amer que la politique de pénétration en Arabie avait donné de plus brillantes espérances, et des alarmes d’autant plus vives que l’on pouvait craindre de voir l’esprit d’indépendance se répandre, de la péninsule, dans tout le domaine de la race arabe, c’est-à-dire, au Nord, jusqu’aux montagnes de l’Arménie, jusqu’à la Méditerranée à l’Ouest, et à l’Est jusqu’au plateau de l’Iran. Les habitans de la Palestine et de la Syrie, comme ceux de la Mésopotamie, qu’ils soient musulmans, catholiques, nestoriens ou orthodoxes, sont en grande majorité arabes ; mais la vie sédentaire, la promiscuité avec d’autres peuples, et surtout cinq siècles de domination turque leur ont fait perdre le sentiment d’une communauté de race et de patrie. Les Arabes du désert sont restés libres et indomptés ; les autres, ceux des villes et des vallées fertiles, ont accepté le collier de la servitude. Mais le jour où l’instinct atavique de l’indépendance viendrait à se réveiller dans leurs âmes, où 12 millions d’Arabes comprendraient qu’ils sont le nombre et qu’ils ont la force, et resserreraient entre eux des liens effectifs de solidarité, la domination turque en Asie se trouverait gravement compromise. C’est de Mésopotamie et de Syrie que le Sultan tire la meilleure partie de ses revenus en argent et de ses ressources en hommes ; c’est parmi les Arabes que se recrutent les élémens de quatre des sept corps qui composent l’armée ottomane. Si, à l’exemple des peuples balkaniques qui tendent de plus en plus à constituer des États autonomes, la nationalité arabe prenait conscience d’elle-même, de son passé et de son avenir, et réclamait le droit de se gouverner librement, l’assiette sur laquelle repose tout l’édifice de l’Empire ottoman serait menacée de ruine ; le jour où la domination turque viendrait à être compromise en Asie, ce serait fini d’elle en Europe.

Ce jour-là serait venu, s’il en fallait croire sans réserves les affirmations sensationnelles du livre publié l’année dernière, à Paris, par M. Negib-Azoury-bey[3], et si l’on s’en rapportait uniquement au « Manifeste aux nations éclairées et humanitaires de l’Europe et de l’Amérique du Nord » ou à l’ « Appel de tous les citoyens de la patrie arabe asservie aux Turcs, » lancés par le « Comité national arabe de la Turquie. » Invoquant la communauté de race et rappelant la glorieuse histoire des Arabes de Syrie et de Mésopotamie au temps des grands Khalifes Ommiades et Abassides, le « Comité national arabe » met en parallèle la grandeur et la prospérité d’autrefois avec les humiliations et la misère d’aujourd’hui, sous le joug ruineux de l’Osmanli ; il évoque le souvenir des empires florissans qui se sont succédé dans les riches plaines du Tigre, de l’Euphrate, de l’Oronte et du Jourdain ; il rappelle les myriades d’hommes qui pullulaient jadis sur ces terroirs privilégiés ; il conclut enfin que, si la terre n’a pas perdu sa fécondité, ni le soleil sa chaleur, la dépopulation et la misère actuelles ne sauraient être que le fait de l’oppression et du mauvais gouvernement des Turcs. Il invite donc les soldats arabes, commandés par un tout petit nombre de chefs turcs, les sujets arabes, soumis au joug despotique du Vali et aux rapacités des agens du Sultan, à s’insurger, à proclamer leur volonté de vivre indépendans et à substituer, sans effusion de sang, une administration et des chefs arabes aux fonctionnaires ottomans. Coïncidant avec une prise d’armes des peuples balkaniques, Albanais et Macédoniens, un pareil mouvement aboutirait à un partage de l’Empire ottoman entre les nationalités qui l’habitent et donnerait enfin, à l’éternelle « question d’Orient, » une solution complète. Musulmans et chrétiens de toutes confessions et de tous rites seraient, à en croire les rédacteurs du Manifeste, déjà d’accord ou sur le point de s’y mettre ; ils consentiraient à oublier leurs dissentimens religieux pour ne se souvenir que de leur parenté de race et pour s’unir dans une haine commune contre le Turc oppresseur. Les désirs des membres du « Comité national arabe » ont vraisemblablement devancé la marche réelle des événemens ; leurs proclamations affirment par avance l’existence des sentimens qu’ils sont précisément destinés à faire naître et à répandre ; il semble que les organisateurs du mouvement aient avant tout voulu, pour ainsi dire, prendre date et affirmer, pour le jour où viendrait à se produire le décès de l’ « homme malade, » le droit des Arabes à une grosse part de l’héritage. Le fait de l’organisation d’une propagande nationale arabe, si rudimentaire qu’on la suppose, garde une signification qu’il faut se garder d’exagérer aussi bien que de méconnaître ; il convient, pour en apprécier la portée, de se souvenir que c’est au Caire, sous l’œil de l’administration anglaise, que « le parti national arabe » a son comité, et que c’est de là qu’il cherche à faire rayonner ses idées et pénétrer ses agens dans l’Asie turque. L’Egypte devient le centre d’une véritable renaissance de la vie et de la civilisation arabe, par la langue, par la littérature, par la religion. Il est donc naturel de supposer que la propagande nationale arabe et la publicité qui lui a été donnée dans l’Europe occidentale, loin d’être des phénomènes isolés, sont en connexion étroite avec le grand mouvement d’indépendance qui se manifeste dans l’Arabie péninsulaire et dont l’Angleterre a si ouvertement favorisé le succès. A la lumière de ces faits, l’incident de Tabah s’éclaire ; il n’apparaît plus comme un simple litige de frontières, sans précédens et sans lendemain ; il explique les ressorts et il dévoile les secrets desseins de la politique anglo-égyptienne dans l’Asie turque et dans l’Arabie.

Héritier du pouvoir spirituel des anciens Khalifes arabes[4], le Padischah de Constantinople revendique l’autorité religieuse sur tout l’Islam ; mais il est de race turque et ne peut invoquer aucune parenté avec le prophète Mahomet : comme tel il est suspect aux Arabes et obligé à des ménagemens tout particuliers envers le grand chérif de la Mecque et les hauts personnages religieux des villes saintes. La Mecque a toujours été un centre d’effervescence politique et religieuse ; si, de sa propre initiative ou à l’instigation de quelque puissance extérieure, un chérif révéré, un descendant de Mahomet se mettait à prêcher la haine des Turcs et se proclamait lui-même comme le véritable successeur du Prophète et des anciens Khalifes, l’autorité mal définie, mais considérable, que le Sultan exerce sur tout l’Islam oriental, se trouverait compromise et son pouvoir politique en serait du même coup profondément ébranlé. La manifestation, en Arabie, dans la Rome de l’Islam, loin de tout grand État politique, d’une nouvelle autorité spirituelle, capable d’exercer son prestige religieux sur une grande partie de l’Islam asiatique, trouverait certainement dans le milieu égyptien un accueil très favorable. Toutes les puissances européennes qui administrent des sujets musulmans la pourraient voir sans déplaisir : mais c’est surtout l’Angleterre qui, semble-t-il, aurait sujet de se féliciter d’une révolution qui aurait pour résultat de ruiner l’autorité religieuse d’un sultan avec les droits souverains duquel elle doit compter en Égypte et qui, de plus en plus, échappe à son influence pour entrer dans le rayon d’action de la politique allemande.

Cette menace, si lointaine qu’elle puisse paraître encore, n’a pas échappé à la vigilance soupçonneuse d’Abdul-Hamid ; c’est elle surtout qui explique les sacrifices considérables en hommes et en argent qu’il fait pour dompter la révolte de l’Yémen et du Hedjaz, et rester en possession des villes saintes ; c’est elle qui précipite la construction du chemin de fer qui, de Damas, descend vers la Mer-Rouge et vers la Mecque. La politique actuelle du Sultan pourrait être définie : une politique de chemins de fer ; elle procède d’un plan d’ensemble dont l’achèvement aurait pour effet de réunir les diverses parties de l’Empire par des voies ferrées, de permettre d’y exercer plus aisément la police et surtout de tirer un meilleur parti de leurs ressources et de leurs forces militaires. Les chemins de fer d’Asie sont avant tout des lignes de mobilisation et de concentration ; ils sont destinés à permettre aux troupes ottomanes, trop peu nombreuses pour l’étendue des frontières qu’elles ont à surveiller, de se transporter rapidement de l’Euphrate aux Balkans, et des bords de la Mer-Noire aux rivages de la Mer-Rouge. De tous ces chemins de fer, qu’il ne saurait entrer dans notre cadre d’étudier aujourd’hui, aucun n’est plus directement encouragé par le Sultan que celui qui, de Damas, s’enfonce au Sud dans la direction de la Mecque et du Hedjaz ; d’autres lignes ont été commencées ou concédées sur les instances de compagnies européennes et exécutées par elle ; celle-là est vraiment une ligne d’intérêt politique turc et d’intérêt religieux islamique ; c’est le chemin des villes saintes, celui qui, on l’espère du moins à Constantinople, permettra un jour au Sultan de fonder solidement son autorité sur le Hedjaz et le Yémen et d’empêcher la création, autour de la Mecque, d’un État arabe dont le souverain pourrait revendiquer le titre et l’autorité spirituelle des anciens khalifes. La voie qui mènera les soldats du Commandeur des croyans au cœur de l’Arabie, conduira aussi les saints hadjis vers la ville du Prophète ; l’ambition dominatrice se couvre ici d’une pieuse intention, ou plutôt c’est la méthode personnelle du sultan Abdul-Hamid qui se révèle dans ces efforts pour reconstituer, au profit de la Turquie, les élémens d’une politique panislamique. Dans cet empire ottoman où les réformes n’aboutissent guère et où lenteur et temporisation sont les maximes favorites du gouvernement, on a pu voir le chemin de fer de Damas à la Mecque poussé avec une extraordinaire célérité, exécuté, sans concours étrangers, sous la direction et par les soins du génie militaire ottoman, et payé avec les ressources de l’empire, les réserves du trésor du Sultan et le produit d’une sorte de souscription nationale patronnée par les chefs religieux en même temps que par les fonctionnaires. La voie est actuellement terminée jusqu’à Maân, à l’Est des ruines de l’ancienne Petra ; de là elle gagnera directement Medaouara, tandis qu’un embranchement, dont le tracé est déjà préparé, ira chercher sur la Mer-Rouge, à Akaba, les pèlerins venus d’Egypte et de l’Islam occidental. Les remblais sont commencés au Sud de Maàn et les travaux se poursuivent sous la surveillance de 4 000 à 5 000 nizams.

Nous sommes ainsi ramenés, on le voit, à l’incident de Tabah ; nous en découvrons de mieux en mieux la portée. Au moment où le chemin de fer de la Mecque s’approche de la Mer-Rouge, on devine pourquoi les Turcs cherchent à s’assurer le contrôle exclusif du golfe et du port d’Akaba et voudraient fortifier le point où la voie ferrée prendra contact avec la mer, afin d’éloigner toute influence anglo-égyptienne d’une ligne qu’ils regardent comme l’instrument nécessaire de leur domination sur l’Arabie.


III

A propos d’un simple incident de frontière entre la Turquie et l’Egypte et d’un débat diplomatique anglo-turc, nous ne saurions tracer même une simple esquisse des progrès de l’influence germanique dans l’Asie ottomane. Cependant, ce serait donner de l’incident de Tabah une physionomie inexacte et dénaturer son caractère que de ne pas l’étudier en corrélation avec les efforts de l’Allemagne pour établir son hégémonie économique et politique sur tout l’empire du Sultan. La diplomatie de l’empereur Guillaume II s’est officiellement désintéressée de l’affaire de Tabah ; mais la force des situations a été plus puissante que la volonté des hommes d’État : si prépondérante est aujourd’hui à Constantinople l’influence allemande, si écoutés les conseils de l’ambassadeur impérial, si complète et si générale la compénétration des intérêts turcs et des intérêts germaniques, que, dans tous les pays, l’opinion publique a voulu voir, dans l’occupation de Tabah par les troupes ottomanes, le résultat d’un conseil ou d’un encouragement venu de Berlin ; la politique du Sultan est, d’ordinaire, moins hardie en ses initiatives : pour quelle ait osé prendre la responsabilité de heurter directement une puissance comme l’Angleterre, il faut qu’elle se soit sentie appuyée par quelque haute protection. Ainsi raisonnait-on, et les argumens ne manquaient pas à l’appui de telles hypothèses ; l’on rappelait les efforts de la politique allemande, en ces dernières années, pour se créer une clientèle politique, commerciale et religieuse dans toute l’étendue du monde musulman, les voyages de l’Empereur à Constantinople et à Jérusalem, l’entreprise du chemin de fer de Bagdad et tant d’autres, où sont engagés les capitaux allemands. Les incidens de Koweit avaient naguère mis en présence les diplomaties allemande et anglaise et l’on était fondé à supposer que l’inspiration qui poussait les Turcs à Tabah, au débouché du chemin de fer de Damas à la Mecque sur la Mer-Rouge, pouvait être la même qui avait ouvertement appuyé les prétentions de la Porte à Koweit, au débouché du chemin de fer de Bagdad sur le golfe Persique. L’activité de la politique allemande dans l’empire ottoman était de nature à autoriser toutes ces hypothèses, à donner du crédit à tous ces bruits. Il n’est plus besoin de répéter que l’Allemagne, en quête de débouchés pour son commerce et de champs d’épandage pour le trop-plein de sa population, a choisi l’Asie turque pour y appliquer ses méthodes de pénétration pacifique et de colonisation sans occupation. Sauvegarder l’intégrité de l’empire ottoman et profiter de sa faiblesse pour se substituer peu à peu à lui et jouir de l’usufruit des domaines encore immenses qui lui restent en Europe et surtout en Asie, protéger le trône du Sultan pour cheminer sous le couvert de son autorité et absorber peu à peu les forces vives de l’empire, tel apparaît le programme de la politique allemande en Orient. Partout où s’étend l’Islam, tout au moins sur tout le pourtour de la Méditerranée, au Maroc, en Tripolitaine, en Égypte, dans l’Asie turque, on croit saisir la trace d’un dessein allemand d’expansion et de pénétration économique ; le panislamisme sert de véhicule au germanisme.

Comment s’étonner après cela de l’émotion provoquée dans la presse et dans l’opinion britanniques par l’annonce de l’occupation de Tabah par les Turcs ? Dans chaque incident qui surgit en travers de sa route impériale, l’Angleterre aujourd’hui croit découvrir la main de l’Allemagne, comme elle y voyait, naguère encore, une intrigue russe ou une manœuvre française. La Grande-Bretagne et, avec elle, l’Europe entière ont été persuadées que, derrière un conflit turco-égyptien, devait nécessairement se dissimuler un épisode de la rivalité anglo-allemande, un combat d’avant-garde précurseur de l’âpre lutte d’influence qui mettra aux prises les deux grands empires européens sur les ruines de l’Empire turc ; c’est ce qui a prêté un instant à cette simple affaire de Tabah une physionomie dramatique et un caractère inquiétant.. L’Europe troublée, nerveuse, à peine remise des émotions de Mandchourie et d’Algésiras, a cru sentir se lever le vent des grands orages et monter sur l’horizon le signe des tempêtes prochaines.

Toujours préoccupée d’assurer, pour toutes les éventualités de l’avenir, la sécurité de l’Inde et des routes qui y conduisent, l’Angleterre porte toute son attention du côté de l’Arabie ; elle a conjuré pour longtemps, grâce à l’épée du Japon, le fameux péril cosaque qu’elle croyait toujours prêt à fondre, du haut des Pamirs, sur l’Indus et le Gange ; c’est maintenant la poussée allemande vers les routes de l’Inde, c’est la politique musulmane de Guillaume II qui la préoccupent, et c’est pourquoi l’Arabie devient l’objet de ses plus urgens soucis. La péninsule arabique, encore si mal connue des Européens et restée si impénétrable à leurs explorations, est entrée dans le jeu de la politique universelle ; sa masse mystérieuse s’interpose, comme un écran très opaque, entre l’Egypte, que les Anglais occupent, et l’Inde qu’ils possèdent, entre la Mer-Rouge, qu’ils contrôlent par Aden, Périm et les ports égyptiens, et le golfe Persique, dont lord Gurzon a fait une dépendance de l’Empire des Indes. La puissance qui dominerait en Arabie, qui mettrait la paix parmi les émirs et les sultans qui s’y disputent des souverainetés éphémères, commanderait les deux grandes routes de l’Inde : l’une, celle qui passe par le canal de Suez et la Mer-Rouge ; l’autre la route de terre, qui d’Asie Mineure ou de Syrie descend, à travers les riches plaines de la Mésopotamie, vers le golfe Persique et que suivra le chemin de fer de Bagdad. C’est le rôle qu’en ces dernières années l’Angleterre a cherché à prendre ; de tous les côtés à la fois elle a entamé l’Arabie. Les Indes, Aden, l’Egypte lui ont servi de bases d’opérations pour sa politique de pénétration et d’influence ; elle a utilisé les services des musulmans indous ou égyptiens ; elle a mis à profit les rivalités, payé les révoltes, suscité des compétiteurs aux chefs dévoués à la Porte ; elle a appliqué les procédés qui lui ont servi à conquérir les Indes. Autour d’Aden, un large territoire a été annexé ; des traités passés avec les tribus de l’intérieur, avec les petits cheikhs de la côte font de l’Angleterre la véritable maîtresse du Hadramaout et de l’Yémen ; elle étudie un chemin de fer d’Aden à Sanâa ; c’est à Aden que Mahmoud-Yahia et ses partisans ont pu se procurer les armes grâce auxquelles ils tiennent en échec le maréchal Feizi-pacha. L’iman de Mascate, le principal souverain de l’Oman, a accepté le protectorat britannique, et la sentence arbitrale du tribunal de la Haye dans l’affaire dite « des boutriers protégés français » a écarté définitivement notre influence, la seule qui aurait pu rivaliser avec celle de la Grande-Bretagne. Quant aux côtes du golfe Persique, elles sont de fait une dépendance de l’Empire des Indes : en exclure toute concurrence, en faire un lac britannique, a été la grande préoccupation, l’œuvre capitale de la vice-royauté de lord Curzon ; on n’a pas oublié sa croisière triomphale autour du golfe et la résolution avec laquelle il a su éloigner l’influence russe des côtes de Perse et devancer l’action allemande à Koweït. Le protectorat britannique est établi sur les îles Bahreïn qui sont devenues une sorte d’entrepôt d’où les importations anglaises s’enfoncent dans l’intérieur de l’Arabie ; c’est par les ports du golfe Persique que les riz de Birmanie, les étoffes et la métallurgie anglaises pénètrent jusqu’au cœur du Nedjed et dans les oasis du désert de Syrie. Les deux tiers du commerce de la péninsule, la plus grande partie de la navigation côtière appartiennent à des maisons anglaises[5]. Ainsi, depuis l’Egypte jusqu’à Singapour, sur toutes les côtes de l’océan Indien, l’Angleterre règne, L’énorme masse arabe qui séparait son empire méditerranéen de son empire des Indes, est en voie de passer, sinon sous sa domination, du moins sous son contrôle. On comprend dès lors pourquoi elle surveille si jalousement toutes les influences rivales qui, entre le Nil et l’Euphrate, entre la Mer-Rouge et la mer des Indes, viendraient contrecarrer sa politique et faire obstacle à son omnipotence. Tant que, dans ces régions, elle ne rencontrait devant elle que l’autorité débile et les forces restreintes du sultan de Constantinople, elle ne prenait pas l’alarme et laissait faire le temps ; mais lorsqu’elle s’est aperçue que l’activité insolite de la politique d’Abdul-Hamid révélait l’efficace assistance d’une grande puissance européenne et que les progrès de l’action turque dans le monde arabe n’étaient en définitive que le masque derrière lequel s’abritait le Drang nach Osten et la poussée allemande, ses procédés ont changé, elle a pris hardiment l’offensive, suscité les révoltes de l’Yémen et du Hedjaz, donné asile, en Égypte, aux comités du « parti national arabe, » envoyé en Mésopotamie l’illustre ingénieur sir William Willcocks pour y étudier les moyens de régénérer le pays par l’irrigation, provoqué enfin l’incident de Koweit et mis à profit celui de Tabah.

Koweit et Akaba occupent, sur les deux flancs de l’Arabie, une position presque symétrique ; sur la Mer-Rouge et sur le golfe Persique, l’un fait pendant à l’autre ; Koweit est au débouché du chemin de fer de Bagdad sur la mer des Indes, Tabah et Akaba sont au débouché sur la Mer-Rouge du chemin de fer de Damas à la Mecque, au point stratégique d’où l’on maîtrise la ligne en son milieu. Qui est maître de la baie de Koweit et du golfe d’Akaba étreint à la gorge la péninsule arabique et exclut de la mer toute puissance qui viendrait à se développer en Syrie et en Mésopotamie. Les affaires de Tabah et de Koweit s’expliquent l’une par l’autre parce qu’elles se complètent l’une l’autre. On n’a pas oublié comment la Deutsche Bank ayant, à la fin de l’année 1899, obtenu la concession du chemin de fer de Bagdad qui devait aboutir à Koweit, à 150 kilomètres au Sud de Bassora, l’Angleterre chercha aussitôt l’occasion de contester à la Turquie les droits qu’elle revendiquait avoir sur cette partie de la côte ; le vice-roi des Indes soutint le cheikh Moubarek dans sa lutte contre l’émir du Nedjed, appuyé par la Porte, et lui fit accepter le protectorat anglais ; une convention conclue avec la Turquie reconnut l’indépendance de Koweit où les Anglais, de leur côté, s’engagèrent à ne plus envoyer de forces militaires. Moubarek, inspiré par les agens britanniques, ne tarda pas à émettre de nouvelles prétentions, il réclama comme faisant partie de ses États, non seulement Koweit, mais toute la côte jusqu’à l’embouchure du Chatt-el-Arab et notamment Kazima et Failaka, où se trouvent les seuls bons mouillages de ces parages. Les Turcs se hâtèrent d’y envoyer un bataillon ; aussitôt le Foreign Office de protester et d’expédier dans le golfe une escadre chargée de faire une démonstration ; en même temps, par les soins du gouvernement de Bombay, Moubarek armait ses sujets et faisait mine de se préparer à la guerre. La Porte céda cette fois encore et reconnut Kazima et Failaka comme faisant partie des États de Moubarek. Depuis cette époque, sous l’inspiration des agens de l’Angleterre, Moubarek s’est réconcilié avec l’émir du Nedjed, et nous avons vu comment ils conduisent d’un commun accord la lutte contre les Turcs. Ainsi, presque trait pour trait, l’incident de Tabah reproduit celui de Koweit : la Turquie fait avancer des troupes, occupe le territoire contesté, puis, menacée par l’Angleterre, ne trouvant pas en Europe les appuis sur lesquels elle croyait pouvoir compter, elle cède. Mais, à Tabah comme à Koweit, ce sont, en dernière analyse, les intérêts allemands qui pâtissent, et c’est à l’Allemagne que l’opinion générale attribue l’échec. Ainsi les différends anglo-turcs prennent leur signification complète ; ils apparaissent comme les feintes ou les escarmouches par lesquelles deux escrimeurs habiles, avant d’en venir au corps à corps, se tâtent et se provoquent.


IV

La crise aiguë du conflit anglo-turc a duré moins de quinze jours, du 3 au 15 mai. Le gouvernement de Londres s’était, plus de deux mois durant, contenté de poursuivre un débat diplomatique : c’était le temps où la Conférence d’Algésiras absorbait l’attention de l’Europe. N’obtenant pas satisfaction, le Foreign Office se décida à agir ; le 3 mai, sir Nicolas O’Conor présenta à la Sublime Porte une note qui ne lui accordait qu’un délai de dix jours pour retirer ses troupes de la presqu’île du Sinaï. En même temps, la flotte de l’amiral lord Charles Beresford quittait Malte pour la rade de Phalère, tandis que le prince Louis de Battenberg, avec une division de croiseurs, apparaissait dans les eaux de l’Archipel et que l’escadre cuirassée de l’Atlantique ralliait Gibraltar. De Malte, de Crète, d’Angleterre même, des renforts partaient pour l’Egypte où l’on ne comptait guère plus de 5 000 soldats anglais ; la presse relatait en les amplifiant tous ces mouvemens de troupes. Du côté des Turcs, on disait qu’un corps nombreux se rassemblait à Raphia, à la frontière égyptienne ; on parlait d’une armée de 80 000 hommes dont les élémens se concentraient à Damas, à Maân, et l’on signalait la mise à terre, à Beyrouth, de canons destinés à fortifier Akaba où campaient 2 800 hommes sous Ruchdi-pacha. Tout ce branle-bas ne devait aboutir qu’à une solution pacifique. Le Sultan attendit le jour où expirait le délai fixé par l’ultimatum, puis, apprenant que l’escadre du prince de Battenberg avait levé l’ancre et faisait route vers l’Est, il se hâta de télégraphier à Ruchdi-pacha l’ordre d’évacuer Tabah et tous les points de la presqu’île Sinaïtique occupés par ses troupes. En même temps il informait de sa résolution l’ambassade d’Angleterre à Constantinople ; mais il s’abstenait, dans cette première communication, de faire allusion à la question de délimitation ; sir Nicolas O’Conor refusa de se contenter de cette satisfaction incomplète, et, le lendemain, la Porte dut consentir à la nomination d’une commission mixte chargée de régler la question des frontières sur la base de la Convention de 1840 et de la dépêche du 8 avril 1892, la limite partant d’El-Rifah sur la Méditerranée pour aboutir à la pointe du golfe d’Akaba, à trois milles au moins de ce port. La Commission a dû se réunir le 28 mai à Akaba. Il est particulièrement intéressant de noter qu’elle n’est composée que d’Egyptiens et de Turcs ; aucun Anglais n’en fait partie ; sur ce point le Sultan semble donc avoir eu gain de cause ; il peut continuer à « ignorer » officiellement l’occupation anglaise en Égypte et sauvegarder le principe de la souveraineté ottomane sur la vallée du Nil.

Si Abdul-Hamid a cru pouvoir compter, pour tenir tête à la Grande-Bretagne et poser à nouveau la question d’Égypte, sur l’appui de l’une des puissances européennes, sa déception aura été complète. Cet encouragement ou ce secours, il savait qu’il ne pouvait l’attendre de la France : notre politique est aujourd’hui, en face de la question d’Égypte, exactement l’inverse de ce qu’elle était, il y a moins de dix ans, quand la diplomatie de la République réclamait l’indépendance du Khédive sous la souveraineté du Sultan et tentait, en occupant un point sur le Nil comme la Turquie vient d’essayer d’en occuper un sur la Mer-Rouge, de rappeler à la Grande-Bretagne qu’elle s’était engagée à fixer un terme au séjour de ses troupes en Égypte. Le gouvernement français s’est considéré comme engagé — par l’article 9 de la Convention du 8 avril 1904, qui l’oblige à « prêter à l’Angleterre l’appui de sa diplomatie pour l’exécution des clauses relatives à l’Egypte » — à intervenir auprès de la Sublime Porte pour lui conseiller d’accorder satisfaction à l’Angleterre. L’ambassadeur de France à Constantinople a, en effet, par une démarche officielle, appuyé de son autorité l’action de son collègue.

La Grande-Bretagne a vu venir à elle, dans son différend avec la Turquie, un concours plus inattendu : l’ambassadeur du Tsar, M. Zinoviev, a, lui aussi, fait connaître au gouvernement ottoman que la Russie, loin d’être disposée à soutenir sa cause, l’engageait vivement à ne pas persister dans sa résistance. Ainsi, pour la première fois peut-être, sur la terre classique de leurs vieilles querelles, l’Angleterre s’est trouvée marcher d’accord avec la Russie : un phénomène aussi nouveau était bien fait pour causer quelque surprise aux diplomates qui se souviennent d’avoir siégé, voilà moins de trente ans, au Congrès de Berlin ! On a été généralement d’accord pour interpréter la démarche de l’ambassadeur russe comme la première manifestation, tout au moins comme le signe précurseur de cet accord général entre la Russie et l’Angleterre dont, depuis quelques semaines, on s’entretient à mots couverts dans les chancelleries. Des nouvellistes impatiens ont parlé de « la nouvelle triple alliance » qui se serait manifestée à propos du conflit anglo-turc. S’ils ont été bons prophètes, il ne nous appartient pas de le chercher ; bornons-nous à constater, l’histoire en mains, que l’Orient est la pierre de touche des grandes combinaisons politiques ; c’est presque toujours, quelles que soient les apparences contraires, en fonction des questions orientales que les alliances européennes se nouent ; c’est sur le champ de bataille diplomatique de l’Orient qu’elles font leurs preuves et c’est là aussi, quand elles s’y montrent inefficaces, que se manifeste leur caducité.

L’Allemagne, dans ce conflit où, indirectement au moins, ses intérêts paraissaient en jeu, est restée ostensiblement neutre ; sa diplomatie, loin d’encourager le Sultan à une résistance impossible, s’est employée à lui faire comprendre l’imprudence de son initiative et les dangers de son obstination ; le gouvernement de l’empereur Guillaume II a nettement décliné toute responsabilité dans le conflit. La presse officieuse, de son côté, a signifié à la Porte de n’avoir pas à compter sur l’appui des Allemands et reconnu le bien fondé des réclamations anglaises. Seules quelques feuilles allemandes ou autrichiennes, — notamment la Neue freie Presse de Vienne dans un article qui a fait beaucoup de bruit, — ont encouragé le Sultan à la résistance et soutenu la légitimité de ses prétentions. Il y a là, peut-être, au point de vue des dispositions de l’opinion allemande, une indication plus intéressante que l’attitude officielle des gouvernemens de Berlin et de Vienne. L’Allemagne est engagée trop avant dans la politique orientale pour ne pas avoir eu conscience que, dans l’incident de Tabah, son avenir en Orient était en question ; elle a pu constater, comme l’écrivait M. de Freycinet, « que l’Angleterre, maîtresse de l’Egypte et soutenue par la plus formidable marine du monde, pourrait, à son gré, devenir maîtresse de la Syrie et dominer à la fois l’Asie Mineure et la région de l’Euphrate, c’est-à-dire commander l’empire ottoman et les voies de communication terrestres entre Constantinople et le golfe Persique ; de sorte que le grand chemin de fer de Bagdad comme le canal maritime de Suez dépendent d’une seule volonté[6]. » La National Zeitung termine par des constatations analogues un long article où elle dégage, du point de vue allemand, les conséquences de l’incident anglo-turc, et, après avoir prédit que l’affaire de Tabah n’est qu’un premier pas vers l’absorption de l’Arabie tout entière par l’Angleterre pressée de fermer au chemin de fer de Bagdad l’accès du golfe Persique, elle conclut par ces prévisions peu rassurantes : « Les nuages amoncelés par l’affaire de Tabah peuvent se disperser provisoirement grâce aux concessions de la Porte. Mais ils ne tarderont pas à reparaître plus menaçans encore, et nous, Allemands, nous avons tout intérêt à nous garantir contre les orages, même lorsqu’ils ne nous menacent pas immédiatement. »

Cette phrase semblera peut-être assez significative pour servir de conclusion à ces quelques pages. Il faut souhaiter que l’affaire de Tabah, qui a soulevé des questions si épineuses et ravivé tant de vieilles querelles, n’apparaisse pas, aux historiens de l’avenir, comme l’un de ces signes avant-coureurs qui d’ordinaire précèdent et annoncent les grands cataclysmes.


RENE PINON.

  1. Chroniques, II, 8 et 9.
  2. La question d’Egypte, par M. C. de Freycinet (Calmann-Lévy, 1905, in-8o), p. 439.
  3. Le Réveil de la nation arabe dans l’Asie turque (Plon, 1905, in-12). — Cf. Eugène Jung, les Puissances devant la révolte arabe (Hachette, 1906, in-12).
  4. On sait qu’après la suppression du khalifat de Bagdad par le Mongol Houlagou en 1258, la dignité de khalife fut restaurée au Caire par Beibars l’Arbalétrier ; elle y resta jusqu’à la conquête de l’Egypte par Sélim Ier (1517) qui prit pour lui le Khalifat et le transmit à ses successeurs, les sultans turcs de Constantinople.
  5. Une compagnie allemande, la Hamburg-Amerika, vient de créer un service, de bateaux dans le golfe Persique où ne pénétrait jusqu’à présent, en dehors des bateaux anglais, qu’une compagnie russe.
  6. Ouvrage cité, p. 438.