Le Congo belge

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Revue des Deux Mondes5e période, tome 58 (p. 807-845).
LE CONGO BELGE

Le 19 octobre 1908, le journal officiel belge publiait, revêtus de la sanction royale, le traité réalisant le transfert à la Belgique de l’État indépendant du Congo et la loi destinée à régir la nouvelle colonie.

L’annexion à un petit État neutre d’une contrée aussi vaste que toute l’Europe Centrale, plus grande que la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Espagne réunies, constitue un fait d’une importance internationale considérable.

L’histoire de l’État indépendant est suffisamment connue pour n’y point revenir longuement ici. En 1876, Léopold II fonde à Bruxelles l’Association internationale africaine qui se subdivise en comités nationaux chargés d’organiser des expéditions scientifiques dans l’Afrique centrale. Brazza est envoyé par le Comité français ; mais arrivé au Pool, au lieu du drapeau bleu de l’Association, il déploie le drapeau tricolore. Stanley, chargé d’une mission identique par le Comité belge, se heurte aux Sénégalais du sergent Malamine préposés à la garde du drapeau français. Il se décide à passer sur l’autre rive du fleuve. Dès ce moment, l’œuvre perd son caractère international. Stanley signe des traités avec les peuplades indigènes et s’assure, par une occupation effective, des droits politiques sur tous les territoires explorés. L’Association devient ainsi un État, et ne tarde point à être reconnue comme tel par la plupart des nations. C’est en cette qualité qu’elle adhère à la Conférence de Berlin en 1885.

Le 5 août 1889, Léopold II charge M. Beernaert, président du Conseil des ministres, de communiquer au Parlement le testament qui donne à la Belgique l’espoir de devenir un jour une puissance coloniale. La Convention de 1890 transforme cet espoir en un droit. Le traité de 1908 rend ce droit effectif.

Si l’histoire du Congo est connue, le remarquable essor qui l’a signalé, depuis l’ouverture du chemin de fer des Cataractes en 1899, ne l’est guère moins. N’a-t-on pas établi qu’en dix ans, dix sociétés congolaises avaient ajouté au capital de la Belgique plus de 200 millions de francs[1] ? Aujourd’hui, par suite des réformes introduites, le rendement des sociétés caoutchoutières a diminué, mais les richesses minières de l’Aruwimi et du Katanga ouvrent à la colonie de nouvelles perspectives.

Presque aussi grand que la France, le Katanga jouit d’un climat excellent surtout dans les régions minières[2]. Bientôt deux chemins de fer, venant l’un du Nord à travers la colonie belge, l’autre du Sud à travers la Rhodésie anglaise, donneront un exutoire aux richesses énormes qui y sont accumulées. 160 mines ont fait l’objet de prospections, et 30 de ces gisemens, sans descendre à plus de 40 mètres de profondeur, contiennent plus de 15 millions de tonnes de cuivre représentant une valeur de 25 milliards[3]. A côté de la colonie d’exploitation, une colonie de peuplement s’établira peut-être au Katanga d’ici à quelques années, et ce n’est point là l’un des problèmes les moins complexes qui se posent à l’heure actuelle pour la Belgique.

C’est pour se rendre compte par lui-même de toutes ces questions que le roi Albert Ier, alors prince royal, a effectué en Afrique un long voyage qui l’a amené à traverser de part en part la nouvelle colonie. De son côté, le ministre des Colonies a fait au Congo un séjour de plusieurs mois. A la suite de ces voyages, un plan d’ensemble de réformes a été arrêté.

Ces questions offrent pour la France un intérêt tout spécial. En dehors de son droit de préférence sur le Congo belge, la France possède une colonie qui présente avec sa voisine de nombreuses analogies : situé lui aussi dans le bassin conventionnel délimité par l’acte de Berlin, le Congo français est soumis au même régime économique ; les deux organisations sont à bien des points de vue identiques. Il est donc intéressant, au lendemain de l’acquisition faite par la Belgique, d’étudier quelques-uns des problèmes que celle-ci doit résoudre. Ils sont de trois ordres : économique, social, international. Trois questions s’y rattachent : la liberté du commerce ; le régime des impositions ; la reconnaissance des Puissances.


I. — LE RÉGIME ÉCONOMIQUE

Montesquieu assure que « toute société périt par l’exagération de son principe. » L’aphorisme est confirmé par l’étude du régime économique des colonies.

Cet examen amène immédiatement la constatation d’un droit universellement admis : la propriété de l’Etat sur les terres vacantes, le principe de la Domanialité. Cette règle se justifie-t-elle ? Peut-on légitimement appliquer à l’Afrique un article du code qui s’explique en Europe par un état de civilisation avancée et réclamer des noirs, pour leur reconnaître des droits, le même genre d’occupation qu’à des blancs ? Nous posons la question ; nous n’y répondons point. Il suffit en effet de constater ici la complète similitude des différentes législations coloniales. Elles sont unanimes à proclamer les droits de l’Etat.

Dans son ouvrage, sur la constitution de l’Empire britannique, Creasay résume en ces termes les règles du droit anglais : « Quand des sujets anglais prennent possession par un acte d’autorité publique, tout le pays est acquis à la Couronne ; la Couronne assignera à des particuliers des portions du sol, se réservant comme propriété tout ce qu’elle n’aura pas donné, se réservant aussi la souveraineté de tout le territoire[4]. » On le voit, le principe est absolu et ne comporte même point la réserve des droits acquis des indigènes. C’est par l’application de cette idée que se sont constituées, dès le XVIIe siècle, les colonies dites de propriétaires, octroyées par les rois d’Angleterre à leurs courtisans comme le Maryland à lord Baltimore en 1632, ou la Pensylvanie à Guillaume Penn, et à ses héritiers reconnus par Charles II « véritables et absolus propriétaires du pays. »

Pour n’être point allées en cette matière aussi loin que l’Angleterre, les autres nations n’en ont pas moins toutes affirmé leur droit de disposer des terres vacantes[5]. L’État du Congo n’innovait donc point en proclamant, dès le 1er juillet 1885, son droit de propriété sur les terres vacantes et en confirmant les natifs dans la possession de leurs biens et dans leurs anciens usages de chasse, de pêche, et même de cueillette du caoutchouc. Mais toutes les nations n’appliquent pas ce principe avec la même rigueur, et c’est l’usage qu’en fit le roi Léopold II qui lui suscita les vives critiques dont l’écho n’est point encore éteint.

Tant que l’ordonnance constituant le domaine demeura à l’état de théorie, elle passa inaperçue. Mais en 1892, lorsque, forcé de se créer des ressources, le gouvernement congolais commença l’exploitation des forêts, on formula en Belgique les premiers reproches de monopole et d’atteinte à la liberté du commerce. Ils furent repris ensuite et amplifiés en Allemagne, aux Etats-Unis et surtout en Angleterre, lorsque, vers 1898, la preuve de la valeur considérable des territoires congolais eut été définitivement acquise.


Si la controverse engagée pendant des années, sur les mots « liberté du commerce, » entre le Foreign Office et la chancellerie congolaise, n’a plus qu’un intérêt académique pour la Belgique, aujourd’hui que, maîtresse des destinées du Congo, elle abandonne l’exploitation du domaine, cette question garde son intérêt pour la France vouée pour longtemps encore en Afrique au régime concessionnaire.

L’article 5 de l’acte signé à Berlin en 1885 porte : « Toute puissance qui exerce ou exercera des droits de souveraineté dans les territoires susvisés (du bassin conventionnel du Congo) ne pourra y concéder ni monopole ni privilège d’aucune espèce en matière commerciale. »

Quelle est la portée exacte de cette disposition ? L’exploitation du domaine par l’Etat ou sa répartition entre concessionnaires ne constituent-elles point un « monopole » ou « privilège ? »

À cette objection, on peut opposer différens argumens défait et de droit. L’exploitation des forêts et la vente de leurs fruits ne sont point un acte de commerce : c’est un acte de la vie civile. Or l’article 5 vise exclusivement les privilèges et monopoles « en matière commerciale. » C’est ce qui résulte du texte et plus clairement encore des commentaires qui en ont été donnés au cours même de la Conférence. Le représentant de l’Angleterre, sir Edward Malet, s’en est très nettement ouvert au nom de son gouvernement : « La première base de discussion de la Conférence est la liberté du commerce dans le bassin et les embouchures du Congo… Je vous prie de me permettre quelques paroles sur » l’interprétation à donner au terme « liberté du commerce. » Je crois avoir raison en pensant que le gouvernement impérial le comprend comme une garantie aux commerçans de tous pays qu’aucun droit d’entrée et aucun droit de transit ne sera levé et que leurs marchandises subiront seulement des impôts modérés destinés uniquement à pourvoir aux nécessités administratives. Cette interprétation répond à l’idée générale du gouvernement de Sa Majesté (britannique)[6]. »

On comprend, devant des textes aussi formels, l’avis unanime des jurisconsultes. MM. de Martens[7], Nys[8], Ed. Picard[9] d’autres encore[10], concluent de même : « La théorie des biens vacans, telle que l’admettent les législations civiles des peuples civilisés et que l’a consacrée la législation de l’État Indépendant, n’a rien à voir avec le principe de la liberté commerciale inscrit dans l’Acte de Berlin. C’est une matière de pur droit civil et non de droit commercial. Le caoutchouc est un fruit naturel des forêts qui le produisent. Le propriétaire de la forêt, État ou particulier, peut en disposer librement. »

Lorsque dix ans plus tard, en mars 1903, les sociétés concessionnaires françaises, pour en finir avec les contestations continuelles sur la légitimité de leur existence, demandèrent l’avis de Me Barboux, les conclusions de l’éminent avocat ne furent pas moins catégoriques[11]. Il les terminait par un conseil : « Quand un contrat est obscur, il faut que les juges l’interprètent ; mais il ne suffit pas qu’une des parties le déclare obscur pour qu’il le devienne. Un contrat n’est pas obscur quand le sens qu’il présente d’abord à l’esprit éclairé par les seules lumières du sens commun, reçoit l’assentiment universel, et dans ce cas, on ne l’interprète pas, on l’applique avec mesure, mais avec fermeté. »


Parmi ceux qui ont étudié la fondation de l’État libre, nul n’a mis en doute la fermeté du roi Léopold. S’il est un trait de caractère qui frappe dans cet homme extraordinaire, c’est avec l’ampleur de ses desseins, la ténacité à les réaliser et le courage à les défendre. Sut-il au même degré garder la mesure ? Ses admirateurs mêmes reconnaissent qu’à certains momens, et dans les dernières années de sa vie surtout, il poussa trop loin l’usage de droits dont la rigoureuse application par ses agens eut sur les populations des effets néfastes.

Pour comprendre par quelle pente insensible il y fut entraîné, il faut se rappeler les conditions exceptionnelles dans lesquelles le Congo belge vit le jour. Ses premières années furent à ce point précaires que pendant longtemps et au seul point de vue financier, on le crut non viable. Comme charges, toutes les dépenses d’exploration et d’occupation d’un pays quatre fois grand comme la France, d’accès difficile et de climat dangereux, occupé, aux deux tiers, par des peuplades cannibales et, pour le tiers restant, par des traitans arabes prêts à se défendre les armes à la main. Comme recettes, ni droits d’entrée, ni péages, ni accises ; des droits de sortie perçus sur le maigre négoce d’exportation entretenu par les six maisons de commerce perdues dans ces parages abandonnés ; et pour combler le déficit, à défaut des subventions d’une métropole, les subsides personnels d’un souverain de fortune modeste comparée à celle des « capitaines d’industrie » américains et des « magnats » de l’Afrique du Sud.

On essaie d’un emprunt en 1888 : il ne réussit pas ; d’une convention avec la Belgique en 1890 : elle ne comble que momentanément le déficit ; de l’établissement de droits d’entrée modérés lors de la Conférence de Bruxelles : on en perçoit à peine les résultats.

Les charges augmentent, il faut occuper les frontières ; les Arabes deviennent pressans. L’Etat a une dernière ressource : la mise à fruit de son domaine, d’un domaine immense dont le revenu peut être considérable. Qu’il l’exploite, et la période besogneuse prendra fin, la réalisation du vaste programme que l’on s’était tracé sera assurée. Et le régime domanial s’esquisse, se précise, s’affirme, s’impose. Il alimente le budget et c’est bien ; il l’équilibre, c’est merveille ; mais on va plus loin, on prétend subventionner des œuvres métropolitaines, et, — c’est le cas de rappeler la parole de Montesquieu, — cette exagération entraîne la condamnation du système.

Dès le 30 avril 1887, un décret avait mis des conditions à l’occupation des terres domaniales et aux coupes de bois destinées au chauffage des steamers. Deux ans plus tard, le 17 octobre 1889, un autre décret fixe les conditions de la récolte des produits végétaux dans les terres domaniales où ils n’étaient pas encore exploités par les natifs[12]. Le 9 juillet 1890 enfin, un décret impose le trafic de l’ivoire considéré comme un accessoire de la propriété.

C’est la naissance du régime domanial. L’Etat ayant affirmé ses droits sur les terres vacantes, frappe les principaux produits d’exportation, mais les difficultés d’application privent ces taxes d’efficacité, et le négoce profite de tout ce que perd le Trésor. Les factoriens font des affaires brillantes, mais l’Etat court à la ruine : c’est ce que certains ont appelé « la période libérale. » Convaincu que l’exploitation concurrente des produits du domaine par le gouvernement et les particuliers ne pouvait être réglementée, le roi Léopold se décida à cantonner leur activité par régions.

Un décret du 21 septembre 1891 ordonna aux fonctionnaires des districts de l’Aruwimi, de l’Uellé et de l’Ubanghi de prendre « des mesures urgentes et nécessaires » pour conserver à la disposition de l’Etat les fruits domaniaux, notamment l’ivoire et le caoutchouc. Défense fut faite aux indigènes de faire le commerce de ces deux produits qu’ils devaient livrer à un prix déterminé aux agens de l’Etat. Quant aux factoreries établies sur le Haut-Congo, elles ne pouvaient les acquérir sous peine d’être poursuivies pour recel. Une circulaire du commissaire de district de l’Ubanghi défendit aux natifs de chasser l’éléphant à moins qu’ils n’en rapportassent l’ivoire à l’Etat. Une autre du commissaire de l’Equateur leur interdit de récolter le caoutchouc pour tout autre que le fisc ; enfin, une troisième étendit la même interdiction au Haut-Ubanghi.

Les vives protestations que ces mesures soulevèrent dans certains milieux belges n’eurent d’écho à ce moment ni en Angleterre, ni en France, où l’attention des coloniaux se portait tout entière vers la côte de Guinée. Lorsque l’effervescence se fut calmée à Bruxelles, un décret intervint[13] qui répartit en trois zones les territoires caoutchoutiers. Dans la première comprenant plus du quart des terres vacantes, la récolte était abandonnée aux particuliers[14]. L’Etat se réservait la moitié de la grande forêt[15]. Enfin, le bassin du fleuve, en amont des Stanley-Falls, était réservé, et le mode d’exploitation devait en être déterminé ultérieurement.

Désormais, l’œuvre va s’épanouir. Les vastes régions restées ouvertes sont assez riches pour assouvir les appétits, et l’Etat du Congo est enfin en possession de l’instrument budgétaire qu’il cherchait. Soit qu’il exploite ses forêts directement en régie, soit qu’il les afferme à des sociétés concessionnaires, soit qu’il les donne à de grandes entreprises de travaux publics, il en fait l’auxiliaire de sa politique fiscale et économique, et l’outil répond docilement à ce que l’on en demande. Chaque centre administratif établi dans le domaine privé de l’Etat, se double d’un poste de perception, exclusivement affectée la récolte du caoutchouc et de l’ivoire et à leur expédition en Europe. Le décret du 17 octobre 1889 qui prévoyait l’octroi de concessions est en même temps mis en œuvre. Le 2 et le 6 août 1892, se constituent à Anvers, la Société Anversoise du Commerce au Congo et la Société Anglo-Belge du caoutchouc pour exploiter respectivement les bassins de la Mongola et de la Lopori-Maringa. Ces Compagnies devancent d’un an la première concession du Congo français, l’énorme domaine accordé, le 17 novembre 1893, à la Société du Haut-Ogoué ; mais ici, la participation du Trésor au revenu des entreprises est la condition primordiale de leur constitution.

Sous une impulsion énergique, les postes de récolte entrent en rendement, et le budget régulièrement alimenté peut s’accroître sans danger. Les dépenses passent successivement de 4 731 981 francs en 1892 à 5 440 000 en 1893, à 7 370 000 en 1895 et à 8 875 000 en 1897. L’achèvement, en 1898, du chemin de fer reliant le Stanley-Pool à un port maritime rend désormais facile l’accès du Haut-Congo et l’Etat y trouve un supplément de ressources. Le budget passe à 14 puis à 19 millions.

L’engouement pour les affaires coloniales devient les en Belgique, que les coloniaux français sont pris d’émulation : 100 demandes de concessions sont adressées au Ministère. Les milieux commerciaux du Havre, en rapports suivis avec ceux d’Anvers, font agir l’influence de Félix Faure et, en 1900, le Congo français presque tout entier est réparti entre quarante et une sociétés concessionnaires. — Nous n’avons point à rappeler ici les réclamations auxquelles elles donnèrent lieu de la part des maisons anglaises établies depuis longtemps au Congo français[16], et qui fournirent à Morel l’occasion de ses premières attaques dans son livre fameux British Case in french Congo. La consultation de Me Barboux fut la réponse.

La politique domaniale de l’Etat du Congo a eu, dans la pratique, de très graves inconvéniens. Cette omnipotence de l’Etat, cette ingérence dans de grandes entreprises dont il fait en quelque sorte ses prolongemens ; ce cantonnement de l’initiative privée dans des limites si étroites qu’elle finit par être paralysée ; cette conception, vers 1896, d’un organisme singulier qui s’appellera le Domaine de la Couronne, sorte de liste civile affectée, non à la personne du Roi, mais à la réalisation de ses vastes projets en Europe, en Extrême-Orient et ailleurs, conception qui viole l’un des principes fondamentaux de la colonisation moderne, en rompant l’autonomie financière au détriment de la colonie ; le zèle suspect de certains agens d’Afrique qui fournissent aux missionnaires anglais, en quête d’abus à dénoncer, des armes faciles : tout cet ensemble de circonstances, de fautes et de maladresses finit par créer autour de l’État du Congo une atmosphère de défiance et d’hostilité. Au moment où s’effectua l’annexion à la Belgique, en novembre 1908, la situation financière était redevenue difficile, et les relations avec les puissances étrangères n’étaient guère empreintes de cordialité ; elles étaient même fort tendues avec la Grande-Bretagne.

Mais à côté de ces conséquences néfastes de la politique domaniale de l’État du Congo, on ne peut cacher qu’il y eut des compensations. Pour s’en convaincre, il suffit de se demander ce que serait la situation financière de la nouvelle colonie belge si, depuis vingt ans, elle avait dû se passer des deux tiers environ de son budget. Et même en se plaçant au point de vue uniquement civilisateur, on ne peut oublier que seules les ressources du domaine ont permis de développer tous les grands services publics. Grâce à cet appoint, les dépenses de la justice ont passé de 43 892 francs en 1891 à 1 million 30 000 francs en 1906, et celles de l’instruction et des cul tes de 10 000 francs à 473 425 francs[17].

C’est aux difficultés vaincues qu’il faut juger l’œuvre. Le régime « Léopoldien » a fait d’une entité politique à peine existante, un Etat solidement organisé et administré ; il l’a fait avec une telle rapidité et une telle sûreté de vue, qu’il a dérouté toutes les prévisions. En donnant à ce peuple d’industriels et de négocians que sont les Belges la preuve de sa vitalité, il a usé du meilleur argument pour convertir leur indifférence en une vocation coloniale qu’ils se reconnaissent aujourd’hui. Si, néanmoins, il n’a point fait en faveur du commerce privé tout ce que celui-ci en attendait, il a tout au moins ouvert les voies. « Je ne sais si le Congo est fermé aux commerçans, disait un voyageur indépendant, mais je crois qu’il est admirablement préparé à les recevoir[18]. »


Ce retour en arrière sur la politique économique de l’Etat du Congo, était nécessaire pour apprécier le changement radical d’orientation donné par le gouvernement belge. Ce changement peut se résumer en deux mots : c’est la substitution progressive de l’exploitation libre à l’exploitation domaniale. L’action de l’Etat fait place à l’initiative privée.

L’exposé des motifs du budget colonial soumis au Parlement de Bruxelles au mois d’octobre dernier, marque à ce point de vue une date historique : « Par l’application des règles nouvelles, dans toutes les régions où l’exploitation du domaine est abandonnée, les indigènes auront le droit de récolter les produits du domaine, caoutchouc et copal, et de les y vendre aux particuliers ; des terres seront vendues aux particuliers pour la création de factoreries où l’on pourra trafiquer de tous les produits… La colonie percevra l’impôt en argent. Le droit de licence de S000 francs sera supprimé et remplacé par une contribution modérée fixée par kilo de caoutchouc récolté[19]. »

Ayant ainsi défini ses projets sur le domaine exploité en régie, le ministre des Colonies annonçait que pour le territoire concédé à des compagnies ou réservé au chemin de fer dit des Grands Lacs, « le Gouvernement examinerait ultérieurement s’il n’y avait pas lieu de reprendre, d’accord avec les intéressés, de nouveaux arrangemens. »

C’est la rupture avec le passé. Sans juger celui-ci, la Belgique comprend que l’heure est venue de changer les méthodes. Si l’habileté de l’Etat indépendant à ne se réclamer que de ses droits de propriétaire, lui avait permis de soutenir juridiquement qu’il n’entravait point le commerce, en fait, sa politique économique avait raréfié la matière commerçable au point de décourager le négoce. Le gouvernement belge maintient le principe de la domanialité des terres vacantes et de leur attribution à l’Etat, mais propriétaire généreux, il en abandonne les produits. Placé à la tête d’un pays riche et industrieux, jouissant d’une situation financière excellente, il n’a point les préoccupations budgétaires du jeune Etat qu’il s’est annexé.

Aussi l’accueil fait aux projets du gouvernement fut-il excellent. La Presse belge de toutes nuances, les membres les plus écoutés des divers partis politiques, MM. Beernaert et Woeste à droite, MM. Huysmans et Hymans à gauche, y ont applaudi et se sont déclarés prêts à donner leur appui au Ministère. Il n’est pas jusqu’au socialiste M. Vandervelde qui ne se soit déclaré satisfait des réformes.

La discussion du budget et la publication successive des dispositions législatives qui les consacrent, permettent aujourd’hui d’en préciser l’économie.

C’est en trois étapes, commençant respectivement au 1er juillet de chacune des années 1910, 1911 et 1912, que la colonie ouvrira son domaine à l’exploitation libre. Ce procédé n’est point un moyen dilatoire de maintenir partiellement l’ancien régime ; il s’inspire au contraire du souci d’assurer au système nouveau une efficacité complète.

L’intérêt même du commerce exige que l’on évite les mesures trop hâtives, de manière à laisser aux particuliers le temps de s’outiller, de se pourvoir de terres, de créer des établissemens.

Si le gouvernement belge avait eu la folie d’ouvrir en même temps tout le territoire congolais, les étrangers eussent été les premiers à pâtir de cette situation. Les Belges déjà établis depuis longtemps sur le haut fleuve se seraient adjugé les nouvelles terres en profitant de l’influence acquise sur place pour décourager les initiatives. La France, l’Allemagne, l’Angleterre, les États-Unis ont tout intérêt à ce que la Belgique ne précipite point les étapes et permette ainsi à leurs habitans d’arriver en temps utile au Congo. Il faut éviter à tout prix de voir se substituer au monopole de l’État un nouveau monopole de fait au profit de quelques négocians belges.

L’intérêt des puissances se confond ici d’ailleurs avec celui des indigènes. Qui ne voit le danger qu’il y aurait à ouvrir à tout venant des territoires peu ou point du tout occupés ? Qui ne comprend à quels lamentables excès, l’âpreté au gain des blancs pourrait exposer la population ? L’occupation méthodique du territoire est le prélude nécessaire du nouveau régime.

Enfin, la mise en œuvre du système soulèvera des difficultés de tous genres qu’il est impossible de prévoir et que seule la pratique fera connaître. L’expérience acquise dans la région à ouvrir le 1er juillet prochain et qui est la plus facilement accessible, servira dans les autres.

Cette première région comprend le tiers du pays, soit, dans la sphère économique des ports de l’Atlantique, le Bas-Congo, la majeure partie de la zone frontière de l’Afrique équatoriale française, la boucle du grand fleuve et le bassin du Kassai ; dans la sphère de l’Afrique du Sud et de l’Afrique Orientale, le Katanga et les régions riveraines des lacs Tanganyka et Kivu ; enfin, le négoce soudanais pourra dès maintenant opérer dans les territoires avoisinant le Nil.

Dans ces régions, les colons devront se munir d’un permis de récolte annuel dont le prix est fixé à 250 francs, s’il s’agit de récolter le caoutchouc ou le copal, et gratuit dans les autres cas. Nul permis pour les indigènes à moins d’exporter eux-mêmes les produits. Comme ce cas sera exceptionnel pendant longtemps, on peut dire qu’en fait, les natifs récolteront librement les produits et les vendront aux exportateurs, soit que ceux-ci aient une factorerie fixe, soit qu’ils aient une patente de marchand ambulant. La récolte du caoutchouc ne pourra se faire que d’après les méthodes indiquées : coupe ou saignée des lianes ou des arbres, suivant les cas[20].

Le caoutchouc récolté sera soumis à une redevance de 0 fr. 75 par kilog. de Comme provenant d’arbres ou de lianes et à 0 fr. 50 par kilog. de caoutchouc des herbes[21]. Le colon acquittera enfin une taxe de replaniation qu’un décret[22] fixe à 0 fr. 40 par kilog. de caoutchouc d’arbres ou de lianes et de 0 fr. 20 par kilog. de caoutchouc des herbes, taxe dont le ministre des Colonies donne l’économie dans l’exposé des motifs du budget[23].


Nous n’entrerons point ici dans le détail des multiples dispositions législatives prises pour rendre ces premiers décrets effectifs : réduction de moitié de la taxe sur les coupes de bois domaniaux destinés au chauffage des vapeurs ; diminution sensible des tarifs de transport sur le haut-fleuve ; facilités d’acquisition des terrains à l’usage des factoreries ; réduction des impositions directes et personnelles ; diffusion du numéraire ; suppression progressive du ravitaillement des agens qui auront à se pourvoir sur place ; tout l’appareil compliqué que, dans la logique de son attitude, l’Etat indépendant avait édifié pour isoler son domaine, tout cet appareil s’effrite en attendant qu’il disparaisse.

Il est cependant une question épineuse, celle des concessions. Comment le Congo belge, qui montra la voie en créant les premières sociétés concessionnaires, va-t-il reprendre sa liberté d’action aujourd’hui que leur maintien paraît nuisible ? Va-t-il, comme M. Félicien Challaye au lendemain de l’enquête de Brazza, préconiser la déchéance en bloc des sociétés concessionnaires ou, si la conscience publique n’admet point cette « solution simple, définitive et parfaite, » va-t-il paralyser leur action, ou bien encore, préférant la manière douce, procédera-t-il à un rachat général ?

Quoi qu’il fasse, il peut compter sur l’appui de l’opinion. Si le système des concessions est défendable, s’il présente même de tels avantages qu’on a pu y voir, en principe, le meilleur moyen de mise en valeur de la forêt congolaise, beaucoup de sociétés concessionnaires du Congo belge en ont à ce point abusé, elles ont donné de telles preuves d’incurie, elles se sont montrées si avides, si préoccupées de leurs intérêts immédiats, si oublieuses de leurs devoirs envers les natifs et envers la colonie, qu’il ne se trouve plus personne pour les soutenir.

Lorsque, après plus de quinze ans d’activité, des entreprises de ce genre ne peuvent faire état que des énormes dividendes distribués, que leur capital liquide est réduit à presque rien, leurs postes de récoltes abandonnés, leurs plantations inexistantes, leurs postes indigènes en révolte, elles ont donné des preuves si décisives d’incapacité qu’elles peuvent disparaître.

Mais une intervention aussi imprévue, brutale presque, léserait nombre de petits actionnaires, irresponsables des fautes des dirigeans. Mieux vaut négocier. Ces compagnies domaniales s’apercevront de l’impossibilité de faire respecter leurs concessions dans une forêt ouverte au trafic libre. Acheter le caoutchouc aux noirs à meilleur prix que leurs concurrens, sera leur seule défense contre la maraude. Dans ces conditions, elles ne peuvent se montrer bien exigeantes vis-à-vis de la colonie, si celle-ci leur offre quelque compensation.

La situation est un peu différente en ce qui concerne le domaine réservé à la Compagnie du chemin de fer dit des Grands Lacs, qui jouit d’une garantie d’intérêt ; mais cette société encore a un tel besoin du concours du gouvernement qu’un terrain d’entente sera vite trouvé.


Quelles seront les conséquences du nouveau régime ? Il est difficile de les prévoir dès à présent. Nul ne pourrait dire dans quelle mesure immédiate le négoce international en profitera, s’il y aura une ruée, un « rush » d’Européens vers les territoires ouverts ou si, comme il est plus probable, il ne se produira tout d’abord qu’une infiltration des maisons de commerce existantes à la périphérie du domaine, suivie à échéance plus ou moins longue, de la création d’établissemens nouveaux. Ce qui est certain, c’est que la liberté d’exploitation aura pour effets lointains la prospérité de la colonie, et pour résultats immédiats le déficit budgétaire.

Les Belges envisagent cette situation sans alarme. Avec des impôts légers, ils équilibrent sans peine un budget métropolitain qui se chiffre, bon an mal an, à trois quarts de milliard. L’usage pris depuis longtemps, de placer leurs larges disponibilités à l’étranger, en Russie, en Egypte, en République Argentine, au Brésil, leur a donné l’habitude de commanditer des pays neufs. Avec leur tempérament d’hommes d’affaires, ils consentiront d’autant plus facilement les subsides que, lents à se prononcer sur la valeur du Congo, ils les auront plus froidement calculés. La masse de l’opinion ne verra là qu’une mise de fonds comme il s’en fait chaque jour dans les usines, les mines et les chantiers d’Anvers et de la Wallonie, et ce trait de caractère national sera un levier sûr aux mains de gouvernans qui ont la vision très nette des devoirs de leur petite et industrieuse nation.


II. — LA SITUATION SOCIALE DES INDIGÈNES

« Un missionnaire un peu naïf avait confié à un sauvage un bœuf et une charrue. Puis il continua son chemin. Quand il revint, il apprit que le sauvage avait fait cuire son bœuf avec le bois de la charrue. »

Cette histoire, contée jadis par Joseph de Maistre, résume parfaitement les dangers d’une civilisation trop rapide. Bien différentes de celles de l’Europe, les relations entre le capital et le travail, sous les tropiques, ne s’y heurtent pas moins à de nombreuses difficultés. Le capital est représenté par l’Européen, fonctionnaire ou colon venu pour remplir une mission déterminée, dans un pays où tout labeur fatigant lui est interdit par le climat ; le travail, ce n’est pas la plèbe de nos pays, robuste et laborieuse, même lorsqu’elle fermente sous de mauvaises passions ; c’est une population indigène indolente par tradition et par goûts, dépourvue de besoins ou n’appréciant que les armes et l’alcool, ignorante des notions élémentaires de régularité dans le travail. Chez les populations primitives du Congo, ces défauts communs à la race noire, se trouvent plus accentués peut-être à raison de l’isolement dans lequel elles ont vécu au sein de la grande forêt tropicale.

La question sociale en Afrique est donc très complexe. Les Belges apportent d’autant plus de circonspection à en chercher les solutions, qu’aux difficultés qu’elle présente s’ajoute, dans leur esprit, une méfiance instinctive contre les conseils venus du dehors et notamment d’Angleterre. Ils prétendent que la philanthropie anglaise se confond souvent avec des intérêts politiques : la campagne contre l’oppression des Cafres par les Boërs ne fut-elle point l’une des causes de la guerre du Transvaal, et la croisade contre les corvées imposées par Lesseps à ses ouvriers à Suez, n’a-t-elle point précédé la substitution de l’influence anglaise à l’influence française en Egypte[24] ?

La Belgique n’entend point que la lutte contre le travail forcé soit le préambule d’une action politique et pour justifier ses appréhensions, elle s’abrite derrière les avertissemens des hommes d’Etat anglais eux-mêmes[25].

On ne peut cependant, dans cette situation, trouver une raison suffisante pour refuser aux noirs les réformes nécessaires à leur relèvement moral et social. Quels que soient les mobiles qui les provoquent, les attaques de M. Morel n’en ont pas moins eu cette heureuse conséquence d’attirer l’attention sur une situation inadmissible à bien des points de vue. Les Belges eussent été inexcusables de n’y point porter remède. Heureusement, ici encore, comme dans le domaine économique, le changement est aujourd’hui radical.

Cette transformation se manifeste aussi bien dans le régime appliqué à la colonie que dans la situation sociale des indigènes.

A un régime d’absolutisme sans limite, a succédé une charte si progressive et si libérale que son application donne certaines inquiétudes aux milieux coloniaux[26].

Les droits des habitans et le contrôle de la Métropole sont assurés au Congo belge d’une façon plus complète que dans n’importe quelle colonie. Dans la plupart des chartes coloniales, il n’est point question des droits des indigènes. Il en est ainsi notamment pour les possessions allemandes et anglaises, sauf dans l’Afrique orientale et l’Uganda[27] où il est stipulé « qu’en rendant des ordonnances, le commissaire respectera les lois et coutumes indigènes pour autant qu’elles ne soient pas en opposition avec l’équité et la morale (art. 12 ; n° 3). »

Encore ces garanties sont-elles rendues singulièrement précaires par le droit conféré au commissaire de délivrer sans appel des ordres de déportation et d’ordonner au besoin la détention jusqu’au moment de la déportation (art. 25).

La loi congolaise, au contraire, confère à tous les habitans de la colonie la jouissance des droits essentiels établis par la Constitution belge[28]. Les indigènes sont assurés du respect de leurs coutumes et placés sous la protection du gouverneur général (art. 3), et d’une Commission spéciale (art. 4)[29]. Le contrôle de la Métropole résulte, à la fois, du vote annuel du budget colonial, du pouvoir législatif reconnu sans limites au Parlement, et de l’institution d’un Conseil colonial indépendant.

Dans aucune colonie anglaise, en dehors des Indes, le Parlement métropolitain ne vote les budgets coloniaux. Au Congo français, le budget arrêté par le commissaire général est communiqué simplement au Parlement. En fait, dans la plupart des colonies, le Parlement n’intervient jamais ; dans quelques-unes, il n’en a même point le droit[30].

En ce qui concerne le Conseil colonial, ou bien cet organisme n’existe pas du tout, — c’est le cas dans la plupart des pays, — ou bien, nommé exclusivement par le pouvoir central, loin de constituer un moyen de contrôle, il est un instrument, — c’est le cas du Conseil de l’Inde[31], — ou bien encore, il n’est, en fait, presque jamais consulté, — c’est le cas du Conseil supérieur des colonies françaises.

En Belgique, l’indépendance du Conseil colonial vis-à-vis du pouvoir central, est garantie par le droit du Parlement de nommer six membres sur quatorze (art. 24 de la loi coloniale). Le rôle du Conseil est considérable : il est consulté de droit sur tous les projets de décrets, sauf s’il y a urgence et, dans cette hypothèse, les décrets lui sont transmis, pour qu’il exprime un avis, dans les dix jours de leur date (art. 25 de la loi coloniale). Bien que dotée d’une personnalité juridique distincte, la colonie doit recourir à l’intervention du Parlement pour tous les emprunts et les concessions de quelque importance (art. 14 et 15 de la loi coloniale). Ce sont là encore des dispositions qui n’existent presque nulle part.

On le voit : si l’on a pu à juste titre reprocher à l’ancien État du Congo de se soustraire au contrôle du Parlement et de la publicité, ce grief ne serait plus justifié aujourd’hui. La Belgique ne craint point la lumière, c’est le propre d’une administration honnête ; elle fait crédit de sagesse à son Parlement pour qu’il limite lui-même son intervention : sa confiance ici est peut-être exagérée.

Le premier devoir d’un État colonisateur à l’égard des populations noires, était la lutte contre l’abominable traite qui a désolé si longtemps le continent africain. À ce point de vue, l’Etat indépendant du Congo a accompli sa tâche.

L’acte général de la Conférence de Berlin avait reconnu l’obligation des Puissances de « concourir à la suppression de l’esclavage et surtout de la traite des noirs[32]. » Comment fallait-il entendre ce texte ? Etait-ce une simple affirmation de principe dépourvue de sanction ; devait-on, au contraire, y voir un engagement formel liant les signataires les uns vis-à-vis des autres ?

La question se posa lors de la Conférence de Bruxelles en 1890.

Sans hésitation, les délégués de l’État du Congo proposèrent aux Puissances « confirmant leurs engagemens antérieurs, de s’obliger à poursuivre, par les divers moyens indiqués aux articles 1 et 2, la répression de la traite. »

Les représentans de la France acquiescèrent à cette proposition si hautement humanitaire, tout en demandant « de laisser aux Puissances contractantes une certaine liberté d’appréciation dans le choix des mesures à prendre et de faire porter l’obligation sur le but même plus que sur le moyen à employer. »

Même avec ces restrictions, le gouvernement anglais n’adhéra point à la proposition belge. « Lord Vivian exprima le vœu que les Puissances ne s’obligeassent à poursuivre la répression de la traite par les moyens susmentionnés, que graduellement, suivant que les circonstances le permettraient. Le gouvernement britannique estime en effet qu’une entreprise aussi vaste que celle dont la Conférence prépare la réalisation, ne peut être accomplie que par une politique prudente et continue et avec une entière liberté d’action quant au choix du moment. »

C’est dans ce sens que fut rédigé le texte définitivement adopté par la Conférence. Le mot déclaration y fut substitué au mot engagement[33].

L’Etat du Congo ne s’arrêta point à ces difficultés ; il se mit immédiatement à l’œuvre. Après dix-neuf mois d’une lutte acharnée, la puissance arabe fut anéantie. Les noms de tous ceux qui tombèrent dans cette campagne ne seront point oubliés. L’histoire de l’héroïque petit sergent de Bruyne notamment, qui, plutôt que d’abandonner son chef prisonnier, préféra mourir avec lui dans les plus horribles supplices, n’est pas seulement la gloire d’un pays ; elle est l’honneur de l’humanité.


L’un des plus graves problèmes sociaux qui se posent dans les pays neufs, est l’organisation du régime des impositions.

Que demander à des indigènes qui n’ont pour tout bien qu’une hutte, quelques armes, de rares plantations ? L’idée d’imposer une certaine somme de travail naît d’autant plus facilement qu’elle résout du même coup une autre question difficile : celle-de la main-d’œuvre. Les quelques centaines de Zanzibarites et d’hommes de la côte avec lesquels Stanley entreprit, en 1882, la fondation des premiers postes de l’Association internationale africaine, ne pouvaient suffire longtemps. Lorsque l’on sortit de la période d’occupation pour aborder la colonisation proprement dite, on fut forcé de trouver la main-d’œuvre sur place, et comme elle ne se présentait point, il fallut chercher les moyens de provoquer l’offre de bras. C’est l’origine de l’impôt en travail, la plus critiquée des institutions de l’Etat du Congo.

Il ne manque cependant point d’argumens pour la justifier. La commission d’enquête de 1904, peu suspecte de partialité, avait reconnu non seulement la légitimité mais la nécessité même de cette forme d’imposition[34].

Ici encore, le principe était juste, ou tout au moins très défendable. Le ministre des Colonies britanniques, M. Lyttelton, la reconnu à la Chambre des Communes : « Tout impôt dans les colonies, disait-il le 23 mai 1905, implique le travail forcé. » Et sir Edw. Grey ajoutait, le 5 juillet 1906, « qu’il est certain que le travail forcé peut être équivalent à un impôt. Si un indigène ne peut pas payer une taxe et que son travail soit donné à l’Etat pour ce motif, l’on peut appeler ce travail une taxe[35]. »

L’impôt en travail a été défendu au nom de la civilisation par des congrès coloniaux et des missionnaires expérimentés[36]. Cette taxe existe sous forme d’impôt en produits, dans l’Afrique occidentale française[37]. Dans l’Afrique orientale allemande, le défaut de paiement de l’impôt de capitation de trois roupies entraîne une prestation en travail non rémunérée (Verordnung 22 mars 1905). Il en est de même dans l’Uganda Anglais (Poll tax, Ordinance 1905. Uganda Official Gazette, 1er avril), dans l’Est africain anglais (East African Hutt tax. Ordinance 1903) et dans la North Eastern Rhodesia. Si l’indigène refuse de l’exécuter, il peut, après trois mois, être mis à la chaîne pour six semaines.

En matière d’impôt comme en matière domaniale, le roi Léopold manqua de mesure, et les abus qui s’ensuivirent firent condamner le principe même. La période de 1891-1892, qui fut celle de l’organisation fiscale, avait vu paraître, le 5 novembre 1892, un décret chargeant le secrétaire d’Etat « de prendre toutes les mesures utiles ou nécessaires pour assurer la mise en exploitation des biens du domaine privé. »

Ce fut, pendant dix ans, le seul texte dont l’administration excipa pour demander aux indigènes des prestations en travail ou déléguer ce droit à des sociétés. Rien ne déterminait ni la nature, ni le taux, ni les moyens de contrainte ; tout était laissé à l’appréciation des agens. Le fonctionnaire jouait donc un rôle capital, et, suivant la conception qu’il se faisait de ses devoirs, il s’efforçait de concilier les intérêts de l’administration ou de sa compagnie avec ceux des noirs, ou bien, excité par les primes proportionnelles à l’importance des produits récoltés, il se laissait aller à des exigences qui n’avaient d’autre limite que les forces militaires dont il disposait. Les abus multiples que ce régime engendra, et qui finirent par émouvoir l’Europe, amenèrent le décret du 18 novembre 1903.

Le principe était le suivant : tout indigène adulte et en bonne santé doit effectuer pour l’Etat des prestations en travail qui ne peuvent excéder au total une durée de quarante heures par mois et doivent être rémunérées sur la base des salaires locaux. Le rôle des impositions mentionne dans des tableaux d’équivalence les quantités des différens produits correspondant aux heures de travail imposées, en tenant compte des conditions dans lesquelles se fait la récolte : richesse de la forêt, éloignement des villages, etc.

Rien que ces bornes légales posées a l’arbitraire constituassent un progrès, la Commission d’enquête qui visita le pays un an plus tard ne constata guère d’amélioration, et il en fut de même des dispositions du 3 juin 1906[38] qui inscrivaient dans la loi le principe de l’impôt en numéraire avec faculté, pour l’indigène, de se libérer en argent ou en travail, à son choix.

Si la loi avait changé, l’esprit de ceux qui l’appliquaient était resté le même. En haut, le spectre d’un déficit qu’aucune métropole ne pouvait combler ; en bas, la crainte de mauvaises notes pour toute diminution dans le rendement de l’impôt, faisaient persister les anciens erremens. D’autre part, le manque de numéraire rendait illusoire l’alternative laissée au natif d’acquitter son impôt en argent. L’État du Congo dont toute la circulation monétaire se montait à quelques centaines de mille francs frappés pour les besoins des centres du Bas-Congo, ne pouvait en effet introduire de monnaie sans compromettre ses finances. Le maintien du troc lui servait à protéger son domaine contre l’exploitation en fraude : une caravane chargée de marchandises d’échange est rapidement dépistée là où un marchand ambulant, porteur de quelques sacs d’argent, passe inaperçu.

En dehors de l’impôt ordinaire, la Commission d’enquête avait ‘préconisé une sorte de conscription du travail qui, par décret du 3 juin 1906, devint l’institution des « travailleurs d’utilité publique. » Recrutés chaque année dans les mêmes conditions que l’armée, ils étaient envoyés sur les chantiers du gouvernement pour un terme de cinq ans. Quoique ces ouvriers fussent payés, il n’était que trop facile d’établir un parallèle entre leur sort et celui des esclaves, de présenter l’ensemble du régime de la main-d’œuvre au Congo comme relevant de la traite, pour que le parti des réformateurs anglais y faillît.

Sans mettre en doute la sincérité de personne, le gouvernement, présidé par M. Schollaert, déclina hautement toute ingérence étrangère dans son œuvre civilisatrice en Afrique. — Ces réformes sont encore loin d’être achevées, et cependant, à deux ans de distance, le régime fiscal du Congo belge n’est déjà plus reconnaissable.

En ce qui concerne les travailleurs d’utilité publique, leur effectif a été ramené de 5 560 à 2 575, et la durée du service réduite de cinq à trois ans[39].

Ce n’est pas tout. Lors de son passage sur les chantiers de Kindu-Kingolo, le roi Albert Ier avait engagé les ingénieurs à chercher les moyens de ne plus recourir qu’à la main-d’œuvre volontaire ; le ministre des Colonies annonçait à la Chambre des députés, le 9 février dernier[40], que ces efforts étaient sur le point d’aboutir : « Une lettre de M. Adam, datée de Ponthierville du 24 novembre, m’annonce qu’il a licencié tous les travailleurs d’utilité publique du premier tronçon et du bief Ponthierville-Kindu ; qu’en vue de la paie en argent, tous se sont rengagés librement, pour trois ans, par contrat régulier reçu par le magistrat sans intervention du service administratif. M. Adam m’écrit en même temps qu’il va licencier de même tous les travailleurs du second tronçon et qu’il est certain de réussir. Quant aux travailleurs de l’avancement, il croit devoir attendre quelque temps encore. En conséquence, conclut M. Adam, la levée des travailleurs d’utilité publique peut être supprimée. Telle est, messieurs, l’histoire exacte de cette réforme, et c’est pour moi une très grande satisfaction d’avoir pu l’accomplir. »

Quant à l’impôt en travail proprement dit, le gouvernement belge entend le supprimer : « L’application du nouveau régime économique déterminera une modification profonde de la législation fiscale. L’impôt actuel se perçoit en argent, en vivres ou en produits. La diffusion de la monnaie et l’extension du commerce permettront de décider qu’en principe l’impôt se percevra en argent, sauf à prendre les mesures qu’exigeront, dans certains cas, le bien et la tranquillité des populations[41]. »

La première disposition à prendre pour arriver à ce résultat était la diffusion du numéraire. Sous l’action mesurée, mais constante du gouvernement, il a été introduit, la première année qui a suivi l’annexion, 1 020 000 fr. de pièces d’argent qui, jointes aux 284 000 francs de billon, constituent une masse monétaire de près de 2 millions de francs dont l’indigène dispose dans ses relations avec le fisc. Il est nécessaire de progresser lentement dans cet ordre d’idées. La surabondance du numéraire en amène immédiatement la dépréciation et l’augmentation du coût de la vie. Dès aujourd’hui, l’impôt est perçu en argent dans les districts du Bas-Congo et du Stanley-Pool, parmi certaines peuplades de l’Oubanghi, de l’Equateur, de l’Aruwimi et du Kwango[42]. Il en sera de même dans toute la colonie au fur et à mesure qu’elle sera ouverte au commerce.

Au point de vue des noirs eux-mêmes, certaines précautions s’imposent : on ne peut leur demander de payement en monnaie que si celle-ci est suffisamment répandue et entrée dans les habitudes des populations. Agir autrement aboutirait à la tyrannie. Obligé, coûte que coûte, de payer le fisc en argent, le noir serait réduit à l’état d’un insolvable vis-à-vis d’un usurier : il devrait subir la loi du blanc et lui vendre le produit de son travail à n’importe quelles conditions. C’est la situation des Indes où il n’y a point de grief plus sérieux contre la domination anglaise[43].

Une transition est donc nécessaire :

« En attendant l’application intégrale du nouveau régime, à défaut d’argent, les indigènes devront être autorisés à payer en produits dans les régions non abandonnées ou à remettre les produits contre une rémunération en argent qui serait établie en tenant compte de la valeur et non des équivalences. Les moyens d’exécution sont à étudier, mais le gouvernement peut affirmer que le régime fiscal transitoire fonctionnera de manière à éviter tout abus[44]. »

Le gouvernement belge est allé plus loin. Un nouveau décret sur les impositions indigènes substitue à l’ancienne taxe un impôt de capitation payable en argent. Le maximum de l’impôt est réduit à 12 francs et, par une disposition moralisatrice inspirée de l’exemple de l’Afrique du Sud, le contribuable marié ne paiera pour sa famille que s’il a plus d’une femme. Le taux de l’imposition sera fixé dans chaque région par une ordonnance ; l’indigène recevra en acquit un reçu qui le garantira contre toute vexation ultérieure[45].

Ces mesures sont nécessairement incomplètes. Le programme que le gouvernement belge s’est assigné ne peut se réaliser sans tâtonnemens. Si M. Buchanam estime qu’il faudra dix ans au gouvernement anglo-indien pour supprimer la production de l’opium[46], il semble que l’on aurait mauvaise grâce à ne point faire quelque crédita la Belgique, pour extirper l’impôt en travail au Congo. Dès aujourd’hui, la situation sociale des indigènes ne peut plus soulever de griefs sérieux contre la colonie belge. Le danger pour elle réside ailleurs ; il n’est plus au dedans, il est au dehors.


III. — LES RELATIONS INTERNATIONALES

Le 22 juin 1908, M. Dernburg, ministre des Colonies allemandes, revenant d’un voyage d’enquête dans l’Afrique orientale, était reçu solennellement par la ville de Johannisburg. Au banquet officiel qui lui fut offert, le président de la Chambre des mines, M. Lionel Phillips, célèbre surtout par sa participation au Raid Jameson, prélude de la guerre anglo-boer, prononça un discours significatif[47]. — Remerciant M. Dernburg de sa présence, au nom de l’ « Afrique du Sud, » il constatait avec fierté les changemens merveilleux réalisés au cours des vingt-cinq dernières années, dans ces régions. « Aujourd’hui, disait-il, la conception générale tend à considérer l’Afrique du Sud comme s’étendant de plus en plus vers le Nord, » et l’on peut déjà imaginer le Continent comme divisé en deux parties. La moitié Sud s’étendrait jusqu’aux environs de l’Equateur, près de la frontière méridionale du Cameroun allemand et comprendrait « une partie du Congo français, presque la totalité de l’Etat du Congo et toutes les possessions portugaises à l’Est et à l’Ouest, ainsi qu’au Sud-Ouest et à l’Est, ce qui appartient à l’Allemagne dans ces parages. Enfin, ces possessions engloberaient l’Uganda, une partie de l’Afrique orientale anglaise et le vaste territoire de la Rhodésie, dont on ne peut citer le nom sans rendre hommage à l’œuvre qu’y a accomplie un grand homme d’Etat aujourd’hui disparu : M. Cecil Rhodes, » (Applaudissemens prolongés.) Mais avant de s’arrêter à ces perspectives lointaines, une première œuvre est nécessaire, urgente : assurer l’Union des possessions britanniques de l’Afrique du Sud. La vue de ce qu’ont réalisé leurs voisins doit être un aiguillon pour les Afrikanders. « Jetons les yeux sur la carte de cet immense territoire de l’Etat du Congo ; nous y verrons un pays aux richesses minières fabuleuses, propre à la culture de tous les produits tropicaux, et nous nous rendrons compte du rôle que ce pays est susceptible de remplir dans l’avenir. »

Sans doute, chacun souhaite aux Belges de réussir dans leur aventure coloniale, mais « supposons un instant que par suite d’un fait accidentel quelconque, ils doivent se défaire de leur grande colonie… » En Angleterre même, des hommes d’Etat ont jadis prôné l’abandon des colonies ; il peut en être de même en Belgique et en dehors de cette hypothèse, « peut-être pourrait-on ajouter que l’histoire nous offre certains autres cas où des Etats ont perdu leur territoire. (Hilarité.) Supposons donc cet immense territoire passé dans les mains d’autres propriétaires et rendons-nous compte de l’énorme changement qui s’opérerait par-là, dans la balance des forces en Afrique… »

Et s’excusant de la longueur de son discours, M. Lionel Phillips ajoutait « qu’il n’avait esquissé ces grands traits sur l’immense champ du monde, que pour appuyer plus fortement sur l’étendue possible de l’Afrique du Sud. »


Ce discours, par la personnalité de l’orateur aussi bien que par la hardiesse des vues exprimées, était appelé à avoir un grand retentissement en Afrique et nous le constaterons bientôt, en Europe. Les idées qu’il expose sont intéressantes surtout parce qu’elles reflètent un état d’esprit presque général dans l’Afrique du Sud. Les milieux commerciaux, industriels, ouvriers même, ont les yeux fixés vers ce Katanga dont chacun parle et qui leur assurerait, croient-ils, tout à la fois un débouché naturel, des richesses immenses, des salaires élevés en leur ouvrant du même coup la voie tout indiquée du chemin de fer du Cap au Caire. Chose singulière, cette hostilité à l’égard du Congo belge ne semble influencée en rien par la campagne menée en Angleterre, depuis plusieurs années par M. Morel. Celui-ci n’a pas bonne réputation dans l’Afrique du Sud, s’il faut en croire un curieux article de la Zuid afrikaansche Post où l’auteur compare « la campagne diffamatoire contre l’administration congolaise, à celle par laquelle fut préparée la guerre contre les républiques[48]. » Il proteste contre la cabale « du parti Jingo en Angleterre, qui ne se déclarera jamais satisfait, tant qu’en Afrique il restera un bout de territoire à annexer ou une guerre à faire. Les fournitures nécessaires pour l’armée et pour la flotte font gagner beaucoup d’argent aux négocians et fabricans anglais, tandis que les charges morales et matérielles sont endossées à l’Afrique. »

La conclusion ne devrait-elle point être que l’Afrique du Sud, se dégageant de l’influence anti-congolaise, va s’efforcer de nouer les relations les plus amicales avec sa voisine du Nord, en évitant scrupuleusement toute intrusion indiscrète ? Pas du tout. « Qu’on n’oublie point que si la Rhodésie doit faire bientôt partie d’une confédération Sud-Africaine, le Congo, considéré actuellement encore comme un pays lointain et étranger, deviendra pour elle un État limitrophe où la moitié de la population parlera le hollandais, où des centaines d’Afrikanders s’établiront et où l’Afrique du Sud aura à sauvegarder de graves intérêts sociaux et commerciaux… Dès que la Rhodésie sera unie politiquement, socialement et commercialement à l’Afrique du Sud, et qu’elle sera reliée au Congo par le chemin de fer, — ce qui arrivera bientôt, — le Congo sera attiré dans le rayon d’influence des Afrikanders. » Qu’est-ce à dire et comment expliquer cette contradiction ? Il n’y a de contradiction que dans les apparences, et la suite de l’article nous en fournit la preuve : « La question de savoir, poursuit l’auteur, si le parti Jingo anglais donnera son adhésion à cette solution et ne cherchera point à diviser le Congo d’une manière plus avantageuse pour l’Angleterre, touche aux plus graves intérêts d’avenir de l’Afrique du Sud. Quelle que soit la solution proposée, il faut que l’Afrique du Sud puisse faire entendre sa voix au chapitre. »

Quelle que soit la solution proposée, il faut que l’Afrique du Sud puisse faire entendre sa voix au chapitre : dans ces mots, apparaît le véritable motif de l’attitude des Afrikanders. L’hostilité à l’égard de la colonie belge est manifeste : il s’agit soit d’arriver à une annexion politique, soit tout au moins d’obtenir d’importans avantages commerciaux au Katanga ; mais ces avantages ou cette union, l’Afrique du Sud entend en garder le bénéfice pour elle, sans avoir à les partager avec l’Angleterre. Et aux excitations de M. Morel, elle répondrait volontiers elle aussi : « Africa fara dà se. » Le sentiment qu’éprouvent les Afrikanders du Sud ne peut mieux se comparer qu’à celui des Américains. Les Afrikanders ont naturalisé la doctrine de Monroë, et « l’Afrique aux Africains » est pour eux tout un programme dont l’article initial comportait la réunion de toutes les possessions britanniques de l’Afrique du Sud en une Fédération constituée aujourd’hui.

La première partie des vœux formulés par sir Lionel Phillips, dans le discours retentissant que nous citions plus haut, s’est trouvée ainsi réalisée ; l’unité de l’Afrique du Sud est faite. La seconde partie se vérifiera-t-elle à son tour, et les « voortrekkers » (pionniers) poursuivant, d’étape en étape, comme sous la poussée d’une loi sociologique, leur route vers le Nord, après l’Orange et le Vaal, s’efforceront-ils de pénétrer dans le Katanga ?

On comprend que ces éventualités préoccupent les milieux coloniaux belges et qu’ils suivent avec attention les bruits inquiétans qui leur viennent d’Afrique et d’Europe.


Par quelles raisons ou par quels prétextes, pourrait se justifier ou s’expliquer une intervention des grandes Puissances au Congo ? — Longtemps un argument a paru péremptoire : l’État du Congo ayant été créé par une convention internationale, la colonie belge reste dépendante des Puissances signataires de cet acte. — Ce raisonnement contient une erreur matérielle qui n’échappe point à la rigueur d’un syllogisme bien simple. La reconnaissance des Puissances est l’acte de baptême d’un État nouveau. On ne baptise point un enfant avant sa naissance, on ne reconnaît un Etat que s’il existe. Or, les États-Unis (22 avril 4884), l’Allemagne (8 novembre 1884), la Grande-Bretagne (16 décembre 1884), l’Italie (19 décembre 1884), l’Autriche-Hongrie (24 décembre 1884), les Pays-Bas (27 décembre 1884), l’Espagne (7 janvier 1885), la France et la Russie (5 février 1885), la Suède et la Norvège (10 février 1885), le Portugal (14 février 1885), le Danemark et la Belgique (23 février 1885), ont reconnu l’État indépendant du Congo « à l’égal d’un gouvernement ami, » par des traités explicites, avant la signature de l’acte de Berlin (26 février 1885). L’État indépendant du Congo existait donc avant l’acte de Berlin ; il n’a point été créé par celui-ci.

C’est ce que reconnaissait officiellement lord Kimberley, secrétaire d’État du Foreign Office, dans une dépêche souvent citée, à lord Dufferin, ambassadeur à Paris : « L’État du Congo n’a pas été, du moins à la connaissance du gouvernement britannique, constitué par un acte conventionnel[49]. »

Le comte Percy faisait la même constatation à la Chambre des Communes, à la séance du 9 juin 1904 : « Il est, en tout cas, techniquement démontré que ce n’est pas de l’acte de Berlin que la souveraineté de l’État indépendant du Congo est dérivée. » Et vers la même époque, le baron Karl von Stengel, professeur à l’Université de Munich, écrivait de son côté : « L’État du Congo ne doit en aucune manière son origine à la Conférence de Berlin ou à ses actes ; il occupe au contraire, à l’égard de cette Convention internationale, une place aussi indépendante que celle des autres puissances signataires des conventions[50]. »

La Conférence de Berlin n’a donc ni créé, ni reconnu l’État du Congo. Il n’est même mentionné nulle part dans les discussions du Congrès et s’est borné à adhérer aux protocoles-dans les mêmes conditions que les autres puissances ; ses droits comme ses obligations sont identiques.

Si l’État du Congo n’a point été créé par l’acte de Berlin, du moins s’y est-il rallié ? Aucune puissance ne pourrait justifier son intervention à son égard comme un auteur vis-à-vis de son œuvre, mais ne pourrait-elle se prévaloir des droits d’un co-signataire vis-à-vis d’un co-contractant ?

L’article 34 de l’acte général de la Conférence de Berlin porte : « La puissance qui dorénavant prendra possession d’un territoire sur les côtes du continent africain, situé en dehors de ses possessions actuelles, ou qui, n’en ayant pas eu jusque-là viendrait à en acquérir, et de même la puissance qui y assumera un protectorat, accompagnera l’acte respectif d’une notification adressée aux autres puissances signataires du présent acte, afin de les mettre à même de faire valoir, s’il y a lieu, leurs réclamations. » — Cet article ne s’applique-t-il point à la Belgique succédant à l’État du Congo ? N’y a-t-il point là une prise ‘de possession nouvelle, obligeant l’État belge à la notification (prévue et autorisant par-là même les autres puissances signataires « à faire valoir leurs réclamations ? » La question vaut d’être examinée. — L’article 34 vise deux hypothèses : la mise sous protectorat d’un territoire situé sur les côtes du continent africain : cette hypothèse est ici sans intérêt ; l’occupation nouvelle d’un territoire dans ces mêmes parages, qu’elle constitue la première appropriation d’un État en Afrique, ou l’extension de possessions déjà existantes.

Tout le problème se ramène donc à une question bien simple : Peut-on dire que, par le fait de la cession du Congo à la Belgique, il y ait eu une prise de possession « d’un territoire sur les côtes du continent africain ? » — La portée de l’article 34 est singulièrement précisée par le préambule qui le précède : « Déclaration relative aux conditions essentielles à remplir pour que les occupations nouvelles sur les côtes du continent africain soient considérées comme effectives. » — Le Congo est occupé officiellement depuis plus de vingt-cinq ans ; la cession de son territoire à un autre État peut-elle être considérée comme une « occupation nouvelle sur les côtes du continent africain ? » Évidemment non. Le but de l’article 34 est clair : il s’agissait d’éviter les contestations résultant d’occupations fictives. S’il eût suffi de planter sur la côte africaine, un drapeau gardé par quelques noirs pour pouvoir ensuite se déclarer possesseur du sol, les conflits eussent été inévitables. Il fallait donc régler les conditions des occupations nouvelles en exigeant une notification qui, en les portant officiellement à la connaissance des puissances intéressées, leur permettrait éventuellement de faire valoir leurs droits sur les mêmes territoires.

Mais ces formalités, indispensables quand il s’agit d’ « occupations nouvelles, » n’ont plus de raison d’être dans l’hypothèse de la simple cession d’un territoire dont l’occupation, — nous l’avons vu, — a été reconnue déjà par tous les États.

Que tels soient bien le sens et la portée de l’article 34, c’est ce qui résulte, à n’en pouvoir douter, des débats et des commentaires qui ont accompagné le vote[51]. Bien plus, l’Angleterre elle-même a reconnu que, dans le cas de la cession du territoire congolais, les formalités de l’article 34 seraient inutiles. Le traité, conclu par elle avec l’Etat indépendant, prévoit en effet-expressément des cessions de ce genre et n’exige pour toute condition que le maintien par le concessionnaire des droits reconnus aux sujets anglais par l’État cédant[52]. Donc, point de « notification » ni occasion pour les autres États « de faire valoir leurs réclamations. » Et ces formalités que l’Angleterre négligeait d’imposer quand il s’agissait de cession à un tiers quelconque, on voudrait en exiger l’observance pour l’annexion du Congo à la Belgique qui, depuis l’origine, a toujours été considérée comme sa métropole de fait !

La France, en vertu de textes formels, a le droit de s’opposer à toute cession du territoire congolais ; elle a admis ne pouvoir user de ce privilège en cas d’annexion du Congo à la Belgique[53]. Et là où la France reconnaît qu’au point de vue international, il n’y a même point de « cession, » ni par conséquent substitution d’un autre État à un État préexistant, on prétendrait qu’il y a « occupation nouvelle sur les côtes du continent africain ! »

On ne pourrait soutenir sérieusement pareille thèse. L’article 34 de l’acte de Berlin est donc inapplicable ici ; pas plus que l’Angleterre, après l’annexion du Transvaal et de l’Etat libre d’Orange, ou les Etats-Unis après l’annexion des îles Hawaï, la Belgique n’avait à « notifier » à ses voisins l’annexion de sa colonie, ni à leur demander la reconnaissance des faits accomplis. En dehors de l’article 34, aucun texte ne pourrait même fournir prétexte à semblable exigence.


Il y a lieu du reste de remarquer que cette reconnaissance juridiquement inutile, la plupart des puissances se sont empressées en fait de l’accorder à la nouvelle colonie belge. Dès le 23 décembre 1908, un arrangement intervenait entre les gouvernemens français et belge. Il substituait ce dernier à l’Etat du Congo pour les obligations contractées envers la France et reconnaissait ainsi explicitement le transfert réalisé[54].

Le 22 janvier 1909, le baron de Schœn, secrétaire d’Etat du département des Affaires étrangères d’Allemagne, disait de son côté, à la Commission du budget du Reichstag : « Le gouvernement belge nous a fait savoir qu’après l’adoption par le Parlement et la sanction par le Roi de la loi réglant cet objet, la puissance souveraine de l’Etat du Congo a été transférée à la Belgique, le 15 novembre. Nous avons pris acte de cette communication ; l’annexion de l’Etat du Congo par la Belgique est ainsi devenue, pour nous, un fait accompli. » Et après cette reconnaissance formelle, le baron de Schœn ajoutait : « Les traités existans, celui du 8 novembre 1884 avec l’Association Internationale Africaine et l’acte général de la Conférence du Congo à Berlin ne nous donneraient aucun droit de nous mêler de cette question[55]. »

L’Angleterre n’a point suivi l’exemple des autres puissances. Jusqu’à présent, elle a différé de reconnaître le nouvel état de choses du Congo belge, bien que les négociations engagées par elle à Bruxelles, pour la délimitation des frontières communes en Afrique, se puissent difficilement expliquer sans une reconnaissance de fait des droits souverains de la Belgique.

Quelques jours après la déclaration du baron de Schœn, le Times s’en prenait avec amertume à l’Allemagne incapable de comprendre et d’apprécier « des considérations de sentiment pur et d’idéal qui ne touchent à aucun intérêt matériel, » comme celles qui guident la campagne anglaise contre le Congo[56].


Comment expliquer ce retard ?

S’il faut en croire la presse de l’Afrique du Sud, cette attitude de l’Angleterre devrait être attribuée moins à la campagne de M. Morel qu’aux avertissemens donnés au Cabinet de Saint-James par M. Lionel Phillipps, dans le discours que nous avons résumé plus haut.

Au mois de décembre 1908, tous les journaux de l’Afrique du Sud publiaient une note à peu près identique : « On nous rapporte de bonne source que l’hésitation de l’Angleterre à garantir l’intégrité du Congo comme colonie belge est duo aux importantes éventualités (important possibilities) qui pourraient survenir lors de l’adhésion de la Rhodésie du Nord à la Confédération de l’Afrique du Sud. Il est probable que le remarquable discours prononcé par M. Lionel Phillipps à Johannisburg, à l’occasion de la visite de M. Dernburg, a eu comme conséquence de pousser le gouvernement à prendre toutes ses précautions au sujet de cette question[57]. »

Qu’est-ce à dire ? — Nous avons constaté quel est l’état d’esprit des Africains du Sud à l’égard du Congo belge. Les richesses minières du Katanga, — dont on peut admirer les échantillons au musée de Buluwayo, — exercent sur les « Afrikanders » une véritable fascination, et le rail anglais s’avance rapidement pendant que des rivalités d’intérêts ralentissent l’effort des Belges[58] .

Déjà au Katanga même, les agens blancs des sociétés sont en grande partie Anglais. Il y avait, à la fin du mois de décembre dernier, au service de l’Union Minière, de la Tanganyka Concession et de la Robert Williams and Cie, trente-huit Anglais contre quatorze Belges et neuf agens d’autres nationalités[59].

Et à côté de l’influence du nombre, il faut tenir compte des personnalités en présence ; le chiffre des appointemens est éloquent et permet de juger de la situation d’infériorité des Belges.

Cette pénétration qui se produit par infiltration aujourd’hui, ne se fera-t-elle point par immersion le jour où le chemin de fer mènera directement du Cap au sein de la Colonie belge ? Et quand des milliers d’« Afrikanders » seront établis au Katanga, que pourront les ordres venus de Bruxelles ? L’influence politique ne suivra-t-elle point l’influence commerciale ?

Le raisonnement des Africains est facile à démêler. Est-ce le moment, quand d’« importantes éventualités » peuvent se produire, d’engager l’avenir et de se lier les mains en s’obligeant à respecter l’intégrité de la colonie belge ? Ne serait-ce pas là un métier de dupe ? Cette faute a été commise une fois à l’égard de l’Afrique occidentale allemande, il ne s’agit point de la répéter. Sans doute, l’Afrique du Sud entend diriger elle-même sa politique congolaise, mais encore faut-il que la métropole ne l’entrave point par des engagemens qui enchaîneraient ses ambitions…

Nous n’exagérons point ; ce sont là les termes, en tout cas, le ton et le sens de la polémique de la presse sud-africaine en cette matière. Bornons-nous à l’analyse rapide d’un article paru dans le Transvaal Leader et intitulé : Pour demain.

L’auteur constate tout d’abord avec satisfaction que « l’intérêt porté par les Africains du Sud et en particulier, les Transvaaliens, à la question du Congo sera ravivé par les télégrammes arrivés hier de Londres et nous informant que le gouvernement impérial est décidé à ne prendre aucun engagement au sujet de l’avenir de l’Etat du Congo sans avoir, au préalable, sondé et pris en considération l’opinion sud-africaine. »

Cette opinion, la voici. Depuis la mort de Cecil Rhodes jusqu’au discours de sir Phillipps, « peu de personnes, en Afrique du Sud, se préoccupaient des destinées commerciales et politiques des régions situées au Nord de notre pays. » Mais aujourd’hui, tout est changé et avec la confiance dans nos destinées, « nous est venue, ou plutôt revenue la conscience de ce fait que l’avenir de ces territoires du Nord nous touche de très près et intéressera nos enfans d’une façon plus intime encore. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir le gouvernement impérial d’accord avec ceux que préoccupent sérieusement les rapports possibles entre une Afrique du Sud unie et l’Etat du Congo, et espérer que la ligne de conduite si malheureusement adoptée à l’égard de ce qui est aujourd’hui l’Afrique occidentale allemande ne sera plus suivie cette fois[60]. »

Les hommes d’Etat de l’Afrique du Sud comme ceux d’Angleterre s’opposeraient d’ailleurs à tout accroissement des difficultés ou des charges de la confédération sud-africaine, et « une garantie donnée de l’intégrité des possessions belges au Congo, constituerait à coup sûr une aggravation, pour elle, de la situation présente. Cette garantie serait d’autant plus inutile à donner que la Belgique n’a rien à nous offrir en échange[61]. » Et du reste, il y a d’autres raisons impérieuses pour ne point entraver notre liberté d’action : « Si l’unité de l’Afrique du Sud se fait loyalement ; si aucune race n’est placée dans une situation privilégiée ; si le pays est ouvert aux travailleurs du monde entier, il se peut que, dans une génération, notre population soit tellement accrue que cette question du Nord devienne pour nous la plus brûlante de toutes[62]. »

Dans ces conditions, « si la Belgique échoue dans sa tâche, pourquoi, sans nécessité, l’Angleterre imposerait-elle à la nation sud-africaine, qui se constitue à l’heure actuelle, l’obligation de préserver sa voisine des conséquences naturelles de son échec[63] ? »

On le voit les « Afrikanders » ne cherchent nullement à dissimuler leur pensée : l’Angleterre ne doit point garantir l’intégrité d’un territoire dont un jour nous aurions besoin. Si par une reconnaissance officielle, elle s’obligeait à respecter la colonie belge, ce serait un grief sérieux, ineffaçable peut-être, contre la métropole.

La Grande-Bretagne osera-t-elle négliger ces avertissemens ? le voudra-t-elle ? L’avenir du Congo belge dépend en partie de la réponse qui sera faite à cette question.


IV. — CONCLUSION

« La Belgique a toujours tenu ses promesses, et quand elle prend l’engagement d’appliquer au Congo un programme digne d’elle, nul n’a le droit de douter de sa parole. »

Cette affirmation solennelle que le roi Albert Ier émettait au moment de monter sur le trône en la soulignant d’un geste énergique, pourra servir de conclusion à cette étude. Quelques mots suffiront à en dégager la portée.

Nous avons étudié le Congo belge tout à la fois dans le présent et le passé. Dans le passé, nous avons vu, sur le terrain économique, un pays que les jurisconsultes proclamaient accessible à tous, alors que, en fait, à l’abri de son domaine, privé de numéraire, il était plus fermé que la Chine derrière ses murailles. Aujourd’hui la porte mystérieuse s’ouvre ; elle est ouverte. Depuis le mois de juillet de cette année, un tiers de cette immense contrée est livré au commerce libre. L’Europe doit souhaiter de voir les Belges ne point mettre trop de précipitation dans cette œuvre libératrice ; elle ne sera définitive que si elle est lente et progressive.

Sur le terrain social, de regrettables abus se sont produits au Congo belge. Sans examiner, — honteuse excuse, — si des situations identiques se retrouvent aussi ailleurs, sans rechercher les mobiles qui ont déterminé l’attitude de l’Angleterre dans ces dernières années, il faut reconnaître hautement que celle-ci, en signalant au monde les souffrances des indigènes congolais, a rendu service à la Belgique et à l’humanité.

Le régime léopoldien est mort de ses exagérations ; il est bien mort. Déjà des réformes radicales s’annoncent ; demain, — nous en avons la conviction, — en verra la complète réalisation.

Au point de vue international, la situation de la colonie n’est point sans difficultés. Nous croyons que le danger pour elle vient surtout de l’attitude de l’Afrique du Sud. Mais, — que l’on ne l’oublie point, — les Belges ne sont pas les seuls intéressés dans cette question. La France, l’Allemagne, les États-Unis doivent retenir et peser les paroles de sir Lionel Phillips au banquet de Johannisburg : « Supposons cet immense territoire du Congo passé dans les mains d’autres propriétaires, et rendons-nous compte de l’énorme changement qui s’opérerait par là dans la balance des forces en Afrique… »

Les années qui vont venir verront la solution des graves problèmes dont nous n’avons pu que poser les prémisses. Les paroles royales que nous citions tout à l’heure ne seront point oubliées. Mieux que personne, le jeune souverain qui, avant de monter sur le trône, a traversé toute la grande forêt équatoriale, est préparé à donner aux destinées de la colonie une direction prudente et sage. Son règne s’ouvre plein de promesses : il se doit à lui-même de ne les point décevoir. Une période de l’histoire africaine est close ; une ère nouvelle commence.

Paul Nève.
  1. Calculs établis à la Chambre belge par M. le député Franck (séance du 27 avril 1908).
  2. Il est intéressant de constater que, même en dehors du Katanga, la situation sanitaire s’améliore d’année en année au Congo belge. Le taux de mortalité qui était de 9, 1 p. 100 s’est abaissé à 3, 84 p. 100 en 1908.
  3. Buttgenbach, L’Avenir industriel du Congo : Revue universelle des Mines, t. XIV, p. 114. — Dès 1907, un vice-consul anglais, M. Beak, écrivait à sir Edward Grey : « L’existence d’une valeur d’au moins 200 millions de livres sterling est dus à présent établie. »
  4. The Imperial and colonial constitutions of the Britannic Empire, p. 66, 67.
  5. En vertu de l’article premier du décret du 28 mars 1889, les terrés vacantes et sans maîtres font, au Congo Français, partie du domaine de l’État sans qu’aucune disposition subordonne ce droit de propriété à une appréhension ou à une occupation effective des terres. Dans la colonie anglaise, l’Uganda, toutes les terres vacantes appartiennent au Gouvernement, soit en vertu du droit de conquête, soit en vertu de conventions conclues avec les chefs et les souverains indigènes (Africa, n° 6, 100, p. 14). Le régime n’est pas différent en Afrique orientale britannique. En Rhodésie, toutes les terres non occupées effectivement par les natifs, et ayant de ce fait été reconnues telles par la Commission des terres, appartiennent à la Chartered qui en dispose librement. L’ordonnance impériale allemande du 26 novembre 1895 stipule qu’en Afrique orientale, toutes les terres sur lesquelles il n’existe de droits ni au profit des indigènes, ni au profit des non-indigènes, sont des terres de la Couronne dont la propriété appartient à l’Empire, disposition que l’on retrouve au Kamerun et que le Portugal consacre en ces termes : « Sont du domaine de l’État, dans les pays d’outre-mer, tous les terrains qui, à la date de la publication de cette loi, ne constituent pas une propriété privée acquise selon les termes de la législation portugaise. Est reconnu aux indigènes le droit de propriété des terres habituellement cultivées par eux… » (Décret du 9 mai 1801, art. 1 et 2.)
  6. A la suite des explications échangées à ce sujet, le baron Lambermont fut chargé d’en faire l’exposé. Il le fit en ces termes : « Il ne subsiste aucun doute sur le sens strict et littéral qu’il convient d’assigner aux termes : en matière commerciale. Il s’agit exclusivement du trafic, de la faculté illimitée pour chacun de vendre et d’acheter, d’importer et d’exporter des produits et des objets manufacturés. Aucune situation privilégiée ne peut être créée sous ce rapport ; la carrière reste ouverte, sans restriction, à la libre concurrence sur le terrain du commerce, mais les obligations des Gouvernemens locaux ne vont pas au-delà. » L’étymologie et l’usage assignent à l’expression monopole une signification plus étendue qu’à celle de privilège. Le monopole comporte l’idée d’un droit exclusif ; le privilège ne va pas nécessairement jusque-là. Les termes « d’aucune espèce » s’appliquent évidemment au monopole comme au privilège, mais sous la restriction générale de leur application au domaine commercial. » Protocoles de la Conférence de Berlin, 1883. Annexes II au protocole n° 5.
  7. De Martens, Mémoire sur les droits domaniaux de l’État indépendant du Congo, novembre 1902, Bruxelles, Hayez.
  8. E. Nys, l’État indépendant du Congo et les dispositions de l’Acte général de Berlin (Revue de droit international et de législation comparée, t. V, p. 326).
  9. E. Picard, Consultation sur les droits domaniaux de l’État indépendant du Congo, novembre 1902, Bruxelles, Hayez.
  10. Voyez notamment les consultations de MM. Van Berchem, conseiller à la Cour de cassation, Van Maldeghem et De Paepe.
  11. Consultation délibérée par Me Henri Barboux, avocat à la Cour d’appel de Paris, ancien bâtonnier de l’ordre, 15 mars 1903.
  12. Bulletin officiel, 1889, p. 218.
  13. Décret du 3 octobre 1892, Bull, off., 1802, p. 308.
  14. Bas-Congo, région des cataractes, Rasai, boucle de fleuve jusqu’aux Stanley-Falls.
  15. Bassin de l’Uellé, de l’Aruwimi, des rivières équatoriales au Nord et au Sud de la boucle du Congo.
  16. Maisons « Hatton and Cookson » et « John Holt. »
  17. Il est intéressant de rapprocher la répartition, dans deux colonies voisines, des dépenses dites de civilisation (dépenses administratives, judiciaires, enseignement, etc.), des dépenses dites de domination (dépenses militaires). — Voici comment cette répartition s’établissait dans l’État indépendant du Congo et l’Afrique orientale anglaise pendant l’année 1905-1906 :
    État indépendant du Congo « Afrique orientale britannique «
    (Budget : 29 936 650) « (Budget : 10 470 979) «
    Francs P. 100 Francs P. 100
    Administration civile 5 597 000 18,5 872 137 9,5
    Dépenses judiciaires 850 000 2,8 155 789 1,5
    Enseignement et cultes 473 000 1,6 « «
    Agriculture 1 533 931 5,0 167 463 1,6
    Totaux 8 473 931 27,9 1 195 389 12,6
    Dépenses militaires 5 536 040 18,5 3 570 416 34,0
  18. A Jankee in Pigmeeland, par M. Geil.
  19. Documens parlementaires, session 1909-1910, n° 255, p. 2.
  20. Décret du 22 mars 1910.
  21. Décret du 22 mars 1910.
  22. Décret du 3 mars 1909.
  23. « La question des replantations présente une importance capitale. Elle était réglée jusqu’à présent par les dispositions du décret du 22 septembre 1904. L’application de ce décret a provoqué des réclamations sans procurer, d’ailleurs, de résultats suffisans. C’est pourquoi le Gouvernement se propose de l’abroger et de substituer, à l’obligation de replantation qu’il consacrait, une taxe de replantation fixée à 0 fr. 40 par kilog. de caoutchouc d’arbres ou de lianes et à 0 fr. 20 par kilog. de caoutchouc des herbes. Le montant de cette taxe sera versé dans un fonds spécial de replantation. Ce fonds destiné à l’établissement régulier de plantations d’État sera alimenté par le produit de la taxe de replantation payée par les particuliers et par le budget extraordinaire. Le Gouvernement pense qu’une somme de 1 500 000 francs, dont 1 million, au plus, à charge du budget extraordinaire, suffira à l’établissement annuel de 2 000 hectares de plantations dont l’entretien incombera ultérieurement au budget ordinaire. Nous arriverons ainsi, en dix ans, à constituer à la colonie un patrimoine considérable dont les revenus permettront d’alimenter largement le budget et d’amortir rapidement les capitaux engagés. »
  24. L’histoire de ces menées a été écrite par M. J. Charles-Roux (l’Isthme et le Canal de Suez, Paris, 1906) ; elle offre de singulières analogies avec la Campagne actuelle contre le Congo belge. — M. Charles-Roux raconte notamment comment « des ouvertures furent faites à M. F. de Lesseps pendant son séjour à Londres par un personnage officiel, organe de lord Palmerston. Il lui fut déclaré que s’il consentait à admettre que l’Angleterre prît possession de Suez et gardât ainsi le passage du canal, l’opposition du Cabinet anglais cesserait (t. I, p. 212). » Ces propositions ayant été repoussées, l’Angleterre chercha à émouvoir l’opinion en l’apitoyant sur le sort des fellahs recrutés par le travail forcé. — Étant parvenue à en obtenir la suppression (6 février 1864), la presse anglaise manifesta sa joie. — Pourquoi ? Est-ce dans une pensée humanitaire ? — Un passage d’un article du Standard va nous renseigner : « Le travail ne pourra plus être obtenu qu’au moyen de dépenses énormes. Que diront alors les actionnaires, ces pauvres spéculateurs, en France, en Egypte, en Turquie ? Ils seront ruiné ». » Cependant l’énergie de M. de Lesseps vient à bout de tous les obstacles ; le 20 novembre 1869, le canal est inauguré. Alors l’Angleterre change de tactique ; n’étant point parvenue à abattre l’entreprise, elle en arrache le bénéfice à la France en achetant au khédive Ismaël 176 602 actions (1875). On sait que ce fut le prélude de l’occupation anglaise en Egypte.
  25. Gladstone n’a-t-il point écrit contre son propre pays cet injuste réquisitoire : « Dans toutes les questions soulevées au sein des conseils des Puissances européennes, le gouvernement anglais s’est posé en champion non de la liberté, mais de l’oppression… On peut dire, avec vérité, que pour traiter les questions des destinées humaines, il eût mieux valu, dans l’intérêt de la justice et de la liberté, que la nation anglaise n’eût jamais existé. Affectant un jour un respect jaloux des traités, nous les avons foulés aux pieds le moment d’après. » (Nineteenth Century August, 1879, p. 204.)
  26. Le rapporteur de la Loi coloniale à la Chambre Belge disait déjà : « L’avenir dira si cette initiative hardie a été justifiée et pratique. Mais ce qui dès à présent est certain, c’est qu’elle ne sera telle que sous la condition que cette intervention de la Métropole soit circonspecte et mesurée dans son application. »
  27. Lois du 11 août 1902.
  28. Art. 7 à 24, comprenant notamment : la liberté individuelle, la liberté des cultes, le respect de la propriété privée, l’inviolabilité du domicile, la liberté de poursuite contre les fonctionnaires, etc.
  29. Cette Commission, composée de six membres et présidée par le vice-gouverneur, comprend quatre missionnaires catholiques et un missionnaire protestant (Rev. Ross Phillips, représentant de la Baptist).
  30. Il en est ainsi notamment dans le Soudan anglo-égyptien, où le gouverneur général est investi seul de la toute-puissance législative.
    Pour tous ces détails, consulter H. Jenkyns : British Rule and Juridiction beyond the seas ; — Girault : Principes de colonisation et de législation coloniale ; — Rouget, l’Expansion coloniale au Congo français.
  31. En dehors de The Council of India, il n’existe aucun Conseil colonial en Angleterre.
  32. L’article 6 de l’acte de Berlin porte : « Toutes les puissances exerçant des droits de souveraineté ou une influence dans les dits territoires s’engagent à veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence et à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout de la traite des noirs. »
  33. Article 3 : « Les puissances qui exercent une souveraineté ou un protectorat en Afrique, confirmant et précisant leurs déclarations antérieures, s’engagent à poursuivre graduellement, suivant que les circonstances le permettront, soit par les moyens indiqués ci-dessus, soit par tous autres qui leur paraîtront convenables, la répression de la traite, chacun dans ses possessions respectives et sous sa direction propre. » (Protocoles de la Conférence de Bruxelles, p. 206 et 646.)
    Ces textes sont précieux pour l’interprétation de l’acte de Berlin. Il en résulte que l’on ne pourrait justifier par l’article 6 de cet acte une intervention des Puissances au Congo. — Le rapport de la Commission de 1890 est catégorique : « Si le programme est et doit rester international, l’exécution demeure strictement nationale. Chaque puissance entend agir chez elle ; elle recourra aux moyens indiqués, elle en emploiera d’autres analogues, mais aucune intervention réciproque n’est prévue, ni admise sur ce terrain. Le concert est au début comme il doit être au terme de l’entreprise ; le passage de l’un à l’autre aura lieu par les soins exclusifs et sous la direction de chaque puissance souveraine ou protectrice dans les territoires placés sous son autorité. Ce sentiment a été celui de toutes les parties contractantes ; il était nécessaire de l’exprimer, afin qu’aucun doute ne pût naitre à ce sujet, ni compromettre la réalisation d’une pensée qui intéresse l’humanité à un degré aussi élevé. » (Voyez Protocoles de l’Acte de Bruxelles, p. 227.)
  34. «… Le seul moyen légal dont dispose l’État pour obliger les populations au travail est d’en faire un impôt ; et c’est précisément en considération de la nécessité d’assurer à l’État le concours indispensable de la main-d’œuvre indigène qu’un impôt en travail est justifié au Congo. Cet impôt, en outre, remplace, vis-à-vis de ces populations, la contrainte qui, dans les pays civilisés, est exercée par les nécessités mêmes de la vie… « Si on reconnaît à l’État du Congo, comme à tout autre État, le droit de demander à ses populations les ressources nécessaires à son existence et à son développement, il faut évidemment lui reconnaître le droit de réclamer la seule chose que ses populations puissent donner, c’est-à-dire une certaine somme de travail. » (Bulletin officiel, 1905, p. 159.)
  35. Parliamentary Debates. Séance du 5 juillet 1906.
  36. Le Congrès Colonial réuni à Paris, au mois de juin 1905, a émis le vœu suivant :
    « Le Congrès Colonial reconnaissant l’utilité du paiement en travail de l’impôt indigène, au point de vue de l’éducation du travail indigène et de la constitution de l’outillage économique de nos colonies, et notamment de nos colonies africaines, émet le vœu que ces prestations soient maintenues sans venir en aggravation d’autres impôts de même nature et soient surtout appliquées à la réalisation de travaux publics permanens. »
    De son côté, dans son ouvrage : Vingt-huit années au Congo, Mgr Augouard, évêque du Haut-Congo français, affirme que « le travail obligatoire doit être employé avec une grande fermeté unie à une excessive prudence. » — « Mais j’entends déjà, continue-t-il, les protestations des négrophiles en chambre qui vont s’écrier que c’est le rétablissement de l’ancien esclavage. À ce compte, le Français est bien le pire des esclaves avec ses impôts, ses prestations, son service militaire et ses rudes travaux. En ne demandant aux noirs que la dixième partie de ce qu’on demande aux blancs de France, on obtiendra en Afrique de merveilleux résultats. »
  37. Il est vrai que l’administration s’interdit de recevoir les produits d’exportation, ce qui évite tout conflit avec le négoce et limite au seul besoin des postes les produits perçus.
  38. Bulletin officiel, 1906, p. 230.
  39. Décret du 16 février 1910. — Bulletin officiel, 1910, p. 227.
  40. Annales Parlementaires, p. 498-499.
  41. Exposé des motifs du budget colonial de 1910.
  42. Discours du ministre des Colonies, 19 décembre 1909.
  43. Voyez sur cette question un article très documenté paru dans le Correspondant (10 juin 1908). — Au dire de l’auteur, les famines n’y proviennent jamais du manque de nourriture. « Les statistiques générales des importations et des exportations établissent que non seulement les Indes ont toujours eu suffisamment pour se suffire à elles-mêmes, mais que, même dans les années de pire famine, les exportations n’ont jamais cessé. » Comment expliquer cette situation ? M. Morley, secrétaire d’État, a fourni la réponse à la Chambre des Communes : « La règle à présent en vigueur dans les provinces centrales est que l’imposition ne doit pas être inférieure à moins de 50 p. 100 de l’actif, mais ne doit pas dépasser 60 p. 100 ; mais, dans des cas exceptionnels, si l’impôt existant a jusqu’à présent dépassé 60 p. 100 et a été payé sans difficultés, il est stipulé que l’impôt doit être fixé à 65 p. 100. 50 p. 100 est donc la limite inférieure, et 65 p. 100 est le taux de l’impôt, lorsqu’il peut être payé sans difficultés. » (The causes of present discontents in India, chap. X, Londres, 1908.) Suivant le mot de sir W. Wederburn (Dying for xcant of a penny. Mourant faute d’un penny) : « La famine n’est pas une famine de vivres, mais une famine d’argent. » Autrefois au contraire, l’impôt était perçu en produits : « Les Musulmans fixaient l’impôt au quart de la récolte sur pied, et par suite le revenu de l’État était faible dans les années de disette et considérable dans les années d’abondance. Les populations des Indes ont fait des pétitions pour qu’on revint au système de leurs anciens maîtres, mais le Statistical Department a répondu par un rapport établissant que cela entraînerait une grande diminution dans les revenus impériaux. » (Article cité, p. 890-891.)
  44. Exposé des motifs du budget colonial de 1910.
  45. Décret du 2 mai 1910.
  46. Discours à la Chambre des Communes, 22 juillet 1908.
  47. Le texte complet du discours a paru dans le Transvaal Leader du 23 juin 1908.
  48. Numéro du 22 octobre 1908.
  49. Dépêche en date du 14 août 1894, citée dans le Blue Book de 1898 sur les affaires de la Vallée du Nil.
  50. Revue Économique Internationale (15 et 20 janvier 1905).
  51. Le prince de Bismarck résumait en ces mots, à la séance du 15 novembre 1884, le but de l’article 34 :
    « Le développement naturel du commerce en Afrique, a-t-il dit, fait naître le désir bien légitime d’ouvrir à la civilisation les territoires inexplorés et inoccupés à l’heure qu’il est. Pour prévenir des contestations qui pourraient résulter du fait, d’une nouvelle occupation, les gouvernemens de France et d’Allemagne ont pensé qu’il serait utile d’arriver à un accord relativement aux formalités à observer pour que des occupations nouvelles sur les côtes d’Afrique soient considérées comme effectives… En vue de l’avenir, j’aurai l’honneur de soumettre à la Conférence un projet de déclaration portant que désormais la validité d’une nouvelle prise de possession sera subordonnée à l’observation de certaines formes, telles que la notification simultanée, afin de mettre les autres puissances à même de reconnaître cet acte ou de formuler leurs objections. » Entrant dans les vues exprimées par son président, la conférence de Berlin a adopté le projet de déclaration annexé au protocole n° 7, dont le texte a servi à la rédaction définitive des articles 34 et 35 de l’acte général.
  52. L’article 10 du traité anglo-congolais du 16 décembre 1884 porte : « En cas de cession du territoire qui se trouve actuellement sous le gouvernement de l’Association ou qui s’y trouvera plus tard, les obligations contractées par l’Association dans la présente convention seront imposées au cessionnaire. »
  53. « L’Association internationale du Congo, au nom des stations et des territoires libres qu’elle a fondés au Congo et dans la vallée de Niatlé-Quillou, déclare formellement qu’elle ne les cédera en rien à aucune puissance sous réserve des conventions particulières qui pourraient intervenir entre la France et l’Association pour fixer les limites et les conditions de leur action respective. » (Lettre du colonel Strauch à M. Jules Ferry du 23 avril 1884.)
    Cet engagement a été repris dans les arrangemens du 5 février 1895 et du 23 décembre 1908, réglant le droit de préférence de la France.
  54. « Considérant qu’à la suite du transfert à la Belgique des possessions de l’État indépendant du Congo, en vertu du traité de cession du 28 novembre 1908 et de l’acte additionnel à ce traité du 5 mars 1908, le gouvernement belge se trouve substitué à l’obligation sous ce rapport par le gouvernement dudit État. »
  55. Le texte officiel de cette déclaration a paru dans la Berliner Tageblall.
  56. « In Berlin there has always been a tendency to regard as unworthy of the Realpolitiker any consideration of ethics or sentiment wich does not obviously affect materiel interest. » (Times, 29 janv. 1909.)
  57. Transvaal Leader (11 décembre 1908). Voyez de même le Rand Daily Mail (10 décembre 1908), etc.
  58. Le roi Albert Ier a fait, sur cette question des chemins de fer au Congo, un remarquable discours à l’inauguration de l’Exposition coloniale de Tervueren, le 30 avril dernier.
  59. En voici les noms :
    1° Agens belges :
    Halewyck, directeur de mine, appointemens 36 000 fr. ; Bertrand, ingénieur, 13 500 fr. ; Goebels, docteur, 12 600 fr. ; Buttgenbach, géomètre, 5 000 fr. ; De Mulder, comptable, 6 000 fr. ; Danhier, secrétaire, 6 000 fr. ; Vergez, dactylographe, 7 200 fr. ; Demoulin, comptable, 10 000 fr. ; Demuynck, chef comptable, 12 000 fr. ; Kreutzer, menuisier, 6 000 fr. ; Thirionet, employé, 3 000 fr. ; Vermeire, employé, 6 000 fr. ; Gambier, maçon, 6 000 fr. ; Reuter, ingénieur à Ruwé, 8 000 fr.
    2° Agens anglais :
    Gibb, ingénieur, appointemens : 100 000 fr. ; Perkins, ingénieur, 70 000 fr. ; Studt, chef prospecteur, 40 000 fr. ; Pearson, docteur, 22 680 fr. ; Horner, ingénieur-constructeur, 25 000 fr. ; Shap, fondeur, 15 000 fr. ; Kilner, secrétaire de Gibb, 15 000 fr. ; Hurst, ouvrier diamantaire, 12 000 fr. ; Blane, Labour Office, 12 600 fr. ; Moore, géomètre, 13 000 fr. ; Middelmass, forgeron, 12 000 fr. ; Peck, chimiste, 12 000 fr. ; Kear, charpentier, 12 000 fr. ; Middleton, compound manager, 18 000 fr. ; Berrington, compound manager, 8 000 fr. ; Heolt, charpentier, 8 000 fr. ; Douglass, dactylographe, 8 000 fr. ; Hill, ouvrier mineur, 9 000 fr. ; Billen, ouvrier mineur, 9 000 fr. ; Norton, ouvrier, 12 000 fr. ; Gradidge, ouvrier, 6 000 fr. ; Mangau, fondeur, 9 000 fr. ; Bindloss, ouvrier bicyclettes ( ? ) ; Grant, ouvrier ( ? ) ; Mobbs, ouvrier, 6 000 fr. ; Duke, prospecteur, 15 000 ; X, maçon ( ? ) ; X, maçon ( ? ) ; X, docteur indien ( ? ) ; X, docteur ( ? ) ; Nottage, agent de transport à Broken Hill, Commission ; Stephenson, agent de transport à Bwana Makuba, Commission, etc. Watson, directeur, 50 000 fr. ; Bayne, sous-directeur, 50000 fr. ; Robyns, prospecteur, 18 000 fr. ; Hulbert, prospecteur, 15 000 fr. ; Lawrie, comptable, 9 000 fr. ; Allen, Labour Office, 6 000 fr.
    3° Agens de nationalités diverses au service des mêmes sociétés :
    Jadoul, Français, ferme, appointemens : 9 000 fr. ; Hausen, Suédois, recruteur, 8 000 fr. ; Flauder, Suédois, maçon, 6 000 fr. ; Person, Suédois, maçon, 4 800 fr. ; Godin, Français, ferme, 2 400 fr. ; Henrion (aîné), Français, ingénieur, 3 000 fr. ; Henrion (jeune), Français, constructeur, 3 000 fr. ; Mausaver, Espagnol, jardinier ( ? ) ; Biltis, Grec Arménien, agent de transport ( ? )
  60. « And hope that the policy unfortunately adopted in regard to whot is now german South-West-Africa will not be followed now. »
  61. « It would seen all the more unnecessary inasmuch as Belgium has nothing to offer in exchange. »
  62. « It may be that within even a génération, we shall so largely increase our population that this northern question will be the most burning question we have. »
  63. Transvaal Leader, 12 décembre 1908.