Le Conseiller des femmes/03/Texte entier

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Texte établi par Eugénie Niboyet (3p. 33-48).
N° 3. — samedi, 16 novembre 1833. — 1re année.


LE CONSEILLER
DES FEMMES.

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DE L’AVENIR DES FEMMES.
2e article.

De toutes les idées nouvelles, surgies du monde pensant, il n’en est aucune qui ait excité plus de rumeur que celle dont le but est de démontrer à tous, le triste sort de la femme, considéré dans toutes les phases de sa vie, et dans les différentes positions sociales où le hasard de la naissance et des circonstances peuvent l’avoir placée. Essayer de tracer un tableau fidèle des abus qui se sont glissés dans nos mœurs, c’est là aux yeux du plus grand nombre, prétendre lever l’étendart de la révolte, et l’on ne saurait aborder une semblable question sans froisser mille susceptibilités, et sans entendre mille voix crier anathême.

Nous en appellerons aux hommes de cœur, aux hommes dont l’ame noble est capable de sympathiser avec une idée généreuse, et nous leur demanderont quel est celui d’entre tous qui voudrait essayer de nier qu’il y ait un malheur réel, attaché à la condition de naître femme. Ceci est une vérité si commune, qu’elle est passée en proverbe et court les rues ; c’est à tel point que la jeune mère attendant l’époque, fixée par la nature, où elle doit donner le jour à un être nouveau, fait presque toujours dans son cœur le vœu de mettre au monde un homme de plus, moins sans doute pour la gloire d’avoir un fils, que pour choisir le côté où se trouvent tous les avantages, afin de réunir le plus de chances de bonheur possible sur la tète adorée de l’enfant qui possède déjà tout son amour ; amour d’abnégation et de dévouement éternel.

Ce principe posé de l’injustice du sort à l’égard de la femme, pourquoi ne lui serait-il point permis d’en rechercher les causes ? Pourquoi lui serait-il interdit d’espérer les bienfaits de l’amélioration par le progrés ? Quel est l’homme assez injuste pour lui imputer à crime la faculté de penser, quand Dieu lui-même la lui a départie ? Et pourquoi enfin ne pourrait-elle exprimer hautement cette pensée, lorsqu’elle se sent pénétrée d’une conviction intime et profonde ?

N’est-il pas pitoyable que, dans une nation aussi avancée que la nôtre dans la civilisation, la femme soit encore aussi loin en arrière !

Qu’a-t-on fait pour le développement de ses facultés, jusqu’à ce jour ? S’est-on donné la peine de discuter pour elle un plan d’éducation ? Que lui apprend-on ? Où se trouve la part active qu’elle devrait prendre dans les grandes questions d’ordre social, d’intérêts généraux ? Toutes les carrières de l’industrie lui sont-elles ouvertes ? Peut-elle puiser à volonté dans les mines inépuisables de la science ? Peut-elle librement espérer d’acquérir de la gloire, en cultivant les beaux arts, en y consacrant même les plus beaux instans de sa vie ? Oh ! non !… La gloire ! elle doit la redouter, la fuir ; on la lui ferait payer trop cher ! Loin de là, on a tenu fermé pour elle le temple de la science, et l’on a mis son industrie au rabais, pour avoir d’elle meilleur compte.

Hommes de tous les siècles, vous avez été à l’égard de la femme, ce qu’un monarque absolu est pour le peuple soumis à sa loi ; vous avez baillonné son intelligence, afin qu’elle se soumît sans trop de murmures à votre oppression, et vous êtes étonnés de ce qu’un jour elle s’éveille avec la pensée de travailler à son bonheur et au vôtre, en s’occupant du développement de ses facultés intellectuelles.

Et vous-mêmes ne lui avez vous point enseigné comment on marche au progrès, vous qui avez renversé des empires, et foulé aux pieds de vieilles dynasties, vous qui avez marché sans effroi à la mort, au cri magique de Liberté !

Mais loin de nous la pensée de préconiser de tels moyens, la femme est un être de paix et de douceur, qui perdrait le charme si touchant attaché à son sexe et qui verrait disparaître tout l’intérêt qu’inspire sa faiblesse, si jamais, oubliant les desseins de Dieu sur elle, elle voulait entreprendre de lutter par la force contre la force. La femme doit convaincre par le raisonnement et la justice de son droit.

Il n’est besoin de faire partie d’aucune secte nouvelle pour exprimer de telles pensées ; et nous le déclarons hautement, nous sommes convaincues que de toutes les religions, le christianisme est l’œuvre de morale la plus parfaite, cependant il faut le dire : notre siècle est anti-religieux. Pourquoi cette disposition générale au matérialisme ? Pourquoi cette aversion si prononcée de la foule contre la religion de nos pères ? C’est que les hommes l’ont gâtée en mêlant à la divinité de ses préceptes tout le hideux cortège de turpitudes enfantées par les passions humaines.

Pourtant, malgré ses nombreux détracteurs, simple et sublime la morale de l’Évangile n’en a pas moins conservé toute sa pureté. C’est cette morale que nous choisirons pour guide, en la dépouillant toutefois de tout le fanatisme dont on l’a entouré et de toute passion haîneuse ou intolérante ; car nous respectons toutes les convictions et n’en repousserons aucune, quand elles nous paraîtront manifestées de bonne foi. Ce que nous désirons avant tout, c’est le progrès de la femme ; et pour arriver à ce but, il faut qu’elle ait liberté d’opinions, comme de pensées et de culte.

Il est peut-être utile de donner ici un aperçu de ce que nous entendons par progrès, par émancipation appliqués à notre sexe, car il est des esprits organisés de telle sorte qu’il suffit d’émettre une idée nouvelle pour les jeter dans d’étranges perplexités.

Le vœu de notre cœur est que la femme puisse à son gré, aborder la carrière de la science et de l’industrie. Nous voudrions surtout qu’on s’occupât sérieusement d’améliorer et d’étendre le plan de son éducation ; que rien enfin de ce qui s’apprend par un sens moral ne lui fût interdit, afin qu’il lui fût possible de faire un heureux et digne usage de ce qu’elle possédera de dons naturels et acquis. C’est alors qu’il sera plus facile d’harmoniser les intelligences ; et l’homme supérieur, qu’il soit magistrat, savant ou artiste, possédera véritablement une compagne, une amie de laquelle il pourra être compris en toute chose, et de qui il pourra subir l’influence sans craindre de faire le mal qu’un caprice de femme ignorante et nulle, aura souvent obtenu d’une faiblesse condamnable.

Ne vaut-il pas mieux que l’influence que la femme a exercée de tout temps, en toutes choses, soit enfin raisonnée et raisonnable.

Une puissance ouverte et franche, basée sur le mérite et l’instruction, sera toujours moins redoutable que celle qui ne relève que d’une concession momentanée, capricieuse comme le sentiment qui l’accorde. La femme, marchant au progrès, travaille non-seulement à son bonheur, mais aussi à celui de l’homme, dont l’intérêt sera toujours lié au sien.

C’est ce qui nous fait désirer qu’elle ne soit pas arrêtée dans ses sympathies, par des préjugés pour le moins abusifs, et que des obstacles, sans cesse renaissans, ne lui soient point opposés, comme autant d’entraves, par ceux-là même, qui n’ayant qu’à gagner à sa marche progressive, devraient s’appliquer à lui applanir les aspérités du chemin.

Louise Maignaud

GEORGES.


S’il est des hommes dont l’existence entière est consacrée au bonheur de l’humanité, il en est d’autres qui ne cessent de lui nuire que lorsque la vie les abandonne. Dans un petit village des Basses-Pyrennées, vivait un de ces êtres abjects, dont l’ame méchante et envieuse souffre du bonheur d’autrui. Georges était son nom ; tout le monde le fuyait et jamais une main amie n’avait serré sa main, jamais les portes des chaumières ne s’ouvraient pour lui : aussi son caractère violent s’était-il fait de la haine une religion ; le sourire n’effleurait ses lèvres que lorsqu’il entrevoyait la possibilité de déverser sur ses semblables le fiel de son cœur.

Or, un jour sa joie fut grande, il y avait une vie à flétrir, une fosse à creuser, une famille à plonger dans un abîme de douleur et de désespoir.

Rose, la jolie et gentille Rose, allait unir son sort à celui de Julien son ami d’enfance ; tout faisait présager pour eux un avenir de félicité parfaite ; un mauvais génie sourit ; Georges était là.

Rose c’était l’orgueil du village, la perdre était pour Georges se venger de tous. Pour arriver à ses fins, il se servit des moyens les plus lâches : fit naître la jalousie dans le cœur de Julien, et attendit le jour de l’hymen pour porter le dernier coup à sa victime.

Dès le matin, les simples villageois ont revêtu leurs habits de fête, les parens sont réunis, les jeunes filles entourent la fiancée, et tous attendent joyeux l’heure de la cérémonie.

De son côté, Georges fait ses préparatifs ; lui aussi est joyeux, car il est sûr de réussir : une longue habitude du mal lui a appris à frapper juste, et ses inventions ont toute l’apparence de la réalité, il sait que Julien, naturellement soupçonneux et jaloux, croira facilement son amie coupable et il attend de la violence de son ressentiment un éclat déshonorant pour Rose et sa famille.

L’heure tant désirée approche, tous sont heureux, Julien seul est triste et rêveur, quelle en est la cause ? Nul ne le sait que le satanique Georges. Les amis de Julien le questionnent, il ne répond pas ; Rose elle-même essaye en vain de faire naître un sourire, il reste morne et silencieux. Le moment est venu, le cortège se met en marche ; mais du milieu de la foule une voix demande Julien ; il se présente, un inconnu lui remet une lettre, Julien s’empresse de l’ouvrir. Personne ne sut ce qu’elle contenait, mais on assure que le fiancé devint furieux à sa lecture, que de ses grands yeux noirs jaillirent des éclairs de fureur, et que de ses lèvres contractées, s’échappèrent ces mots : Rose tu m’as trahi, malédiction sur toi !

Puis il disparut et ne revint jamais…

Quelques villageois aperçurent bien, cachée derrière un arbre, la hideuse figure de Georges qui grimaçait un sourire de satisfaction ; mais personne ne le soupçonna, tout le monde crut Rose coupable et on l’abandonna. Sa mère seule, sa bonne et vieille mère murmura des paroles de consolation ; elle seule soutint Rose mourante au retour à la chaumière, où pas une main amie ne vint essuyer leurs pleurs.

Depuis ce jour Rose triste et malade, renferma sa peine dans son ame ; elle voulait éviter à sa mère la plus cruelle de toutes les douleurs, celle de voir souffrir un être aimé.

Durant la journée, elle se livrait avec activité à ses travaux habituels ; la nuit, seule avec sa douleur, elle donnait un libre cours à ses larmes, alors le passé se retraçait à sa pensée, avec ses innocentes joies, ses plaisirs purs et ses rêves de bonheur, pour la plonger dans une douleur plus amère.

Bientôt sa santé s’affaiblit, ses forces diminuèrent, son courage l’abandonna. Sa mère l’entoura de soins affectueux, elle appela le docteur du village ; mais les secours de l’art furent impuissans, devant cette violente maladie du cœur ; le mal triompha, Rose mourut.

Elle fut enterrée dans le petit jardin de la chaumière et chaque jour sa bonne mère arrosait les fleurs qui ornaient sa modeste tombe.

La justice céleste la vengea de tous les maux qu’elle avait soufferts ; les remords vinrent enfin assaillir le cœur de Georges. Sans cesse poursuivi par de sombres visions, sa vie n’était plus qu’un continuel passage de craintes et de terreurs ; une fièvre violente minait sa vie et aliénait sa raison. Dans les accès de délire qui le saisissaient chaque jour, il répétait les noms de Rose et de Julien ; cette particularité éveilla les soupçons et l’on découvrit bientôt, que lui seul, par ses manœuvres adroites, avait causé la mort de l’une, et détruit le bonheur de l’autre.

Alors il devint pour tous un objet d’horreur ; accablé de maux de tout genre, poursuivi par le mépris et la haine de ses voisins, il fut forcé de fuir.

Quelques années après, par une froide nuit d’hiver, un homme traversait le village d’un pas chancelant ; la misère et la maladie avaient courbé son corps encore jeune ; de sourds gémissemens s’échappaient de sa poitrine oppressée ; il se traîna avec peine jusqu’au tombeau de la jeune fiancée, et dit : Rose tu es vengée !

C’est presque toujours à une première éducation mal dirigée que l’on doit attribuer le développement de tels caractères ; une mère peut, par ses leçons, si non changer entièrement, du moins modifier les mauvaises inclinations de son enfant ; mais elle doit y travailler de bonne heure, alors que le jeune cœur reçoit facilement les impressions qu’on veut lui donner ; plus tard ces défauts deviendront des vices, et il ne sera plus temps de les déraciner, lorsque honni, chassé, il aura pris en haîne ses semblables et ne vivra plus que pour leur nuire.

Jusqu’à ce jour, beaucoup de femmes du peuple, élevées elles mêmes sans aucun soin, ont été incapables d’inculper à leurs enfans des préceptes de saine morale ; mais maintenant qu’on travaille au développement des facultés de la classe pauvre, la société ne sera plus, osons l’espérer, froissée par de tels caractères.

Marie.
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MUSIQUE.
CONCERTS DE M. BROD ET DE Mme GORDONI.

Depuis quelques années le goût de la bonne musique s’est développé à Lyon dans une progression rapide dont nous nous réjouissons.

La musique a une action puissante sur l’imagination ; elle l’attendrit ou l’exalte, lui fait froid ou l’enflamme ; aussi de tout temps a-t-elle conduit les hommes aux plus hauts sentimens religieux, au dévouement le plus sublime, et les victimes du culte ou celles de l’épée, lui ont dû souvent leur enthousiaste abnégation.

Traduction des sensations de l’ame, pour être vraie, la musique doit toujours être imitative et s’harmoniser avec le sens des mots de manière à leur servir d’interprète ou de symbole. Les mœurs d’un peuple, ses goûts, sa nature, lui donnent un cachet particulier, et l’on peut dire qu’elle est l’expression, en sons, du langage de l’humanité.

M. Brod, premier hautbois de l’Académie Royale, dans le premier concert qu’il a donné au palais St-Pierre, a justifié notre opinion en imitant, avec son inimitable talent, toutes les scènes de la vie pastorale. Jamais plus doux sons n’avaient frappé notre oreille, jamais notre cœur n’avait été plus délicieusement ému. Quelle pureté d’exécution, quelle grâce de modulations ! qu’il y a de tendresse et de larmes dans cette voix plaintive d’un instrument ! Aussi dans cette antique chapelle St-Pierre, si riche de pieuses sculptures, on eût dit que tout reprenait une nouvelle vie, et que, anges et saints, se détachaient du mur pour prêter au concert une oreille attentive. Que d’harmonie dans ces attitudes d’extase et de prière, que de sentiment dans cette joie religieuse que M. Brod semblait augmenter ! que de douces émotions, surtout, ont été senties par l’auditoire qui nous semblait, par sa physionomie, un monde à part, tout d’expression et d’intelligence.

Remercions M. Brod de tant d’émotions, remercions M. Hainl et son beau talent, et nous femmes, surtout, remercions Mmes Montgolfier et Derancourt, qui ont si puissamment contribué aux plaisirs de la soirée. Nous aurons à revenir sur leur compte, car nous sentons qu’un mot pour elles, ne suffit ni à leur gloire, ni à notre justice !

Nous regrettons que l’espace de notre feuille nous limite aujourd’hui au point de nous empêcher de dire toute notre pensée sur la cantatrice italienne, Mme Gordoni. C’est un bon mezzo contr’alto. Elle pause bien sa voix, a de belles notes, une bonne méthode, mais pas de souplesse. Son chant est sec, et sa voix qui doit être fort bien placée dans les morceaux d’ensemble, perd beaucoup de charme à être entendue seule. Est-ce, peut être, que Mme Gordoni a besoin d’une plus vaste salle pour développer tous ses moyens, cela se peut. M. Forgas, jeune débutant qui donne des espérances, dit trop rapidement le récitatif, nous l’engageons à donner plus de temps à ses études.

M. Donjon, si justement nommé le Tulou lyonnais, a donné beaucoup de prix à la soirée. M. Bender a tenu le piano en homme de talent.

Dans un prochain numéro nous rendrons compte du dernier concert de M. Brod.

Eugénie Niboyet.
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SALON LYONNAIS.

Le musée de Lyon offre cette année une collection de tableaux fort remarquables. Nous aurons à mentionner particulièrement ceux de MM. Guichard, Diday, Fonville, Guindrand et Gros Claude, comme ayant donné les meilleures compositions.

M. GUICHARD.

La Mauvaise Pensée, tableau parfaitement peint, est d’une main heureuse et hardie. Un homme, en costume du moyen-âge, médite un crime ; le front appuyé sur la main gauche, il fixe d’un regard qui effraie ; dans sa main droite est un poignard ; derrière lui un génie satanique, une figure de cuivre, un démon incarné lui sourit et le protège de son bras infernal. Il y a dans cette tête d’homme, qu’une mauvaise pensée domine, toute la fureur et le délire du crime. On ne voit pas la victime, et cependant on sent que c’est au cœur qu’il va la frapper ; son œil, son bras en ont marqué la place. On en a froid.

Ce tableau pèche un peu par le dessin, mais il est si beau de couleur, le ton des chairs est si naturel, la vie circule si bien partout, qu’on doit passer sur quelques incorrections. M. Guichard est élève de la nouvelle école française ; il fait du romantisme en peinture comme Victor Hugo en littérature. Nous lui prédisons de bons et honorables succès. Son genre tient de celui du Titien et de celui de Ingres, deux maîtres dignes d’un tel élève.

LE RÊVE D’AMOUR.

Nous voudrions dire du Rêve d’Amour autant de bien que de la Mauvaise Pensée, mais en vérité nous ne le pourrions sans trahir notre conscience. Ce tableau ne se comprend pas d’abord : c’est un grand travail ; mais l’ensemble en est énigmatique. Il y a de beaux tons, de lascives images, qui dorment, qui rêvent, qui froncent le sourcil ; mais que veut dire cela ? Une maîtresse s’endort, dit-on, auprès de son amant, et celui-ci est surpris par le sultan, propriétaire de la belle, c’est bien ce que semblerait indiquer le poignard de ce personnage. Toutefois il nous semble que pour l’outrage qu’on lui fait il n’a pas assez de colère. Ainsi nous trouvons que la Cadine dort avec trop de calme, que le jeune militaire n’a pas l’air de ramasser le cimeterre, et que le sultan n’est pas assez sultan. Il y a aussi des incorrections de dessin dans ce tableau. M. Guichard a pris pour modèle une femme peu gracieuse ; son buste est mauvais, et sa tête d’ailleurs très-belle n’a rien de distingué dans les traits. N’importe, il y a dans tout cela une inspiration de grand maître. Toutes les têtes mises en bustes dans des cadres seraient admirables à voir, et nous croyons que les premiers sujets tiendraient à honneur de les avoir faites. Au total, M. Guichard a eu du bonheur autant que du talent. Il commence une belle carrière, il saura la fournir ; la gloire l’attend.

Eugénie Niboyet.

UN NOM POUR DEUX CŒURS.

Vous me manquez, je suis absente de moi-même.
Hernani.

Je t’écrirai toujours, ne fut-ce que des larmes ;
Je t’enverrai mon nom qui signa tant d’amour :
Mets-le dans ta prière, et jusqu’à ton retour
Le tien me servira d’appui dans mes alarmes.
Si Dieu le veut tu reviendras :
Et mes pleurs, tu les essuieras !
Ton nom ! Partout ton nom console mon oreille ;
Flamme invisible, il vient saluer ma douleur.
Il traverse pour moi le monde et le malheur ;
Et la nuit, si mon rêve est triste, il le réveille.
Il dit : « Encor nous souffrirons ;
Mais toujours nous nous aimerons ! »
Tu sais que dans mon nom, le ciel daigna l’écrire ;
On ne peut m’appeler sans le jeter vers moi :
Chaque lettre en est mienne, et me mêle avec toi.
Doux échos l’un de l’autre, ils volent pour se dire :
« Comme l’eau dans l’eau pour toujours,
Tes jours couleront dans mes jours ! »

Marceline Valmore

Nous croyons faire plaisir à nos lectrices en plaçant après les vers si doux de Mme Valmore les vers si tendres qu’elle inspira à son mari long-temps après leur union. C’est un moyen de faire à la fois l’éloge des deux époux.

À MARCELINE.

Toi, que l’amour m’offrit pour désarmer le sort ;
Toi, qui me fis douter du pouvoir de la mort,
D’où tiens-tu le secret de tes accens magiques ?

Qui t’apprit à former ces philtres poétiques,
Dont le charme enivrant soumet tout à ta voix ?
Enseigne-moi ton art et ses divines lois,
Aimable enchanteresse, ange de poésie ;
Fais couler dans mes vers ta céleste ambroisie.
Messie harmonieux promis à mon amour,
Le bonheur par tes mains me compte chaque jour ;
Je voudrais l’exprimer, je voudrais le répandre,
Peindre ce que j’éprouve à te voir, à t’entendre,
Expliquer de mon cœur les doux étonnemens,
Cette ivresse des cieux, ces purs enchantemens.
Dans mon sein sommeillait mon ame détendue ;
Cette ame à ton aspect tressaillit, éperdue !
Je m’éveille, et j’existe. — Oh ! jamais, dans l’Éden,
L’homme, allumant sa vie au flambeau de l’hymen,
Ne sentit de plus douce et suave harmonie
Quand l’amour s’éveilla dans son ame endormie.
Voyageur sans amour, perdu sur le chemin,
Abandonné sans guide à mon triste destin,
Fatigué, jeune encore, on eût dit qu’à mon âge
J’achevais du malheur le long pèlerinage.
D’un cœur né pour aimer le funeste présent
Ralentissait mes pas sous son fardeau pesant ;
La tristesse étendait son voile sur ma route,
Et du ciel à mes yeux il dérobait la voûte.
La rive était sans fleurs ou les fleurs sans parfum ;
Tout était pour ma vue un objet importun.
Cependant, au milieu de cette solitude,
J’éprouvais du désir la vague inquiétude,
D’un bonheur éloigné le doux pressentiment,
Ce vague avant-coureur du plus cher sentiment.
Telle éveillée, aux feux d’une naissante flamme,
Marbre encor, Galathée a deviné son ame :
Tu m’apparus, la vie en moi se révéla ;
Je m’arrêtai, j’aimai, la douleur s’envola.
De tes traits adorés la tendre mélodie

Dissipa de mon cœur l’amère maladie,
Et sur ton frais chemin par mes vœux emporté,
Avec toi je commence un voyage enchanté.
Hier l’astre des nuits, sur le fleuve rapide,
De ses feux argentés enflammait l’eau limpide ;
Les flots, en s’écoulant, s’éteignaient dans leur cours ;
Fidèle au même lieu, l’astre brillait toujours.
Amour, telle est ma vie en son brûlant voyage ;
Mes jours en s’écoulant me laissent ton image.

Prosper VALMORE.
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MODES.

Notre ville fabrique et expédie quantité de foulards imprimés pour robes d’hiver. Paris et la province font leurs provisions, en sorte qu’il est à croire que les femmes de bon goût, iront à l’emplette. Les dessins les plus chargés, les couleurs les plus vives et les plus foncées semblent surtout avoir la préférence. Les ceintures se portent ombrées et assortissent la nuance de la robe : tout cela est d’un charmant effet.

Les satins imprimés se porteront aussi beaucoup cet hiver. Les fleurs naturelles seront généralement employées.


ÉMISSION D’ACTIONS.

Nous avons annoncé que le Conseiller des Femmes, se fondait par actions, portant intérêt à 5 p. % l’an, nous croyons devoir informer nos lectrices, qu’à ce revenu sera ajouté un dividende, à prélever sur les bénéfices.

Les personnes qui prendront une action, auront droit à une insertion par trimestre. Celles qui en auront trois y auront un droit constant, et celles qui en auront dix, jouiront, non-seulement, de l’avantage des annonces, mais recevront, en outre, gratuitement le journal. Les actions sont transmissibles et payables au porteur, à dater de l’an et jour de leur date.

Les coupons et demi coupons sont envoyés sur la demande, qui en est faite, à la directrice du journal, rue Royale, no  14, à Lyon.

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Nous rappelions à nos lectrices que ce soir, à huit heures, dans la salle de la Bourse, palais St-Pierre, aura lieu le Concert de Mlle Aline BERTRAND, harpiste du premier mérite. La composition de cette soirée musicale est digne de l’artiste et du public. MM. Gustave Blès, Tilly et Forgas ; Mmes Gordoni, Vadé-Bibre, se feront entendre. L’habile violon de M. Baumann luttera dans un duo, de talent et de difficulté, avec la harpe de Mlle Bertrand.

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Les personnes qui n’ont pas encore soldé le montant de leur abonnement, sont priées de le faire acquitter de suite, afin de n’éprouver aucun retard dans l’envoi du journal.


Léon Boitel, gérant.