Le Corset - Fernand Butin/Circulatoire

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Respiratoire Le Corset - Fernand Butin Génito-urinaire


Influence du Corset sur l’appareil circulatoire.[modifier]

Le cœur est moins sensible à l’action du corset que le poumon. Quand le corset est placé, les battements s’accélèrent pendant les premiers instants de la constriction, puis ne tardent pas à s’apaiser ; si le corset n’est pas trop serré, il ne se passe rien d’anormal. C’est ce qu’a constaté Dechambre sur des jeunes filles de 17 à 20 ans, bien portantes et d’une constitution robuste. Mais, il en est. autrement lorsque le corset est trop serré. Alors, par la gêne de la circulation veineuse résultant de cette constriction exagérée, le cœur gauche doit faire des efforts anormaux, la dilatation cardiaque peut en résulter. Si le cœur est déjà hypertrophié, le corset vient aggraver la situation.

Œlsner a noté que « le corset gêne la circulation abdominale et celle des membres inférieurs, par suite de la pression du foie sur la veine cave inférieure il produit la compression du cœur; d’où, gêne de la circulation des membres supérieurs, de la tête et du cœur; congestion du visage; epistaxis. » Il est de pratique courante que les palpitations et les syncopes se produisent souvent chez les jeunes filles et les femmes trop serrées dans leur corset. A l'époque de Louis XV où cette striction était de règle, ces syncopes ou vapeurs étaient d'une extraordinaire fréquence. De nos jours, à la fin des dîners de cérémonie, dans les soirées, dans les théâtres, là où la gêne produite par le manque d'aération vient s'ajouter à celle du corset un peu plus serré encore que d'habitude, la syncope est également fréquente, c'est le malaise qu'ont le plus souvent à soigner les médecins de théâtre. Le simple délacement du corset fait tout rentrer dans l'ordre.

Il existe même plusieurs observations de mort subite pour cause de corset trop serré, notamment le cas rapporté par Ambroise Paré qui attribua à la compression du corset la mort d'une jeune mariée pendant la cérémonie nuptiale. Dans la Gazette des Hôpitaux, 1872, Reveille-Parise a noté l'observation d'une dame obèse qui mourut d'apoplexie pendant qu'on lui laçait son corset outre mesure.

A propos de l'action du corset sur le poumon, nous avons vu que le corset, en rétrécissant le champ de l'hématose, produit la désoxygénation du sang. Le corset par sa contriction exagérée, produit donc ce double effet : troubles de la circulation et sang de mauvaise qualité. Ainsi se trouvent réalisées d'excellentes conditions pour la production des maladies de l'appareil circulatoire et notamment de la chloro-anémie.

Influence du Corset sur l'appareil digestif[modifier]

1° ESTOMAC.[modifier]

Tous les praticiens ont constaté que les femmes et les jeunes filles qui portent un corset trop serré présentent des troubles digestifs plus ou moins marqués. Il est rare, cependant, que le médecin commence par attribuer ces troubles à leur véritable cause. En effet, par coquetterie et de peur de voir examiner et relâcher leur corset, les patientes supportent très longtemps en silence les symptômes les plus douloureux.

Le Dr Albert Mathieu, médecin des hôpitaux (L'estomac et le corset, Gazette des Hôpitaux, septembre 1893), dit à ce sujet :

« Un certain nombre de jeunes filles se retiennent de manger, soit pour conserver cette finesse de taille qui fait l'envie de leurs amies, soit, parce qu'étant trop serrées, elles éprouvent après le repas un malaise plus ou moins considérable, d'autant mieux qu'elles ont souvent, à un degré plus ou moins marqué, de la dyspepsie flatulente. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que les médecins de tous les temps se soient appliqués à signaler les dangers que l'ait courir l'abus du corset. Les femmes admettent sans discussion qu'on souffre pour être belle ; avoir gagné quelques centimètres de pourtour de taille, les console trop facilement des troubles dyspeptiques qui gâtent leur jeunesse et compromettent leur maturité. » M. Poirier nous enseigne que chez une femme normale, n'ayant pas fait usage du corset, les 8/9 de l'estomac sont situés à gauche de la ligne médiane du corps et 1/9, le canal pylorique et une petite partie du vestibule pylorique, à droite de cette ligne, dans la fosse hépatique. Le vestibule pylorique, le point le plus bas de l'estomac, se trouve en avant, à trois travers de doigts au-dessus de l'ombilic, chez les femmes ayant l'estomac dilaté, il se trouve très au-dessous.

Les deux points les plus fixes de l'estomac sont le cardia et la grosse tubérosité; on sait que cette dernière est fixée au diaphragme par adhérence de la séreuse stomacale avec le revêtement péritonéal du diaphragme. Le pylore est peu mobile, il est relié d'une part aux corps des vertébrés par l'intermédiaire du duodénum, maintenu d'autre part par le ligament hépatique reliant le pylore au cardia et au sillon transverse du foie.

La grande courbure est la partie essentiellement mobile de l'estomac; c'est elle qui est surtout déplacée par le corset trop serré.

A l'état normal, les contractions œsophagiennes et le poids des aliments introduisent ceux-ci dans l'estomac. M. Laborde a démontré que tant que dure la digestion stomacale, l'estomac se divise en deux cavités par suite de la contraction des fibres obliques. Les aliments solides restent dans la cavité inférieure tandis que la cavité supérieure laisse les boissons passer librement dans l'intestin en longeant la petite courbure. Faisons remarquer, en passant, que les découvertes de M. Laborde concordent parfaitement avec les idées de M. Glénard que nous exposerons plus loin.

Le mouvement des aliments se fait par action réflexe au moyen des contractions péristaltiques de l'estomac.

Les actes physiologiques s'accomplissent ainsi, lorsque l'estomac est libre. Il en est tout autrement quand cet organe est comprimé par le corset. Cette compression verticale en même temps que circulaire refoule l'estomac en arrière. Cette situation tolérée par l'estomac vide n'est pas possible dès que les aliments viennent l'emplir. La grande courbure qui est, nous venons de le voir, la seule partie vraiment mobile de l'estomac, se distend et l'estomac vient faire saillie au-dessous de la ligne maxima de striction, c'est-à-dire au-dessous de la taille ; la dilatation est constituée; même à l'état de vacuité, l'estomac ne reprendra plus absolument sa pièce normale.

La pression du foie tend de plus à chasser en même temps l'estomac vers la gauche.

Cet estomac refoulé vers la gauche et de haut en bas, va donc tendre vers la verticale, d'où, coudure duodénale analogue à un rétrécissement. La stase alimentaire se fera dans la partie dilatée, dans l'antre pré-pylorique.

Dès lors il y aura donc deux poches, une poche supérieure à gauche, au-dessus de la ceinture, aplatie et comprimée, cette portion ne contient presque que des gaz; la poche inférieure qui arrive à se distendre considérablement, contient les aliments et les liquides.

Ainsi se trouverait constituée la disposition en bissac' signalée par M. Glozier (de Beauvais).

Nous tenons à signaler ce fait ici parce que les auteurs qui se sont occupés de la question, notamment M. Chapotot. (L'estomac et le corset, Th. de Lyon, 1892), ont omis le nom de M. Clozier qui est le premier auteur de la conception défendue, postérieurement, par M. Chapotot et M. Bouveret.

Vers la même époque, M. Chabrier (De l'estomac biloculaire, Th. de Toulouse) étudiait la même question.

C'est également M. Glozier qui a déterminé le signe clinique de l'estomac en bissac. Les deux poches communiquant par une portion plus rétrécie, cette disposition fait que les mouvements respiratoires faisant passer les liquides et les gaz d'une poche dans l'autre, il en résulte un bruit spécial, a Ce bruit hydro-aérique, dit M. Clozier, perceptible à une distance de plusieurs mètres, est isochrone à la respiration ». Ce bruit de glouglou isochrone à la respiration est symptomatique de la compression stomacale par le corset, c'est lui qui bien souvent guide le diagnostic.

Mais, cet étranglement indispensable à la production du bruit de glou glou est-il réellement dû à la pression du corset, comme le pensent MM. Clozier, Bouveret, Chapotot, Trolard et Rasmussen? Telle est la question que se pose M. Glénard dans son livre sur les Ptôses viscérales. Pour cet auteur, la biloculation n’est pas produite par le corset, elle n’en est que le symptôme.

« Le corset, dit M. Glénard, peut tout au plus déterminer par l’intermédiaire du rebord costal, une très légère dépression circulaire, mais nullement cette atrésie nécessaire à la formation d’un bruit. Il est probable d’ailleurs que, pour ces auteurs, le terme biloculation n’a pas la même signification que pour moi. Je n’ai pas le premier signalé l’existence, mais je crois être le premier à avoir proposé l’adoption de la biloculation comme un temps normal de la contraction physiologique de l’estomac. Que l’action du corset favorise ce qu’il peut y avoir d' « anachrone » dans cette contraction, qu’il intervienne pour exciter les contractions et rendre bruyante, par le fait de la respiration, une disposition qui sans lui resterait silencieuse, c’est à mon avis tout ce dont on peut l’accuser, mais le corset ne peut pas lui-même causer la biloculation suffisante à la possibilité d’un bruit ».

M. Glénard conclut : « Le borborygme spontané est causé par la biloculation gastrique « fonctionnelle », il est un signe de gastroptose ».

Les auteurs qui se sont occupés de ce point particulier sont donc en contradiction. Cette question doit donc être réservée.

Il n’en reste pas moins acquis que le corset produit le borborygme caractéristique de la biloculation, quelle que soit d’ailleurs la cause de cette biloculation.

Il est en tout cas incontestable que le corset trop serré gêne considérablement la digestion et produit la dilatation prépylorique.

Comment se traduit la compression de l'estomac par le corset? Au début, par des troubles très peu prononcés.

Si la compression du corset est faible, il y a simplement une sensation de gêne, de poids à l'épigastre, cette sensation est déterminée par la difficulté que l'organe comprimé éprouve pour se distendre.

Lorsque le port du corset serré est habituel, les symptômes sont beaucoup plus accentués. La digestion est très, retardée et très douloureuse, les fibres musculaires devant faire un effort beaucoup plus considérable pour chasser les aliments qui stationnent dans l'antre prépylorique. Cette progression des aliments de bas en haut est encore ralentie par ce fait que le pylore, se trouvant juste sur la ligne de striction maxima, est encore comprimé par le corset.

Ce ralentissement dans la marche du bol alimentaire produit des fermentations qui dégagent des gaz dont la plus grande partie se loge dans la poche supérieure et qui viennent augmenter encore la dilatation. Quand cette dilatation atteint un certain degré, l'estomac n'évacue jamais complètement le bol alimentaire et les symptômes arrivent à leur maximum.

Les douleurs éprouvées par les malades sont souvent confondues avec celles de l'hyperchlorhydrie, mais elles sont cependant beaucoup moins régulières. L'hyperchlorhydrie apparaît régulièrement après tous les repas, tandis que les douleurs dues à l'estomac comprimé et dilaté font parfois défaut. C'est cette irrégularité qui permet de faire le diagnostic différentiel. De plus, dans l'hyperchlorhydrie, les douleurs sont calmées par les alcalins à haute dose, ce qui ne se produit pas dans l'estomac comprimé et dilaté par le corset. Quelquefois, ces deux affections se rencontrent chez le même sujet, ce qui augmente la difficulté du diagnostic. M. Bouveret pense qu'il y a le plus souvent anachlorhydrie ou hyperchlorhydrie ; l'hypochlorhydrie serait plus rare.

Le plus souvent, on trouve en même temps les signes ordinaires de l'atonie, sensation de pesanteur à la fin des repas, palpitations, gêne de la respiration, constipation, etc...

A la percussion, on constate que le grand cul-de-sac est en haut et que l'organe entier se traîne vertical et à gauche.

La simple vue de la femme permet de voir sur le thorax le sillon dû à la striction du corset.

M. Albert Mathieu signale à ce sujet un fait heureusement très rare. Dans cette dislocation, dit cet auteur, il y a tendance à l'abaissement du pylore et, en conséquence, coudure du duodénum. Lorsque cette coudure se fait au-delà de l'embouchure du cholédoque, la bile pourrait, de son poids, directement tomber dans l'estomac par la première portion du duodénum et le pylore dilaté. De là, la pénétration dans la poche gastrique d'une quantité considérable de bile (une malade de M. Weil en vomissait deux litres par jour) des troublés accentués de la digestion stomacale et des phénomènes d'épuisement.

La dilatation bi-loculaire et les symptômes qui raccompagnent sont aujourd'hui connus. Un grand nombre d'auteurs les ont observés. Sœmmering rapporte avoir observé un estomac presque partagé en deux par la compression d'un corset.

Sappey et Cruveilher ont bien décrit l'estomac biloculaire, Glénard en parle longuement dans son traité de l'enteroptose, en faisant des réserves sur ses causes.

M. Trolard (Note sur l'état biloculaire de l'estomac) prétend au contraire que la biloculation a pour cause évidente la striction du corset.

M. Bard, dans son précis d'Anatomie pathologique, fait remarquer que dans ces dilatations, les parois sont toujours plus ou moins altérées. La tunique musculaire est le siège d'une hypertrophie notable.

Nous-mêmes, pendant notre stage chez M. Thibierge, avons eu l'occasion de constater (voir plus loin l'observation); un cas bien typique de dilatation biloculaire de l'estomac.

Mmes les Drs Tylicka et Gaches-Sarraute ont rapporté un grand nombre d'observations intéressantes à ce sujet.

OBSERVATION (Mme Gaches-Sarraute). — Mme G..., 35 ans, estomac très dilaté, avait des éructations pendant des heures entières (son entourage prétendait qu'elle avalait de l'air en parlant), figure tirée, yeux creusés, femme tout à fait malheureuse, ne pouvant pas se trouver en société. En mai 1897, je place à cette malade un corset spécial, bien adapté, ne comprimant pas l'estomac et soutenant la paroi abdominale. Le fait seul de lui soulever le ventre provoque des éructations tellement violentes qu'elles aboutissent à un évanouissement. Néanmoins, le corset est adapté, les accidents diminuent petit à petit ; au bout de six mois, la malade est complètement guérie de ses troubles digestifs et de ses éructations, elle est actuellement très bien portante et a beaucoup engraissé.

OBSERVATION (Mme Tylicka). — Une jeune fille de 18 ans, très serrée dans son corset. Bruit de glou-glou dans l'hypocondre gauche, surtout pendant l'inspiration, et presque toujours lorsqu'elle est assise. On enlève le corset, le bruit cesse; en exerçant avec les deux mains une compression de la taille simulant celle du corset, il recommence. Dans la station horizontale il disparaît, même si la taille est serrée par le corset. La malade dit que parfois il disparaît après le repas, quand se sentant très ballonnée elle est obligée de desserrer ses vêtements. Elle est pâle, anémique et souvent constipée.

Le plus souvent, les accidents diminuent et même disparaissent complètement avec la suppression de la cause, c'est-à-dire avec l'enlèvement du corset auteur du mal, et son remplacement par un autre plus normal, plus hygiénique, moins serré.

OBSERVATION (Personnelle). — Une personne de nos relations, Mme B..., âgée de 47 ans, souffre depuis longtemps de l'estomac et d'une constipation opiniâtre. Elle est très maigre, ne digère rien, est obligée de s'étendre sur une chaise longue ou sur son lit, afin de pouvoir digérer. Elle a régulièrement des éructations et une sensation de tiraillement a l'épigastre, surtout pendant la marche. Sur nos conseils, cette personne se repose quelques semaines en renonçant complètement au port du corset-Dès la première semaine, les symptômes douloureux diminuent d'intensité. Au bout de trois semaines, la digestion se fait beaucoup plus vite et la malade n'est plus obligée de se coucher. L'amélioration continue, sauf la constipation qui est très opiniâtre.

Au bout d'un mois, Mme B... se sert d'un corset construit sur nos indications. Dans ce corset, court, droit devant, très peu baleiné, toute la portion en contact avec l'estomac a été enlevée et remplacée par du tissu élastique de bas à varices.

Cet essai, fait en 1899, est très heureux, le mieux se maintient; Mme B... ne se sépare jamais, dans la journée, de son corset qui ne lui cause aucune gêne, tout en lui rendant les mêmes services que le précédent.

Depuis, nous avons revu souvent cette dame qui digère maintenant très bien.

Ainsi, dans ces cas de dilatation douloureuse de l'estomac, la prophylaxie est simple : il faut supprimer la cause ou tout au moins l'atténuer, en rendant le corset le moins nuisible possible.

2° FOIE[modifier]

L'action du corset sur le foie a été l'objet de discussions nombreuses. Le corset abaisse-t-il réellement primitivement le foie, ou bien, comme le croient MM. Faure et Glénard, abaisse-t-il seulement davantage les foies déjà abaissés?

M. Gharpy écrit à ce sujet : « La constriction par les vêtements, et spécialement par le corset, ne me paraît pas suffisante à elle seule pour abaisser le foie, car j’ai observé plusieurs fois que l’organe, très déformé, était resté en place ou même était surélevé et rétroversé. Il est très vrai que, dans la majorité des cas, on trouve le bord inférieur bien au-dessous des côtes, et même dans la fosse iliaque ; mais, outre que, dans ces cas, l’abaissement est compliqué d’anteversion et d’allongement vertical du viscère, ce déplacement n’est rendu possible que par la détension abdominale qui accompagne ordinairement la constriction. L’intestin grêle prolabé, le colon transverse vide ou abaissé, l’estomac plus ou moins disloqué, ne fournissent plus au foie le coussin élastique qui le maintenait en place. Il fuit du côté de la moindre résistance. »

Quoi qu’il en soit, que le corset produise directement l’abaissement du foie ou augmente simplement cet abaissement, consécutif à l’entéroptose générale, l’influence pathogénique du corset ne saurait être contestée. Les lésions que l’on trouve à l’autopsie de femmes ayant porté des corsets très serrés en sont la preuve absolue.

Tous ceux qui ont assisté à un certain nombre d’autopsies, ont constaté ces sillons accidentels de la face convexe du foie.

En 1898, pendant notre stage à la Pitié, dans le service de M. Thibierge, nous avons assisté à une autopsie qui nous a vivement frappé. Il s’agissait d’une femme toute jeune décédée à la salle Cruveilher. Le foie, considérablement abaissé, présentait, à sa face convexe, un sillon transversal, avec des signes très marqués de péri-hépatite suppurée. Ce sillon transversal coïncidait exactement avec le sillon de la peau portant les macules de la ligne de constriction maxima du corset.

Ci-dessous (fig. n° 16) la reproduction d'une figure du

Fig. 16.

Traité d'Anatomie de M. Poirier, qui représente bien les lésions que nous avons nous-mêmes constatées.

Tous ceux qui ont fait un certain nombre d'autopsies ont constaté ces sillons, signalés d'abord par Cruveilher, qui les divisa en deux espèces. M. Charpy, d'après Cruveilher, en distingue deux variétés (bien apparentes sur notre figure) :

Les sillons costaux ;

Les sillons diaphragmatiques.

La citation de ce passage de M. Charpy est d’un haut intérêt, car elle démontre absolument que la cause déterminante est bien la construction du thorax par le corset.

a On distingue, dit M. Charpy, les sillons costaux et les sillons diaphragmatiques.

Sillon costal. — Le sillon costal siège sur la partie latérale et antérieure du lobe droit. Il est transversal ou faiblement oblique dans le sens des côtes, d’aspect opalin, cicatriciel ; long de 5 à 10 centimètres et plus. Il est ordinairement plat, superficiel, rarement profond et étroit. Il est le plus souvent unique, ou, si l’on en observe un ou deux autres au-dessus de lui, ce sont de simples empreintes qui vont en diminuant. Leue, qui a examiné systématiquement 516 sujets d’autopsie, à Kiel, a noté ce sillon chez l’homme dans 5 0/0 des cas, chez la femme dans 56 0/0. Il ne se rencontre jamais avant 15 ans. La cause paraît résider uniquement dans la constriction des vêtements, d’où sa fréquence considérable chez la femme. Il correspond tantôt à l’empreinte de la 7e côte, qui marque la limite supérieure de la partie comprimée ; tantôt, et le plus souvent, au rebord costal de l’ouverture thoracique ; ce dernier cas suppose que l’empreinte s’est faite sur un foie abaissé ou débordant.

Le foie est ordinairement allongé dans le sens vertical, et, quand le sillon est profond, il prend l'aspect d'un sablier à deux lobes superposés, foie en sablier, hour glass shaped des auteurs anglais.

Silions diaphragmatiques. — Ces sillons diffèrent nettement du sillon costal avec lequel, d'ailleurs, ils coexistent fréquemment. Ils siègent sur le sommet du foie, sur son lobe droit surtout et sur la limite des deux lobes, exceptionnellement à gauche. Leur direction est antéro-postérieure. Presque toujours multiples, de 2 à 6, profonds de là 2 c. m., et étroits, ils n'ont pas l'aspect cicatriciel ; le tissu du foie est normal, et si on les observe sur les organes en place, on voit qu'ils contiennent un pli du diaphragme qui s'enchâsse exactement dans leur gouttière. Le diaphragme une fois retiré montre une disposition fasciculée ; chaque faisceau hypertrophié correspond à un sillon. Les sillons diaphragmatiques sont fréquents chez la femme ; Mattei les a observés 35 fois sur 59 femmes. J'en ai rassemblé un grand nombre de cas, et, quoi qu'3n dise Zahn, ils sont rares chez l'homme. Comme les sillons costaux, ils n'existent pas avant l'âge de 15 ou 20 ans, et sont d'autant plus accentués qu'on a affaire à des sujets plus âgés. On a discuté beaucoup sur leur cause. On a fait tour à tour intervenir l'hypertrophie fasciculée du diaphragme, les lésions pulmonaires chroniques s'accompagnant de dyspepsie, la contriction des vêtements. Nous pensons que le rétrécissement de la base de la poitrine dans le sens transversal, c'est-à-dire de droite à gauche, est la condition fondamentale pour la production de ces sillons, et que cette constriction à son tour est le plus souvent produite par les vêtements ; celle-ci agira d’autant plus efficacement que le foie sera normalement ou pathologiquement plus volumineux.

Le foie comprimé se tasse verticalement et entraîne le froncement du diaphragme qui s’y enfonce Cette explication n’exclut pas la possibilité d’autres causes exceptionnelles, telle que le rétrécissement du thorax par le rachitisme ou la dypsnée.

Presque toujours ces sillons s’accompagnent d’au Ires déformations du foie. L’organe prend une forme bombée (foie en dôme) dans le cas de sillon diaphragmatique, et son diamètre vertical atteint 10 et 11 c. m. Le bord inférieur dépasse le rebord costal et s’avance vers la crête iliaque. Sur la face inférieure, la vésicule biliaire est pincée transversalement et projetée en avant ; le lobule de Spiegel se pédiculise, s’amincit et s’allonge. Sur le lobe droit, à droite de la vésicule, une portion du foie au-dessous du sillon costal se détache, se mobilise et parce que Riedel (Berlin 1892) a montré qu’il coïncidait fréquemment avec des calculs biliaires. Sur le lobe gauche, des parties atrophiées se transforment en appendices membraneux qui se replient en tous sens. Enfin, c’est sur ces mêmes sujets qu’on trouve les déformations extérieures du thorax, l’estomac biloculaire et le rein mobile. »

M. Glénard, lui, pense, et nous croyons qu’il a raison » que des causes multiples peuvent, sans le secours du corset, déformer, abaisser le foie ; entre autres, la diminution de la tension abdominale, la diminution de la tension intrahépatique qui sont les causes les plus importantes d’hépaloptose. Le corset n’intervient qu’après, pour augmenter cet abaissement.

M. Faure, dans sa thèse de 1892 sur L’appareil sus-penseur du foie, — L’hépatoptose et l’hépatopexie — soutient la même opinion.

« Les corsets de tout genre et de tout mode, dit cet auteur, s’appliquent par leur point le plus rétréci, très exactement à la taille, immédiatement au dessus de la hanche, c’est-à dire de la crête iliaque, en dessous du rebord costal. La constriction de l’abdomen, lorsque le corset est serré, se fait donc en avant, tout au-dessous des côtes, et par conséquent au-dessous du foie. Il tend donc à soutenir le foie, à le soulever même, et non à l’abaisser. Il ne peut avoir cette dernière influence que lorsque le foie est déjà descendu et c’est dans ces cas qu’on rencontre, sans doute sur sa surface, l’empreinte du corset, empreinte qui ne saurait évidemment se transmettre à travers la cuirasse costale. Il est donc probable que les cas assez nombreux où l’on a signalé une déformation du foie sous l’influence du corset, étaient, eux aussi, des cas d’hépatoptose mal observés. »

Il résulte des travaux de MM. Glénard et Faure que le corset ne saurait à lui seul produire l’abaissement du foie, mais qu’il augmente cet abaissement lorsqu’il existe déjà.

3° INTESTINS. — ENTÉROPTOSE[modifier]

On désigne sous ce nom, d'après M. Glénard, le prolapsus de la masse intestinale auquel s'ajoutent successivement le prolapsus du rein, du foie, de la rate. Cette entéroptose s'accompagne presque toujours des troubles nerveux qui caractérisent la neurasthénie.

En paralysant la tonicité des muscles de l'abdomen, le corset a évidemment une grande importance pathogénique dans la production de l'entéroptose et des autres ptôses consécutives, et aussi de la neurasthénie qui les accompagne souvent. C'est une des raisons pour lesquelles l'entéroptose est plus fréquente.

Tel est l'avis de M. Bouveret qui, dans son ouvrage La neurasthénie, 1891, déclare que :

« Il est certain que l'affection de Glénard est beaucoup plus commune chez la femme que chez l'homme ; c'est que chez la femme, aux deux causes précédentes de la neurasthénie elle-même, la dilatation de l'estomac et l'amaigrissement, s'ajoutent deux autres causes extrinsèques plus communes encore et surtout bien plus efficaces, à savoir l'extrême distension de la paroi abdominale par les grossesses répétées et la constriction de la taille par l'abus d'un corset trop étroit et trop serré. »

A la fin de son ouvrage, M. Bouveret conclut que : « La constriction de la taille par le corset est la cause la plus commune et la plus efficace de l'entéroptose. A l'aide de moules reproduisant la configuration de l'es tomac chez des femmes de divers âges, M. Ziemsen a bien mis en évidence la situation de plus en plus vicieuse que donne à cet organe la constriction exagérée et prolongée de la taille par l'abus du corset : le grand axe tend à devenir vertical, l'estomac prend une forme cylindroïde qui rappelle celle du gros intestin dilaté et la région pylorique s'abaisse de plus en plus dans l'abdomen. De cet abaissement résulte un obstacle au passage de la masse alimentaire du pylore dans le duodénum ; de là l'exagération du péristaltisme stomacal, qui devient douloureux quelques heures après le repas, de là la dilatation de l'estomac et l'entéroptose consécutive. Aussi, dans tous les cas d'atonie gastro-intestinale neurasthénique de la femme, faut-il conseiller à la malade d'éviter cette constriction de la taille, et, dans les cas graves, lui faire comprendre la nécessité de supprimer entièrement le corset. »

MM. Glénard et Fa tire sont moins affirmatifs sur le rôle étiologique du corset dans l'entéroptose; ils constatent cependant que le corset trop serré intervient toujours comme cause secondaire de l'entéroptose qu'il augmente et accélère.

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