Le Croyant/XII

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Le soir, dans la bruyère et dans le fond des bois,
Le peuple entend gémir de lamentables voix ;
Les airs sont infectés d’une vapeur mortelle ;
L’oiseau, morne, inquiet, soulève à peine une aile
Qui ne peut soutenir son languissant essor.
Il gémit ; on dirait qu’il voit venir la mort,
Une sombre terreur plane sur la nature ;
Le riche en son palais, le pauvre en sa masure,
Chacun tremble ; soudain le monstre redouté
Apparaît ; devant lui tout fuit épouvanté ;
Il frappe sans pitié la vierge sans défense
Et l’enfant que ne peut protéger l’innocence.
Le fatal instrument qui creuse les tombeaux,
Ni le jour ni la nuit, jamais n’est en repos ;
Du monotone airain gémit la voix plaintive.
Affrontant les dangers d’une funeste rive,
Où se montre partout le spectre du trépas,
Alors que chacun fuit, le Croyant ne fuit pas.
Voyez-le dans ces temps de tristesse et d’alarmes :
À braver le péril il sait trouver des charmes ;
Au chevet du malade il s’empresse toujours ;

À calmer la douleur il dépense ses jours.
En Flandre, sous le toit d’une frêle chaumière,
D’une lampe s’éteint la tremblante lumière ;
La nuit étend partout son voile nébuleux ;
Sur un pauvre grabat gémit un malheureux ;
La mort, en épanchant ses pâles violettes,
Vient se fixer déjà sur ses lèvres muettes ;
Mais un prêtre fervent, qui lui parle du ciel,
Lui dépeint le bonheur du séjour éternel.
Le malade, en prêtant l’oreille à ce langage,
A senti dans son cœur renaître le courage ;
Le séjour des élus à lui s’est dévoilé ;
Il embrasse le Christ, puis il meurt consolé.


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