Le Dhammapada/Introduction

La bibliothèque libre.


Traduction par Fernand Hû.
Ernest Leroux (Bibliothèque orientale elzévirienne, XXIp. i-lxv).

INTRODUCTION





I



LOrient n’a pas été seulement l’officine des nations, il a été aussi l’officine des religions. Mazdéisme, Judaïsme, Buddhisme, Christianisme et Islamisme, toutes se sont levées dans les mêmes contrées que le soleil, soit à côté, soit au milieu des cultes naturalistes et multiformes d’Osiris, d’Isis et d’Horus, d’Astarté et de Baal, d’Agni, d’Indra, de Bacchus et de Dêmêtêr. Les purs et monotones horizons des pays chauds, image de l’infini ; l’inactivité, favorable à la spéculation, d’une vie qui s’affaisse sous le poids du jour, sans plus d’appétits scientifiques que de besoins matériels ; une impressionnabilité poétique extrême, mais sensible aux côtés séreux et grandioses, non plaisants et mesquins des choses, tout, et dans la nature ambiante, et dans leur manière d’être comme dans leur manière de voir, prédisposait les Orientaux, qui ne rient pas, à devenir les initiateurs religieux de l’humanité.

Le buddhisme mérite tout particulièrement d’attirer notre attention. Né, bien qu’à nos antipodes, au sein de populations sœurs des grandes familles occidentales, il nous touche de plus près qu’au premier aspect nous ne serions enclins à le croire. En outre, l’étonnante rapidité avec laquelle il s’est propagé témoigne d’une appropriation aussi parfaite que celle du christianisme aux besoins spirituels des masses qu’il évangélisa. En quelques années, nous le voyons conquérir l’Inde, en quelques siècles l’extrême Orient tout entier, tournant dès l’abord le dos à son futur rival dont la destinée allait être de marcher vers l’ouest, et enchaînant à jamais dans la rigidité de sa morale et « l’impitoyabilité » de son dogme plus de quatre cent millions de fidèles.

Chose plus frappante encore ! Une même loi mystérieuse présida aux deux bouts du monde à la diffusion des deux religions. Chassé de l’Inde par les brâhmanes comme le christianisme le fut de la Judée par les pharisiens, le buddhisme ne joua, lui aussi, un rôle vraiment complet, vraiment original, que dans des contrées et au milieu de races différentes de celles qui lui avaient donné le jour, d’arien devenant anarien[1] (thibétain, chinois, mongol), de même que la semence purement sémitique de l’enseignement de Jésus ne devait fructifier qu’en terre arienne. D’un côté comme de l’autre, lEcclesia ex circumcisione abdiquait entre les mains de lEcclesia ex gentibus[2] !

L’étude des origines buddhiques présente des difficultés plus grandes encore que celles des origines chrétiennes. L’Inde est la terre classique du vague et du légendaire, de la prolixité et de l’exagération. On a eu beau éditer les manuscrits, déchiffrer les inscriptions, classer les monnaies : si incertaine demeure la chronologie, que presque toutes les dates importantes varient — et souvent de plusieurs siècles — suivant les différents indianistes ; si incomplet l’enchaînement des événements historiques, que Lassen a pu seulement au prix de nombreuses hypothèses mettre un peu d’ordre et de suite dans le chaos au milieu duquel nous nous perdions avant lui. C’est par millions et millions d’années que les Indiens supputent l’âge du monde. Devant une scène aussi démesurément agrandie, comment s’étonner qu’ils aient méconnu toutes les lois de la perspective, que les plans que nous distinguons si nettement dans le champ plus restreint que nos yeux embrassent, aient échappé par leur multiplicité à une attention obligée de s’éparpiller à l’infini, et qu’ils en soient arrivés à ne voir dans ce qui fut, ce qui est et ce qui sera, que les phases indistinctes d’un éternel présent ?

Je n’ai pas la prétention de m’aventurer le premier dans un recoin encore inexploré de la littérature buddhique. S’il y a moins de gloire à suivre les sentiers déjà frayés, il y a plus de sécurité. Et puis, les savants qui ont ouvert la voie, emportés par leur élan, n’ont pas d’ordinaire aplani tellement tous les obstacles qu’il ne reste rien à faire après eux. Certains travaux de seconde main se justifient par une utilité pratique incontestable.

Le modeste rôle de vulgarisateur suffit d’autant mieux à mon ambition, dans la circonstance présente, que le Dhammapada renferme nombre de ces idées qui ne sont jamais remuées ici-bas sans honneur pour celui qui les remue, sans profit pour ceux à l’intention desquels elles sont remuées. Monument vénérable d’un prodigieux mouvement d’idées qui rappelle, par ses causes comme par ses effets, celui qui précéda et accompagna la venue de Jésus, œuvre d’un des hommes les plus vraiment aimables[3] que la terre ait jamais produits, plus de vingt siècles ont passé sur lui sans altérer en rien ni sa structure intime, ni la saveur de son enseignement moral. J’espère donc qu’il sera lu, médité, admiré autant qu’il mérite de l’être.

J’espère aussi que la peine que s’est donnée le traducteur vaudra quelque indulgence à l’Introduction. On me pardonnera de ne pas l’avoir faite moins longue, lorsqu’on aura vu que je me suis borné à quelques renseignements généraux et par là même souvent incomplets, donnés aux non-buddhistisants, sur le buddhisme et son fondateur, sur la langue dans laquelle a été écrit le Dhammapada, et sur la place qu’il occupe dans le Canon sacré.


II


À chacun des Kalpas ou Ages du monde correspond la venue d’un Messie, d’un Buddha, qui s’affranchit lui-même, et qui affranchit les autres des misères de l’humanité. L’univers est si vieux qu’il a existé déjà mille millions, cent mille millions, des myriades de fois dix millions de Buddhas. Tous ces Buddhas, après avoir passé par une foule d’existences antérieures, naissent dans l’Asie centrale d’une mère qui meurt sept jours après leur naissance. Ils prêchent tous la même doctrine, et tous ils triomphent de Mâra, la mort, et par extension le péché. Aussi les appelle-t-on Tathâgata (celui qui agit de la même façon).

Siddhârtha, le Buddha de l’âge actuel du monde, appartenait à la famille des Çâkyas, de la vieille race védique des Gotamides ; ce qui fit qu’on l’appela plus tard Çâkya-Muni (l’ascète Câkya), et Gôtama Buddha (Buddha le Gotamide).

Il naquit au pied des montagnes du Népâl, à Kapilavastu, capitale du royaume de Çuddhôdana, son père. Sa mère, Mâyâdêvî, mourut après lui avoir donné le jour. Siddhârtha manifesta de bonne heure une précocité de raison, un goût pour la réflexion solitaire, des habitudes de mélancolie bien extraordinaires chez un enfant. Avait-il le pressentiment des grandes choses qu’il allait accomplir ? Et « les Voix Intérieures » qu’entendent tous les prédestinés, sollicitaient-elles déjà sa jeune imagination ?

Lorsqu’il arriva à l’âge d’homme, fils et héritier de roi, il dut songer à perpétuer sa race et se décider à prendre une compagne. Son choix tomba sur Gôpâ, fille de Dandapâni, sa parente. La vie qu’il mena désormais eût été pour tout autre un perpétuel enchantement. Mais Siddhârtha n’était fait à l’image de personne.

Au milieu des splendeurs de son palais, des caresses de sa femme, des distractions de tout genre dont l’entourait son père qui craignait un coup de tête de sa part, il songeait nuit et jour à la loi fatale de la succession des existences, à la naissance, à la vieillesse, à la maladie et à la mort.

Enfin, à vingt-neuf ans, à la suite, ou bien, raconte la tradition, des trois dramatiques rencontres que s’appropria plus tard la légende chrétienne de Barlaam[4] et Josaphat, ou bien, a supposé l’histoire, d’intrigues de cour, peut-être même de chagrins domestiques, trompant la surveillance des siens, il s’enfuit une nuit sur son cheval Kanthaka, en compagnie de C’andaka, son cocher fidèle. Dès que le jour parut et qu’il crut avoir mis une distance suffisante entre Kapilavastu et lui, il congédia C’andaka.

Rien ne l’empêchait plus désormais d’embrasser le seul genre de vie qui convînt à ses goûts, et de préparer ainsi la naissance du nouvel ordre de choses qui allait révolutionner la moitié du genre humain.

Après avoir étudié auprès de plusieurs fameux Brâhmanes, Siddhârtha se rendit à Vaiçalî, puis dans le pays de Magadha, à Râjagriha, qui fut le vrai berceau du buddhisme. Là, en effet, se groupèrent autour de lui cinq disciples avec lesquels il se retira dans le désert[5] d’Uruvilvá, pour s’y livrer pendant cinq années à des privations et à des austérités de toutes sortes, en dépit des assauts réitérés que lui livrèrent ses passions, incarnées plus tard par la légende en la personne du démon tentateur Mâra[6]. « Agebatur a spiritu in desertum. (Luc.) » « Et erat in deserto, et tantabatur a Satana. (Marc.) »

La sixième année, ces pratiques lui parurent exagérées. Il se lava et prit de la nourriture. Ses disciples scandalisés l’abandonnèrent. Siddhârtha, resté seul, se renfonça dans la méditation « comme une tortue qui se replie en elle-même ».

Ce fut seulement à trente-six ans qu’il crut avoir acquis une vue définitive et immuable de la Vérité. Il avait franchi successivement tous les degrés de perfection par lesquels un Buddha doit passer ; et, assis sous un figuier, à Bôdhimanda, les jambes croisées, le corps droit et tourné vers l’orient, les yeux fixés uniquement sur le But Suprême, il s’était dit : « Je mettrai fin à cette douleur du monde. Que la terre soit mon témoin ! Elle est la demeure de toutes les créatures, elle renferme tout ce qui est mobile ou immobile. Elle est impartiale ; elle témoignera que je ne mens pas. »

En même temps que les écailles tombaient de ses yeux, il sentait dans son cœur un immense désir de partager avec les hommes, ses frères, le fruit de son infatigable persévérance. Mais les railleries et les insultes qui accueillent trop souvent les novateurs faisaient peur à cet esprit délicat et cultivé, à cette âme douce et recueillie. Trois fois il fut sur le point d’écarter de lui ce calice, trois fois il triompha de sa pusillanimité.

Les cinq disciples qui l’avaient renié au désert s’étaient retirés dans un bois appelé Rishipatana, aux environs de Bénarès. Il alla les rejoindre et se les rattacha, après avoir fait, suivant la phraséologie buddhique, tourner devant eux, pour la première fois, la roue de la loi.

Sa prédication ne dut point être très-fructueuse dans la Ville Sainte du brâhmanisme, car il la quitta bientôt, et ce fut soit dans le Magadha, à Râjagriha, soit dans le Kôçala, à Çrâvastî, qu’il passa les quarante-cinq dernières années de sa vie, promenant de ville en ville, de bourgade en bourgade, le charme pénétrant de sa parole, et l’exemple de ses vertus, faisant d’innombrables prosélytes, non-seulement au milieu des castes déshéritées, mais aussi parmi les grands de la terre. Il convertit entre autres Ajâtaçatru, roi de Magadha, Prasénajit, roi de Kôçala, Çuddhôdana, son père, et la plus grande partie de sa famille.

Il arriva ainsi à l’âge de quatre-vingts ans, aimé et respecté de tous, sauf de quelques brâhmanes jaloux de ses succès. Sa fin fut celle d’un juste et d’un sage. Il mourut à Kucinagara, dans le royaume de ce nom, entouré d’une multitude de religieux et de disciples auxquels il adressa les plus touchants adieux.

Les chroniques cinghalaises placent sa mort en 543, Max Müller en 477, Kern en 388, Westergaard en 370 av. J-C.

Telle est, résumée aussi sommairement que possible, la vie du grand réformateur. Sur ce fond de réalités indiscutables, ont été brodées d’interminables légendes, et le mélange est devenu si intime entre celles-ci et celui-là, la confusion telle, qu’on a peine à distinguer, au premier abord, le vrai du faux, le tissu primitif des adjonctions postérieures. Plus on avance néanmoins dans l’étude du buddhisme, plus le triage se fait de lui-même entre ces éléments d’origine et de valeur diverses, plus la physionomie de Çâkyamuni se dégage des nuages dont les Indiens l’ont enveloppée comme à plaisir, distincte, lumineuse et vivante. Çâkyamuni a existé, humainement parlant, parce que, si une entité métaphysique peut suffire aux philosophes, de même qu’une étoile a suffi aux mages, les masses, elles, ne s’ébranlent qu’à la suite de quelque chose de visible et de tangible, de quelqu’un fait de chair et d’os comme elles, qui ne soit « étranger à rien de ce qui est humain[7] ».


III


À l’époque où parut Çâkyamuni, la philosophie indienne s’était aventurée déjà aussi loin que possible dans chacune de ces voies tentatrices, à l’extrémité desquelles miroite un but qui recule sans cesse de tout le chemin fait pour l’atteindre. Tour à tour ou simultanément sensualistes, idéalistes, sceptiques et mystiques, panthéistes, athées et théistes, les brâhmanes, gens d’extrême loisir, d’une tolérance toute moderne, de science subtile et raffinée, avaient retourné et résolu de mille façons ces problèmes irritants de la nature de l’esprit et de celle de la matière, de l’origine et de la fin des choses, des universaux et des nominaux, pâture éternellement renaissante des méditatifs éternellement inassouvis.

Trois écoles principales se partageaient les esprits :

1o L’école Nyâya, fondée par Gôtama ;

2o L’école Sâmkhya, fondée par Kapila ;

3o L’école Vêdanta, fondée par Bâdarâyana, ou Vyâsa.

L’école Nyâya, analytique et logique, prenait à tâche de fournir une méthode correcte d’investigation philosophique, à l’aide d’une exacte connaissance des lois de la pensée. Elle semble avoir été dualiste, quoique — ne pouvant pas la démontrer logiquement — elle n’admette qu’hypothétiquement l’existence côte à côte d’atomes éternels, et d’une âme universelle, éternelle comme eux. Ses catégories rappellent celles d’Aristote, de même que son argument à cinq propositions est une combinaison de l’enthymême et du syllogisme classiques.

L’école Sâmkhya[8], synthétique et de plus athée, a pour point de départ une Essence Primordiale, Prakriti. L’âme, Purusha, n’est qu’une émanation indéfinie de cet infini matériel.

Esse aio subtilem, atque minutis
Perquam corporibus factum constare
. (Lucrèce.)

Kapila fait de l’Intelligence (Buddhi), de la Conscience de l’Être (Ahamkâra) de simples attributs de la matière, et du Moi un phénomène sans consistance : « Je ne suis rien, rien n’est à moi, pas même moi. » « Ce qui n’existe pas ne peut, par l’opération d’aucune cause, arriver à l’existence. » « Toute production est une manifestation de ce qui existait antérieurement, toute destruction une résolution d’une chose en sa cause. » « La nature de la cause est la même que celle de l’effet ; ce qui paraît cause n’est qu’effet », etc. etc.

D’après l’école Vêdanta, le dernier survivant des systèmes orthodoxes — expression suprême par conséquent du panthéisme hindou —, « Brahmâ est tout, tout vient de lui, tout va à lui, tout vit en lui[9]. »

Le Nyâya, comme Leucippe et Démocrite, faisait naître l’univers du concours d’innombrables atomes ; le Sâmkhya, comme Thalès, Anaximène et Héraclite, d’une seule essence primaire. Dans le Védanta, ainsi que dans le panthéisme naturaliste des Stoïciens, et le panthéisme mystique des Alexandrins, il n’y a plus de monde matériel distinct de l’âme universelle. Aussi l’appelle-t-on non dualiste (a-dvaita).

Chacune de ces trois grandes écoles a pu fournir à Buddha ce qui fait le fond commun de toute métaphysique indienne : l’éternité de l’âme adéquate à celle de la matière, l’impossibilité pour l’une aussi bien que pour l’autre d’exister l’une sans l’autre, les maux qui naissent de cette indissoluble union, la transmigration des êtres à travers une série sans fin d’existences successives, déterminées par le mérite et le démérite moral, et enfin la suppression de la personnalité humaine proposée à l’homme comme le but suprême de ses efforts. Mais au Sâmkhya seul se rattache ce qui constitue sa véritable originalité dogmatique, c’est-à-dire son athéisme et son nihilisme. On a eu beau dernièrement, et avec un certain succès, se montrer moins affirmatif à cet égard que Colebrooke, contester même la filiation historique des deux doctrines ; il n’en reste pas moins vrai que l’ensemble des physionomies dénote une étroite parenté, et que Çâkyamuni fut certainement sinon le fils, du moins le frère intellectuel de Kapila. Seulement, tandis que ce dernier se renfermait en philosophe dans un cercle restreint de disciples et d’admirateurs, le premier, en fondateur de religion, jeta sa prédication aux quatre vents du ciel. « On ne retrouve pas dans l’histoire, a dit Quinet, un second exemple aussi frappant de la manière dont un système philosophique descend dans l’imagination des peuples. »

Le vieux rationalisme positiviste de Kapila et de Çâkyamuni n’a point encore fourni toute sa carrière, tant est vivace en nous le sentiment de « révolte contre l’incompréhensible » dont il se fit le premier champion. De nos jours même, les formules audacieuses à la suite desquelles se presse toute une grande école scientifique, loin de l’avoir supplanté, l’ont rajeuni.


IV


Tandis que les théistes expliquent avec plus ou moins de succès le visible par l’invisible, l’effet par une cause, les athées réduits à un seul des termes du problème ne devraient point tenter une opération impossible : « Interrogé un jour sur l’origine et la fin des choses, raconte M. Spence Hardy, Buddha garda le silence, jugeant que c’était une question oiseuse. » D’ordinaire, plus explicite, il cherchait, à la moderne, la cause dans l’effet : « D’où provient ce qui existe ? De sa nature propre (Svabâvât). »

Dans cette hypothèse, « les germes de tout ce qui vit, doués de l’idée de l’espèce, existent de toute éternité[10]. » « Une sorte de ressort intime[11] » anime l’éternelle matière, et l’entraîne, sous des aspects qui varient sans cesse, dans le tourbillonnement indéfini des choses sensibles. Chaque destruction porte en soi le germe d’une renaissance, chaque renaissance le germe d’une destruction, —

Mortibus vivimus,

et ce pêle-mêle d’irrésistibles modifications finit par user si complétement les angles de la réalité substantielle, que, ne la voyant plus à cause de son extrême ténuité, on nie qu’elle soit.

Hegel, Fichte, et surtout Schopenhauer nous ont familiarisés depuis longtemps avec ces idées-là. Proclamer, comme Hegel, le processus ininterrompu, le perpétuel « devenir » des êtres et des choses, — affirmer, comme Fichte, qu’il n’y a pas de « Non-moi sans moi » ; comme Schopenhauer, que « le monde tout entier, avec l’immensité de l’espace dans lequel le tout est contenu, et l’immensité du temps, dans lequel le tout se meut, avec la merveilleuse variété des choses qui remplissent l’un et l’autre, ne sont que des phénomènes cérébraux[12]…. » — n’est-ce pas dire exactement la même chose que Buddha, lorsqu’il comparaît les objets sensibles aux images reflétées sur un miroir brillant ?

Au centre du cercle infini dans lequel tournoie l’universalité des choses, les brâhmanes orthodoxes avaient placé leur dieu « Brahmâ », sans isoler l’immobilité nécessaire du moteur de la mobilité contingente des choses mues. Dans le Sâmkhya, au contraire, et dans le buddhisme, nulle allusion à un centre quelconque. Le buddhisme est donc tout circonférence, de même que le brâhmanisme est tout centre, celui-ci humanisant Dieu jusqu’à le confondre avec le monde, celui-là divinisant l’homme jusqu’à le sacrer maître de lui comme de cet univers dont les multiples apparences ne relèvent que de son libre arbitre démesurément émancipé.

Mais, dira-t-on, une telle absence de gouvernement divin lâche la bride à la fantaisie des atomes ? Non. Buddha ne connaît pas plus le Hasard que la Providence. Au rebours des anciens qui attribuaient soit à des dieux clairvoyants, soit à l’aveugle fortune chaque changement survenu dans la nature et dans l’humanité, il croit, avec les modernes, que tout obéit à des lois immuables. Seulement il n’incarne point ces lois, comme les théistes, en un Être vivant d’une vie qui lui soit propre, poursuivant dans les sphères extra-terrestres l’exécution des arrêts par lui rendus au sujet des choses d’ici-bas. Elles n’ont d’existence, à ses yeux, que dans le sens moral, de sanction que dans la condition matérielle de l’homme qui les conçoit et les subit. Pures abstractions érigées en tribunal, et tribunal encore amoindri par ce fait que l’illimitation de ses pouvoirs dans l’espace a pour correctif immédiat leur limitation dans le temps ! Car l’éternité échappant à son action en vertu de la subordination athée de l’autorité du juge à l’inviolabilité finale du justiciable, nulle récompense décernée, nulle peine infligée par lui n’entraînent après elles incapacité absolue de déchoir ou de se relever.

L’échelle des êtres compte six degrés depuis le plus bas, l’enfer (Naraka), jusqu’au plus haut, le ciel (Svarga) :

1o Les damnés ;

2o Les prêtas (sots, ignorants, avares, envieux) ;

3o Les bêtes, les brutes ;

4o Les asuras, les génies ;

5o Les hommes ;

6o Les dêvas (les dieux).

Ces six catégories d’êtres habitent le monde de la concupiscence (le ϰατὰ φύσιν de Pythagore), au-dessus duquel s’élèvent les mondes abstraits (ὑπὲρ φύσιν), le monde des formes, et le monde sans formes, ouverts seulement aux Arhats ou Élus.

L’enfer — on devrait plutôt dire le purgatoire — renferme huit lieux de tourments, gradués suivant les crimes qu’ils sont destinés à punir. Le séjour qu’y font les damnés peut être fort long : « Si l’on remplissait un seau de graines de moutarde, et que, tous les cent ans, on retirât une de ces graines, il faudrait, pour vider le seau, autant d’années qu’on en passe dans le plus bénin des huit », c’est-à-dire, d’après le calcul d’un savant Lama, environ 81,000,000,000.

Au ciel habitent, temporairement aussi, les gens de bien qui n’ont eu ni l’occasion ni l’ambition d’arriver à un état plus parfait, qui se contentent de se mouvoir, du mieux qu’ils peuvent, au milieu du monde de la concupiscence. C’est, en outre, un panthéon banal, charitablement ouvert à tous les dieux détrônés[13]. Autant les cultes nouveaux se montrent d’ordinaire exigeants, autoritaires, exclusifs, autant le buddhisme fut, et cela dès l’abord, accueillant, libéral, débonnaire. De même qu’il revendiqua comme siennes toutes les idées justes qui courent le monde : « Ce qui est d’accord avec le bon sens est d’accord avec la vérité, et doit être pris pour guide. C’est cela seul qu’a pu enseigner Buddha notre maître[14] » ; de même, soit indifférence, soit habileté, donna-t-il droit de cité dans son ciel aux vieilles créations du théisme populaire, à Indra, aux Trayas Triñçat[15] (les huit Vasus, les onze Rudras, les douze Aditiyas et les deux Açvins), à Brahmâ. L’enseignement nouveau gagna certainement à se montrer bon prince, et le nombre des conversions s’accrut en raison des égards témoignés aux convertis.


V


Ainsi, du plus infime des mondes inférieurs jusqu’au plus éminent des mondes supérieurs, s’agitent les êtres, ballottés sans relâche d’existence en existence, condamnés sans relâche à la naissance, à la vieillesse, à la maladie et à la mort : « Quel sujet de rire, quelle joie y a-t-il ici-bas ? » s’écrie incessamment Buddha[16].

De quelque côté qu’il se tourne, se dresse devant lui le spectre de la misère humaine. Mais il ne manifeste à cette vue rien qui ressemble aux invectives audacieuses de Job, à la méprisante ironie d’Héraclite, à l’immense dégoût amené chez Salomon par la satiété. Cet Indien que tout ennuie parce qu’il doute de tout, qui ne croit même à sa propre existence que juste assez pour souhaiter d’y mettre un terme, hait la vie, non pas seulement parce qu’il n’aperçoit en elle que néant, fragilité, mensonge et contradiction, mais aussi, mais surtout, parce qu’elle est la vie, c’est-à-dire la mobilité, le changement, la rénovation, l’action en un mot, ce cauchemar des cerveaux énervés par le soleil qui les brûle.

Il n’est point étonnant que l’éternel Sunt lacrymae rerum, généralisé ainsi à l’excès, ait perdu en profondeur ce qu’il gagnait en étendue, que Buddha n’ait trouvé, ni pour le railler ni pour le maudire, des accents comparables à ceux dont résonnèrent l’Ionie et la Judée. Dans l’Inde, où la personnalité humaine, au lieu de se dédoubler en deux principes nettement distincts l’un de l’autre, quoique intimement unis l’un à l’autre, ne consista jamais qu’en une association confuse, et sans vraie réalité substantielle, des skandhas[17] (les éléments constitutifs) avec le karma (les actes), l’individu est construit d’une manière trop incomplète au dedans aussi bien qu’au dehors, il présente trop peu de consistance et trop d’incertitude dans les contours pour vibrer, aux mêmes contacts, avec la même intensité subjective que chacun des deux facteurs du moi occidental.

Buddha eut donc, de la « misère humaine », le seul sentiment qu’un homme de l’extrême Orient pût en avoir ; mais il l’eut si fortement et si largement qu’il en fit l’article fondamental de son Credo : « Quand on se réfugie en Buddha, dans la Loi et dans la Communauté (la grande trinité buddhique), on contemple d’une vue complète les quatre vérités principales, la douleur, l’origine de la douleur, la destruction de la douleur et la voie sainte aux huit embranchements qui conduit à la destruction de la douleur. »

Ainsi, à la base du système la douleur, au faîte la destruction de la douleur, dans l’intervalle deux propositions complémentaires, dénonçant l’une l’origine de la douleur, l’autre les moyens d’arriver à la destruction de la douleur.

Le mal, le péché, la concupiscence, Mâra, voilà l’origine de la douleur : théorie vieille comme le monde qui se retrouve même dans l’Évangile : « Rabbi, quis peccavit, hic aut parentes ejus, ut cœcus nasceretur ? » (Jean, ix, 2), avec cette différence capitale toutefois que la croyance à la transmigration empêche d’étendre l’hérédité du péché au-delà de l’individu.

L’observation, dans le sein de la Communauté, de la Loi prêchée par Buddha, voilà l’unique voie ouverte devant celui qui veut faire son salut, ce salut devenu si célèbre sous le nom de « Nirvâna ».


VI


Nirvâna signifie en sanscrit extinction, et, par suite, anéantissement. C’est, à proprement parler, une lampe sur laquelle on souffle, un feu follet qui s’évanouit à l’aurore. Quiconque entre dans le Nirvâna entre dans le néant ; et le couronnement d’une interminable série d’existences, lasses de vertu, est un éternel repos dans une mort sans lendemain !

On n’arrive à la dignité d’Élu ou Arhat, avant-courrière du Nirvâna, qu’après s’être élevé peu à peu du monde de la concupiscence au monde des formes, du monde des formes au monde sans formes, qu’après avoir triomphé définitivement du « Constructeur de l’Édifice », de ce singulier créateur buddhiste qui n’est autre que le péché considéré comme la cause de toute reviviscence. Alors seulement à l’Arhat, abruti, émacié, éteint, apparaît « la terre promise », l’abîme vers lequel Buddha le pousse, et dans lequel il roule avec l’inconscient élan des corps inorganiques.

Ce n’est encore là pourtant que le Nirvâna inférieur, le Nirvâna avec un reste qui est l’enveloppe humaine dans laquelle l’anéanti demeure emprisonné. Le Nirvâna complet, le Nirvâna sans reste date de la mort de l’Arhat, du moment solennel où se désagrègent pour la dernière fois les éléments constitutifs de son être, les skandhas et le karma, où sa silhouette, depuis longtemps à peine perceptible, disparaît à jamais du miroir aux phénomènes, cher à la spéculation hindoue.

Non content d’aggraver toutes les misères de l’humanité par la négation qu’il met au bout, d’ajouter à l’accablement des malheureux le poids insupportable du néant, Buddha se heurte ici à une contradiction manifeste : si la matière est infinie dans le temps comme dans l’espace, si la somme des éléments constitutifs demeure invariablement égale à elle-même, comment admettre un terme quelconque à l’existence des atomes, une lacune dans leur masse, une diminution dans leur nombre ? La moindre atteinte portée à l’équilibre d’un pareil système n’entraîne-t-elle pas sa ruine totale ?

À cette objection, Buddha répond ce que répondit plus tard Hegel en semblable occurrence. L’analogie des situations suffit à expliquer l’analogie des procédés. Tous deux, l’Indien et l’Allemand, aux prises avec les mêmes difficultés, désespérèrent également de les résoudre et dédaignèrent de les tourner. Force leur fut donc, à tous deux, de recourir au même parti extrême — le seul qui leur restât, — celui de nier l’existence de ces difficultés, en proclamant bien haut l’identité finale des contradictoires, de l’être et du non-être, du oui et du non.

Pour être tranchés, tous les nœuds gordiens ont besoin de l’épée d’Alexandre.


VII


Rien ne ressemble moins au dogme buddhiste que la morale buddhiste. D’un côté, une métaphysique rebutante, hérissée de sophismes et de contradictions, de l’autre, de vrais sermons sur la montagne, d’aimables et claires invitations à la modération dans les désirs, à l’aumône, au mépris des injures, au respect d’autrui, exprimées parfois, avec une sincérité d’allures que n’eut point désavouée Matthieu, dans un langage digne de Jean, « des fleurs vraiment galiléennes, écloses aux premiers jours sous les pas embaumés du rêveur divin[18] ».

Les cinq grands commandements prohibitifs sont : ne point tuer, ne point voler, ne point commettre d’adultère, ne point mentir, ne point s’enivrer ; les six vertus transcendantes : la générosité, la moralité, la patience, l’énergie, la contemplation, la sagesse.

Quatre attributs principaux distinguent le Çramana (celui qui vit purement, le religieux) : il n’outrage pas qui l’outrage, il ne répond pas à la colère par la colère, à l’accusation par l’accusation, à des coups par des coups. Buddha lui interdit les représentations théâtrales, l’usage des parfums, la possession de tout objet d’or et d’argent[19], lui enjoint de se vêtir de haillons recouverts d’un manteau jaune, de manger, une seule fois par jour, avant midi, un peu de riz imploré de la charité publique, d’habiter les bois dans la saison sèche, les viharas ou couvents dans celle des pluies, de dormir, assis et non couché, sur une natte qui ne doit jamais être déplacée, de passer, chaque mois, une nuit au cimetière pour y méditer sur le néant des choses humaines, de confesser humblement, à des époques fixes, ses péchés devant la Communauté assemblée, et enfin, de vivre dans la plus rigoureuse chasteté.

Ces prescriptions, quelque rigides qu’elles fussent, ne lui suffirent point encore. Comme Lao-tseu, Patanjali, les Alexandrins, les Sufistes, Molinos et Mme Guyon, il se laissa entraîner par son zèle au-delà des limites assignées sur la terre à la pratique du bien, sinon par la loi divine, au moins par la raison humaine ; et ce fut dans la contemplation parfaite, c’est-à-dire dans un état d’inertie, de passivité, d’anesthésie physique et morale, où l’on ne désire plus rien, pas même le salut, où l’on ne craint plus rien, pas même la damnation, qu’il fit, en vrai quiétiste, résider l’idéal de la vie religieuse[20].

Un pareil désintéressement de toutes choses conduit tout droit à la plus cynique indifférence morale. La possibilité de tirer cette conclusion extrême des prémisses posées par eux n’échappe point, d’ordinaire, aux chefs d’écoles quiétistes. Mais ils se flattent toujours de corriger, à force de rigorisme dans les mœurs, ce qu’il y a de trop lâche chez eux dans les idées. Ne voit-on pas, à chaque instant, des hommes valoir mieux que leurs doctrines ?

Buddha, imprudent comme tous les Indiens, ne soupçonna même point l’abus qu’on pouvait faire des siennes. Il est vrai que son monde des formes et son monde sans formes gravitaient dans des orbites trop éloignés du vulgaire pour que celui-ci eût jamais l’indiscrète curiosité d’analyser les priviléges dont y jouissaient les Élus, et la tentation libertine de faire descendre du domaine de la spéculation dans celui des faits l’inconscience absolue qui y était érigée en règle unique de conduite.


VIII


Outre le dogme et la morale qui constituent le gros œuvre de toute construction religieuse, il y a le culte qui en est le revêtement extérieur. Le dehors d’un semblable édifice ne répond pas toujours au dedans. Il peut arriver ou que des imperfections choquantes se dissimulent derrière les somptuosités de la façade, ou que la simplicité de celle-ci fasse d’autant mieux ressortir la grandeur du plan général, et le génie déployé intérieurement par l’architecte. Ce dernier cas est celui du buddhisme ; non qu’il soit également achevé dans toutes ses parties, mais jamais œuvre aussi bien faite pour durer ne présenta plus modeste apparence, jamais culte — j’entends par culte tout ce qui se rattache à l’organisation matérielle — jamais culte ne fut réduit à une moindre expression, dépourvu à un égal degré de moyens d’agir sur les sens et l’imagination[21]. Buddha, qui n’adorait pas de Dieu, ne bâtit pas de temples, n’institua ni clergé, ni rituel, ni cérémonies d’aucune sorte. Le vrai buddhiste ne prie pas et nul ne prie pour lui. — Qui prierait-il ? — À qui s’adresserait une médiation sacerdotale quelconque ? — Et puis, pourquoi créer une nouvelle caste de brâhmanes ? De la part d’un homme aussi ennemi des théocraties que Buddha, c’eût été un véritable illogisme.

L’entrée dans le Nirvâna équivalant à une sorte de divinisation de l’individu, chacun devint l’artisan unique de son salut, son propre prêtre en même temps que son propre dieu. Mais Buddha connaissait trop bien la débilité humaine pour ne pas en avoir pitié et souci. À ce qui manquait à ses fidèles du côté du surnaturel, ordinaire soutien des âmes défaillantes, il chercha et trouva une compensation dans ce qu’il y a de plus puissant au monde — après Dieu — dans l’association. De là, après la prépondérance exclusive donnée à l’âpreté des efforts individuels, l’importance capitale prise, dans son système, par l’institution chargée de provoquer, de régler et de diriger ces efforts. J’ai nommé l’ascétisme monastique.

Ici encore le génie de Buddha se distingue moins par l’originalité de la conception que par l’habileté de la mise en œuvre. Les brâhmanes avaient fait pénétrer l’ascétisme si avant dans les habitudes et dans les goûts de l’Inde, qu’il lui suffit de peser sur ce levier pour la soulever. Toutes les castes furent ébranlées du coup, toutes appelées à partager fraternellement ce qui avait été jusque-là l’apanage envié d’une seule, toutes autorisées à ceindre, sans plus de préparation qu’un peu de bonne volonté, l’auréole de sainteté et de science que les brâhmanes devaient à de longs siècles d’austères labeurs ! Les portes ainsi grandes ouvertes, avec quelle fureur ne se rua-t-on pas dans la vie religieuse, jaloux qu’on était, hommes et femmes, Bhixus[22] et Bhixunîs, d’imiter les mortifications du maître, et surtout de prendre une éclatante revanche du passé !

Rien n’avait été négligé d’ailleurs par Buddha de ce qui pouvait relever aux yeux du monde l’humble condition matérielle du Bhixu. Le Bhixu était son fils adoptif, l’objet exclusif de ses préoccupations ; à lui seul la plénitude de l’obéissance assurait la plénitude de la rémunération. À voir même l’insistance avec laquelle étaient prêchés aux laïques le devoir de l’aumône, au religieux le droit à l’aumône, il semblait que les laïques n’eussent d’autre raison d’être ici-bas que celle de servir de pourvoyeurs, de nourriciers au religieux, vrais organes matériels asservis à sa pure intelligence.

Indépendamment du goût naturel des Indiens pour la vie ascétique, et des priviléges attachés à la condition de Bhixu, une troisième cause contribua encore à grossir le nombre des religieux : ce fut la simplicité des formalités exigées des postulants. On pouvait commencer son noviciat dès l’âge de huit ans ; dans les pays chauds où le fruit suit de si près la fleur, les années comptent double. Dès que l’élève avait appris de ses maîtres spirituels à connaître et à observer la Loi, dès qu’il était surtout bien pénétré des devoirs spéciaux qui incombent au Bhixu, la Communauté l’accueillait dans son sein, sans lui demander autre chose que l’affirmation qu’il agissait, dans la circonstance présente, en toute liberté comme en pleine connaissance de cause, et la promesse d’obéir fidèlement aux prescriptions de Buddha, de la Loi, et de la Communauté. De tels vœux, si aisés à prononcer, ne pouvaient être éternels. Aussi le Bhixu demeurait-il toujours maître de quitter la robe jaune, avec l’assentiment de ses frères en religion.

Merveilleuse puissance de la Foi ! Ces franciscains de l’extrême Orient que leur règle ne groupait ni autour d’un chef spirituel, ni autour d’un clocher, la seule parole de Buddha suffisait à les rallier comme un vivant étendard ! Divisés théoriquement parfois sur certains points de dogme, ils se retrouvaient toujours d’accord quant à la pratique en commun des mêmes vertus. Peu leur importait qu’ils ne crussent en réalité à Rien en croyant à Buddha, qu’il n’y eut Rien au bout du dogme et de la morale buddhistes, que le ridicule côtoyât souvent le sublime[23] dans l’une aussi bien que dans l’autre, que ce fût un dessein insensé que celui d’une innombrable confrérie de mendiants essayant de tarir les sources de la vie en faisant du célibat l’état normal de l’humanité ! Toute Foi est affaire, non de raisonnement, mais de sentiment (Credo quia absurdum) ; et l’ascétisme monastique avait poussé de trop profondes racines dans l’Inde, au moment où Buddha lui en livra le sol entier, pour ne pas y devenir bien vite cet arbre immense qui a peuplé l’univers de ses rejetons[24].


IX


De Maistre a dit que « les écrits de Platon ont été la préface de l’Évangile ». Le mot serait plus juste appliqué à Buddha, d’autant mieux qu’on pourrait l’étendre à l’existence terrestre des deux réformateurs. « En lisant les particularités de la vie de Buddha, déclare Mgr Bigandet, vicaire apostolique d’Ava et Pégu, il est impossible de ne pas songer à beaucoup de circonstances de la vie de Notre-Seigneur, telles qu’elles sont rapportées dans les Évangiles[25]. »

Cependant Buddha ne fut pas plus le prototype de Jésus que Jésus ne fut une copie de Buddha. Ce sont deux anneaux d’une même chaîne, non deux aspects d’une même physionomie. Leur développement, à l’un et à l’autre, a été absolument indépendant et original, et les analogies qu’on peut faire ressortir entre eux résultent simplement de ce qu’ils vinrent en ce monde, à des titres divers, dans des temps et sous des cieux différents, avec la mission identique de l’instruire et de le consoler. Instruments, celui-ci conscient, celui-là inconscient de la même volonté suprême, ils furent, aussi visiblement que Zoroastre, Moïse et Mahomet, Pythagore, Confucius et Platon, les produits inégaux d’inégales civilisations antérieures, les artisans successifs d’un progrès postérieur égal à la somme de vérités dont chacun d’eux était dépositaire. Ce que Buddha avait commencé, Jésus l’acheva[26].

Tout s’enchaîne en effet ici-bas, et ce que nous appelons l’histoire, n’est que la réalisation progressive d’un plan qui s’est affirmé dès que « la lumière fut ». Les religions échapperaient-elles, seules, à cette loi de l’univers, et les verrait-on éclater à l’improviste, comme un météore,

Prolem sine matre creatam ?

Non. Fille des siècles écoulés avant de devenir mère des siècles futurs, chacune d’elles a hérité en naissant de tout ce qui est digne de survivre au passé. Si d’innombrables générations se pressent sur ses pas, c’est à cause du précieux trésor dont elles la voient gardienne, non moins que de l’entraînante hardiesse avec laquelle elle s’est mise à leur tête. Mais vienne le jour où, soit imprudence, soit décrépitude, elle se laisse distancer par ceux qu’elle avait charge de conduire, l’héritage change de mains, sans que l’interminable procession s’arrête, et les poëtes racontent, une fois de plus, qu’« un nouveau Jupiter a pris la place de Saturne vieilli. »

Le buddhisme arriva à son heure, au moment psychologique où la théocratie des brâhmanes, depuis longtemps sapée par leur philosophie, était prête à crouler sous l’effort des revendications populaires. On salua dès le premier jour, en Buddha, le Rédempteur depuis longtemps attendu ; et le zèle dont le pasteur se montrait animé égala à peine l’enthousiasme avec lequel il fut accueilli par le troupeau.

À cette voix plus charmeresse que celle d’Orphée, tombaient les barrières des castes, inébranlées jusque-là ; brâhmanes, xattriyas, vaicyas, çûdras, prêtres, guerriers, marchands, laboureurs et esclaves accouraient pêle-mêle, attendris et fascinés. Tous les rangs étaient confondus, toutes les traditions méconnues, tous les priviléges foulés aux pieds dans ces saturnales de l’égalité et de la mortification, à la faveur desquelles on vitproh pudor ! en pays si formaliste — des hommes appartenant aux classes infimes s’asseoir sur le trône et fonder de puissants empires !


X


Cette révolution, sociale autant que religieuse, a produit toute une littérature[27]. Le Canon buddhiste se compose d’innombrables ouvrages d’une rédaction plus ou moins désordonnée d’une antiquité et d’une authenticité plus ou moins contestables. Si M. Fergusson a pu prétendre, avec quelque apparence de raison, que la forme définitive sous laquelle il nous est parvenu date seulement du cinquième siècle de notre ère, la plupart des indianistes s’accordent, avec non moins de vraisemblance, à faire remonter certaines parties de ce Canon à deux ou trois siècles avant Jésus-Christ, c’est-à-dire à l’époque où la tenue par les rois hindous de grandes assises œcuméniques, et l’introduction, contemporaine de ces conciles, de l’écriture dans l’Inde, amenèrent la cristallisation d’une doctrine jusque-là ondoyante et fluide comme toutes les traditions orales.

Deux grandes écoles d’exégèse, celle du Hînayâna (petit véhicule) et celle du Mahâyâna (grand véhicule) se partagèrent l’élaboration de l’enseignement sacré. L’antériorité appartient, sans conteste, au Hînayâna qui, semblable à nos synoptiques chrétiens, reflète simplement, naïvement, la physionomie des siècles apostoliques. Les écrits auxquels il a donné naissance sont les plus humains, les plus pratiques de tous, tandis que le Mahâyâna, œuvre compliquée, diffuse, hérissée de subtilités et d’exagérations, rappelle les plus mauvais produits de la scholastique chrétienne du moyen âge : « Dans le Mahâyâna, dit M. Vassilief, tout est vide, et ce vide est l’être général et absolu de tout ce qui existe. Il est comme la fusion de toutes les contradictions, et à l’abri de toute accessibilité de la pensée. »

La postériorité du Mahâyâna ressort non-seulement de ce dernier fait que le buddhisme primitif borna sa métaphysique aux quatre vérités d’abord, puis aux douze Nidânas[28], mais encore de celui-ci : que les sectateurs du Hînayâna sont toujours appelés Çramanas et Çravâkas, qui est certainement le nom des plus anciens buddhistes. Au Hînayâna se rattache le souvenir des Pandits ou savants Açvagôsha et Vaçubandhu. Le saint Thomas de la Somme mahâyâniste fut le moine Nâgârjuna.

L’ensemble du canon forme les trois corbeilles (Tripitaka). Ces trois corbeilles sont :

1o Le Sûtra (Doctrine), qui renferme les propres paroles de Buddha — ipsissima verba — et qui s’adresse à tous les fidèles sans exception ;

2o Le Vinaya (Discipline), comprenant les règles de la vie religieuse, à l’usage des Bhixus ;

3o L’Abhidharma (Métaphysique), recueil, incontestablement postérieur, de rêvasseries de toute espèce — réservé aux dieux, dit le vulgaire qui n’y comprend rien.

La tradition qui fait de Sûtra l’œuvre propre de Buddha, attribue le Vinaya à Utpâli, et l’Abhidharma à Mahâkâcyapa, vrais Pères de l’église buddhique qui vécurent à l’époque des deux premiers conciles.

Nous possédons deux rédactions anciennes du Tripitaka : l’une en pâli, trouvée à Ceylan entre les mains des prêtres cinghalais ; l’autre sanscrite, que M. Hodgson a découverte dans le Népâl. Sont-elles toutes deux primitives, reproduisant chacune un aspect différent de l’enseignement du maître ? ou bien se réduisirent-elles originairement à une seule, cantonnée à dessein dans une langue spéciale ? D’après Hodgson, Burnouf et Lassen, les livres canoniques ont été écrits simultanément en sanscrit et en pâli, en sanscrit pour les savants, en pâli pour le vulgaire. Certains ouvrages fondamentaux, mais destinés à un auditoire choisi, n’ont été exhumés qu’en sanscrit, la Prajñâpâramitâ par exemple[29]. MM. d’Alwis, Childers et Minayeff pensent, au contraire, que la rédaction pâlie est seule originale, peut-être même seule orthodoxe, et que ce fut uniquement plus tard, et pour les besoins de leur polémique avec les brâhmanes, que les buddhistes en firent une version sanscrite. Si la Prajñâpâramitâ manque en pâli, le Dhammapada n’existe point en sanscrit. Cette dernière opinion semble avoir prévalu, soutenue qu’elle est par des savants qui ont fait du pâli une étude approfondie, et qui ont nettement déterminé sa place dans la linguistique hindoue.

Nous savions que le sanscrit est une langue purement littéraire, trop artificiellement agencée pour avoir jamais été parlée telle que les livres nous l’ont transmise. Nous savions que, né d’idiomes populaires, bourgeois fils de paysans, il se distingue autant de ces derniers que le latin de Virgile diffère des grafitti de Pompéi, ou l’hébreu rabbinique de l’araméen parlé par Jésus ; que deux courants de langage, sortis de la même source, mais nettement séparés l’un de l’autre, coulent parallèlement dans l’Inde depuis un temps immémorial. À l’un puisent les Pandits, à l’autre les classes populaires ; et tandis que celui-là, emprisonné dans un lit immuable, abrité contre tous les vents qui pourraient rider sa surface, reflète éternellement la monotone image de la même caste privilégiée, celui-ci, vif et capricieux, réfléchit, sans jamais se lasser, le mouvant spectacle de ses rives.

Nous rattachions en même temps le pâli au dernier de ces deux courants ; et nous en faisions l’idiome vulgaire parlé dans le Magadha, non-seulement du vivant de Câkyamuni, mais bien plus tard encore, lors de la réunion des conciles et de la coordination définitive des Saintes Écritures.

C’était avoir à la fois tort et raison : raison, en affirmant que Buddha a prêché en pâli, tort, en voyant dans le pâli des textes la langue usuelle d’Açôka et de ses successeurs. En vertu du transformisme indéfini qui affecte toutes choses, le pâli, non écrit avant les conciles, et par conséquent sans défense aucune contre l’altération phonétique, se modifia de diverses manières suivant les divers usages qu’on en fit. Indissolublement uni, d’un côté, à l’enseignement du maître, arrêté par conséquent dans sa croissance à la date précise de cette incrustation de l’idée dans le mot, de l’esprit dans la lettre, il revêtit vite chez les Bhixus l’aspect immuable d’une langue morte ; tandis que, d’un autre, les profanes continuant de se servir de lui pour les besoins de chaque jour, il demeura soumis chez eux à l’incessante mobilité qui est la loi des organismes vivants. Un vrai dédoublement s’était donc opéré. En face d’un idiome littéraire, resté debout, mais vide de séve et comme pétrifié, végétaient vigoureusement des dialectes locaux, dialectes dont les inscriptions, les grammaires et les pièces de théâtre nous ont conservé d’assez apparents spécimens pour que, malgré la distance, nous distinguions encore les caractères communs de l’espèce à travers les dissemblances des variétés. Fiers d’avoir ainsi élevé autel contre autel, les disciples de Çâkyamuni pouvaient opposer désormais à la langue sacrée du brâhmanisme, le sanscrit, la langue sacrée du buddhisme, le pâli. N’a-t-on pas toujours cru éterniser ses doctrines en les immobilisant ?

La rédaction sanscrite des Livres Saints a été adoptée par les buddhistes du nord, c’est-à-dire qu’elle passa successivement, avec la foi nouvelle, du Magadha au Népâl, du Népâl au Thibet, du Thibet en Mongolie et en Chine. Les buddhistes du sud ont conservé intacte la rédaction pâlie apportée à Ceylan vers le iiie siècle avant notre ère par Mahinda, fils d’Açôka et petit-fils de C’andragupta, le Sandracottus contemporain d’Alexandre. Mahinda s’était mis en route après le concile tenu par son père à Pataliputra. Il savait par cœur, dit-on, tout le Tripitaka ; et pendant son séjour à Ceylan, il en traduisit une partie en cinghalais. Vers le ve siècle de notre ère, un brâhmane converti, dont nous ne connaissons que le surnom — Buddhaghôsha — venu, comme Mahinda, du Magadha, retraduisit en pâli les versions cinghalaises de son prédécesseur, dont les originaux s’étaient perdus. Il semble que les textes restèrent à l’abri de ces modifications successives, les commentaires seuls, destinés au vulgaire, ayant eu besoin d’être mis à sa portée immédiate. Buddhaghôsha ne se contenta point de combler les lacunes qui existaient dans le texte pâli. Il révisa le corps entier des Écritures ; et de ses mains sortit la rédaction définitive qui a servi de base aux traductions birmane et siamoise.


XI


Le Dhammapada fait partie de cet ensemble pâli révisé par Buddhaghôsha. Il occupe la seconde place dans le Xudraka Nikâya — recueil de petits ouvrages — constituant la cinquième section de la première corbeille, le Sûtra[30].

Le sens exact du mot Dhammapada n’apparaît pas clairement. Gogerly l’a traduit par Footsteps of religion, Fausböll par Collectio versuum de religione, Weber par Lehrsprüche, Max Müller enfin par The path of virtue[31]. Si j’avais qualité pour hasarder une interprétation, je proposerais, soit : La base de la religion, soit : La voie tracée par la loi.

Le Dhammapada se divise en vingt-six chapitres (Varga), contenant en tout quatre cent vingt-trois stances, sorties telles quelles, dit-on, de la bouche de Buddha. À des mètres variés appartiennent ces stances qui comptent depuis deux padas ou vers jusqu’à six. Chacune d’elles sert d’enveloppe soit à un axiome dogmatique, soit à un précepte moral, découpés, semble-t-il, l’un comme l’autre, dans les gros livres du canon sacré, pour la plus grande édification en même temps que pour la plus grande commodité des fidèles. C’est vraiment, a très-bien dit M. Léon Fëer, « une Anthologie, un Selectæ e Buddhæ concionibus sententiæ ». Ajoutons : un Selectæ à la composition duquel n’a présidé aucun plan. De là, à chaque instant, l’incohérence et le décousu des idées, la présence côte à côte d’éléments disparates que rattache entre eux le seul lien, tout artificiel, d’une même image, d’un même mot incessamment répétés.

Les buddhistes méprisaient la littérature autant que le reste. Aussi ont-ils exagéré comme à plaisir les défauts innés du génie hindou, indiscipliné et exubérant, même dans les œuvres qui portent l’empreinte manifeste d’une influence hellénique. Les yeux perdus dans le vague, nul souci du vêtement dont ils habillaient leurs idées, de l’ordre dans lequel ils les présentaient, du milieu destiné à les recevoir, ne troubla jamais leur impassible sérénité. N’habitaient-ils pas un monde immédiatement sublunaire, où ne pénétrait rien des sensations d’ici-bas, puisque les réalités substantielles en étaient exclues avec le soin le plus jaloux ? Tout ce qui irrite, tout ce qui blesse notre goût occidental, absence d’ordre et de symétrie, jeux de mots puérils, étymologies absurdes et répétitions fastidieuses, tout cela les laissa donc insensibles et indifférents ; et ce fut pour ainsi dire à leur insu, que dans leur bouche ou sous leur plume éclatèrent — trop rarement, hélas ! — telle expression touchante, telle image pittoresque, tel vers énergiquement frappé, sillonnant comme un éclair ce ciel uniformément gris, sans transparence et sans éclat.

Le Dhammapada a de bonne heure attiré l’attention des indianistes, à cause de la forme résumée et accessible à tous sous laquelle il présente l’enseignement de Çâkyamuni. Des fragments en avaient déjà été traduits par Burnouf, d’Alwis, et Gogerly, lorsque, en 1855, à Copenhague, Fausböll publia intégralement le texte pâli d’après trois manuscrits existant dans la bibliothèque de cette ville : publication définitive, à laquelle M. Childers seul a proposé quelques corrections que lui a suggérées un Pandit cinghalais[32]. Trois versions complètes, faites de ce texte par MM. Fausböll, Weber et Max Müller, en ont élucidé à peu près toutes les difficultés : la première, latine, l’accompagnant ; la seconde, allemande, comprenant les pages 118 à 185 du premier volume des Indische Streifen (Berlin, 1868) ; la troisième, anglaise, précédant les Buddhaghôsha’s Parables du « Captain Rogers » (Londres, 1870).

Les indianistes de notre pays sont trop familiers avec les livres de MM. Fausböll, Weber et Müller pour avoir jamais senti la nécessité d’une quatrième traduction — française celle-là. Il n’en est point malheureusement ainsi de cette fraction de plus en plus considérable du public lettré qui prend goût à la science comparative des religions, et qu’on ne saurait trop prémunir par un commerce direct avec les sources contre les assertions hasardées dont fourmillent certains ouvrages de littérature courante[33].

C’est à ce public-là que j’offre, dans notre langue, une interprétation absolument littérale du Dhammapada. Les travaux de mes trois devanciers ont été soumis par moi à une attentive comparaison entre eux et avec le texte pâli ; et partout où se produisait un désaccord, j’ai essayé, à l’aide des récentes publications de MM. Childers et Minayef, de faire jaillir la lumière du choc de ces divergences[34].

J’ai transcrit en français sous leur forme sanscrite, qui est la plus usitée, tous les termes spéciaux, toutes les appellations caractéristiques auxquels les immortels travaux de Burnouf ont donné droit de cité en notre langue : Nirvâna, Arhat, Bhixu, Çramana, Arya, etc., etc. Le titre seul de l’opuscule Dhammapada est resté pâli. Le Dhammapada n’existant qu’en pâli, l’emploi de l’équivalent sanscrit Dharmapada n’avait pas de raison d’être.

Je remercie, en terminant, mon savant ami M. Léon Fëer d’avoir bien voulu joindre à ma traduction du Dhammapada sa traduction du Sûtra en 42 articles.[35]


F. HÛ.
  1. Les races jaunes, races sans imagination et sans idéal, qui n’ont même pas de noms dans leurs langues pour exprimer Dieu, se sont jetées avec tant d’avidité sur l’enseignement de Çâkyamuni, qu’on s’est demandé si le réformateur n’avait pas appartenu par hasard aux populations primitives de l’Inde, si le buddhisme n’avait pas été une réaction anarienne contre le brâhmanisme des conquérants indo-européens.
  2. L’héritage de Mahomet est également passé des Arabes aux Turcs.
  3. Διὰ τὴν λίαν φιλότητα βροτῶν, comme le Prométhée d’Eschyle.
  4. Voir Liebrecht (Die Quellen des Barlaam und Josaphat), Beal (Travels of Fa-Hian), Laboulaye (Débats, 21 et 26 juillet 1859), M. Müller (Chips from a German Workshop), etc., etc.
  5. La retraite au désert a été, dans toute l’antiquité, la condition et le prélude des hautes destinées. Zoroastre médita sur l’Alborj, comme Moïse sur le Sinaï, Élie sur le Carmel, Mahomet sur le mont Hirâ, etc., etc.
  6. Mâra alla jusqu’à lui offrir la souveraineté de l’Univers, s’il voulait renoncer à sa mission. (Minayef, grammaire pâlie, traduite du russe par Guyard. Leroux, 1874. Préf., p. vi.)
  7. M. Émile Senart a essayé dernièrement d’appliquer à la vie de Buddha les procédés « d’évaporisation » appliqués par le docteur Strauss à celle de Jésus. (Journal Asiatique, 1875.)
  8. On disait : le Sâmkhya Nirîcvara, le mkhya sans Dieu.
  9. Ζεὺς ἀρχὴ, Ζεὺς μέσσα, Διὸς δ´ἐϰ πάντα τέτυϰται. (Hymnes orphiques.)
  10. Dr Büchner.
  11. Renan.
  12. La conscience a conscience de soi, et la conscience de soi, c’est l’absolu. (Hegel.)

    L’homme n’a pas droit de conclure de ses perceptions à l’existence des objets perçus. (Berkeley.)

    Ce qu’on appelle la nature d’un être est le réseau des faits qui constituent cet être. (Stuart Mill.) Etc., etc.

  13. Les Siamois y ont introduit jusqu’à Jésus-Christ.
  14. Qui non est adversum nos, pro nobis est. (Marc, ix, 39.)
  15. Divinités védiques, au nombre de trente-trois.
  16. « Homo natus de muliere, brevi vivens tempore, repletur multis miseriis. » (Job.)

    Τὸν ζῶντ’ ἀνάγϰη πόλλ’ ἔχειν ϰαϰά. (Philémon.) Etc., etc.

  17. Les skandhas sont au nombre de cinq :

    1o rûpa, la forme ; 2o vêdanâ, la sensation ; 3o sañjñâ, l’idée ; 4o sanskâra, les concepts ; 5o vijñâna, la connaissance analytique.

  18. « Je ne vous commande pas de faire des miracles, disait Buddha à ses disciples, mais de tenir vos bonnes actions secrètes et de confesser bien haut vos péchés. » — « Ma loi est une loi de grâce pour tous. » — « Ma doctrine est comme le ciel ; il y a place pour tous sans exception : hommes, femmes, enfants, pauvres et riches. » Etc., etc.
  19. « Omnis ex vobis qui non renuntiat omnibus quæ possidet non potest meus esse discipulus. » (Luc, xiv, 33.)
  20. « L’homme pieux, dit la Baghavad-Gîta, s’abstient dans cette vie aussi bien des bonnes que des mauvaises actions. ».

    « Vouloir faire une action, dit Molinos, même une bonne, c’est offenser Dieu qui veut être seul agent. » Etc., etc.

  21. Je ne parle ici que de ce que fut le buddhisme primitif dans l’Inde. Je laisse absolument de côté le buddhisme postérieur de Ceylan, et des races anariennes du Thibet et de la Chine.
  22. Bhixu, mendiant. Bhixunî, religieuse mendiante.
  23. Le Bhixu, comme S. François d’Assises, voit des frères dans tous les animaux. De là des précautions infinies pour éviter, soit d’avaler, soit d’écraser par mégarde le moindre insecte.
  24. Il est généralement admis aujourd’hui que le monachisme chrétien primitif s’inspira des pratiques auxquelles se livraient ces Ébionites, ces Esséniens, ces Thérapeutes, ces reclus du Serapeum, qui s’étaient inspirés eux-mêmes des idées et des récits rapportés de l’Inde par l’armée d’Alexandre.
  25. Bigandet, Life of Gaudama, p. 495.
  26. « Il y a beaucoup de préceptes moraux également enjoints et ordonnés dans les deux croyances. Il ne semblera donc pas téméraire d’affirmer que la plupart des vérités morales, prescrites par les Évangiles, se rencontrent dans les Écritures buddhiques ». (Mgr Bigandet, Life of Gaudama, p. 494).
  27. Buddha passe pour avoir prononcé 84,000 instructions. Les deux grandes collections thibétaines, le Kandschur et le Tandschur contiennent, la première plus de 100 volumes in-folio, la seconde 225. La somme buddhiste du Céleste-Empire se compose de 1440 ouvrages distincts, comprenant 5686 livres.
  28. Les douze causes de l’existence (nidâna, cause).
  29. Grande compilation buddhique en 10,000 articles. Mot à mot : La perfection de la science.
  30. Le seul texte manuscrit du Dhammapada que possède la Bibliothèque nationale se trouve dans le no 91 actuel du fonds pâli (collection Bigandet), qui renferme six des textes du Xudraka Nikâya ; le Dhammapada est le second. Ce manuscrit est sur feuilles de palmier ou olles, qui ont 476 millimètres à la base et 52 millimètres de hauteur. Le Dhammapada occupe 17 feuilles (6 à 22). Le texte est écrit en caractères birmans, et chaque page contient six lignes.
  31. Fusstapfen des Gesetzes (Koeppen, die Religion des Buddha. Berlin, 1857-59).
  32. Journal of the royal Asiatic Society. 1871.
  33. L’excellent livre de M. Barthélemy Saint-Hilaire : le Bouddha et sa religion, fait exception.
  34. Childers, A dictionary of the Pâli language. (Londres, 1872-75.)
  35. Note Wikisource : Ce texte a été disjoint du Dhammapada, et se trouve à cette page-ci.