Le Dialogue (Hurtaud)/117

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 28-31).


CHAPITRE VIII

(117)

Où l’on parle de ceux qui, de différentes manières, persécutent l’Église et les ministres.

Ils me frappent, t’ai-je dit, et c’est la vérité. Dans leur intention, du moins, autant qu’il est en leur pouvoir, ils m’accablent de leurs coups. Non que certes j’en puisse ressentir aucune blessure je suis comme le rocher, qui ne peut être entamé par les coups, et qui renvoie le choc à celui qui le frappe. Ainsi en est-il de leurs offenses. Ils essayent bien d’en jeter l’affront jusqu’à Moi : ils ne peuvent m’atteindre. La flèche empoisonnée de leur faute retombe sur eux, et c’est eux qu’elle blesse en leur faisant perdre, en cette vie, la grâce qui est le fruit du Sang. Et, au dernier moment, s’ils ne se convertissent, par une sainte confession accompagnée de contrition du cœur, ils tomberont dans l’éternelle damnation : ils seront séparés de Moi et liés au démon ; car c’est avec lui qu’ils ont fait alliance.

Dès que l’âme, en effet, est privée de la grâce, elle est prise dans les liens du péché, ces liens qui sont la haine de la vertu et l’amour du vice. Cette chaîne, c’est leur libre arbitre qui l’a mise aux mains du démon, et c’est par elle qu’il les tient

Ils ne seraient pas ainsi enchaînés, s’ils ne l’avaient voulu. Ce lien unit ensemble tous les persécuteurs du Sang, et c’est comme membres du démon, qu’ils font ainsi l’office des démons.

Les démons s’ingénient à pervertir mes créatures, à les détourner de la grâce, à les faire tomber dans le péché mortel, afin de les amener à partager avec eux, leur malheureux sort. C’est à cette œuvre aussi que s’emploient les misérables qui sont devenus membres du démon ; ils s’essayent à séduire les enfants de l’Epouse du Christ, mon Fils unique, en brisant les liens de la charité qui les unissent, et après les avoir ainsi privés du fruit du Sang, ils !es chargent des mêmes chaînes qu’ils portent eux-mêmes, chaînes de l’orgueil, chaînes de la présomption, chaînes de la crainte servile. C’est par crainte d’être dépouillés de leur puissance temporelle, qu’ils perdent ainsi la grâce et qu’ils acceptent la pire honte qu’ils puissent encourir, qui est d’être privés de la dignité du Sang. Cette chaîne est scellée avec le sceau des ténèbres : car ils ont perdu le sens de l’immense malheur et de la profonde misère dans lesquels ils sont tombés et font tomber les autres. N’en ayant plus conscience, comment pourraient-ils se corriger ? Dans leur aveuglement, ne vont-ls pas jusqu’à se glorifier de la ruine de leur âme et de leur corps !

O fille très chère, que ton affliction soit sans mesure, au spectacle d’un pareil aveuglement et d’une telle misère ! Pense que ces malheureux ont été purifiés, comme toi, dans le Sang, qu’ils ont été nourris du Sang, qu’ils ont grandi par la vertu du Sang, sur le giron de la sainte Église, et aujourd’hui les voilà ! La crainte a fait d’eux des révoltés ! Sous le prétexte de redresser les fautes de mes ministres, que j’ai déclarés inviolables, que je leur ai défendu de toucher, ils se sont séparés du sein de leur Mère. Quelle terreur ne doit pas être la tienne et celle de mes serviteurs en entendant rappeler cette misérable alliance ! Ta langue ne pourrait dire combien elle est abominable à mes yeux. Le pire, c’est que sous le manteau des fautes de mes ministres, ils essayent de cacher leurs propres iniquités ! Ils oublient qu’il n’est de manteau si épais que ne perce mon regard. Ils peuvent bien se dérober aux yeux des créatures, non aux miens : rien ne m’est caché, tout m’est présent. Que pourriez-vous me cacher à Moi, qui vous aimai et vous connus, avant même que vous ne fussiez ?

C’est là une des raisons, pour lesquelles ces infortunés mondains ne se convertissent pas. Privés qu’ils sont de cette lumière de la Foi vivante, ils ne croient pas vraiment que je les voie ! S’ils croyaient en vérité que je connais leurs crimes, que chaque faute est punie, comme toute bonne action récompensée, ils ne commettraient pas tant de péchés, ils se repentiraient de ceux qu’ils ont commis, ils imploreraient humblement ma miséricorde ! Et Moi, par la vertu du sang de mon Fils, je leur accorderais mon pardon. Mais ils s’obstinent dans le mal ; ils appellent sur eux, par leurs fautes, la réprobation de ma Bonté ; ils se sont précipités dans la dernière ruine, en se privant de la lumière, et les voilà, ces aveugles, qui se sont mis à persécuter le Sang ! — Eh bien ! à cette persécution, aucune faute, dans les ministres du Sang, ne peut servir d’excuse.