Le Dialogue (Hurtaud)/157

La bibliothèque libre.
Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 266-267).

CHAPITRE IV

(157)

De ceux qui aiment tant cette vertu, qu’ils ne se contentent pas de l’obéissance commune aux commandements, mais veulent pratiquer l’obéissance particulière.

Il en est, ma fille bien-aimée, qui ont mis tout leur effort à attiser en eux ce doux feu d’amour pour cette obéissance, en même temps que la haine de leur propre sensualité. Car cet amour ne va pas sans cette haine, et cette haine s’accroît de tout ce qui augmente cet amour. Amour et haine ont grandi à ce point qu’ils ne peuvent plus se contenter de cette obéissance générale aux commandements de la loi qui est obligatoire pour tous, s’ils veulent éviter la mort et posséder la vie : ils veulent encore s’imposer une obéissance particulière qui les mène droit à la grande perfection. En plus des préceptes, ils s’astreignent à la pratique des conseils, non seulement en esprit, mais en réalité. Par haine d’eux-mêmes et pour tuer en eux leur volonté, ils forment le dessein de se lier plus étroitement, en se soumettant aujoug de l’obéissance dans la sainte religion, ou même en dehors de la religion, en s’engageant à obéir à un directeur à qui ils enchaînent leur volonté, pour parvenir plus aisément à ouvrir le ciel. Ce sont ceux dont je t’ai dit qu’ils choisissaient l’obéissance la plus parfaite. Je t’ai entretenu de l’obéissance commune, et comme je sais que ton désir est que je parle de l’obéissance plus particulière qui mène à la grande perfection, je vais maintenant traiter de celle-ci ; car elles sont si étroitement unies entre elles, comme je t’ai dit, qu’on ne saurait les séparer l’une de l’autre. En t’exposant l’obéissance commune, je t’ai dit d’où elle procède — où on la trouve- ce qui peut vous la faire perdre. Je suivrai le même ordre, pour te parler de l’obéissance particulière.