Le Droit du père de famille et le droit de l’enfant (Lanson)

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QUESTIONS PRATIQUES


LE DROIT DU PÈRE DE FAMILLE
ET LE DROIT DE L’ENFANT
(Conférence faite à l’École des Hautes Études sociales, février 1905)[1]

Lorsque l’expulsion des jésuites, au xviiie siècle, posa devant tous les esprits, et de la manière la plus urgente, le problème de l’éducation, le voeu on peut dire unanime allait à l’organisation d’une éducation nationale qui donnât à la patrie des citoyens utiles. C’est Condorcet, je crois, qui le premier, pendant la Révolution, dressa le droit du père de famille en face de celui de la société, et comme une limite au pouvoir du législateur en cette matière. Il compte parmi les droits naturels de l’homme celui de veiller sur les premières mutées de ses enfants. « C’est, dit-il, un devoir imposé par la nature, et il en résulte un droit que la tendresse paternelle ne peut abandonner. On commettrait donc une véritable injustice en obligeant les pères à renoncer au droit d’élever leur famille[2]. »

Le droit de l’enfant apparut plus tardivement. Lorsque le droit du père de famille devint l’argument des catholiques qui réclamaient la liberté de l’enseignement, certains défenseurs libéraux du monopole universitaire qui répugnaient à reconnaître la thèse communiste du droit absolu de l’État sur tous les enfants des citoyens, découvrirent un droit propre et personnel de cette jeunesse. Ainsi la Liberté de l’enfant servirait à restreindre la liberté du père de famille, et le système de l’éducation résulterait du jeu et de l’équilibre de ces trois droits, droit de l’État, droit du père, droit de l’enfant. Cousin fut, à ma connaissance, le premier en 1844 à invoquer ce droit nouveau.

La loi Falloux résolut momentanément le conflit. Mais après 1870, sous la troisième République, on vit de nouveau se poser l’antagonisme du droit du père de famille et du droit de l’État, du droit du père et du droit de l’enfant, lorsque le parti républicain essaya de réaliser une organisation démocratique de l’enseignement. Le principe de l’obligation qui était énoncé dans un projet du ministre Jules Simon en 1871, parut à tous les catholiques de l’Assemblée nationale un attentat contre la liberté du père de famille. Mgr de Bonnechose dénonça le projet comme un « monument d’oppression » ; son adoption serait, osa dire ce prélat au lendemain de l’invasion, « un malheur public plus cruel que tous nos désastres. » Et il fut rejeté par la Commission que présidait. Mgr Dupanloup. Il n’est pas inutile, pour évaluer l’argument qui se tire du droit du père de famille en matière d’éducation, de retenir qu’il a un certain jour signifié pour ses défenseurs le droit de priver l’enfant de toute instruction, même élémentaire.

Enfin dans les discussions récentes auxquelles a donné lieu l’abrogation de la loi Falloux, les partis ont violemment, bruyamment entrechoqué les trois droits. Je laisserai de côté le droit propre de l’État ; en tant qu’intéressé à avoir des citoyens utiles, il peut avoir son mot à dire dans l’éducation de la jeunesse : ce droit sera défini dans une autre conférence. Je ne parlerai de l’État aujourd’hui que comme ayant seul qualité et pouvoir pour garantir le droit de l’enfant, supposé que ce droit existe, dans les cas où il serait en conflit avec le droit du père ; il n’y a que l’État qui puisse limiter la puissance du tuteur naturel. C’est du droit du père et du droit de l’enfant que je m’occuperai ; j’essaierai de les définir, d’en préciser l’antagonisme, d’en chercher la conciliation, ou, si l’on veut, l’équilibre.

Le droit du père de famille est assez aisé à définir, du moins en termes généraux. Les paroles de Condorcet que j’ai citées en donnent une formule suffisamment claire et précise.

Le droit de l’enfant ne se définit pas aussi facilement. J’en trouve surtout des définitions négatives.

Le droit du père de famille est bien grand, je le sais, disait Cousin : mais tout grand qu’il est, il n’est point absolu et illimité en lui-même… Le père de famille est chez lui instituteur, comme il est législateur, comme en certains cas il est prêtre. Il est tout cela, mais dans une certaine mesure. Il dispose, à son gré, de son enfant ; mais, s’il le maltraite, la société intervient. Qu’il le maltraite moralement en quelque sorte, qu’il lui donne ou lui fasse donner des leçons affreuses, la société indignée pourrait encore intervenir. Ainsi, même au foyer domestique, le droit paternel a des limites[3].

Et M. Lintilhac, mousquetaire fougueux de la démocratie, crie au père de famille une vibrante injonction :

Halte-là ! ta liberté finit où celle de ton enfant commence[4].

Le droit de l’enfant est donc seulement posé comme une limitation du droit du père. On ne lui donne pas un contenu positif : on exprime simplement, en l’énonçant, l’idée que le père ne peut pas tout sur l’esprit plus que sur le corps de son enfant. Peut-être en son vague cette définition est-elle la meilleure : car elle traduit bien le sentiment qui est la réalité morale sur laquelle le droit de l’enfant est solidement fondé.

Si l’on s’en tient à ces définitions formelles, on peut dire que l’existence des deux droits n’est pas contestée. Si M. Lintilhac a été conduit par Aristote jusqu’à la négation du droit du père et l’attribution des enfants à l’État, il ne paraît pas que sa thèse ait été adoptée par la majorité républicaine du Sénat ; les défenseurs même du monopole, ceux qui en quelque mesure que ce soit veulent limiter la liberté de l’enseignement, commencent presque tous par reconnaître un droit au père de famille. M. Lintilhac même laisse au père les domaines du sentiment et de la foi, et par là un droit perpétuel d’intervention dans la formation de la personne morale de l’enfant. « Le père de famille, écrit M. Jacob, a sûrement son mot à dire sur l’éducation qu’il convient de donner à son fils ; et s’il en est parmi nous pour qui cette vérité a cessé d’être claire, je suis convaincu qu’elle brillerait à leurs yeux de la plus éclatante évidence le jour où ils subiraient l’obligation de confier leurs enfants à des congréganistes[5]. » Cette remarque suffit pour dissiper bien des raisonnements.

On est d’autant moins tenté de nier le droit du père qu’il s’exerce journellement sous nos yeux : c’est une réalité tangible.

Vous ne fermerez pas la grande école de la famille, répondait M. Clemenceau à M. Lintilhac…. Vous n’empêcherez pas que le père, dans l’esprit de l’enfant qui ne demande qu’à se confier à ceux qui l’aiment, à ceux qu’il voit tous les jours s’intéresser à sa vie, ne puisse, d’un mot juste ou faux, barrer tout l’enseignement édifié dans votre journée[6].

Le droit de l’enfant n’a pas cet avantage d’être un fait facile à constater : il n’est pas saisissable dans l’ordre des réalités. L’enfant n’a pas le moyen de l’exercer, de le faire respecter : il n’en a pas conscience, et s’il résiste parfois à la puissance paternelle, c’est une tentation de son instinct, un essai de sa force, non une revendication de son droit. Le droit de l’enfant est une très moderne conception : il a contre lui la tradition juridique de la patria potestas ; il a contre lui des habitudes séculaires.

Les parents sont les auteurs de l’enfant : « Le fils est par nature quelque chose du père. Films est naturaliter aliquid patris » (Saint Thomas). « Il est en quelque sorte une extension de sa personne » (Léon XIII, Eucycl. Rerum novarum). Le droit des parents, leur autorité (Jus auctoritatis) a donc comme le mot l’indique (auteur, autorité) le fondement le plus solide ; il repose sur la nature même des choses ; il « prend sa source là où la vie prend la sienne » (Léon XIII, ibid)[7].

Et me reprochant d’avoir lié le père à l’enfant par un devoir, le même auteur ajoutait :

M. Lanson oublie qu’antérieurement à ce devoir le père a sur son enfant le droit que la production confère à la cause productrice, le droit d’auteur[8].

Ainsi le père a sur l’enfant le droit du producteur sur le produit, un droit de propriété !

Tous les artifices logiques n’arrivent pas à dissimuler que cette dure conception n’est autre chose qu’une survivance de l’organisation de la famille dans les sociétés primitives. Un paysan italien, dans la dernière pièce de M. d’Annunzio, l’énonce en toute sa force :

Lazaro (à Alizi). Je suis ton père, et de toi, je peux faire ce qu’il me plaît, car tu es pour moi comme le bœuf de mon étable, comme mon hoyau et ma bêche. Et quand même je voudrais te passer dessus avec la herse, et te rompre l’échine, voire, c’est bel et bien fait ; et si j’avais besoin pour mon couteau d’un manche et que je me le fisse avec l’os de ta jambe, voire, c’est bel et bien fait, car je suis le père et toi, tu es le fils, entends-tu ? Et à moi est donnée sur toi la toute-puissance, depuis les siècles des siècles, au-dessus de toutes les lois ; et comme je fus à mon père, ainsi tu es à moi, même dans la fosse, entends-tu ?

Voilà la réalité morale, l’habitude sociale où les juristes romains et les théologiens ont sculpté un droit sacré[9].

Cependant même dans le parti catholique, on ne pense pas pouvoir s’en tenir à cette antique et brutale tradition. M. Sortais se hâte de restreindre le principe qu’il a posé.

Il est certain que l’autorité du père n’est pas absolue, inconditionnée. L’enfant n’est pas la chose de ses parents… ; ils ne peuvent en disposer à leur guise… L’enfant a droit à l’éducation[10] … On peut concevoir qu’un propriétaire ait des droits illimités sur son argent et sur ses terres ; mais l’autorité des parents s’arrête devant les droits imprescriptibles de l’enfant qui la conditionnent et la restreignent[11]… S’ils venaient à faillir grièvement à leur tâche, l’État, tuteur civil, devrait intervenir pour rappeler à résipiscence ces tuteurs naturels[12]….

Voici donc le droit de l’enfant reconnu, et même placé sous la protection de l’État qui dans certains cas sera admis à intervenir entre l’enfant et le père.

M. Brunetière, dans une fort éloquente conférence qu’il a faite à Lille le 18 janvier 1903[13], non seulement a reconnu le droit de l’enfant, mais par une de ces manœuvres hardies dont sa logique a le secret, il en a fait une découverte, une doctrine chrétienne ; selon lui, ni la Grèce, ni Rome, ni la Chine, ni la philosophie qu’il personnifie en Jean-Jacques mettant ses enfants aux Enfants-Trouvés, n’ont de quoi fonder ce droit de l’enfant : le christianisme le fonde, lui, « sur cette idée que l’enfant qui vient de naître est déjà une personne morale ». Il est vrai que la tutelle civile de l’État ne dit rien de bon à M. Brunetière, qu’il n’en veut pas, et que de réduction en réduction, par une admirable dialectique, il arrive à concevoir le droit de l’enfant comme un droit d’être livré tout entier, sans réserve et sans garantie, à l’autorité et à l’affection paternelle, comme un droit d’être fait tout ce qu’il plaira au père : si bien qu’à la fin de ces prestigieuses analyses, le droit de l’enfant est escamoté, volatilisé, annulé : il ne reste que le droit du père[14], et tout ce que nous avons lu du droit de l’enfant, du droit que seule la religion sait fonder, ne sert qu’à renforcer le droit paternel, à le rendre plus sacré, plus absolu, plus intangible. Mais c’est un signe notable de l’impossibilité morale où tout penseur sérieux se trouve aujourd’hui de nier le droit de l’enfant, que cette reconnaissance hautaine qu’en fait M. Brunetière, pour n’en rien tirer ensuite et s’en débarrasser subtilement.

Il semble donc que s’il ne s’agissait que de dresser une déclaration des droits, on se mettrait assez aisément d’accord pour inscrire à la fois le droit du père et le droit de l’enfant. La difficulté commence dès qu’on veut marquer la limite de chacun de ces droits, dès qu’on veux passer d’une définition formelle à une précision matérielle, et déterminer un contenu réel, des conditions pratiques d’exercice. Là-dessus, on ne s’entend plus du tout.

La thèse des catholiques et de leurs alliés, c’est que le droit du père de famille ne peut s’exercer, s’il n’y a plusieurs écoles entre lesquelles il choisit les maîtres auxquels il confiera ses enfants. « Pour que la famille puisse choisir l’école qui lui convient, dit M. Ch. Dupuy, sénateur libéral, il faut qu’il y ait plusieurs écoles[15] ». Ne faut-il pas, demande M. Vidal de Saint-Urbain, sénateur catholique, que celui qui est partisan de la libre pensée et celui qui veut l’enseignement religieux puissent choisir leurs écoles[16] ? » C’est-à-dire que chaque secte, chaque église aura ses écoles, ses collèges. La liberté du père de famille se réalise, est garantie par le régime des écoles confessionnelles. En réclamant des écoles catholiques, on semble admettre que l’école laïque, le lycéede l’État ne sont pas des établissements non-confessionnels, où l’éducation forme des hommes et des citoyens qui se répartissent à leur gré, selon leurs traditions de famille, entre toutes les confessions et toutes les philosophies. Plus particulièrement, et dans les circonstances actuelles, le droit dupère de famille est invoqué pour sauver les écoles congréganistes.

Nous demandons que partout où nous le pouvons faire, de notre côté, le droit nous soit reconnu par la loi d’élever en face de l’école neutre[17] l’école confessionnelle, et nous demandons que partout où il ne peut y avoir qu’une école, ce soit l’habitant, le père de famille, le principal intéressé qui décide si le caractère en sera « confessionnel ou neutre[18] ».

Le contenu réel du droit théorique du père de famille, selon les catholiques et leurs alliés libéraux, c’est donc la liberté des écoles confessionnelles, disons des écoles congréganistes. C’est aussi pour le père le droit de se faire remplacer auprès de son enfant par les maîtres de l’école qu’il a choisie[19]. C’est un droit de délégation, de cession, d’abdication à leur protit. Le droit inviolable du père de veiller à l’éducation de son enfant se réalise par une démission qui lui substitue des étrangers.

Cette thèse est, en fait, celle de la liberté absolue, illimitée du père de famille, que théoriquement on ne soutient pas. Elle la réalise pratiquement, sans qu’on le dise.

On tire du droit du père de famille, en lui donnant le sens que j’ai dit, beaucoup plus qu’il ne contient. Le droit du père de famille ne saurait être allégué comme une objection insurmontable au monopole de l’enseignement : attendu qu’il y a des formes du monopole, qu’on peut en concevoir, qui ne blessent ni ne diminuent le droit du père de famille de veiller à l’éducation de ses enfants et de lui transmettre ses croyances. La question de la liberté de l’enseignement et la question du droit du père de famille sont tout à fait distinctes.

Ce que le père de famille a le droit d’exiger de l’État, quel que soit le régime scolaire, liberté ou monopole, c’est que l’État ne l’empêche pas de transmettre ses croyances religieuses, ses préférences sentimentales à ses enfants. C’est qu’il ne prétende pas leur inoculer autoritairement la toi à des dogmes qui ne sont pas ceux du père et que le père repousse. M. Brunetière a parfaitement raison sur ce point. Il y aurait tyrannie si la loi, comme sous l’ancien régime, geait des maîtres la profession de la religion catholique, et n’admettait que des écoles catholiques : il y aurait tyrannie si la profession catholique était pour un maître une cause d’exclusion, si la loi ne reconnaissait la capacité d’enseigner qu’aux libres penseurs, et si l’école se faisait confessionnelle au profit d’une irréligion doctrinale. Mais si la loi établit des distinctions entre les catholiques, si, pour des raisons que je n’ai pas à discuter ici, elle relire à certains catholiques, aux congréganistes, même à tous les prêtres, le droit d’enseigner, en quoi le droit du père de famille est-il violé ? Dès lors qu’il garde la liberté de choisir des maîtres catholiques, à la seule condition qu’ils soient laïques, s’il se prétend lésé par l’obligation de les prendre laïques plutôt que congréganistes ou ecclésiastiques séculiers, n’est-il pas évident qu’il ne s’agit plus en réalité d’assurer une éducation catholique à ses enfants, mais de mettre son droit paternel au service d’intérêts qui ne sont pas ceux de son enfant ?

J’irai même plus loin. Je nierai que le droit du père exige, pour s’exercer, le régime des écoles confessionnelles. Il s’exerce aussi bien, aussi pleinement quand l’organisation non confessionnelle prévaut. Les pères de famille catholiques, protestants, israélites, francs-maçons, sceptiques, positivistes, qui donnent leurs enfants à une le non confessionnelle, par exemple à un lycée de l’État, ne sacrifient, n’abdiquent aucune partie de leur droit paternel. Ils demandent aux maîtres d’enseigner à leurs enfants ce qu’ils savent, et quant à ce qu’ils croient, de s’abstenir de le leur inculquer ; ils se réservent à eux-mêmes la direction de l’éducation religieuse et morale.

En fait, je vois les défenseurs de la liberté du père de famille mettre en avant tour à tour suivant les circonstances deux conceptions bien distinctes. Pour sauver devant le Parlement les établissements congréganistes, on dit aux groupes de gauche : « Vous avez vos lycées, vos écoles sans Dieu. Laissez-nous nos écoles catholiques ». C’est le système de l’école confessionnelle.

Mais hors du Parlement, à chaque instant, on voit les catholiques contrôler l’enseignement qui se donne dans les écoles et les lycées, invoquer le principe de la neutralité scolaire, dénoncer les professeurs qui selon eux, ont inquiété la conscience des élèves pieux : on demande que le droit du père de former la croyance de ses enfants soit respecté. On est loin d’admettre que le lycée, l’école laïque soient les écoles confessionnelles de la libre pensée. C’est ici, je crois, qu’on est dans le vrai, lorsqu’on agit d’après le principe de l’école non confessionnelle.

Le principe peut triompher, même le monopole de l’État (que je ne réclame pas) peut être établi, sans que le père de famille perde son droit. Il faut bien se représenter que ce droil est réellement, et non pas seulement théoriquement, inviolable ; il suffit que l’on consente à l’exercer. J’excepte, bien entendu, les enlèvements d’enfants que la conscience publique tolérait aux environs de 1685, et qui ne sont plus possibles dans l’état de nos lois et de nos mœurs. Quand même le régime du monopole obligerait les pères à donner leurs enfants quatre ou cinq heures chaque jour à l’enseignement « neutre » des établissements non-confessionnels de l’État, le père de famille resterait bien maître encore de former le cœur et la foi de son enfant, s’il voulait seulement s’en donner la peine. Tout le monde en convient. J’ai cité tout à l’heure les paroles de Clemenceau. Voici comment M. Lamarzelle répond aux « sectaires » qui se flatteraient d’employer le monopole à fabriquer des générations de libres penseurs :

Est-ce que vous vous imaginez par hasard que nous n’allons pas défendre la foi religieuse de nos enfants, de ces enfants que les pères de famille catholiques seront obligés d’envoyer au lycée ?

Est-ce que vous croyez que nous n’allons pas défendre en eux non seulement notre foi religieuse, mais même nos convictions politiques ?

Est-ce que nous n’allons pas surveiller l’enseignement de leurs professeurs, que nous n’allons pas le combattre, s’il le faut, et victorieusement je vous assure !…

C’est dans la famille que se forment les idées de l’enfant ; la famille sera toujours plus forte que le professeur[20].

C’est la vérité même. Le contraire est déclamation pure. Il en résulte que ni l’école non confessionnelle, ni le monopole n’intéressent essentiellement le droit du père de famille, pour ce qui est de l’exercice actif, perpétuel de ce droit. Ce que ces régimes ôtent au père de famille, c’est le droit de céder son droit, le droit d’en réduire l’exercice à une abdication. Lorsqu’on attache le droit du père de famille au maintien de l’école confessionnelle, de l’école congréganiste, on réclame en réalité pour lui non pas les moyens d’exercer son droit, mais la faculté de s’en démettre.

Voyons les choses sous les mots. La formule libérale du droit du père de famille est la couverture d’un autre droit qu’on évite de proclamer au Parlement, qu’on se risque plus aisément à rappeler dans les Revues et les livres, le droit divin de l’Église, qui a reçu du Christ la mission «renseigner. Ite et docete.

L’Église a donc un pouvoir direct sur la formation surnaturelle des chrétiens, c’est-à-dire sur leur instruction religieuse et sur leur éducation morale. Mais cette mission serait illusoire et inefficace, si l’Église n’avait conséquemment un pouvoir indirect sur leur formation naturelle, en ce sens qu’elle a le devoir et le droit de veiller à ce que les leçons des sciences profanes et l’exemple de l’immoralité ne viennent pas compromettre les croyances et gâter les mœurs de ses enfants. Tel est le fondement rationnel de la surintendance que l’Église exerce sur l’enseignement scientifique[21].

Le régime parlait de l’instruction publique, le régime qui répondrait à l’état normal de la société, ce serait que l’Église possédât seule, en fait comme en droit, la direction de tout l’enseignement, et à tous ses degrés ; ce serait que la surveillance universelle des écoles primaires, secondaires et supérieures fût confiée à l’Église, de façon que le dogme et la morale n’eussent rien à souffrir nulle part, ni dans l’enseignement de la religion, ni dans l’enseignement des sciences profanes. Il faut bien qu’on le sache, l’Église ne consentira jamais à renier ou à dissimuler son droit souverain de diriger l’éducation entière de ses enfants, de tous ceux qui lui appartiennent par le baptême[22].

L’Église ne dissimule pas son droit. Mais ses défenseurs aiment mieux mettre en avant le droit du père. C’est une tactique officiellement recommandée.

Il fut convenu au Congrès de Lyon, écrivait le P. Burnichon dans les Études, que l’on éviterait d’attaquer l’enseignement d’État, aussi bien que d’en appeler au droit supérieur et inamissible que l’Église tient de son divin fondateur d’enseigner toutes les nations de la terre. Ces arguments auraient le tort de n’être pas compris, ou d’irriter certaines gens dont le concours nous est nécessaire. Gardons-nous donc de toute agression et ne réclamons rien qu’au nom des principes du droit public moderne[23].

On aurait tort de s’indigner de cette tactique. C’est le droit des catholiques de reconnaître l’autorité mystique du mot : Ite et docete. Nous n’avons à leur demander en effet que de renoncer à lui attribuer une autorité sociale et pratique, à fonder sur lui une revendication réelle de droits. C’est un progrès de leur part de « ne réclamer rien qu’au nom des principes du droit public moderne ». Laissons passer une ou deux générations : ce qui était manœuvre politique des pères, sera sentiment réel et habitude solide des enfants.

Il ne faut donc pas se fâcher de cette tactique : mais il faut la constater. Le droit du père de famille est employé à sauver le droit de l’Église. C’est pour cela que ce droit qu’on élève si haut en face de l’État, ne compte plus, dès qu’il s’oppose au droit de l’Église. Il est dénoncé comme une invention diabolique, dès qu’il empêche de rendre l’instruction religieuse obligatoire pour toutes les élèves d’origine catholique dans les lycées de jeunes filles de l’État : c’est le diable en personne » qui a soufflé l’idée libérale de consulter ici la volonté des parents[24].

À l’École du Valentin, dirigée par les Jésuites et destinée à former des missionnaires, les enfants sont admis à treize ans, sur une demande écrite et signée de leur main.

Quant aux parents, l’école exige seulement leur consentement avec la promesse de ne pas réclamer leur fils pour les vacances. Dès l’origine de l’œuvre, ce point du règlement a été considéré comme essentiel par le fondateur… L’adieu à la famille est le premier pas à faire dans la carrière apostolique[25].

Ainsi ce que l’on demande au père ici, c’est de ne plus intervenir dans l’éducation de son enfant. Il s’agit en ce cas, je le sais, d’une école de caractère très spécial. Mais on sait qu’en général de tout temps la tendance de l’enseignement catholique, obligé aujourd’hui de plus en plus de transiger avec les mœurs, a été de séparer le plus possible l’enfant de la famille.

Ceci nous explique que, dans le droit du père, on semble souvent tenir moins à l’exercice, réel qu’à la faculté de cession. En fait, ce (pion poursuit, c’est le maintien des institutions qui rendent possible la démission du père de famille entre les mains de l’Église.

Mais on n’a pas démontré du tout que sans ce droit de cession, le droit du père ne pouvait subsister. On n’a même pas démontré que le droit du père comprit un droit de cession : c’est fort contestable. Le droit du père de veiller journellement à la formation intellectuelle et morale de ses enfants est évident. Exercer ce droit est un devoir pour lui. S’il en est ainsi, on peut douter qu’il ait le droit de se démettre, d’abdiquer sa fonction de père. En tout cas, il ne peut transmettre son droit. La relation de père à enfant est une relation singulière, personnelle, incessible parce que intransportable. Le droit fondé sur cette relation est également intransportable et incessible. L’enfant est une personne morale : on ne peut le céder, ni céder le lien moral qui l’attache à son père.

En déléguant un étranger à l’éducation de ses enfants, le père ne le met pas réellement à sa place. Et si l’État, respectant la relation qui unit l’enfant au père, ne s’interpose pas entre eux, s’il laisse et doit laisser le père juge en sa conscience de l’éducation, des suggestions, des habitudes que par son action directe et personnelle il transmet à son enfant, la situation n’est plus la même quand le père se substitue un étranger. Alors l’État a le droit de dire son mot, il a le droit de poser des conditions à cette substitution, et de prendre des garanties, pour que, dans ce transport d’autorité, le droit de la personne morale qu’est l’enfant soit préservé. En fait donc, il n’y a pas de conflit entre le père de famille et l’État, tant que le père de famille exerce lui-même son droit : le conflit est entre l’État et l’Église, qui veut que le père de famille puisse toujours lui céder son droit, sans que l’État ait rien à y voir.

On voit maintenant d’où vient la difficulté dans la définition du droit du père de famille. Elle n’est pas moindre, en un autre sens, dans la définition du droit de l’enfant. J’en distingue deux formules nettes, également insoutenables.

Je crois pour ma part, disait éloquemment M. Lintilhac, que l’État a respecté ce droit, autant que possible, quand il a laissé au père le domaine du sentiment pour exercer sa tendresse ; et aussi le domaine entier de la foi, pour lui transmettre la sienne, si bon lui semble….

Mais dans le domaine de l’enseignement l’État intervient souverainement à l’occasion, et se dressant devant le père comme les lois devant Socrate qui les entendit, lui ! il lui dit : « Halte-là ! ta liberté finit où celle de ton enfant commence. Je t’interdis donc de lui gâter par avance la vie publique où j’aurai besoin de sa volonté libre pour mon existence même. Je t’interdis donc d’élever un citoyen contre la cité.

Le fait d’avoir mis au monde un être humain ne te donne pas le droit de le mettre, s’il te plait, en travers de la route de l’humanité. Lui avoir donné une tête, un cœur, des muscles, ne t’autorise pas, pour assouvir quelque rancune sociale, à vicier son cerveau, à égarer sa sensibilité, à insurger sa volonté contre la volonté de tous[26]. »

Formule nette, mais pensée vague. Car on ne s’accorde pas sur ce qui est « la route de l’humanité ». Ce que M. Lintilhac appelle vicier le cerveau de l’enfant, égarer sa sensibilité, ses contradicteurs, M. Balgan ou un autre, l’appelleront assainir le cerveau, rectifier la sensibilité. Nous avons entendu M. Sortais revendiquer le droit pour l’Église de contrôler tout l’enseignement pour empêcher les doctrines immorales de corrompre l’enfant. En réalité, M. Lintilhac réclame une éducation confessionnelle. Le vague de sa pensée n’est qu’apparent. Il entend imposer un catéchisme républicain, démocratique et rationnel. Il ôte l’Église et met l’État à sa place.

La thèse d’une doctrine d’État, que l’enseignement public imposera à toute la jeunesse, est spécieuse, sans être vraie. Elle ne tient pas debout dans une démocratie, où la cité ne saurait être que ce que veulent à chaque moment les citoyens, où la cité peut légalement changer de forme quand change la volonté de la majorité des citoyens, où le droit d’avoir une volonté contraire à celle de la majorité, et d’apporter sa volonté à la minorité pour contribuer à la faire majorité, est un droit essentiel de tout citoyen. C’est fausser le régime démocratique que d’autoriser une doctrine d’État.

Une société libérale, dit M. Parodi[27], ne peut pas imposer de credo, elle ne peut ni supprimer, ni condamner, ni réduire au silence aucune doctrine : elle doit rendre possible aussi la comparaison entre les croyances et le choix. Comme l’impartialité commande au juge d’entendre les avocats des deux parties adverses, de même il n’y a liberté intellectuelle que si l’on peut connaître et confronter les doctrines opposées entre lesquelles on devra se décider, et j’entends celles même qui flétrissent la liberté : et voilà ce qu’un État libre doit assurer à tous.

Le principe est excellent ; la conséquence admissible pour les adultes. Mais il s’agit de l’école et du lycée, c’est-à -dire des enfants, des adolescents, des mineurs intellectuels. Comment les constituer juges des doctrines ? Peut-on songer à leur faire confronter les religions et les morales ? Ont-ils la capacité de juger, de choisir ? Leur étaler sous les yeux toutes les opinions humaines, leur offrir le pour et le contre de tous les problèmes positivement insolubles, est-ce possible ? Est-ce sain ? Quel chaos dans ces pauvres têtes enfantines ! Que peut-il sortir de là, sinon l’étourdissemenl intellectuel, et finalement l’impuissance de choisir, l’impuissance d’agir, le scepticisme ou la débilité ? L’école doit en etTel former la capacité de choisir, mais elle la forme sur d’autres objets, sur d’autres problèmes, plus étroitement définis, et plus à la portée des enfants. Ce n’est qu’après le lycée, entré dans la vie, libre et responsable de lui-même, que l’individu utilisera sa formation intellectuelle, s’il en sent le besoin, à l’examen et à la revision des affirmations religieuses et sentimentales. Dieu et l’âme ne sont des matières d’entretien avec des gamins, que lorsqu’on veut les établir par les méthodes de l’autorité et de l’habitude[28]. c Je ne suis donc satisfait d’aucune des deux formules que je découvre, en voulant préciser la notion indécise du droit de l’enfant. L’une substituant l’État à l’Église, détruit le droit du père sans respecter le droit de l’enfant ; elle enferme les jeunes esprits dans la doctrine définie par l’autorité civile, elle ne les émancipe pas, elle change seulement leur sujétion. L’autre utilise une liberté, une raison qui n’existent pas encore, elle invite l’enfant à faire une œuvre d’homme, et dont bien des hommes sont incapables. L’une opprime, et l’autre gâte les esprits.

Ce qui fait la difficulté, c’est que le droit de l’enfant est le droit d’une personne morale qui n’est pas faite encore, d’une personne en formation. Il s’agit de respecter, de protéger quelque chose qui sera, qui pourra être dans l’avenir, une puissance, une espérance. Il s’agit d’aider cette puissance, cette espérance à se réaliser, de traiter le germe d’homme de façon à ne pas gêner, à favoriser l’épanouissement de l’homme. De cette considération doit sortir le régime qu’on appliquera à cet embarrassant droit de l’enfant. Le droit de l’enfant est d’être un jour un homme, une personne libre, autonome, capable de choisir ses actes, ses principes d’action, de distinguer la science et la croyance, et de mesurer lui-même avec réflexion la part qu’il convient de faire à chacune dans sa vie, capable de contrôler au fond de son être intime, de contenir, de modifier les forces mécaniques de l’inconscient, de l’instinct, de l’hérédité, de l’habitude, et d’élargir en lui l’être réfléchi, raisonnable, volontaire. Son droit, donc, est de recevoir une éducation qui le prépare à cette autonomie, qui crée et développe la personnalité consciente, la réflexion, la raison, la volonté : sans sortir des études et des problèmes qui conviennent à son âge, il a droit à une éducation libérale et rationnelle.

En suivant cette voie, nous tenons, je crois, le fil qui nous fera sortir de l’embarras en apparence inextricable où nous mettent les définitions contradictoires du droit du père et du droit de l’enfant. Nous arriverons peut-être je ne dis pas à les concilier, ce qui est une œuvre de logicien, travaillant dans l’abstrait, mais à les limiter l’un par l’autre, comme il importe de faire, lorsqu’on est en présence de forces dont l’existence réelle est incontestable, et à qui il faut faire leur part dans la pratique.

Le père, à l’égard de son enfant, a un droit et un devoir naturels de protection, de direction, d’éducation. Il a le droit de n’être pas dépossédé de ce droit, de n’être pas privé des moyens de l’exercer. Il est humainement impossible que le père ne défende pas, ne s’attribue pas le droit de défendre son enfant contre le mal et l’erreur, c’est-à -dire contre ce qu’il estime tel. Ce souci n’est pas propre au père de famille catholique : nous l’avons tous, et nous ne pouvons pas ne pas l’avoir, si nous ne renonçons pas à notre fonction paternelle. L’exercice normal de ce droit du père est la présence permanente auprès de l’enfant, l’attention de tous les instants, la sollicitude toujours éveillée, et par suite, comme les conditions de la vie aujourd’hui exigent le plus souvent que l’enfant soit remis à des maitres, la surveillance inquiète, le contrôle incessant de l’enseignement et de l’influence des maitres.

Le droit de choisir les maitres, parmi les personnes à qui la loi reconnaît la capacité d’enseigner, appartient naturellement au père. Mais il s’en faut que ce droit de choix soit la partie essentielle, l’acte capital de sa fonction. En faveur de qui que ce soit que se fasse le choix, le devoir de contrôle, de surveillance, de rectification subside tout entier, c’est en s’en acquittant qu’un père fait vraiment acte de père. Sans doute une forte confiance peut amener un père à s’en remettre a des étrangers qu’il croit plus capables que lui d’élever son fils : mais il ne faut pas méconnaître que, dans un grand nombre de cas, cette confiance a pour cause secrète et inavouée une paresse du pèn«, une lâcheté ou une négligence à faire sa fonction, une joie de se débarrasser d’une tâche lourde en tout repos de conscience.

Que le droit même de choix soit accessoire et secondaire, cela résulte bien de ce qui se passe en beaucoup de familles. Ici, le choix est supprimé parce que dans la localité il n’y a qu’une école, qu’un collège. Croit-on que le père en soit mis hors d’état de surveiller ou de diriger l’éducation de son fils ? Il demeurera tout aussi maître, et sera peut-être parfois plus soucieux de faire acte de père par une surveillance de tous les jours que s’il avait pu choisir entre plusieurs établissements. Ailleurs, le père et la mère ont des préférences opposées : une des deux volontés prévaut, celle du père en général pour les garçons, celle de la mère pour les filles. Croit-on que le père dont la fille est allée chez les religieuses, la mère dont le fils a été mis au lycée, ne retiennent pas l’essentiel de leur droit, et les moyens de l’exercer ? que le père sera privé de son intluence sur sa fille, la mère de son influence sur son fils ? Chacun d’eux coopérera à l’éducation de ses enfants, de tout son pouvoir, et sans se croire diminué, déchu et opprimé.

L’enfant est, je l’ai dit, une personne en formation. C’est un petit citoyen, il a droit qu’on lui apprenne à être un citoyen, un membre d’une société d’hommes libres ; qu’on lui enseigne ce que c’est que la loi, qu’on lui donne le sens de la légalité ; qu’on lui enseigne ce que c’est que l’égalité, la solidarité sociales, et qu’on forme en lui le sentiment social, une habitude réfléchie de respect et d’affection à l’égard des concitoyens qui composent avec lui la société.

C’est un futur père de famille. Et il a droit d’être formé à cette fonction. Il aura un droit de père à exercer ; un droit de surveillance, de contrôle, de direction dans l’éducation de ses enfants ; un droit, en certains cas, de préférence et de choix entre les écoles et les maîtres. Il faut le rendre capable des actes qui réalisent ces droits. Il faut donc qu’il soit mis en étal, une fois homme, de comparer, de juger, de prendre une libre initiative, que l’éducation n’en ait pas fait un éternel mineur, en qui le père même mort continuera d’agir, de commander, de décider. Le père de famille qui réclame énergiquement qu’on respecte son droit, se met en contradiction avec lui-même, et manque à son devoir, si par une éducation chambrée et comme en vase clos, il s’applique à priver son fils de la liberté que lui-même exerce, et à demeurer indéfiniment le vrai maître, l’arbitre réel des enfants de son enfant.

Enfin l’enfant a le droit d’être soi, de devenir un individu distinct, et non pas seulement l’image, la survivance de son père. Il a droit qu’on développe en lui autre chose que les sentiments et les préférences de son père, qu’on l’aide à créer en lui une personne, fille de la personne paternelle à coup sûr, liée de mille liens et semblable par bien des traits à cette personne, distincte pourtant et indépendante, et capable de pensées et d’actes où lui-même, et non son père, se réalisera.

M. Parodi, ici, a tout à fait raison de rejeter une éducation dogmatique sans contrepoids.

L’enfant qui la reçoit est condamné à n’entendre jamais qu’une cloche, à ne voir qu’une face de la multiforme réalité ; à l’enseignement du foyer y répond comme un écho l’enseignement de l’école, et tout l’enseignement de l’école converge logiquement vers un même but, identique dans son esprit chez tous les maîtres, dans tous les exercices, à toutes les heures : ainsi se forme autour de l’enfant une atmosphère impénétrable, comme un milieu isolateur, qui le rend inaccessible à toute idée, à tout sentiment étranger[29].

École catholique ou école athée, cette école close fait une mauvaise œuvre.

M. Jacob a très bien remarqué que le désir honnête et légitime du père d’avoir un fds semblable à lui ne constituait pas un droit réel de tout sacrifier à la réalisation de cette ressemblance.

Les hommes attachés à une tradition étroite… disent : « Nous voulons le droit de fixer à jamais dans la conscience de nos enfants, en les dérobant à toute critique, les principes de la foi inflexible qui fait notre honneur, notre force et notre joie ». Et cependant ce qu’on invoque ainsi comme un droit, n’est rien de plus qu’un désir, le désir très naturel — et très précieux à plus d’un point de vue — que l’homme éprouve de survivre en ses enfants par ses sentiments, ses croyances, sa pensée. La justice exige que dans la société, nul ne subisse une éducation entendue de telle sorte qu’elle l’exclue presque infailliblement de la possibilité d’adopter des opinions qui peuvent à la fois être vraies et conformes aux tendances de sa nature[30].

Le devoir du père est de respecter le droit de l’enfant ainsi entendu. Mais remettra-t-on à la discrétion du père d’observer ou de ne pas observer les ménagements qui assurent la Liberté future de l’enfant ? Dans une certaine mesure, oui ; mais non pas absolument. Personne ne s’interposera entre Le père et l’enfant, n’écoutera ce que celui-là dira à celui-ci : il le pétrira à son gré, dans ce commerce intime : il le pétrira selon son pouvoir el sa volonté. Il ira parfois dans cette action au delà de son droit : c’est son affaire. Au lieu d’utiliser discrètement la puissance de l’exemple, de la tradition familiale, des affections, des habitudes prises de bonne heure, il emploiera tons les moyens d’ôter à la personne future de son enfant la puissance de réagir, d’examiner, d’adhérer ou de rejeter avec réflexion, en connaissance de cause. Nul ne le troublera dans cet œuvre mauvaise, ou tout au moins indiscrète.

Mais a un moment le père fait appel à des tiers. Il invite des personnes étrangères à travailler l’esprit de son enfant.

Ici peut intervenir l’État. L’organisation de l’éducation nationale est une de ses fonctions. En observant la règle de respecter la liberté de conscience, de ne donner une autorité officielle à aucune doctrine, de n’exclure du droit d’enseigner aucun adulte simplement pour une manière de penser métaphysique, religieuse, ou politique, il lui appartient de déterminer le régime de l’enseignement, monopole ou liberté, condition de capacité des maîtres, examens et programmes, etc.

Il a aussi un intérêt et un droit direct à faire valoir : il peut se préoccuper de la formation des futurs citoyens, et de s’assurer qu’on donne bien aux enfants ce dont ils ont besoin comme tels. Le droit de l’enfant et le droit de l’État, du point de vue de l’éducation civique, coïncident.

Enfin l’État est cotuteur de l’enfant avec le père : tutelle qui s’efface devant celle du père dans toutes les relations ordinaires où l’intérêt de l’enfant est en opposition avec des intérêts étrangers ; tutelle qui intervient parfois lorsque c’est contre le père que le droit de l’enfant a besoin d’être garanti. Seul le tuteur civil qu’est l’État a pouvoir et qualité pour limiter l’action du tuteur naturel qu’est le père, pour restreindre la prise de possession de la personne fragile et incomplète de l’enfant par la personne forte et finie du père. C’est à l’État qu’il appartient de déterminer les conditions générales qui seront les plus propres à empêcher qu’une éducation de secte — qu’elle soit athée ou religieuse, il n’importe — n’exclue par avance les enfants de la personnalité autonome à laquelle ils ont droit d’être élevés.

Ces conditions, je crois, qu’on peut les réduire à deux :

1o Il faut assurer à l’enfant une éducation rationnelle. Je n’entends pas par là consacrer un rationalisme officiel dont les solutions s’imposeraient dans le domaine métaphysique, religieux et sentimental. Je veux dire tout simplement que dans certains domaines soigneusement définis, dans ceux que nul ne dispute aujourd’hui à l’intelligence humaine, dans le domaine des sciences, des lettres, de l’histoire, des langues, les maîtres exerceront l’enfant, d’une façon toute désintéressée, sans préoccupation confessionnelle de dogmatique d’aucune sorte, à l’usage de la raison, de l’observation, de la comparaison, de l’analyse, de l’induction, etc., en un mot de toutes les méthodes humaines qui conduisent à connaître et à juger.

Le père, ou les personnes qu’il choisira, pourront, à coté de cette éducation rationnelle, mettre ce qu’ils voudront d’enseignement dogmatique ou de suggestion sentimentale : ce n’est pas notre affaire. Mais l’enfant a droit avant tout à cette culture rationnelle par laquelle, à l’âge adulte, il sera capable de liberté intellectuelle et morale.

2o Il faut que l’enfant soit pénétré de cette conviction que les préférences dogmatiques ne doivent avoir aucune influence sur l’ordre de la vie civile. Qu’il tienne du père toutes les opinions mystiques que celui-ci voudra ou pourra lui communiquer, nul n’a droit de l’empêcher. Mais l’État a le droit de prendre des garanties pour que la persuasion de posséder la seule vérité qui sauve, la condamnation et la haine théologiques de toutes les hétérodoxies, ne produisent pas d’effets civils et n’aboutissent pas à des ruptures du lien social. Ce résultat sera atteint, en même temps que la liberté personnelle de l’enfant sera défendue, si de bonne heure la révélation des diversités de la pensée humaine et de leur condition égale dans la société, lui est faite. Je ne propose pas, j’ai repoussé tout à l’heure l’idée d’étaler devant la jeunesse, d’offrir à son choix les différentes doctrines : je ne parle pas ici d’une exposition verbale, mais d’une constatation pratique. Si peu à peu, selon les occasions, l’enfant voit à côté de lui des camarades, des professeurs dont les croyances ne sont pas celles de sa famille, si, sans qu’on sorte de la neutralité scolaire, mais par le simple et nécessaire effet de la vie, il entend ou devine des accents de croyance ou de sentiment divers, catholiques, calvinistes, libres penseurs, etc., s’il a de bonnes relations de camarade, lui catholique, avec des fils de juifs ou de francs maçons, s’il se sent, enfant non baptisé d’un père irréligieux, instruit avec sollicitude, dirigé avec justice par le maître qui croit à Jésus comme par celui qui pense avec Renan, de toutes ces expériences, et de toutes les habitudes qui les prolongeront, sortiront, non pas du tout le scepticisme ou la négation pure, mais la tolérance, le respect de la foi d’autrui, la reconnaissance du lien social entre des personnes de toutes confessions, en un mot le véritable esprit civil.

Quelle atteinte ce régime porterait-il au droit du père de famille ? Il y perd la sécurité qu’une parole dissonante ne parviendra jamais à l’oreille de son fils, il y perd la possibilité de dormir sur ses deux oreilles. Il n’est plus dispensé de faire attention, de surveiller, de réagir, en un mot de s’occuper de son fils. Mais, de bonne foi, lui doit-on ces commodités paresseuses ? est-ce à l’État de les lui garantir ?

Je sais combien la conscience d’un père est tendre, combien, croyant ou libre penseur, il peut lui être douloureux de laisser pénétrer ce qu’il abomine, je ne dis pas dans la croyance, mais simplement dans la connaissance de son enfant. Celui qui se dit qu’au bout de cette périlleuse initiation il y a un élargissement de la personne qu’il tâche de créer, un gain moral, peut accepter facilement le risque, et la pénible vigilance de toutes les secondes qui le limite. Mais celui qui ne voit pas le gain, pour qui c’est l’erreur, c’est le mal, qui sans compensation vient se mêler dans la substance morale de son enfant, celui-là est excusable de s’inquiéter, de s’indigner, de demander qu’on écarte de lui cette douleur.

Il faut comprendre ce sentiment, il faut le respecter, même quand on n’y cède pas. Il faut procéder avec ménagement, ne demander que le strict nécessaire, le minimum dont ni l’enfant ni l’État ne peuvent se passer ; il faut s’imposer la loi de ne pas créer de douleur inutile, dût-on pour cela ne pas aller au bout de son droit. Mais il y a des choses qu’on ne peut céder.

Cette horreur de certains pères est analogue aux appréhensions des mères dans l’éducation physique des enfants. Et pourtant il faut bien, si l’on veut faire de l’enfant un homme, il faut bien qu’on lui laisse courir des risques. La gymnastique, l’équitation, l’escrime, la bicyclette, la natation, tous les sports contiennent des chances de blessures et de mort. Quand l’enfant commence à aller seul dans les rues, en chemin de fer, il risque de se faire écraser. Le cœur maternel se serre, retiendrait volontiers l’enfant en tutelle indéfiniment. Mais il faut pourtant surmonter ces inquiétudes, les renfermer en soi : presque toutes les mères le comprennent. Elles souffrent, elles veillent dans l’angoisse ; et l’enfant se fait homme. Ce qui est vrai de l’éducation physique est vrai de l’éducation morale : on ne se trempe pas sans risques. À la vigilance, à la patience, au dévouement des pères de limiter le risque. Leur inquiétude doit se traduire en attention : elle n’a pas plus le droit, au moral qu’au physique, de se soulager par la séquestration de l’enfant.

J’estime que la solution qui respecte tous les droits est celle — on a pu déjà le pressentir — de l’école non confessionnelle : ni catholique, ni protestante, ni juive, ni déiste, ni athée, ni capitaliste, ni socialiste, l’école neutre, c’est-à-dire impartiale et tolérante. Je ne veux pas qu’on dresse le lycée de la libre pensée contre les écoles de l’Église. L’école confessionnelle, ou sectaire (c’est la même chose), est une école anti sociale : c’est une école de dissolution sociale, une école de guerre civile.

Les pères de toute croyance n’ont pas le droit de refuser l’école non confessionnelle. Toutes les libertés sont solidaires les unes des autres. Celui qui réclame la liberté du père de famille, au nom du droit public moderne, doit respecter le pacte fondamental du droit public moderne, la laïcité de l’État, l’égalité civile de tous les citoyens de toutes les confessions. Il ne peut à la fois invoquer le droit moderne et le rejeter. Il se met en contradiction avec lui-même, ou bien il n’agit pas de bonne foi, s’il invoque la liberté de conscience pour dresser ses enfants à la combattre, s’il réclame le bénéfice du principe de l’État laïque pour élever ses enfants hors de l’État laïque, dans le mépris et la haine du principe même dont il s’est prévalu. L’éducation confessionnelle ne prépare pas à vivre en paix, en sincère union sociale (je ne parle pas du tout d’unité morale) avec des hommes de religion ou de doctrine différente. Tout père qui accepte de vivre dans l’État moderne, qui en reconnaît la base de liberté et de tolérance, nous doit et se doit à lui-même de ne pas élever ses enfants dans un isolement jaloux et déliant qui ne peut que les disposera l’inintelligence ou à la haine de la société où a vécu leur père. L’école non confessionnelle, au contraire, nous forme des citoyens qui pourront assister avec sécurité, et sans colère, quelque forte que soit leur persuasion intime, aux manifestations des croyances qu’ils ne partageront pas, qu’ils croiront vaines, chimériques, absurdes, puériles.

Elle ne retire pas au père le droit de condamner la société actuelle : le père reste seul juge de ce qu’il a droit de dire a son fils ; mais elle donne l’assurance que si l’enfant un jour la condamne aussi, du moins il l’aura vue, il saura ce qu’elle est, il y aura été, si peu que ce soit, mêlé.

Je n’ai pas à examiner ici comment le principe de l’école non confessionnelle sera mis en application. Il n’implique pas nécessairement le monopole. Il peut y avoir des écoles libres non confessionnelles : Monge et Sainte-Barbe, jadis, aujourd’hui encore le collège Sévigné et maint établissement pour l’instruction des jeunes filles, voilà des écoles libres non confessionnelles.

Sous le régime de la liberté de l’enseignement, l’État peut définir l’école non confessionnelle, et les conditions auxquelles doivent satisfaire les maîtres qui y enseigneront. Il importe et il suffit, pour que la liberté de conscience soit respectée, pour que toute inquisition des pensées et des croyances soit évitée, de déterminer des signes extérieurs auxquels sera attachée la capacité de donner l’enseignement non confessionnel. On est conduit par cette voie à écarter les congrégations, et même le clergé séculier. Sans doute les laïques peuvent être aussi ardemment catholiques que les prêtres : il y en a qui peuvent être plus incapables que certains prêtres de s’affranchir de préoccupations confessionnelles. Mais s’ils s’y engagent et manquent à leur engagement, c’est affaire entre leur conscience et eux. La fraude ici ne pourrait être réprimée que par des procédés inquisitoriaux que nul intérêt n’autorise à employer. L’ecclésiastique séculier ou régulier se distingue des laïques par des signes extérieurs, par un engagement effectif et précis de dépendance, de subordination à certaines autorités. Le laïque n’est jamais lié qu’autant qu’il veut à son Église : il reste maître de sa pensée et de sa parole. Son Église peut le condamner après qu’il a parlé. Elle ne le censure pas avant. Elle ne prononce après que des condamnations morales. L’ecclésiastique, surtout le régulier, mais même le séculier, a des liens extérieurs à rompre ; il lui est toujours plus difficile de se reprendre. Il ne peut rien imprimer que par la permission de ses supérieurs ou de son diocésain. Son indépendance est bien plus entamée que celle du laïque le plus fervent. Même moins croyant, il est moins libre. On le tient par les moyens d’existence : l’insoumission, communément, c’est pour lui déclassement, misère et famine. Sans donc disputer sur la valeur métaphysique de l’acte de liberté par lequel le congréganiste ou le prêtre engage sa liberté, on peut dire que, puisqu’il la engagée, il ne l’a plus, et qu’ainsi, doctrines et foi à part, il y a une grande différence entre la condition réelle de l’ecclésiastique et la condition réelle du laïque. Or il importe que nulle autorité extérieure n’ait prise sur ceux qui forment la jeunesse pour dominer leur pensée : ils ne doivent relever que de leur conscience et de leur raison. Le contrôle de l’État n’a qu’un but et un droit, les empêcher de se faire les serviteurs d’un dogme quelconque : ce n’est pas une autorité qui pèse sur la pensée et dicte la parole. Il est donc légitime de poser la laïcité comme une condition de capacité à l’enseignement.

Si, — ce que je n’estime pas bon chez nous à l’heure actuelle, ce qui en tout cas ne devra jamais être admis tant qu’on le proposera comme une mesure de guerre contre certaines croyances — si le monopole était établi, les conditions de capacité pourraient être différentes. L’État ayant plus de moyens de maintenir le caractère non confessionnel dans ses établissements que dans des écoles libres, les fonctions magistrales pourraient être ouvertes aux prêtres, aux congréganistes sécularisés : il suffirait de quelques précautions et d’un contrôle attentif pour empêcher que leur présence ne donnât à l’enseignement un caractère confessionnel. Ne pas les réunir en trop grand nombre dans un même établissement, ne pas leur confier en règle générale la classe de philosophie, réserver aux laïques les fonctions de proviseur, censeur, principal, voilà quelques-unes des précautions que j’indique. La dépendance effective et matérielle à l’égard de l’autorité ecclésiastique serait bien affaiblie, presque annulée par les moyens d’existence et la stabilité de condition que le titre et le traitement de professeur public assurerait aux ecclésiastiques séculiers.

Mais nous n’en sommes pas au monopole, et dans l’état actuel, la laïcité des maîtres et la neutralité des programmes me paraissent les conditions essentielles de l’enseignement non confessionnel, par lequel les trois droits de l’enfant, du père et de l’État me semblent conservés mieux que par aucune autre solution.

Gustave Lanson.

L’éditeur-gérant : Max Leclerc.
  1. Notes développées, où j’ai fait rentrer vers la fin quelques-unes des idées que j’ai exprimées dans la discussion qui suivit la conférence, selon l’habitude de l’école.
  2. Cité par Grimaud, Histoire de la liberté d’enseignement, p. 25.
  3. Cité par M. Béraud, Abrogation de la loi Falloux, Éd. Cornély, 1904, p. 33.
  4. Ibid., p. 110.
  5. Rev. de Métaph., janvier 1903, p. 109.
  6. Abrogation de la loi Falloux, p. 308.
  7. G. Sortais, La Crise du libéralisme et la liberté de l’enseignement, p. 85.
  8. Ibid., no 4.
  9. Voyez aussi la dernière pièce de Björnstjerne Bjornson, Dagland (Revue bleue, avril 1905) : là aussi s’incarne dans le vieux Dag une conception antique du droit de père de famille. Héritier d’une volonté de son père qui la tenait de son grand’père, Dag veut l’imposer à la jeune génération ouverte aux nouveautés utiles et avide de progrès. (Cf. surtout acte III. sc. 5).
  10. Ibid., 111.
  11. Ibid., 121.
  12. Ibid., 111.
  13. On en trouvera le texte dans le Journal des Débats du 19 janvier. — Cf. Sortais, p. 110-111.
  14. « Le droit de l’enfant… c’est d’être « élevé » par son père…. Et si l’on me dit qu’ici je confonds le « droit de l’enfant » avec le « droit du père de famille », je réponds que je n’ai fait tout ce discours que pour montrer que j’en avais le droit. » (Débats du 19 janvier.)
  15. Abrogation de la loi Falloux, 13.
  16. Ibid.
  17. L’école neutre est celle où M. Brunetière autorise l’État à « faire enseigner des choses contraires à ses croyances ». Obliger le père à y envoyer ses enfants, c’est l’obliger à les livrer « aux ennemis de toutes ses croyances et de toutes ses convictions ». École neutre veut dire pour M. Brunetière école confessionnelle de libre pensée.
  18. Brunetière, Débats. 19 janvier 1903.
  19. « Que devient la liberté du père de famille, s’il ne peut plus choisir celui qui le remplacera… ? » (M. Louis Le Grand, Abrogation de la loi Falloux, 254.)
  20. Abrogation de la loi Falloux, p. 274-275.
  21. Sortais, p. 87.
  22. Le P. Marquigny, dans les Études religieuses publiées par les P. P. de la C. de J. Cité par M. Béraud, Abrogation de la loi Falloux, p. 38.
  23. La liberté d’enseignement, p. 24.
  24. « On déclare que chacun reste libre de suivre la religion de son choix. Quand les parents le demanderont, on fera même donner l’instruction religieuse par les ministres des différents cultes. Cette stratégie fait assurément honneur à ceux qui l’ont inventée : le diable en personne n’eût pas trouvé mieux. » (Le P. Burnichon, Du lycée au couvent, p. 306. Art. publié d’abord dans les Études).
  25. Burnichon, Du lycée au couvent, p. 189.
  26. Abrogation de la loi Falloux"", p. 111.
  27. Parodi, dans la Revue de Métaph., novembre 1902, p. 780.
  28. J’excepte la classe de philosophie qui, je l’ai déjà dit, au terme des études secondaires, est une préparation à l’activité libre et à la réflexion indépendante de l’âge adulte. Il ne doit pas y avoir de dogme dÉtat ni de prosélytisme du professeur dans cette classe plus que dans les autres, mais libre dialogue de l’homme mûr et des adolescents, libre examen et discussion d’idées : respect, tolérance, mais liberté.
  29. Parodi, Rev. de Métaph., novembre 1902. p. 780.
  30. Jacob, Rev. de Métaph., janvier 1903, p. 104.