Le Général Charles-George Gordon

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Le Général Charles-George Gordon
Revue des Deux Mondes3e période, tome 63 (p. 199-211).
CHARLES-GEORGE GORDON

On diffère d’avis sur la question d’Egypte, sur les cruels embarras qu’elle cause à l’Angleterre. Mais il est un point sur lequel tout le monde s’accorde : nous nous intéressons tous à Gordon, à sa généreuse audace ; nous faisons tous des vœux pour son succès ou pour sa délivrance. On ne peut ouvrir un journal sans y chercher de ses nouvelles ; on se demande si, contre toute attente, il a gagné sa gageure, si, du moins, il a réussi à s’échapper vivant de cette souricière où il est alle volontairement s’enfermer. Gordon le Chinois, Gordon-Pacha est une des figures de ce temps, un héros très romantique dans un siècle peu romanesque, un de ces hommes qui parlent aux imaginations et inspirent à ceux mêmes qui n’admirent leurs prouesses que sous bénéfice d’inventaire un étonnement mêlé de sympathie et de respect.

De toutes les entreprises où l’a poussé sa bouillante humeur, et dans lesquelles il s’est jeté à corps perdu, celle qu’il poursuit en ce moment est la plus ingrate. Il ne s’agit pas d’une conquête ni d’une brillante campagne offensive. Comme le disait M. Gladstone à la chambre des communes dans la séance de nuit du 12 février, le général Gordon n’est point chargé de reprendre le Soudan au mahdi, de le ramener sous l’obéissance de l’Egypte. Il est parti pour Khartoum à la seule fin de faire évacuer le pays, de veiller sur la retraite des garnisons égyptiennes et de rendre aux héritiers de petits sultans détrônés.les pouvoirs dont les dépouilla l’occupation étrangère. Il n’y a rien là qui soit conforme à ses goûts, à son humeur. Jusqu’aujourd’hui, c’était dans d’aventureux exploits qu’il avait signalé son courage, dépensé cette surabondance de forces et de vie qui fait sa joie et son tourment. Mais, dans le cas présent, il s’est chargé, tout au contraire, d’un simple règlement de comptes, de la liquidation d’une aventure. Il a assumé le rôle de syndic d’une faillite, entreprise dangereuse autant que prosaïque, car les intéressés semblent méconnaître, par haine du failli, les avantages du concordat qu’on leur propose, et s’il arrivait par miracle que Gordon réussît, il ne remporterait qu’un triste succès ; sa victoire aurait la mélancolie d’une défaite.

Cependant il n’a pas balancé ; il a accepté sans hésitation cette tâche épineuse. Il n’a jamais perdu beaucoup de temps à peser le pour et le contre, à raisonner sa conduite, à discuter son avenir. Il a toujours dit comme le vizir Acomat :


Le conseil le plus prompt est le plus salutaire.


Il se trouvait à Bruxelles, où l’avait attiré le roi des Belges pour lui proposer une mission au Congo. On l’appelle à Londres. Il s’entretient pendant quelques heures avec M. Gladstone et lord Granville, et, au sortir de cette conférence, il dit : « Je vais couper la queue du chien ; j’ai mes ordres, je les exécuterai coûte que coûte. » A huit heures du soir, il se mettait en route, et la scène de ce départ fut intéressante. Lord Wolseley s’était chargé de son portemanteau, lord Granville prit son billet au guichet, le duc de Cambridge lui ouvrit la portière de son wagon. Le 26 janvier, il arrivait au Caire ; il en repartait le 27. A Korosko, accompagné du colonel Stewart, qui formait toute son escorte, il quitte la vallée du Nil, traverse à dos de chameau le triste désert nubien ; ce chameau, comme l’a dit un journal anglais, portait la fortune d’un ministère whig. Le 11 février, il atteignait Berber, et le 18, il faisait son entrée à Khartoum. La question aujourd’hui est de savoir comment et quand il en sortira. Les offres qu’il a faites au mahdi ont été repoussées avec hauteur, il est coupé de ses communications avec Le Caire ; des bandes de Bédouins l’enveloppent, le cernent et crient après la curée. On n’ose plus croire au succès de sa mission, on voudrait être certain qu’il ne sera pas la victime de son inutile dévoûment. Ses prodigieuses ressources d’esprit et de courage, il doit les employer tout entières, contre sa coutume, à sauver Gordon. Réussira-t-il à s’en aller ? Ceux qui le connaissent affirment que toutes les fois qu’il veut s’en aller, il s’en va.

Gordon passe pour le plus heureux des téméraires. On ne l’est pas toujours, et les résultats de plusieurs de ses entreprises n’ont pas répondu à la beauté de leurs commencemens. Mais, quoi qu’il ait tenté, il a donné une haute idée de lui-même. C’est une vie bien extraordinaire que la sienne. Né à Woolwich le 28 janvier 1833, d’un officier de l’armée anglaise et de la fille d’un armateur, il entra à l’école militaire avant d’avoir achevé sa quinzième année. Il fit ses premières armes devant Sébastopol comme lieutenant du génie. Il y attira déjà l’attention par sa santé de fer, que n’avait pas semblé promettre sa malingre jeunesse. Il y montra aussi ce froid mépris du danger qui le distingue et une disposition marquée à porter dans la vie des camps certaines préoccupations d’outre-tombe, qui lui font voir quelque chose au-dessus du bonheur et de la gloire. On lit dans une des lettres qu’il écrivit de Crimée : « Lord Raglan vient de mourir usé par les fatigues. Il est universellement regretté, et sa bonté l’en rendait digne. Son existence a été entièrement consacrée au service de son pays. J’espère qu’il est mort préparé, mais je ne le sais pas. » Il était plus rassuré sur le compte du capitaine Craigie, emporté par un éclat d’obus i « Le capitaine est mort par ce qu’on appelle le hasard. Je suis heureux de pouvoir dire qu’il était un homme sérieux. » Il estimait déjà que la vie est bien peu de chose, que l’essentiel est d’être sérieux et de mourir préparé.

Quand Sébastopol eut été pris, on employa le jeune lieutenant au règlement des nouvelles frontières en Bessarabie et en Arménie. Peu après son retour en Angleterre, il fut nommé instructeur, et, en 1859, il passa capitaine. Il avait alors vingt-six ans. En 1860, son pays était en guerre avec la Chine ; il entra à Pékin avec l’armée anglo-française. La paix signée, il se trouva que l’empire céleste avait d’autres ennemis sur les bras ; c’étaient les Taï-Pings, ces dangereux rebelles, ces féroces pillards qui, combattus mollement et encouragés par leurs succès, venaient de s’emparer de Nanking. Le gouvernement impérial était aux abois. Deux Américains imaginèrent de lui venir en aide en créant une armée à laquelle ils donnèrent le beau nom de « l’armée toujours victorieuse, » et qui, conduite par eux, ne marcha pas de victoire en victoire, Gordon, avec l’autorisation de ses supérieurs, en prend le commandement ; il soumet à une sévère discipline ce ramas étrange de mercenaires, recrutés dans l’écume du vieux et du Nouveau-Monde. Il livre à leur tête trente-trois combats ou assauts en moins de deux années, et ses coups d’audace étonnent l’Europe comme la Chine. Un de ses biographes nous apprend qu’en allant au feu, il n’avait d’autre arme que la badine qu’il balançait dans sa main et qu’on avait surnommée sa baguette magique[1]. Le voyant cheminer au milieu d’une grêle de balles dont pas une ne l’atteignait, ses soldats le croyaient invulnérable et protégé par un charme. Pourtant le charme fut rompu. Pour la première fois, il fut blessé à la jambe au malheureux siège de Kientang. Mais on vit alors quelque chose de plus digne d’admiration qu’un homme invulnérable : c’était un blessé qui, incapable de remuer et couché sur le dos, continuait de donner tranquillement ses ordres et de communiquer son indomptable courage à tout ce qui l’entourait. Cependant son bonheur ordinaire l’avait abandonné. Il essuya plus d’un échec, plus d’une déroute ; il prodigua inutilement le sang de ses hommes et de ses officiers. Un jour, il dut son salut à l’armée régulière chinoise, qu’il avait si souvent sauvée, et il lui laissa la gloire d’entrer à Nanking.

Les rebelles soumis, il licencie son armée, retourne en Angleterre, où il est nommé commandeur du Bain. De 1865 à 1871, on l’emploie à Gravesend aux travaux de fortification sur la Tamise et il consacre ses loisirs à enseigner le catéchisme et l’alphabet aux petits enfans. « Sa maison, dit M. Forbes, ressemblait plus à celle d’un missionnaire qu’au logement d’un officier du génie ; il l’avait transformée en infirmerie et en école. » En 1871, on l’envoie à Galatz pour participer aux études de la commission danubienne ; mais il devait bientôt échanger les moustiques du Danube contre ceux du Nil. Le khédive annonçait à grand bruit la généreuse intention de détruire le commerce des esclaves dans les provinces du Soudan, rattachées à l’Égypte dès le temps de Méhémet-Ali, qui en commença la conquête. On avait grand besoin d’argent, on pensait peut-être en obtenir plus facilement de l’Angleterre en se donnant l’air de vouloir mal de mort à la traite et à ceux qui la faisaient ; ce n’était pas la première fois qu’on jetait aux yeux de la crédule Europe un peu de sable de Nubie. Cette mission est offerte à Gordon ; il l’accepte et la prend au sérieux un peu plus qu’on n’aurait voulu. Du Caire, où il arrive au mois de février 1874, il se rend à Khartoum avec le titre bizarre de : « Son Excellence le général-colonel Gordon, gouverneur-général de l’Équateur. » Après vingt-trois jours d’un pénible voyage, il se présente dans Gondokoro, sa capitale. Il y trouve une misérable garnison de trois cents hommes, qui ne subsistaient que de brigandage, et il s’applique à enseigner à ces brigands le métier de gendarmes. Durant dix-huit mois il brave un climat meurtrier auquel succombaient les santés les plus robustes et qui n’a aucune prise sur lui, grâce à certaines pilules de son invention. Il reconnaît le cours du Nil Blanc jusqu’aux environs du lac Victoria-Nyanza ; il réussit non à supprimer, mais à réduire le commerce des esclaves ; il rétablit la confiance et la paix parmi les tribus, il organise une ligne de postes communiquant librement entre eux ; il gouverne en dictateur philanthrope qui, assuré de ne vouloir que le bien, trouve quelque plaisir à faire tout ce qu’il veut.

Ismaïl-Pacha se croit tenu de récompenser ses services en agrandissant son empire, et, pour lui être agréable, réunit en un seul gouvernement le Sennaar, le Kordofan, le Darfour, les provinces équatoriales. Khartoum devient sa résidence, où il ne réside guère. Des révoltes éclatent, le nouveau vice-roi du Soudan n’a plus une heure de repos. Il dévore l’espace, il franchit les déserts. De Massouah à Khartoum, de Khartoum à Shakka, il est partout à la fois. En une seule année, il fait plus de quinze cents lieues, monté sur son chameau, qui va comme le vent, et dont l’éternel tangage lui plaît. Il finit cependant par en souffrir ; il lui semblait « que son cœur et ses reins : s’étaient déplacés, » et, dans un moment de lassitude, il écrivait : « Quoique j’aime mieux être ici que partout ailleurs, je voudrais être mort plutôt que de vivre comme je vis. » Ismaïl, qui le prenait pour un magicien, a la bizarre pensée de le mander au Caire et de le consulter sur ses embarras financiers. Ce n’était pas l’affaire de Gordon et Ismaïl commence à douter de son omniscience. Après cette fâcheuse aventure, il retournera Khartoum ; les difficultés s’aggravent, les déconvenues se multiplient. Ses sous-gouverneurs, ses fonctionnaires de tout ordre trahissent leur mission, s’entendent secrètement avec les négriers, ne s’occupent que de passer de bons marchés avec eux et de se faire une part dans leurs profits. En un mois, le vice-roi du Soudan doit renvoyer au Caire trois généraux de division, un général de brigade, quatre lieutenans-colonels. En 1879, Ismaïl abdique, cède la place à Tevfik. Gordon s’empresse, de donner sa démission avant qu’on.la lui-demande ; on ne cherche à le retenir que pour la forme. Mais, avant de s’en aller, il consent à se charger d’une mission diplomatique en Abyssinie ; il y est en butte aux avanies, traité en suspect, presque en prisonnier : « Je ne vous écris, pas. les détails de mes misères ; elles sont finies, grâce à Dieu. Rien n’est moins confortable que de dormir avec un Abyssin à ses pieds, un second Abyssin à sa droite, un troisième à sa gauche. »

Cette fois, il se sentait à bout de forces. M. Joseph Reinach, qui, au mois de janvier 1880, le rencontra à bord d’un vapeur en partance pour Naples, nous a rapporté, ses conversations avec ce lion qui regrettait son désert[2]. Nous voyons par cet intéressant récit qu’il s’en prenait à tout le monde de ses déceptions. Il était « tout ulcéré par l’injustice de son gouvernement, par l’ingratitude du khédive, » et, pour se distraire de son chagrin, il inventait d’heure en heure un nouveau partage du monde et surtout, de l’empire ottoman. Mais sous la colère perçait la lassitude. Avant de quitter Alexandrie, il s’était fait examiner parle médecin du consulat britannique, qui avait découvert en, lui des symptômes d’épuisement nerveux et d’altération du sang et lui avait ordonné plusieurs mois de complet repos : lui-même en sentait le besoin. Il avait juré que désormais il ferait la grasse matinée, qu’il resterait au lit jusqu’à midi, qu’il flânerait, qu’il baguenauderait, qu’il n’irait jamais en chemin de fer et que jamais il n’accepterait une invitation à dîner. En revanche, il se promettait de manger chaque jour des huîtres à son déjeuner. Comme le remarque M. Forbes, il eut.les huîtres, il n’eut pas le repos.

En mai 1881, le marquis de Ripon s’embarquait pour les Indes, où il allait remplacer lord Lytton. Il propose à Gordon de l’emmener comme secrétaire ; Gordon oublie ses fatigues, ses sermens d’amoureux et accepte. Il s’aperçut bientôt, durant la traversée, qu’il ne s’accordait sur rien avec le marquis, et de son côté le marquis n’eut pas besoin de réfléchir longtemps pour découvrir qu’emmener Gordon aux Indes, c’était lâcher un taureau dans un magasin de porcelaines. Quels dégâts, bon Dieu ! Lord Ripon n’entendait pas répondre de la casse. A peine débarqué à Bombay, Gordon résigne ses nouvelles fonctions ; il part pour la Chine, qui avait un différend avec la Russie au sujet de Kashgar et réclamait les conseils du vainqueur des Taï-Pings. Il en donne d’excellens, après quoi il retourne en Angleterre, d’où on l’envoie dans l’île Maurice comme commandant du génie. Il y passa dix mois, étudia l’archipel des Seychelles et, par manière de récréation, s’occupa en même temps de déterminer l’emplacement du jardin d’Eden. L’année suivante, on l’appela au cap de Bonne-Espérance, pour remettre un peu d’ordre dans les affaires des Bassoutos. L’Afrique du Sud lui fut peu hospitalière ; il ne s’y entendit avec personne et repartit bientôt, sans que personne parût le regretter. Cette déconvenue lui fut plus cruelle que toute autre, le plongea dans un morne désespoir. Pour se consoler, il se rendit à Jérusalem, où il examina les lieux saints, comme l’a dit son cousin M. Hake, « avec les yeux d’un ingénieur et avec la foi d’un chrétien qui découvre des sermons dans les pierres. » Ce fut à Jérusalem que vinrent le trouver les propositions du roi des Belges, qui désirait l’envoyer au Congo. Mais M. Gladstone a eu le pas sur le roi Léopold, et, au lieu de partir pour le Congo, Gordon est parti pour Khartoum. S’il en sort vivant, comme nous l’espérons bien, on peut être sûr que ce sera pour s’en aller dans quelque autre endroit où il y a des coups à donner et des coups à recevoir.

Nous avons connu à Smyrne un journaliste, homme d’esprit et de mérite, mais le plus indolent des Levantins, qui depuis quarante ans qu’il était né, n’avait jamais pu prendre sur lui de monter jusqu’au château qui domine la ville et son port et commande une admirable vue. Il en coûte un peu plus de peine que pour monter à Montmartre, mais la différence n’est pas grande. Trois fois nous avions formé le projet de faire ensemble cette promenade ; chaque fois, au moment du départ, il s’écria : « Décidément c’est trop loin ! » Et il rentra chez lui. Il était fermement convaincu que le bonheur consiste à ne jamais changer de place et à faire chaque jour à la même heure la même chose qu’on a faite la veille et qu’on fera le lendemain. Ce Levantin et George Gordon représentent les deux bouts de l’échelle humaine. L’un trouvait que traverser la rue qui séparait sa maison du bureau de son journal était un travail assez pénible pour épuiser les forces d’un homme de bien. L’autre a parcouru toute la terre, elle lui a semblé trop petite, il n’a pas trouvé son compte et il se fie à la bonté divine pour lui faire habiter après sa mort un monde un peu plus étoffé que le nôtre. Jupiter est une planète quatorze cents fois plus volumineuse que la terre ; nous doutons pourtant qu’elle soit assez grosse pour suffire au bonheur éternel de Gordon.

Un Espagnol nous disait qu’il faut se défier des hommes qui ne mettent jamais leurs pantoufles. Il est certain qu’en général les gens qui courent le plus appartiennent à la classe des aventuriers. Ils espèrent trouver au bout de leur voyage un trésor ou une couronne, et leurs scrupules ne gênent pas beaucoup leur ambition. Tel fut ce Burgevine que Gordon rencontra à Shanghaï. Natif de la Caroline du Nord, on l’a vu successivement en Californie, en Australie, dans les îles Sandwich, aux Indes, à Jeddah, à Londres, dans bien d’autres endroits encore. Il n’était pas sans éducation, et le docteur Wilson l’a défini « un de ces gentlemen nautiques, qui combinent quelque goût pour la littérature avec la faculté de gouverner un bâtiment caboteur et celle de fonder un grand empire, pourvu que le diable s’en mêle. » Après être allé partout, cherchant et ne trouvant pas, il retourna de guerre lasse en Amérique, où il fut à la fois employé dans un bureau de poste et le rédacteur en chef d’un petit journal. Mais ce n’était pas son dernier mot ; plantant là son journal, il partit pour la Chine, qui était devenue le rendez-vous des aventuriers comme l’Amérique centrale au temps de Walker. Il fut l’un des inventeurs, l’un des recruteurs de « l’armée toujours victorieuse. » Furieux de voir un autre en prendre le commandement, il intrigua, cabala, perdit son procès, et de dépit il passa au service des Taï-Pings. Mais, se ravisant bientôt, il entra en négociation avec Gordon. Son âme était si noire qu’au moment où il traitait avec lui et se recommandait à sa clémence, il hésitait s’il ne trouverait pas plus de profit à s’emparer de sa personne pour le livrer aux rebelles. Un de ses lieutenans, nommé Jones, lui représenta qu’il se déshonorerait à jamais par ce guet-apens. Burgevine déchargea son revolver sur le sermonneur ; la balle pénétra dans la joue et le blessé s’écria : « Vous avez tiré sur votre meilleur ami. » A quoi l’homme au revolver répliqua : « Plût à Dieu que je vous eusse tué ! » Ce fut Jones lui-même qui raconta cette histoire, et Burgevine fit insérer aussitôt dans une feuille de Shanghaï une petite note ainsi conçue : « Le récit du capitaine Jones touchant cet incident est essentiellement correct, et je ressens un vif plaisir à rendre un témoignage à sa candide véracité toutes les fois qu’il s’agit d’une affaire dont il a eu la connaissance personnelle. » Le cynisme ne mène pas toujours à la fortune. Après tant de vicissitudes, Burgevine périt misérablement en passant une rivière dans un bac, et il est permis de croire que personne ne l’a pleuré.

Le général Gordon n’a de commun avec les Burgevine que l’éternelle inquiétude de l’humeur, le goût des entreprises, des nouveautés, la longueur des enjambées et l’impossibilité de tenir en place. Mais il y a cette grande différence entre un aventurier et lui qu’il n’a jamais servi que des causes qui lui semblaient justes, nobles ou généreuses, et que son désintéressement égale son audace. Il a eu bien des occasions de s’enrichir ; il les a manquées volontairement. Il ne prend ni ne reçoit, il donne le peu qu’il a. Il écrivait en 1864 : « Je quitte la Chine aussi pauvre que j’y suis entré. » Il avait refusé toute autre récompense de ses services que la jaquette jaune et la plume de paon et employé sa solde à pourvoir aux besoins de ses soldats. Plus tard, au Soudan, le gouvernement égyptien lui offrait un traitement de 10,000 livres sterling, il n’en voulut accepter que 2,000. On a pu le surnommer le chevalier sans ambition comme sans peur.

Mais on aurait tort de prendre le désintéressé Gordon pour un de ces philanthropes enthousiastes qui croient aveuglément à ce qu’ils font parce qu’ils ont à la fois une âme ardente et l’esprit court. Les injustices le révoltent, lui échauffent le sang, lui causent des accès de violence, des emportemens qui font trembler. C’est dans ces momens-là qu’il traite de saltimbanques les politiques, les diplomates, et de brutes les soldats qui s’entendent mieux à piller qu’à se battre. Les uns comme les autres, il voudrait qu’ils n’eussent qu’un cou pour pouvoir les étrangler tous ensemble. Mais, dans l’habitude de la vie, il a l’esprit rassis et plein de raison, un bon sens qui voit le fort et le faible de tous les argumens et de toutes les causes, une sérénité de jugement, accompagnée d’humour, une philosophie ironique, un peu narquoise. En se rendant à Gondokoro, il s’égayait aux dépens de ses nouveaux sujets, accourus à sa rencontre dans leur plus grande tenue et dont tout le costume consistait en un collier. Il écrivait vers le même temps qu’au milieu de la nuit, un éclat de rire parti d’un buisson l’avait fait tressaillir : « Je me sentis un peu déconcerté, mais je découvris bientôt que ce rire venait d’un oiseau qui se moquait de nous d’une façon assez déplaisante. C’était une sorte de cigogne, laquelle semblait de fort belle humeur, in capital spirits, et s’amusait infiniment en pensant que quelqu’un pût aller à Gondokoro dans l’espérance d’y faire quelque chose. »

Il a l’esprit ainsi fait que, par intervalles, il se prend à douter non-seulement du succès de ses entreprises, mais même de leur utilité. Il n’a pas sur le bonheur les idées généralement reçues, et ce philanthrope craint parfois de se tromper en travaillant de propos délibéré à la félicité de ses semblables : « Nègres, négresses et négrillons, je prétends que ces pauvres noirs du Soudan, qui ne mangent pas tous les jours, sont plus heureux que nos classes moyennes d’Angleterre. Quoiqu’ils n’aient pas la moindre guenille pour se couvrir, ils ne passent pas leur temps à geindre et à grogner comme des vingtaines d’Anglais, qui dans leurs gros dîners se battent, péniblement les flancs pour se procurer une gaîté bien creuse et bien, misérable. » Après avoir parcouru le monde, Gordon a pesé et soupesé la terre dans le creux de sa main ; elle lui a semblé très légère. Dans ses heures de détachement, il prend, en pitié les choses humaines, il les juge et se juge lui-même. Un Européen qui entreprend de civiliser un Africain lui fait l’effet d’un renard prêchant la morale et le respect des poulaillers à un putois. Il est tenté de croire qu’en définitive tous les hommes se valent, que leurs plus grandes affaires, sont de purs néans, qu’on a bientôt fait d’en connaître la vanité : « Ramasser et cuire une pomme de terre est un aussi gros intérêt pour une pauvre femme que la réorganisation de l’armée anglaise pour Cardwell. Nous sommes tous, des poules, et chacun de nous aime à se figurer que les œufs les plus beaux sont ceux qu’il a pondus. »

Les aventuriers courent le monde pour y chercher leur proie ; les enthousiastes se vouent au service d’une idée qu’ils adorent avec les illusions d’un amant bien épris qui ne se permet pas de discuter sa dame. Gordon ne ressemble : ni aux uns ni aux autres. Cet homme maigre, dont M. Reinach admira « les yeux très doux, vagues, comme perdus dans un monde lointain de pensées, » offre le bizarre assemblage d’un bon sens ironique, qui n’est dupe de rien, et d’un illuminé qui cherche dans sa Bible les règles de son devoir. C’est une Bible particulière, paraît-il, qu’il a réduite et arrangée pour son usage. Refuse-t-elle de répondre à ses questions, il se recueille, il s’interroge, et les inspirations divines qu’il reçoit décident de sa conduite. En Chine comme au Soudan, il a toujours vu très clair dans les choses humaines, il n’a jamais pris des vessies pour des lanternes ; mais, il croit aussi que Dieu cause avec Gordon, lui donne des ordres, et coûte que coûte, il les exécute en faisant taire les objections de son bon sens, qui lui représente que le labeur qu’il s’impose est trop lourd pour ses épaules ou que les gens qu’il oblige sont des imbéciles ou des drôles. Le 6 octobre 1876, comme il balançait à quitter le Soudan, où beaucoup de choses lui déplaisaient, il écrivait à un ami : « M. Confort, un très impérieux gentleman, me dit : « Vous vous portez bien, vous en avez fait, assez, allez-vous-en chez vous, tenez-vous coi et ne risquez plus rien. » — Mme la Raison dit à son tour : « Que vous sert de conquérir plus de pays à un si triste gouvernement ? Ils ont déjà sous leur pouvoir plus de terres qu’ils n’en peuvent administrer. Allez-vous-en bien vite. » — Mais M. quelqu’un (je ne sais pas qui c’est) me dit : « Ne tâchez pas de deviner les secrets de l’avenir ; laissez à Dieu ce soin et faites ce que vous jugez bon pour ouvrir le pays jusqu’aux deux lacs de l’Equateur. Faites cela non pour le khédive et son gouvernement, mais faites-le en aveugle et par acte de foi. » Ce joueur mystique est persuadé que c’est son Dieu lui-même qui lui a mis en main les cartes avec lesquelles il joue. Il lui arrive souvent de maudire son jeu, de douter de la valeur de ses atouts ; mais Dieu le veut, il jouera la partie. S’il la perd, il en conclura que les voies de la Providence ne sont pas les nôtres, qu’elle avait des desseins particuliers sur son serviteur Gordon, qu’elle l’a soumis à de redoutables épreuves dont il doit faire son profit pour le salut de son âme.

Voltaire disait que quelques âmes pieuses croient recevoir d’une communication intime avec le ciel ce qu’elles ne tiennent que de leur imagination enflammée : « C’est alors, ajoutait-il, qu’on a besoin du conseil d’un honnête homme et surtout d’un bon médecin. » Mais Gordon n’écoute pas les conseils ; s’il les écoutait, il ne serait plus Gordon, et le monde y perdrait. Ce fataliste chrétien va droit devant lui jusqu’à ce qu’il rencontre le mur. Il le heurte si vigoureusement de sa puissante tête, il cogne à coups si redoublés que souvent le mur tombe. Quand le mur ne tombe pas, il a des colères rouges, après quoi il se résigne aux mystères de la prédestination. « Je suis très las, disait-il un jour, mais je m’en vais seul avec un Dieu tout-puissant pour me diriger et me guider, et je suis heureux d’avoir une telle confiance en lui que je ne crains rien. » Son fatalisme lui permet d’accomplir impunément des folies d’audace. Après la prise de Su-Tscheu, désespérant de tenir en bride l’humeur pillarde de ses soldats, il se hâta de les faire partir pour Quinsan et demeura seul à la merci d’ennemis frémissans et d’alliés douteux. A peine avait-il renvoyé son monde, il apprit que le gouverneur chinois Li-Hung-Chang venait de faire massacrer des prisonniers à qui Gordon avait promis la vie. Use crut tenu de venger ces malheureux et la parole violée ; le revolver au poing, il poursuivit le traître de maison en maison. Heureusement Li se cacha bien, il ne le trouva point. Dans le Darfour, à Dara, à Shakka, devançant de bien loin son escorte, on l’a vu arriver inopinément sur son chameau, pénétrer dans un repaire de brigands, de meurtriers qui avaient juré d’en finir avec lui, désarmer leurs complots par la puissance de son regard, par l’autorité de sa parole et de son geste, et sortir vivant de cette caverne.

C’est par son fatalisme aussi que s’explique sa hautaine indifférence dans le choix de ses instrumens. Cette armée, toujours victorieuse, qu’il commandait en Chine, s’affaiblissait continuellement par la désertion ; Gordon comptait pour boucher les trous sur les prisonniers qu’il faisait aux Taï-Piogs et qu’il s’empressait de faire entrer dans le rang. Après s’être battus contre lui, ils se battaient pour lui, et leur général les traitait tous de racaille, et cette racaille lui était bonne pour accomplir les desseins de Dieu. Lorsqu’il fut nommé gouverneur de l’Equateur, il eut soin d’emmener à Gondokoro son favori Abou-Saoud, que out le monde au Caire lui signalait avec raison comme un coquin fieffé qui n’attendait que le moment de le trahir. Quand on est pénétré de la doctrine de la grâce, quand on croit à ses opérations mystérieuses et soudaines qui changent les cœurs, on ne met pas une très grande différence entre un coquin et un honnête homme. On songe au brigand crucifié qui entra le premier au paradis.

Aussi Gordon est-il toujours prêt à se remettre avec les drôles qu’il avait juré d’étrangler ou de fusiller, et sa vie offre l’exemple de réconciliations bien étranges. Peu de jours après son affaire avec le gouverneur Li, à qui il voulait brûler la cervelle, il avait tout pardonné, tout oublié ; on s’aimait si tendrement qu’en 1882, quand on se retrouva à Tientsin, on se jeta au cou l’un de l’autre. Plus bizarre encore fut sa conduite avec Zebehr-Pacha, le principal négrier du Soudan, dont le fils Soliman était chef de bandes et dévasta toute une province. Quand le fils fut pris, on trouva sur lui des papiers du père qui démontraient sa complicité. Gordon lui-même se porta son accusateur, dénonça ses brigandages. Il fut condamné à mort ; mais au lieu de le faire exécuter, le khédive le pensionna. Ce qui surprend davantage, c’est que Gordon, qui regrettait de n’avoir pu le pendre de sa main, a fait aujourd’hui alliance avec lui et prétend confier à cet honnête homme l’avenir du Soudan. Embrasser Li et faire de Zebehr un gouverneur général, il faut pour cela croire bien fermement à la grâce. Mais qu’importe à Gordon ce qu’on peut penser de lui ? Il ne prend pour juge ni le succès, ni l’opinion ; il fait ce que Dieu lui dit de faire, il méprise le monde et ses vaines censures. C’est encore là une de ses indifférences.

Faute d’avoir pénétré assez avant dans les replis de son singulier caractère, on a relevé récemment dans sa conduite des contradictions qui n’en sont pas et qu’on a tort de lui reprocher. Ce fut un étonnement dans toute l’Europe quand on apprit qu’au mois de février dernier Gordon s’était fait précéder à Khartoum par une proclamation qui autorisait les marchands d’esclaves à reprendre leur petit commerce. On en conclut que les héros sacrifient dans certains cas leurs principes à la politique, que les plus saints savent s’accommoder aux circonstances, que si vous grattez un inspiré, vous trouverez l’habile homme. On oubliait que, dans le temps où il gouvernait le Soudan, Gordon, tout en travaillant à détruire l’esclavage, n’était point un abolitionniste à outrance. Sa correspondance, publiée par M. Birkbeck Hill, en fait foi[3]. Il ne faut pas demander à un inspiré d’adopter de toutes pièces des programmes tout faits. Ce qui lui faisait horreur, comme il le déclarait en 1875, c’étaient les incursions à main armée des recruteurs d’esclaves, leurs victimes indignement torturées, le sang répandu, le dépeuplement de districts entiers. Mais il ajoutait : « Si de leur propre mouvement un père et une mère se décident à vendre leur enfant et que leur enfant y consente, je n’ai pas d’objection à leur faire… Voudriez-vous qu’on fusillât tous les trafiquans de chair humaine ? écrivait-il encore. N’ont-ils pas leurs droits ? Les planteurs n’en avaient-ils pas ? J’aurais donné 500 livres sterling pour que la société des abolitionnistes se trouvât à Dara pendant les trois jours où l’on put douter si les négriers livreraient bataille ou non. Un méchant fortin, une garnison affolée de peur, et, d’autre part, une bande d’hommes déterminés, aguerris, munis de bons fusils et de deux pièces de canon, que voulez-vous faire là contre ? Comprenez-moi, les esclaves capturés, je les expédierai en Égypte et je ferai ce que Dieu dans sa miséricorde voudra bien m’inspirer au sujet des esclaves domestiques. Ce que je veux empêcher, au risque de me rompre le cou, ce sont les razzias. Mais, si cela me convient, j’achèterai des esclaves pour mon armée et j’en ferai, malgré eux, des soldats pour tenir en respect les voleurs de femmes et d’enfans. »

Assurément il doit lui en coûter d’être chargé lui-même de défaire l’œuvre qu’il avait ébauchée par des prodiges de courage et d’entêtement. Mais il avait perdu depuis longtemps toutes ses illusions ; il disait, il y a plusieurs années déjà : « L’esclavage ne cessera dans le Soudan que le jour où vous inventerez le moyen de retirer d’une feuille de papier brouillard toute l’encre qu’elle a bue. » Il savait que sur trois convois d’esclaves qu’il tentait d’arrêter au passage, deux lui échappaient par la connivence de ses officiers, qui s’entendaient avec les marchands comme larrons en foire. Pour gouverner ces territoires annexés au royaume des Pharaons, il faut être soi-même Pharaon, et Pharaon était un homme qui avait beaucoup de prestige parce qu’il avait le pouvoir de récompenser ses amis et de châtier ou de supprimer ses ennemis. A son gré, il nommait son échanson président de son conseil ou faisait pendre son panetier, sans avoir de comptes à rendre à personne. Durant son séjour au Soudan, Gordon n’avait ni panetier ni échanson ; mais il aurait bien voulu pendre quelques-uns de ses sous-pachas, qui trahissaient sa confiance, conspiraient avec les brigands ou pressuraient les humbles et les petits. Il n’osa jamais prendre cette liberté grande, que le khédive ne lui avait point octroyée, et il en vint à désespérer peu à peu de son œuvre. Le bien qu’il faisait ne rachetait pas le mal que faisaient ses fonctionnaires, et il ne pouvait se dissimuler que le jour où il quitterait ce pays, son impuissante dictature serait remplacée par le règne effronté du courbache et du bakchich. Était-ce la peine d’ôter le Soudan à ses maîtres naturels pour le donner à l’Égypte ?

Désabusé par ses dures expériences, il s’est prêté facilement aux vues du cabinet anglais. Dans le mémorandum qu’il rédigea pendant sa traversée de Marseille à Alexandrie et qui parvint au foreign office le 1er février de cette année, il s’exprimait ainsi : « Plus grand que l’Allemagne, la France et l’Espagne réunies, le stérile Soudan est une possession inutile, il l’a toujours été et le sera toujours. Il ne peut être administré que par un dictateur ; si ce dictateur est mauvais, il y aura de constantes révoltes… En conséquence, j’estime que le gouvernement de Sa Majesté est pleinement autorisé à recommander l’évacuation de ce pays. Il le laissera tel que Dieu l’a créé. Les gens qui l’habitent ne sont pas forcés de se battre les uns contre les autres, et du moins ils ne seront plus opprimés par des pachas venus de la Circassie, de l’Anatolie et du Kurdistan. » C’est ainsi qu’il se console. Certes, il ne peut se flatter que ces sultans locaux auxquels on restituera leurs pouvoirs seront des souverains pleins de mansuétude et de délicates attentions pour leurs peuples. Mais si Gordon l’illuminé s’est persuadé quelque temps que le ciel l’avait choisi pour faire le bonheur des nègres du Soudan, Gordon le philosophe a décidé que les khédives sont des philanthropes fort suspects, et qu’ils n’ont jamais fait dans les pays qu’ils retiennent sous leur obéissance d’autres heureux que les pachas qu’ils y envoient avec la permission d’y remplir leurs poches.

Chevalier errant qui doute par intervalles de la beauté de sa dame et ne laisse pas de jouer sa vie pour elle, fataliste chrétien qui exécute les ordres du ciel sans être, bien sûr que ses prouesses profiteront à qui que ce soit, mystique plein de bon sens, qui agit par inspiration et permet à sa raison de le juger, vivant dans de continuelles alternatives d’ivresse et de dégrisement, et tour à tour le plus téméraire ou le plus résigné des Anglais, George Gordon, Gordon le Chinois, Gordon Pacha est l’exemple peut-être unique d’un homme dont la tenace volonté a fait de grandes choses en ne croyant qu’à moitié à ce qu’elle fait. Mais il n’aura fondé dans les vicissitudes de sa vie très agitée aucune œuvre durable ; on ne fait œuvre qui dure qu’à la condition d’y croire tout à fait, et le repentir est la plus inutile des sagesses. Cet homme extraordinaire avait détruit dans les pays du Haut-Nil les vieux moyens de gouvernement, il les avait remplacés par Gordon ; deux jours après son départ, les vents d’Afrique ont soufflé sur sa fragile entreprise, et le sable du désert n’a pas gardé la trace de ses pas. Cependant, avec quelque réserve qu’on admire son génie, il est impossible de ne pas s’intéresser vivement à son sort ; l’Europe entière apprendrait avec soulagement qu’il a échappé aux mains violentes et rusées des serviteurs du mahdi. Les lions ne sont pas faits pour périr sous la griffe des chacals, et Gordon est une trop noble proie pour les Bédouins du Soudan.


G. VALBERT.

  1. Chinese Gordon, a succinct Record of his life, by Archibald Forbes. Londres, 1884.
  2. Revue politique et littéraire, n° du 16 février 1884.
  3. Colonel Gordon in Central Africa, by Birckbeck. Hill.