Le Grand Malaise des sociétés modernes et son unique remède/Avant-propos

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Avant-Propos

Je tiens à rappeler ici, en le reprenant pour mon compte, ce que le bon Rollin écrivait à l’avant-propos de son Histoire Romaine : « Je n’ai point dissimulé que je faisais beaucoup d’usage du travail des autres… »

Sans doute j’aurais pu, m’inspirant des remarquables travaux des Laveleye, des Laboulaye, des Championnière, des Letourneau et de tant d’autres, reprendre en de nouvelles phrases ce qu’ils ont dit excellemment ; mais qui ne voit ce qu’un tel exposé gagne à ce que ce soit eux et non moi qui le présente ?

Aussi bien je n’ai point fait ici œuvre originale. L’exercice de ma profession d’éditeur m’ayant un jour soufflé une idée, je dus, sous cette inspiration, aller aux sources. C’est là qu’auprès de la plus pure et de la plus haut jaillissante, je retrouvai en Émile de Laveleye toutes les justifications de mes doutes et de mes espoirs. Aussi n’exprimerai-je jamais assez ma reconnaissance pour cet homme qui fut un grand esprit et un cœur généreux.

Si j’ai pu atteindre à ce que j’appelle sans aucune prétention, mais dans l’ardeur de ma conviction, l’unique remède, — les deux pas de plus à quoi se ramène toute découverte, c’est à lui que je dois d’avoir pu les faire, à lui qui m’apprit à marcher. La solution que j’avais imaginée de toutes pièces et dans la nuit de mon ignorance n’était qu’une création de l’imagination, c’est-à-dire, en un tel domaine, rien du tout. Laveleye m’apporta la lumière de ses longues recherches dans l’histoire et à travers le monde, car si l’histoire n’est pas, comme le voulait Fustel de Coulanges, la sociologie même, elle est, selon l’expression d’Albert Sorel, le grand musée, le grand laboratoire de la sociologie.

De cette double nécessité d’évoquer l’histoire et d’invoquer sans cesse l’autorité des maîtres de la sociologie et du droit, est résultée une abondance de citations dont je m’excuse, mais dont en même temps je me réjouis en songeant que, si elles alourdissent le texte, c’est à la façon de ces artilleries lourdes qui marchent à la conquête des citadelles en faisant trembler le sol.