Le Jardin du Silence et la Ville du Roy/IV/La fontaine dont l’eau…

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G. Oudin & Cie (p. 139-140).



VIII


La fontaine dont l’eau reflète les dauphins
Est comme une couronne au milieu de la place.
Un hôtel la fait sienne, un autre hôtel l’enlace
De sa fenêtre ouverte tremble un baldaquin.

Le silence est un page et sa robe est unie.
Les arbres paresseux de l’automne sans bruit
Jettent, en courtisans, une petite pluie
De feuilles d’or. Et l’eau de la fontaine luit.


Des femmes qui s’en vont aux vêpres du dimanche
Passent sans regarder cette vasque où, le soir,
Doivent venir en chœur, languissantes et blanches,
Se baigner les Psyché délaissant leur boudoir.

Un style Louis quinze et des courbes toscanes
Font les beaux sur la pierre où dansent leurs contours ;
Ils paradent devant la mousse qui se fane,
Devant l’ombre qui monte et devant son amour.

Le temps est le dernier galant de la fontaine ;
Sans se lasser, à chaque aurore il lui redit :
« Tes dauphins et ton eau ressemblent à la peine
Que trace le printemps dans le printemps parti. »