Le Lac Ontario/Préface

La bibliothèque libre.
Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne, Gosselin (Œuvres, tome 17p. 1-2).

PRÉFACE.





Le plan de cet ouvrage s’est présenté à l’esprit de l’auteur il y a plusieurs années, quoique l’invention des détails soit d’une date récente. L’idée de rassembler des marins et des sauvages au milieu d’incidents qu’on peut supposer devoir faire connaître le caractère des grands lacs de l’Amérique, ayant été mentionnée à l’éditeur, celui-ci obtint de l’auteur une sorte de promesse d’exécuter ce projet quelque jour, ce qu’il fait aujourd’hui, quoique un peu tard et imparfaitement.

Dans le principal personnage de cette légende, le lecteur pourra reconnaître un ancien ami dans de nouvelles circonstances[1]. Si la manière dont se montre cette vieille connaissance sous un nouveau point de vue ne diminue pas la faveur qu’il a obtenue du public, ce sera un grand plaisir pour l’auteur, car il prend à l’individu en question presque autant d’intérêt que celui qu’inspirerait la réalité. Ce n’est pourtant pas une tâche facile de présenter le même individu dans quatre ouvrages différents, et de soutenir le caractère particulier indispensable pour son identité, sans courir le risque de fatiguer le lecteur par une sorte d’uniformité. Cette épreuve a été différée si longtemps, autant par doute qu’elle pût réussir que par toute autre cause. Dans une telle entreprise, comme dans toutes les autres, « c’est la fin » qui doit « couronner l’œuvre. »

Le caractère indien offre si peu de variété, que j’ai cherché à éviter de trop appuyer sur ce point dans la présente occasion, et je crains même qu’on ne trouve plus de nouveauté que d’intérêt dans la réunion de l’Indien et du marin.

Le novice pourra regarder comme un anachronisme de placer des navires sur l’Ontario au milieu du xviiie siècle ; mais à cet égard, les faits justifieront ce qu’on pourrait croire la licence d’une fiction. Quoique les bâtiments mentionnés dans cet ouvrage puissent n’avoir jamais existé sur ce lac ni ailleurs, on sait que d’autres navires ont vogué sur cette mer intérieure à une époque plus éloignée que celle qui vient d’être indiquée, et ils leur ressemblaient assez pour former une autorité suffisante pour les introduire dans un ouvrage de fiction. C’est un fait dont on ne se souvient pas généralement, quoiqu’il soit bien connu, qu’il se trouve, le long des grands lacs, des endroits isolés qui remontent, comme établissements, aussi loin que la plupart des anciennes villes d’Amérique, et qui étaient le siège d’une espèce de civilisation long-temps avant que la plus grande partie même des États les plus anciens fussent tirés du désert.

L’Ontario a été de notre temps la scène d’importantes évolutions navales. Des flottes ont manœuvré sur ces eaux qui, il y a un siècle, étaient aussi désertes que des eaux peuvent l’être, et le jour n’est pas éloigné où la totalité de cette vaste suite de lacs deviendra le siège d’un empire, et offrira tout l’intérêt que peut inspirer la société humaine. Un regard jeté en passant, même dans un ouvrage de fiction, sur ce qu’était il y a si peu de temps cette vaste région, doit aider à se procurer les connaissances qui peuvent seules faire apprécier justement les voies merveilleuses par lesquelles la Providence prépare un chemin à la civilisation dans toute l’étendue du continent américain.


  1. Voyez le Dernier des Mohicans, les Pionniers et la Prairie, romans de J. Fenimore Cooper, dans lesquels figure le même personnage sous les noms de la Longue-Carabine, Bas-de-cuir et du Vieux-Trappeur.