Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Affaires

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 5).
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AFFAIRES. — En franç. Dieu seul sait ce que ce mot a de sens, mais tous abstraits. Le Lyonnais l’a étendu aux choses matérielles. Affaires s’entend ainsi de tous objets, surtout des menus. J’avais là mon dé, mes ciseaux, tu déranges toujours toutes mes affaires !… Se dit particulièrement des vêtements. T’esses bien si faraud ce matin ? — Oh, c’est le dimanche des Bugnes ; i fallait bien mettre ses beaux affaires ! Pourquoi, dans le sens de vêtements, ce mot est-il masculin, et féminin dans les autres, on se le demande. Remarquer que le xvie siècle siècle l’employait en général au masculin. « Mettans en auant ce qu’ils auoient vu exploiter en tels affaires », dit Eutrapel. Et Cotgrave : « Affaire, masc. » Et il cite pour ex. « Qui veut entretenir ami, n’ait nuls affaires avec lui. »

Affaire s’applique un peu à tout. En Auvergne, j’ai entendu d’innocentes jeunes filles chanter et danser ce branle sur l’air de notre chanson lyonnaise, Ma móre n’ayet qu’ina dint :

Ma maïré
M’avié toudzou dit
Que mon affaïré
Patafinarié !

« Ma mère — m’avait toujours dit — que mon capital — se chiffonnerait. » (Traduction de M. Alex. Dumas fils).

Les affaires avant tout. Proverbe d’un usage constant chez les Lyonnais. Dans ma jeunesse M. X…, riche fabricant de la rue Royale, avait un objet adoré qui logeait place des Terreaux. En ce temps-là, tous les magasins se fermaient à 2 heures pour rouvrir à 4. Or, un jour, juste à l’instant le plus pathétique d’une brûlante déclaration, M. X… entend sonner quatre heures à l’Hôtel de Ville. « Quatre heures ! les affaires avant tout », dit-il en se rajustant précipitamment. Il ne le raconta point, mais si bien la bonne âme.