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Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Druge

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 141).
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DRUGE, s. f. — 1. Pousse excessive des végétaux. C’est la druge qui empêche ce poirier de produire. Au fig. surabondance, pléthore, excès de plaisir ou de santé, ou d’autre chose. J’ai raconté le mariage d’Agnus Poupard, et comme il était caquenano. Mais il finit par se déniaiser, et fit comme les nouveaux convertis, qui se livrent à des excès de dévotion. En quelques mois, il était devenu tout ch’ti, déviandé, un hareng sauret. Sa maman le mena chez M. Chrétien, qui connut tout de suite ce qu’il avait, et dit : C’est la druge du mariage. Il demanda si Agnus avait un oncle curé. Précisément il en avait un, curé dans le Mâconnais.

« Alors, dit M. Chrétien, faut qu’il parte tout de suite ; il servira la messe tous les matins ; il boira chaque jour au moins deux grands pots de bon vin ; le matin, pur ; le soir, sans eau ; et il mangera de gros trocs d’aloyau et de couare. Puis, comme bien s’accorde, il boira le remède « que chacun porte avec soi ». Il restera là trois mois, sans broncher, et sans recevoir de visites, que celle de sa maman. »

Fait comme dit. Les trois mois parachevés, Agnus était florissant. Il te vous avait un visage, un vrai cul de pauvre. Venu le moment de rentrer, il prit la voiture de Casse-talon, pour aller à Mâcon, où il devait trouver les vapeurs. Voilà qu’en passant devers un pré, il voit un âne en train de faire sa déclaration à une ânesse. Oh, toi, que fit Agnus, si t’as pas un oncle curé, je t’en donne pas pour six mois !

Du celtique : kymri drud, vigoureux ; gaëlique druth, pétulant.

2. Fumier, engrais. — Armoricain druz, gras, en parlant de la terre ; druza, graisser, engraisser. Évidemment le même que le kymri drud.

Être dans ses druges, Être sous le coup d’une violente exitation. Se dit des chats quand ils ont leurs nerfs, qu’ils bondissent, qu’ils ne peuvent tenir en place, qu’ils soufflent, etc.

Se plaindre de druge, Se plaindre de trop de bien-être, de l’excès d’amour de sa femme, etc. En un mot, se plaindre que la mariée est trop belle.