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Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Jus noir

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 206).
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JUS NOIR. — Suc de réglisse. Dans mon enfance on le vendait chez les épiciers par gros bâtons, où l’on ébréchait la lame de son couteau pour en couper de petites braises, que l’on mettait dans la bouche (le jus noir est très fort). Puis les apothicaires ont fait des boites pleines de petites crottes de jus noir, fabriquées à la mécanique. C’est notre grand remède contre le rhume, et quand il ne fait pas de bien au rhume, il fait toujours du bien au pharmacien. Nous prononçons toujours jus noir comme s’il était tout d’un mot.

Un professeur de la Martinière, ayant croqué un rhume, suçait force jus noir en faisant sa leçon de grammaire aux élèves de première année. Après avoir parlé du « complément direct (que ces termes de grammaire sont beaux !) » il demande un exemple. Un gone espiègle se lève : Je suce mon jus noir ! — Très bien ! fait le professeur, maintenant comment écrivez-vous jus noir ? Le gone d’épeler : j, u, ju ; n, o, i, noi ; r, e, re ; junoire ! — Très bien encore ! L’orthographe n’est peut-être pas absolument conforme à celle de l’Académie, mais elle est tout à fait lyonnaise.

Au fig. Roupie des tabasseux. Dans mon enfance, il y avait beaucoup plus de priseurs que de fumeurs, et c’est à chaque instant que dans les salons on entendait une bonne dame dire à son mari : Dodophe (ou Tuthur), torche donc ton jus noir ! — C’est de là que les mouchenez ont pris le nom de tire-jus.