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Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Prendre

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 280).
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PRENDRE. — Prendre la porte, S’en aller, Quand j’ai vu ce que c’était que ces pratiques, j’ai pris la porte sans demander mon restant. Encore une de ces locutions bizarres dont la formation logique est difficile à expliquer.

Elle a pris mal à l’église, Elle y a pris une syncope.

Prendre froid.Il a pris froid à la chasse, et, en rentrant, il s’est alité d’une pleurésie. On dit que cette phrase n’est pas française, mais elle le deviendra.

Prendre peur. « Le Roi, dans sa sagesse, il prit peur, » disait un Napolitain. Est-ce français ? Je ne trouve que prendre l’épouvante, qui est analogique, mais où épouvante est précédé de l’article. Toutefois le locution prendre peur est si usitée qu’elle peut passer comme française.

Prendre la fièvre, un rhume, etc., n’est pas français, selon Humbert ; mais il a tort. Mme de Sévigné a dit : « Je suis effrayée de ces fièvres, que je crains que vous ne preniez à Versailles, » et Littré donne en exemple : Prendre le typhus. Les puristes dépassent toujours leur but.

Si vous le prenez par là, je vous l’accorde. Piquante façon de parler pour dire : « Si vous considérez la chose de ce côté, etc. »

Où prenez-vous cette ville ? Où est située cette ville ? Cette locution est peu française, mais elle est fort drôle, et l’on se demande par quelle liaison d’idées elle a pu se produire.

C’est à prendre ou à laisser. — Dicton que les marchands peu patients emploient toutes fois et quantes qu’ils n’entendent faire aucun rabais sur leur marchandises. Mon père me racontait qu’au temps où les lavements n’étaient pas encore comme aujourd’hui, grâce au progrès des sciences mécaniques, un monologue, mais un dialogue, un bon paysan entre chez un de nos forts apothicaires pour se faire délivrer le bouillon. L’affaire heureusement terminée, le lavementé, avant même de rajuster le désordre de sa toilette, demande combien. — Quinze sous (c’était le tarif ordinaire, me racontait ma mère). Le paysan en offre six. Tirage. L’apothicaire, impatienté, finit par dire : C’est à prendre ou à laisser ! — Alors je le laisse, dit le paysan, en le laissant en effet.