Le Livre des merveilles (Hawthorne), première partie/Préface

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Traduction par Léonce Rabillon.
L. Hachette (Première partiep. iii-v).


PRÉFACE DE L’AUTEUR.


L’auteur a pensé longtemps qu’un grand nombre de fables mythologiques pourraient fournir aux enfants d’excellents sujets de lecture. C’est dans ce but qu’il a réuni dans le petit volume aujourd’hui offert au public une douzaine de récits. Il avait besoin, pour l’exécution de son plan, d’une grande liberté ; mais quiconque essayera de rendre ces légendes malléables au creuset de son intelligence, observera qu’elles sont merveilleusement indépendantes des temps et des circonstances. Elles demeurent essentiellement les mêmes, après une foule de changements qui altéreraient la véracité de toute autre histoire.

L’auteur ne se défendra donc point d’avoir commis un sacrilège, en revêtant parfois d’une forme nouvelle, selon les caprices de son imagination, des figures consacrées par une antiquité de deux ou trois mille ans. Aucune période de temps ne peut prétendre conserver à ces traditions immortelles un type privilégié. Elles semblent n’avoir jamais été créées ; et, sans aucun doute, aussi longtemps que l’homme existera, elles seront impérissables. Aussi, par cela même qu’elles sont indestructibles, chaque âge a le droit de s’en emparer pour les mettre en harmonie avec ses idées et ses sentiments, et leur imprimer le cachet de sa propre moralité. Elles peuvent avoir perdu, dans cette version, une grande partie de leur aspect classique (en tout cas, l’auteur n’a pas pris soin de le conserver) et l’avoir remplacé par un caractère gothique ou romanesque.

En exécutant cette tâche intéressante, car c’était réellement un travail convenable pour les chaleurs de la saison, et du genre littéraire le plus agréable qu’il pût aborder, l’auteur ne s’est pas toujours cru obligé de descendre pour se mettre à la portée de l’intelligence des enfants. Il a généralement laissé son sujet prendre son essor, toutes les fois que telle en était la tendance ; et lui-même s’y est prêté avec complaisance, quand il s’est senti assez léger pour pouvoir le suivre dans ses élans. Les enfants sont doués d’une pénétration d’esprit incroyable pour tout ce qui est profond ou élevé dans le champ de l’imagination ou du sentiment, à la condition qu’ils y rencontrent toujours la simplicité. C’est seulement l’artificiel et le complexe qui les égarent.

Lenox, 15 juillet 1851.


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