Le Mespris de la vie et consolation contre la mort/« Comme le voyager qui remarque en passant »

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Le Mespris de la vie et consolation contre la mort
Le Mespris de la vie et consolation contre la mortNicolas de Moinge (p. 119).
CXXXI.


Comme le voyager qui remarque en passant
Un arbre chevelu, inclinant sur la voye
Qui d'un ombrage frais au passant donne joye,
Eslevant de son chef le sommet verdissant

S'il le voit au retour sans feüille languissant,
Desnué de rameaus, l'effouage & la proye
Du bucheron panthois, en soy-mesme il s'effroye,
Plaignant l'infirmité du monde perissant :

Voyager sur la terre, ainsi l'experience
Nous fait voir ces hautains boursouflez d'arrogance
Perdre en moins d'un moment leur gloire et leur orgueil

Mais nos ceurs engourdis sont estrains d'un tel somme
Que l'homme né mortel ne pense pas estre homme
Jusqu'a tant que la mort le renverse au cercueil.