Le Mespris de la vie et consolation contre la mort/« L’œil, sans se degouster, longuement ne peut voir »

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Le Mespris de la vie et consolation contre la mort
Le Mespris de la vie et consolation contre la mortNicolas de Moinge (p. 70).
XCII.


L’œil, sans se degouster, longuement ne peut voir
Tant soit elle bien faitte, une belle peinture :
L'oreille, ouir long tems un gracieus murmure
Qu'un dedain ennuieus n'altere son pouvoir.

L'homme à beau voyager, frequenter, & mouvoir
D'une Province à l'autre, errant à l'avanture
Tant de diversitez qu'on voit en la nature
Un plaisir asseuré ne luy font recevoir :

Mais si pour quelque tems ce voyage relasche
Le neud qui le tient pris, onc il ne le ratasche,
Voila comme cest peu de voir pour un moment

La lumiere du jour, si les prisons funebres
Nous doivent tost filler d'eternelles tenebres,
La seule mort nous donne un seur contentement.