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Le Messager Évangélique/1861/Pensées sur Matthieu 24 et 25

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Pensées sur Matth. XXIV, 45-51 ; et XXV, 1-30

Le Seigneur Jésus, ayant achevé de répondre aux questions que lui avaient adressées ses disciples (vers. 3), ajoute à son enseignement un élément nouveau et distinct de ce qui avait trait aux circonstances futures de la nation. Il l’ajoute parce que, bien que distinct de ce qui précède, il serait la conséquence d’une même cause, savoir : la réjection de Jésus par les Juifs.

Or il résulterait du départ de Jésus, qu’un ordre de choses différent de ce qui avait rapport aux Juifs, serait établi sur la terre, et subsisterait jusqu’à son retour. C’est cet ordre de choses que le Sauveur a en vue ici, dans l’enseignement qu’il donne à ses disciples. Le Sei­gneur développe ainsi leur intelligence, en leur commu­niquant des données sûres, concernant les principes mo­raux, qui constitueraient cet ordre de choses et sur leurs conséquences. À ce sujet, deux faits sont signalés à l’at­tention des disciples, savoir : l’établissement d’un servi­teur fidèle et prudent, dans le service de la maison ; et l’apparition d’un serviteur méchant. Une maison, celle de Celui qui, pour un temps, quitterait les Juifs et le monde, serait établie au milieu des hommes (Hébr. III, 6) ; le départ de Jésus donnerait lieu à son établissement définitif. L’ordre et le bien-être y seraient, mais le dé­sordre et la misère aussi y paraîtraient. L’indifférence au sujet du retour du maître de la maison serait la cause de graves désordres : enfin, viendrait le jugement du méchant esclave qui serait jugé comme les hypocrites, ayant sa pari avec eux. Quant à l’introduction et aux progrès du mal, dans la maison, certains traits carac­téristiques le feraient reconnaître : l’autorité du maître de la maison serait méconnue, ses préceptes rejetés et son retour différé. Or, au jour où cette maison serait ainsi envahie par le mal et où l’ordre que le Seigneur y aurait établi serait perverti ; la forme sous laquelle nous est présenté le royaume des deux, est celle de dix vierges ; le Seigneur emploie intentionnellement le mot alors, pour lier le sujet qui concerne les dix vierges, au sujet précédent.

Un mot encore sur ce qui regarde la maison de Dieu, sur la terre. Au chap. II des Éphésiens, l’apôtre parle de la maison de Dieu (les Juifs et les Gentils réconciliés par la croix, en composaient le personnel), toutefois sans faire mention de ce qu’elle deviendrait au milieu des hommes. Le fait est que l’ordre et la sainteté y étaient établis, à la louange et à la gloire de Celui qui l’habitait. Pendant un temps, cet étal de choses fut maintenu ; les apôtres et Paul, en particulier, étaient là pour maintenir l’ordre et le respect pour l’autorité du Seigneur. Mais de bonne heure Satan s’est efforcé d’atténuer, dans la conscience des saints, l’importance d’une telle autorité (2 Cor. XIII, 10). Plus tard, Paul écrivant à Timothée constate la présence, dans la mai­son, d’individus qu’il compare à « des vases à déshon­neur, desquels il fallait se purifier, pour être des vases à honneur, sanctifiés et utiles au maître ; » — outre cela, Paul, apôtre de Jésus-Christ, ouvrier actif et zélé, est abandonné ; ceux qui auraient dû combattre pour la vé­rité ne gardaient plus « les rangs d’un cœur assuré ». Hélas ! tout cela était le prélude de maux plus grands ; Satan gagnant du terrain au dedans, comme il en avait au dehors, les Vrais serviteurs devinrent alors les objets contre lesquels s’exerçait la violence de ses agents ; — alors la maison de Dieu devint un lieu où désormais les méchants esclaves et leurs co-associés, « les ivrognes », se repaîtraient sans crainte. Cet état de choses, nous l’apprenons de la bouche du Seigneur lui-même, dure­rait jusqu’à ce que le maître revînt et exerçât le juge­ment (vers. 50). Le mal s’établirait et se développerait dans la maison qu’il avait bâtie et l’ordre qu’il y avait établi serait perverti, sans que le maître de la maison y apportât d’amélioration ; tout serait laissé à la res­ponsabilité de l’homme, jusqu’au jugement. Ceci peut nous faire comprendre pourquoi le Seigneur attachait une si haute importance à ce que ses serviteurs, ceux que lui-même avait préposés à la garde de sa maison, veillassent activement et constamment. Or, une telle vigilance ayant manqué, la volonté du Maître fut rem­placée par celle du serviteur ; « et ce veau », d’une nou­velle espèce, « en est sorti » (Exode XXXII, 24). — Au­jourd’hui, le mal, à cet égard, est tellement développé, que, dans ce qui a la forme de maison de Dieu dans le monde, il n’y a aucune garantie, soit pour l’âme, soit pour la foi.

Entrons maintenant dans le chap. XXV. Le mot alors, que le Seigneur emploie en commençant ce chapitre, lie, ai-je dit, ce sujet-ci au précédent, duquel il résulte nécessairement. Le Seigneur nous enseigne ici, que l’é­tat de choses, représenté par les dix vierges, était la forme que revêtirait le royaume des cieux au milieu des hommes, dès que la conduite du méchant serviteur se­rait un fait accompli ; alors une profession générale et extérieure du christianisme sur la terre fut l’aspect sous lequel le royaume des cieux se présenta et par le­quel il pouvait être discerné.

Supposons, pour un moment, que dans l’ordre de choses établi par le Seigneur, tout eût été maintenu et que l’homme se fût conduit en serviteur fidèle et pru­dent, — qu’il eût veillé ! — le service de la maison se serait dans ce cas régulièrement accompli, et rien n’y aurait souffert ; il y aurait eu le bien-être et la paix, jusqu’au retour du maître. Malheureusement, il n’en a pas été ainsi, cl comme conséquence, deux choses ou deux faits se sont produits : les dix vierges, lesquelles donnent au royaume des cieux son caractère actuel.

Le Seigneur distingue ces dix vierges, par le con­traste qui existe entr’elles ; cinq sont prudentes et cinq folles ; la chrétienté se trouve ainsi divisée en deux classes de personnes, celles qui sont dans la foi et celles qui n’y sont pas, bien qu’cxtérieurement il y ait une même profession du christianisme. La vue du mal et de ses progrès avait agi en bien sur les âmes vraiment chrétiennes qui, ayant conscience de la gravité de la position, étaient rejetées plus complètement sur le Sei­gneur ; il n’y avait de sûreté qu’en Lui ; sa doctrine et ses préceptes étaient l’unique source pure, où la foi pût s’abreuver ; — l’introduction des doctrines et des or­donnances des hommes dans l’Église était tout autre chose ; il fallait les combattre et non les recevoir. Tel était l’enseignement de Paul à Timothée, à Tite, etc ; — la vérité seule répondant aux besoins de la foi. Un travail sérieux s’opérait ainsi dans la conscience, et le cœur était poussé à avoir une confiance toujours plus absolue dans les Écritures, cette huile de l’Esprit qui fait brûler et briller la lampe, dans la possession d’une vie, que la Parole seule communiquait (Philip. II, 15). La piété personnelle des âmes fidèles, qui se confiaient à la parole de Dieu, revêtait ainsi un caractère de pru­dence que celle des vierges folles n’avait pas, non qu’elles fussent sans dévotion extérieure, mais la piété de telles âmes n’est qu’une apparence de piété, une piété « sans force » (2 Timoth. III, 5). Tel est le jugement ac­tuel de l’Esprit sur l’état religieux des hommes de nom chrétien, à la fin. L’état actuel des choses est si loin de répondre aux besoins d’une personne dont la conscience est travaillée au sujet du péché, que dès que ce travail se produit, une telle personne doit chercher, en dehors des principes religieux qui la gouvernent, la réponse aux besoins de son cœur. Pour exemple, prenez une âme dans le papisme ; dès que l’Esprit de Dieu la con­vainc de péché, elle ne trouve pas autour d’elle la vé­rité qui délivre la conscience et qui met le cœur en re­pos. La justification du pécheur, par la foi aux seuls mé­rites de Christ, est une vérité abandonnée et proscrite par le système papal.

Quant aux vierges folles, elles ont leurs lampes, aussi bien que les autres (la lampe représentant ici la forme d’un témoignage rendu) ; leurs prétentions sont aussi élevées que les leurs, mais la différence est en ceci : qu’elles sont vides d’huile, car il n’y en a jamais eu. Or, la vérité essentielle à une telle profession est celle du retour de l’Époux ; « les dix vierges sortirent à la rencontre de l’époux ». Cette vérité caractérisait les chrétiens dans leur profession du christianisme, au com­mencement : ils attendaient du ciel, le Seigneur[1]. Deux ou trois passages suffiront pour démontrer cette vérité : 1 Cor. I, 7 ; 1 Thess. I, 9-10 ; et Apoc. XXII, 17. Cette profession, ainsi caractérisée, durera jusques au retour de l’époux. Il importe de remarquer, que ce ne sont pas seulement de vrais chrétiens qui ont cette profession, mais aussi des vierges folles. Cette profes­sion étant extérieure et se rattachant à un état de cho­ses extérieur, même gâté par l’ennemi et par la faute de l’homme, qui n’a pas veillé, des inconvertis et des incrédules de toute espèce, même des Juifs peuvent y entrer et y entreront ; chacun sans doute dans sa spé­cialité. Le fait est que les vierges folles vont en avant sans s’inquiéter du résultat final ; leur confiance est dans les choses qui sont à la portée de la raison humaine et ne dépassent pas son niveau.

Dans cette parabole, le Seigneur n’aborde pas la ques­tion relative à l’Église, envisagée comme corps de Christ ; il s’agit d’individus et non d’un corps, les vierges folles ne faisant pas partie de ce corps-là, ni les Juifs non plus, en sorte qu’il ne faut pas introduire cette question ici ; car il s’agit d’individus sous une responsabilité spéciale, en raison de la position qu’ils occupent et des privilè­ges qui y sont rattachés. Les chrétiens y sont certaine­ment comme les autres ; c’est-à-dire, comme individus responsables. Or la responsabilité chrétienne, dirai-je, ne touche en rien aux privilèges de l’Église, corps de Christ ; cette Église a, comme telle, ses privilèges par­ticuliers, la Parole lui révèle ce qu’elle est, en tant qu’unie par la foi et par l’Esprit, au Fils de Dieu glori­fié dans les cieux ; Lui-même viendra la chercher, pour l’introduire dans sa gloire : « elle sera toujours avec le Seigneur, » — « et quand Il sera manifesté, elle sera manifestée avec Lui en gloire » ; mais Jésus viendra tout premièrement pour elle ; et la sortira hors de la scène de ce monde, sans rien toucher à ce qui existera en ce moment-là ; de sorte que la profession extérieure et morte du christianisme continuera en son absence, et poursuivra sa marche comme si l’Église, le corps vi­vant du Seigneur, était là,[2] jusqu’au retour personnel et glorieux du Fils de l’homme, dont la présence mettra à l’épreuve tout ce qu’elle manifestera. L’attente pratique de l’Église est une chose qui se lie à ses propres affections comme épouse, car elle est unie à un Christ vivant, connu, aimé et désiré ! — l’Église est, dans cet état d’attente, qui lui est propre, dans la conscience de son union actuelle avec Christ glorieux « à la droite de la Majesté dans les lieux hauts ».

À ce sujet, n’oublions pas que la réunion de l’Église à Christ en haut est complètement en dehors des évé­nements politiques de ce monde ; elle n’est pas non plus l’accomplissement des paroles prophétiques de l’Ancien Testament, ce dernier ne le mentionnant nulle part ; ce sera un événement en dehors de toutes ces choses. On n’est que trop disposé à rattacher cet événement, si heureux pour nous, aux révolutions politiques qui s’opèrent dans ce monde ; et quant à tout ce que nous savons être un acheminement à la formation des choses qui figureront à la fin, les journaux politiques ne peu­vent rien nous apprendre, que ce que la Parole nous enseigne déjà et que la foi nous fait saisir. Mais reve­nons à notre sujet.

Les vierges prudentes, bien que s’étant endormies, comme les folles, pourront néanmoins entrer ; elles ont de l’huile dans leurs vaisseaux, figure admirable de la grâce et de l’Esprit de Dieu dans le cœur. Les vierges folles sont le fruit d’un christianisme dégénéré et non d’un christianisme pur. Mais un fait plein d’instruction pour nos âmes, c’est que les unes et les autres s’endor­mirent, parce que « l’époux tardait » ; c’est du moins ce qu’elles pensaient, mais ceci nous fournit cette leçon : que l’attente pratique et sincère du retour du Seigneur, peut seule empêcher nos cœurs de dormir. Pendant l’ab­sence de Jésus, il n’y a, sous le rapport moral, que deux états où puisse se trouver le chrétien, savoir : veiller ou dormir ; s’il s’endort dans les choses de cette vie, l’ennemi vient et fait son œuvre, et s’empare de ce qui est placé sous sa responsabilité.

Dans les versets 14-30, nous avons un autre côté de renseignement du Seigneur ; ce n’est pas d’une profes­sion purement extérieure qu’il s’agit, mais de ce qui peut agir sur le cœur de quiconque est l’objet de la con­fiance que le Seigneur accorde à ses serviteurs, lors de son départ. Il y a donc ici privilège et responsabilité, et c’est sur cela qu’est fondé l’enseignement que le Sei­gneur donne à ses disciples. Il accordait une certaine confiance à ses serviteurs, et il leur remit ses biens, afin qu’ils les fissent valoir ; — ceci mettait le cœur à l’épreuve, car il s’agissait que l’intérêt et l’activité du serviteur pour son maître justifiassent la confiance qu’il lui avait accordée, — des talents étaient confiés afin qu’on les fît valoir pendant que le maître serait absent ; il s’agissait d’augmenter ce qui était à Lui.

Chacun recevait « selon sa propre capacité », en sorte qu’il n’y avait pas d’injustice, ni de préférence dans la répartition qui était faite, et ainsi chacun avait le même motif d’être actif et diligent, celui qui n’avait qu’un talent comme celui qui en avait cinq.

Tout ceci est fort encourageant pour le serviteur qui désire être employé à quelque service, et l’enseigne­ment du Seigneur ici a une grande importance pour le cœur. Le Seigneur prévoyait tout ce qui arriverait lors­qu’il serait éloigné, et il en avertissait ses disciples ; mais malgré tout le désordre qu’amènerait l’infidélité de l’homme, il y aurait quelque chose à faire pour celui qui voudrait se rendre utile ; — quelque chose serait confié, une action spéciale devait se réaliser au milieu du désordre ; non pas que les serviteurs dussent agir selon leur volonté propre, la volonté de leur maître devant être la leur, mais ils devaient faire valoir ce qui leur était confié (1 Cor. XII), dans l’intelligence de ce qui serait un témoignage rendu à la louange et à la gloire du maître absent. Remarquons, avant d’aller plus loin, que les serviteurs sont dans la maison et que c’est dans la maison que se trouvent les talents. Cela nous aidera à comprendre, comment il se peut qu’un servi­teur méchant et paresseux s’y trouve, et même res­ponsable d’un talent.

La maison (non le monde proprement dit) est l’en­droit auquel se rattachent les talents confiés. Nous avons vu que cette maison a été envahie par le mal, qu’un mé­chant serviteur y agissait scion sa méchanceté, jus­qu’à ce que vînt le jugement. Or, c’est comme servi­teur et selon la responsabilité qui résulte d’avoir occupé la maison, comme tel, que le jugement l’atteindrait. Il en est de même du serviteur ayant un talent, lequel désigne tous ceux qui sont dans la maison, sous ce caractère, et dont la conduite montre qu’ils n’ont nulle­ment connu le cœur de leur maître, ni compris la na­ture et la valeur de ses dons. Il est, selon eux, « un maître dur ». Ainsi cette partie du discours du Seigneur nous parle d’individus responsables d’agir d’une cer­taine manière, en vertu de ce qui se trouvait là où la puissance et la bonté du maître étaient publiquement manifestées. Au commencement, c’étaient sans doute des serviteurs bons et fidèles, qui occupaient la maison ; mais dans la suite, il s’en est trouvé d’autres, d’un ca­ractère diamétralement opposé, et cet état de choses doit durer jusqu’à la venue du Seigneur. S’il s’agit de la volonté du Seigneur, ou bien de ce qu’il aime, on ne peut pas dire que ce soit Lui qui introduit de méchants serviteurs dans sa maison, ni qu’il donne un talent à quelqu’un qui n’a pas la capacité de le faire valoir, mais quand Il vient, il juge l’état de sa maison tel qu’il sera en ce moment-là, et ceux qui l’occuperont alors seront jugés comme responsables de l’étal de la maison selon ce qu’il était, au départ du maître de cette mai­son ; — ils devront être manifestés comme ayant ou non employé, leur temps, et fait valoir leurs talents pour le Seigneur.

En résumé, nous disons que, pendant l’absence du Seigneur, il y aurait sur la terre un état de choses qui serait l’objet des soins et du jugement de Dieu, à la fin ; — que dans la maison de Dieu, la volonté du maître — son témoignage au milieu des hommes et les biens qu’il confiait à ses serviteurs étaient des choses connues et reçues. Le maintien de cet ordre de choses, — la jouissance des privilèges qui s’y rattachaient étaient confiés à l’homme qui, dès lors, en était responsable.

Nous savons qu’il a manqué à sa responsabilité et que son infidélité fut une porte ouverte à l’ennemi, qui sut en profiter ; en conséquence, le tableau qu’offre ac­tuellement l’intérieur de la maison de Dieu, est celui d’une maison dégradée, où la volonté de l’homme est le mobile de tout ; c’est pourquoi, s’il s’agit de fidélité et de témoignage au milieu des hommes, c’est indivi­duellement que ce service s’accomplit. C’est ce que l’Esprit nous enseigne, car après que la chute de l’Église fut constatée (Apoc. II, 5), et que le mal y eut pénétré, il fut dit : « À celui qui vaincra ». — Grâces soient ren­dues au Seigneur, sa joie à Lui sera néanmoins la por­tion de ceux qui, durant son absence, se seront atta­chés à relever son honneur au milieu du mal. Que sa grâce nous rende tous fidèles, et pleins de cœur pour son nom. Amen !

Séparateur

  1. Il est vrai que pour les vierges folles, l’acte de sortir à la rencontre de l’époux, n’est pas un acte intelligent de leur part, mais elles se trouvent dans la position où il s’accomplit.
  2. Quand Laodicée, comme système religieux, est vomie, le corps de Christ n’est plus là.