Le Mirage perpétuel/LES PAYSAGES/Grenade

La bibliothèque libre.
Librairie Paul Ollendorff (p. 27-28).


GRENADE



Ses pieds nus et légers courant sur les cailloux,
De lourds cheveux crépus rejetés en arrière,
Et ses haillons trop courts pailletés de lumière,
Une gitane enfant bondit autour de nous.

Elle a ce tour de reins, ces hanches sarrasines,
Ces longs yeux prometteurs de plaisirs défendus,
Ce sourire équivoque et ce charme ambigu
Que les mères là-bas donnent à leurs gamines.


Elle descend d’un trou creusé dans l’Albaycin
Par des pères venus de régions lointaines,
Et montrant d’un coup d’œil sa tanière hautaine
Nous découvre en dansant la pointe de ses seins.

Ô fins jarrets nerveux, petit corps énergique,
Comme tu connais bien le désir grandissant
Qui nous trouble le cœur et la chair et le sang,
Quand tu brandis la fleur de ton sexe magique ;

Ta race de nomade a sa part de beauté !
Libre et souple, sans crainte, ô gitane farouche,
Ton baiser comme un grain de piment dans la bouche
Me darde le remords de mes timidités.