Le Miroir des jours/Labeur amer

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Le Miroir des joursMontréal (p. 198-199).


LABEUR AMER


 
Ceux qui veulent capter, comme un oiseau céleste,
Le rêve pour l’enclore en un vers immortel,
Après l’effort, ceux-là savent ce qu’il en reste,
Et mâchent un dégoût plus amer que le fiel !

Donc, le labeur est vain, puisque l’image est fausse,
Comme au reflet menteur d’un miroir déformant,
Le Verbe, refusant plus souvent qu’il n’exauce,
N’a pas prêté sa force auguste au sentiment.


La pensée et le cœur disent : Est-ce nous-mêmes ?
Dans ces mots imparfaits, que nous sommes confus !
Rends-nous la vérité des profondeurs suprêmes,
Souffre et rêve en silence, et ne nous trahis plus !

Et sur son œuvre froide où l’esprit se consume,
Impuissant manieur de phrases aux sons creux,
Plein de dépit caché, de honte et d’amertume,
Et par son idéal sublime malheureux,

Le poète maudit son labeur et sa plume !