Le Miroir des jours/Le portrait

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Le Miroir des joursMontréal (p. 157-158).


LE PORTRAIT


 
Que de rêves, de vœux attendris me rappelle
Soudainement ce portrait !
Est-elle, dans son charme élégant, aussi belle ?
Est-il encore aussi vrai ?

Mon ardeur était jeune et mon amour sincère.
La brume des jours lointains
Pour l’évoquer, hélas ! m’a rendu nécessaire
Cette image aux tons éteints.


Plus vivant, plus précis, plus clair que dans mon âme,
Sur le papier gris fixé,
Apparaît délicat son visage de femme,
Un peu pâle du passé.

Je la reconnaîtrais parmi les autres, certes,
Si je la voyais venir ;
Mais son absence triste et longue déconcerte
Mon cœur et mon souvenir.

Comme un rideau de nuit, le temps amasse l’ombre
Qui s’épaissit peu à peu,
Et voile au fond de nous le feu du regard sombre
Et l’éclair du regard bleu.

Et sans cet ancien portrait qui la révèle,
De vieux parfums embaumé,
Rien ne resterait plus dans ma mémoire d’elle, ―
Rien, sinon d’avoir aimé !