Le Miroir des jours/Paix

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Paix (1912)
Le Miroir des joursMontréal (p. 173-174).


PAIX


 
De menus carillons d’argent font chanter l’air.
Le soleil sur la neige a mis un reflet clair.
Le ciel est bleu comme un regard de jeune fille,
Et tout dans la lumière hivernale scintille.
Je ne sais quelle paix heureuse est dans mon cœur…
J’avais contre la vie une sourde rancœur,
Et le matin d’azur à la rumeur sonore,
Encore tout joyeux des beautés de l’aurore,
M’a fait une âme calme et douce infiniment
Où, par les rayons d’or, entre le firmament.

* * *

Si j’avais, à cette heure, une amie ancienne
Qui fût un peu rêveuse, un peu musicienne ;
Qui sentît le désir violent, comme moi,
D’harmoniser toujours son plus subtil émoi,
J’écouterais, les yeux fermés avec délice,
La mélodie intime et qui sous les doigts glisse
Comme une eau murmurante et fluide qui fuit
En reflétant le jour exprimé par son bruit…
Et je me sentirais, comme en des bras de femme,
Amoureusement tendre et bercé jusqu’à l’âme !…

* * *

Mais je suis seul par ce matin qui chante et rit,
Avec la quiétude adorable en l’esprit.
J’aimerais. J’écrirais d’une plume charmée.
Hélas ! que sert l’amour sans une bien-aimée !
Les vers sont un encens qu’on brûle pour quelqu’un :
Qui donc respirerait dans les miens leur parfum ?
Personne ! — Ô doux matin qui passes sur les choses,
Léger comme un oiseau voltigeant sur des roses,
Conduis-moi vers le soir où tu t’en vas mourant,
Libre de tout regret stérile et torturant !