Le Mouvement ritualiste dans l’église anglicane/04

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LE MOUVEMENT RITUALISTE
DANS L’ÉGLISE ANGLICANE[1]

IV
LA FAILLITE DE LA PERSÉCUTION


I

La persécution, qui ne parvenait pas à réduire les Ritualistes, leur valait, par ses excès mêmes, des sympathies inattendues. La Church Association ne pouvait pas ne pas voir que l’acharnement de ses poursuites judiciaires fatiguait, agaçait, froissait une bonne partie de l’opinion, même celle qui d’ordinaire s’inquiétait le moins des choses religieuses. Comme l’a rappelé plus tard, avec quelque amertume, un des porte-paroles de l’Association, il était devenu fashionable de critiquer ses procédés[2]. Beaucoup de ses premiers adhérens se séparaient d’elle. L’idée se faisait jour, dans le public, que ces clergymen ritualistes, peut-être un peu bizarres, mais après tout dignes de sympathie pour leur zèle et leur charité, étaient trop durement traités. On était surtout choqué de ces emprisonnemens qui tendaient à devenir l’aboutissement normal des procès rituels, et, quand on voyait l’un de ces emprisonnemens se prolonger deux ans, comme dans le cas du Rev. Green, chez tous le sentiment de justice et même le simple bon sens se révoltaient. N’était-il pas contraire aux idées modernes de recourir à de semblables pénalités, dans une affaire de conscience et pour contraindre à certaines formes de culte ? Aussi, M. Talbot, membre des Communes, exprimait-il une idée très répandue, quand il écrivait qu’en pareil cas, la prison était « un scandale et un anachronisme[3]. »

Si tel était l’effet produit sur des gens du monde, qui n’avaient aucune raison de s’intéresser aux questions débattues, on peut s’imaginer ce qu’il était sur des churchmen qui, sans se confondre avec les Ritualistes, s’en rapprochaient cependant par plus d’une croyance et d’une aspiration communes ; je veux parler des anciens Tractariens et, d’une façon générale, de tous ceux qui se rattachaient plus ou moins au High Church. Le vieux Pusey, devenu octogénaire, épuisé par l’âge et la maladie, trouvait cependant la force de renouveler ses protestations publiques contre les condamnations et de témoigner sa sympathie aux victimes. Un clergyman menacé de poursuites avait-il quelque velléité de découragement et parlait-il de résigner ses fonctions, Pusey le ranimait : « La bataille n’est pas perdue, lui écrivait-il, mais elle le serait, si ceux qui doivent la soutenir se retiraient… J’irais avec joie en prison pour vous, mais je ne puis. » Il fut particulièrement indigné du long emprisonnement du Rev. Green ; il eût voulu le partager ; dans ce dessein, il signifiait aux auteurs des poursuites que, lui aussi, il pratiquait les mêmes rites, et il les mettait en demeure de lui faire subir le même sort[4]. Entre temps, fidèle, jusqu’au bout, à maintenir l’intégrité de la foi, il publiait un livre pour défendre l’éternité des peines contre le Rev. Farrar[5]. Cependant, sa santé déclinait de jour en jour. Le 31 août 1882, il adressa une lettre au Times, en faveur de M. Green. Ce fut son dernier acte public. Il languit quelques jours et s’éteignit, le 10 septembre, dans les sentimens de foi et île piété profondes qui avaient été les siens, durant sa vie entière. L’impression générale, dans l’Eglise d’Angleterre, fut que cette mort y faisait un grand vide. Après avoir été suspect, pendant plusieurs années, à la suite de la sécession de Newman, Pusey avait acquis à la longue, moins par quelque supériorité intellectuelle que par le prestige de ses hautes qualités morales, une importance et une autorité qui s’imposaient même aux adversaires de ses idées. Suivant l’expression de lord Selborne, « son pouvoir, dans l’Église, était supérieur à celui d’un évêque ou d’un archevêque[6]. » Le plus grand nombre de ses coreligionnaires avaient fini par comprendre ce qu’ils gagnaient, aux yeux du monde, à se montrer comme éclairés du reflet de ses vertus. Aujourd’hui encore, Pusey est vénéré par beaucoup, comme le saint de l’Anglicanisme. Ses admirateurs ont fondé, en son honneur, à Oxford, une maison, Pusey House, où vivent en commun, dans la prière et l’étude, des clergymen chargés de garder sa mémoire et de continuer son apostolat. Là ont été transportés, comme de précieuses reliques, l’autel sur lequel il célébrait chaque jour l’Eucharistie, et l’image de la Sainte Face devant laquelle il avait l’habitude de prier.

À côté de Pusey, plusieurs autres High churchmen avaient aussi pris plus ou moins parti pour les Ritualistes : entre tous, un ancien Tractarien, dont l’intervention fut plus particulièrement remarquée, William Church. Les conditions dans lesquelles il avait été conduit à se prononcer, sont significatives et intéressantes à connaître. Il m’est arrivé, déjà plusieurs fois, de citer les réflexions que suggéraient, à cet observateur avisé, les phases diverses de la crise religieuse. Toutefois, jusqu’en 1871, du presbytère de campagne où il s’était réfugié et comme caché après la sécession de son très cher Newman[7], il n’avait assisté aux événemens qu’en spectateur un peu lointain et désabusé, soucieux de ne se mêler à aucun parti, de ne s’associer à aucune démarche, fuyant le bruit et le mouvement, détaché de toutes choses, sauf du soin de ses humbles paroissiens et de sa propre sanctification, ne communiquant avec le dehors que par les articles, toujours fort bien écrits et pensés, qu’il publiait sur des sujets littéraires ou religieux. À la fin de 1871, un changement brusque s’était fait dans sa vie : M. Gladstone était parvenu, non sans résistance de sa part, à l’arracher à sa retraite, pour l’élever au poste considérable de doyen de S. Paul, l’église cathédrale de Londres. Cette dignité le mêlait forcément aux affaires publiques. Placé bien en vue, sur le terrain où se livrait le plus vif de la bataille religieuse, il ne lui était plus possible de s’en désintéresser. On attendait de lui, sinon qu’il descendit personnellement dans l’arène, du moins qu’il y fît connaître son opinion et sentir son influence. Or, si vif que fût son goût du silence et de l’obscurité, il était avant tout homme de devoir, résolu à ne manquer à aucune des obligations de sa fonction. Non content donc de susciter dans sa cathédrale, jusque-là froide, vide et presque muette[8], une vie religieuse toute nouvelle, il n’avait pas hésité à prendre position dans les grandes questions qui agitaient l’Église. La façon dont il tenait ce rôle, jointe au prestige qu’il avait gardé de sa participation à l’époque héroïque du Mouvement d’Oxford, lui avait vite acquis, dans le monde religieux, une autorité universellement reconnue. Chacun était attentif à ce que disait le doyen de S. Paul. Ainsi se trouvait-il peu à peu égaler en importance sociale l’autre fameux doyen de Londres, celui de Westminster, Stanley, auquel il faisait, pour ainsi dire, pendant et, dans une certaine mesure, contrepoids. Natures bien dissemblables : d’un côté, l’homme du monde accompli, brillant causeur, intellectuel ouvert à toutes les curiosités, principalement aux idées téméraires et dissolvantes, esprit combatif en même temps que dilettante, passionné et sceptique, aimable du reste et d’une rare séduction ; de l’autre, l’homme d’Église tout en étant un lettré, âme croyante et pieuse, esprit sage, ouvert et équitable, réservé, détaché de toute ambition, fuyant la notoriété et la popularité, sincèrement humble avec beaucoup de dignité, volontiers silencieux quand la conversation se dispersait en banalités secondaires, mais d’une éloquence pleine de choses dès que le sujet s’élevait, d’une austérité qui s’alliait à un charme intime et pénétrant, n’ayant pas un ennemi, pas un détracteur, laissant à tous l’impression profonde de ce qu’on s’accordait à appeler sa « beauté morale. »

Parmi les questions sur lesquelles le doyen de S. Paul devait se prononcer, la question ritualiste était la plus aiguë. Homme de mesure et de modération, à ce point qu’il avait trouvé parfois que Pusey allait trop loin, Church était peu porté vers les Ritualistes. Lui aussi, il était surpris et un peu choqué de leurs idées et plus encore de leur manière d’être. Mais, en même temps, avec sa largeur d’esprit, avec son aptitude à sortir de son propre point de vue pour se placer à celui des autres, il ne s’obstinait pas à ne concevoir le Mouvement que sous les formes et dans les limites où il l’avait connu au début ; il apercevait le changement que ce Mouvement avait dû subir en passant de l’Université dans les paroisses, des scholars d’Oxford aux apôtres des quartiers populaires de Londres. Si cette forme nouvelle avait pour lui moins d’attrait, il en discernait cependant la raison d’être. D’ailleurs, quelque déplaisir que lui causassent certaines singularités ritualistes, il détestait davantage encore la politique qui prétendait étouffer un mouvement religieux et violenter les consciences, par des lois, des procès et des mesures de coercition. Aussi n’avait-il pas hésité, dès le début, à prendre parti, sinon pour les Ritualistes, du moins contre leurs persécuteurs, et à préconiser, en cette matière, une politique de tolérance, de liberté et de patience[9]. Lors de la présentation du bill sur le Public Worship, il avait signé une déclaration qui insistait sur le danger d’imposer une rigide uniformité dans le culte, particulièrement en ce qui touchait l’eastward position et les vêtemens ecclésiastiques ; non que, pour sa part, il eût goût à porter une chasuble ou une chape ; bien au contraire, disait-il, il eût trouvé ce costume « inconfortable ; » mais il comprenait « l’état d’esprit de ceux qui, par révérence pour la partie la plus élevée du service divin, ou par égard pour les usages anciens, désiraient porter ces vêtemens[10]. » Quand, en application du bill, les procès et les condamnations se multiplièrent, Church marqua plus fortement encore sa désapprobation. Ecrivant à un ami, ancien tractarien comme lui, lord Blackford, qui, ne voyant que certaines-extravagances ritualistes, approuvait la politique de répression, il exposait ainsi quel était son point de vue :


… Je ne puis voir dans les décisions législatives et dans les mesures prises pour les appliquer dans la présente crise, qu’un mauvais usage de la loi et une politique d’injustice envers un parti impopulaire qui a, je pense, autant à dire pour lui-même qu’aucun autre dans l’Église, qui a fait du bon service pour l’Église, et qui, provocant, comme il l’a été souvent, a été plus provoqué que ne le sont d’ordinaire les partis dans les controverses religieuses. Je pourrais condamner M. Tooth autant que vous. Mais je dois auparavant condamner encore plus fortement de plus grands personnages que M. Tooth[11].


En avril 1877, au lendemain de l’emprisonnement du Rev. Tooth, et à la veille du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Ridsdale, Church prenait l’initiative d’une déclaration signée par environ quatre-vingts clergymen importans et adressée au primat et à ses collègues du Bench, « pour leur exprimer la grande anxiété et détresse qu’ils éprouvaient à la vue de la situation présente des affaires. » A leur avis, le mal ne serait guéri que par la « voix vivante de l’Eglise, » et toute cette suite de procès ne pouvait que l’empirer[12]. Dans son inquiétude, Church en venait à se demander si l’on n’allait pas droit au « désétablissement. » « Vous ne pouvez pas, écrivait-il à un ami, être plus effrayé que je ne le suis du désétablissement… Mais le premier pas a été fait, quand l’archevêque a invoqué l’aide du Parlement, afin d’avoir raison de disputes, pour l’apaisement desquelles on aurait dû s’en remettre au temps, à la patience, aux sages influences. Ma seule crainte est qu’il ne soit trop tard pour défaire le mal qui a été fait[13]. »

Les années s’écoulaient, et loin de découvrir des signes d’apaisement, Church n’entendait parler que de nouveaux procès. Il lui semblait qu’un vent de folie avait passé sur toutes les têtes, et il ne voyait, autour de lui, que confusion et violence. Il ne se lassait pas d’y opposer son appel à la paix et à la tolérance, soit dans sa correspondance privée[14], soit dans une lettre publique, adressée au Times, le 16 décembre 1880[15], soit enfin, au commencement de 1881, dans une nouvelle adresse au primat, bientôt signée par près de cinq mille clergymen[16]. La signature de cette adresse lui fut l’occasion de faire, sur l’état d’esprit du clergé, des observations qu’il résumait ainsi dans une lettre, en date du 30 janvier 1881 :


On ne sait pas à quel point la situation est scabreuse, mais elle l’est. J’ai été surpris de voir jusqu’où l’indignation et l’inquiétude ont pénétré dans le clergé. Je suis tout à fait sûr que si un homme, ayant un nom, avait mis en avant une déclaration, donnant comme mot d’ordre de ne reconnaître, dans aucun cas, lord Penzance ou les décisions du Conseil privé, cela aurait du coup attiré des signatures plus nombreuses et plus enthousiastes que notre papier. Il y a trois semaines, le seul fait de lever le doigt aurait été presque un signal de révolte. Les gens signent notre papier, faute de quelque chose de plus fort[17].


Church avait un sentiment si vif de la gravité du péril, qu’il s’était un moment demandé s’il ne devait pas, en signe d’avertissement à l’opinion et de protestation contre la prolongation d’un tel état de choses, résigner ses hautes fonctions ecclésiastiques. Pour décider de ce cas de conscience, il s’était adressé au Rev. Talbot, warden de Kehle College à Oxford, qui, disait-il, « représentait mieux sa façon de voir les choses que les esprits échauffés et désespérés » qu’il rencontrait autour de lui, à Londres. Sa « perplexité » était grande et les motifs qu’il en donnait sont intéressans à connaître, à la fois pour mieux pénétrer cette âme si délicate, et pour montrer quelle impression lui faisait la situation des choses religieuses. Il avait donc écrit au Rev. Talbot, le 18 mai 1877 :


Rien de ce qui est arrivé n’a ébranlé, et je ne pense pas que rien de la même sorte puisse ébranler ma foi dans la présente Église d’Angleterre. Elle a beaucoup de défauts et d’anomalies, mais il en est de même de toutes les Églises que je connais ou dont j’ai entendu parler. Et il y a, en elle, une vigueur, un pouvoir de guérison, un attachement croissant à ce qui est bon et vrai, que je ne vois nulle part ailleurs. Mais la question est de savoir ce que les individus doivent faire, quand, soit dans une Église, soit dans une nation, il leur semble que la politique, délibérément suivie par ceux qui sont au pouvoir, est injuste, abusive et inconstitutionnelle. S’ils n’ont aucune position spéciale, ils peuvent murmurer, protester et attendre de meilleurs temps. Mais s’ils sont à une place d’honneur et d’émolument, où cependant ils ne peuvent rien faire, et où ils peuvent être tentés de se taire et d’acquiescer par des motifs privés, la soumission et l’attente ne sont plus des devoirs aussi clairs. S’ils ne peuvent empêcher le mal, ils doivent au moins résigner leur fonction.

Je ne puis m’empêcher de croire que la conduite de ceux qui gouvernent l’Église d’Angleterre est bien la politique que je viens de décrire. Les évêques, effrayés par un mouvement qu’ils n’ont pas cherché à comprendre et à gouverner, ont encouragé des appels à la loi. Les cours de justice ont rudement essayé de maintenir l’usage existant. L’archevêque a aggravé le mal, en agitant le pays par une mesure destinée à faciliter l’opération de ce juge légal, tandis qu’il décourage persévéramment tout effort pour le contrôler par le seul organe constitutionnel de législation laissé à l’Église. Et le résultat est que, tandis que toutes sortes de libertés sont allouées, dans l’Église, aux partis que l’opinion du jour sanctionne, on serre bien fort la vis au parti impopulaire, et l’observance rigoureuse et grotesquement partiale de nombreuses interprétations légales des rubriques est imposée par des pénalités, est prêchée et montrée comme le critérium décisif de la loyauté envers l’Église et de l’honnête obéissance à la loi.

Cela me semble injuste, inconstitutionnel et oppressif. C’est certainement irritant et impolitique. Mais mon seul moyen de montrer que je suis sérieux, en pensant et en parlant ainsi, est de quitter la haute position que j’occupe.

Vous penserez que, bien que je n’aie jamais désiré venir ici, c’est une chose sérieuse de quitter cette place, et de recommencer à chercher quelque chose pour soutenir ma famille. C’est une raison qui peut retenir. Une autre est que je désire très vivement ne rien faire qui ébranle la confiance dans l’Église d’Angleterre. Je n’ai pas foi dans le désétablissement. Je n’y vois rien que le triomphe présent du mal dans l’Église et dans la nation. Et tout mouvement d’un homme, même une simple démission, dans de telles circonstances, donne une secousse. Je suis donc dans une grande perplexité quant à ce que je dois faire, me souvenant que l’Église ne gagne jamais à ce qui paraît être inconsistance et lâche résignation chez ceux de ses ministres qui ont un enjeu considérable à perdre[18].


Church se laissa convaincre, non sans peine, que sa démission ferait plus de mal que de bien. Il y renonça. Mais qu’un serviteur aussi dévoué et aussi sage de l’Eglise d’Angleterre, se fût un moment demandé si cette démission n’était pas nécessaire, n’était-ce pas un signe caractéristique du trouble jeté dans le monde religieux et la condamnation la plus forte de la politique suivie ?


II

Que pensait de cette situation l’homme qui en était l’un des principaux auteurs, l’archevêque Tait ? Les faits avaient donné à ses prévisions des démentis d’une mortifiante clarté. Au témoignage même de ses amis, il n’aimait pas à avouer qu’il s’était trompé et à se reconnaître vaincu[19]. Toutefois, dès 1876 et 1877, deux ou trois ans à peine après le vote du Public worship Act, il était visible que sa confiance présomptueuse du début commençait à faire place à une impression de fatigue, de tristesse inquiète, qui se trahissait dans son journal intime[20]. Au lieu de se borner, comme naguère, à renvoyer sèchement les mécontens aux décisions des cours de justice, il essayait de démarches apaisantes. Au Church Congress, tenu à Croydon, en octobre 1877, il prêchait la tolérance et le mutuel support. À deux reprises, en août et décembre de cette même année, il réunissait, dans son palais, une centaine de clergymen de marque, choisis à dessein dans les opinions les plus diverses : devotional meeting, comme il le qualifiait lui-même, en vue non de débattre et de trancher les points controversés, mais de s’unir dans une pensée commune de prière et de charité. Il s’était, un moment, flatté d’avoir ainsi jeté des germes de pacification. « On y a parlé très franchement, écrivait-il sur son Journal, mais l’esprit a été admirable, et, avec la bénédiction de Dieu, j’en attends de vraiment bons résultats. » Avait-il pu conserver longtemps cette espérance, quand il avait vu de quel ton les journaux ardens de chaque parti critiquaient la réunion ? Les feuilles anti-ritualistes n’étaient pas les moins âpres. L’une d’elles dénonçait l’invitation de l’archevêque comme un piège tendu à la candeur des evangelicals et il rappelait l’histoire de ce roi anglo-saxon qui avait permis d’établir, dans la même église, un autel au Christ et un autre aux idoles païennes. « C’était un exemple d’unité, disait-elle, mais ce n’était pas l’unité d’une seule foi et d’un seul esprit. » Un autre journal de même couleur ne comprenait pas qu’on eût pu inviter ses amis à « se rencontrer avec des violateurs de la loi, des traîtres, des blasphémateurs, des idolâtres, » et il se demandait comment « l’assistance à la sainte communion, dans un aussi étrange compagnonnage, pouvait être un acte agréable à Dieu[21]. » Les incidens des années suivantes n’avaient pu que faire sentir davantage à Tait son impuissance à calmer la tempête qu’il avait déchaînée. Entre les persécutés qu’il ne parvenait pas à réduire et les persécuteurs qu’il essayait tardivement et vainement de contenir, il ne savait que faire. Il aurait désiré empêcher certaines poursuites qu’il jugeait excessives, comme celle contre le Rev. Enraght ; mais il se heurtait au parti pris de la Church Association. En présence des emprisonnemens dont le fâcheux effet ne lui échappait pas, il était réduit à exprimer, dans ses lettres privées, une désapprobation toute platonique[22].

Des amis, de l’attachement desquels l’archevêque ne pouvait douter, ne lui épargnaient pas les avertissemens. L’un d’eux, le Rev. Lake, doyen de Durham, lui écrivait, en 1878 : « Votre meilleur moyen d’avoir la paix est d’accepter le Ritualisme. C’est de ce côté que souffle l’esprit religieux de notre époque. Je ne veux pas que vous passiez aux yeux de la postérité pour le grand homme qui a retardé le déluge, de façon à lui permettre de noyer plus complètement ses successeurs. » Il lui signalait, avec insistance, le détestable effet des mesures violentes, lui montrait « l’Eglise d’Angleterre tombant graduellement dans un état de mécontentement général, » au point de faire craindre une « explosion de papisme » et le « désétablissement[23]. » Ajoutons qu’en 1878, Tait avait perdu, coup sur coup, son fils et sa femme, et que, sous l’impression de ce grand chagrin, il s’était produit, dans cette âme naturellement un peu sèche, raide et combative, une sorte d’attendrissement qui le disposait à plus de bienveillance pour ses adversaires. On en trouve, à cette époque même, une trace dans son Journal. Après y avoir rapporté « l’irritation, le frémissement » qu’il venait d’éprouver, dans une église, en voyant, au moment de la communion, « ces frivoles altérations de cérémonial qui blessaient tous ses sentimens, » il se reprochait d’être « trop facilement bouleversé et irrité par de telles choses ; » il se rappelait quelle difficulté le clergé rencontrait à satisfaire les besoins opposés des fidèles, et il terminait par cette prière : « O Seigneur, enseigne-moi à m’élever aux grandes réalités et à ne pas me laisser influencer par des objets petits et vulgaires ! Donne-moi la vraie charité et l’impartialité[24]. » Certes, ce n’était pas de ce ton qu’il parlait naguère des innovations rituelles.

Ainsi, sous l’action de causes diverses, une évolution s’accomplissait, peu à peu, dans l’esprit du primat. En décembre 1880, une conférence ecclésiastique lui fut l’occasion de manifester publiquement ses nouvelles dispositions. Dans le discours qu’il y prononça, il ne prétendait plus, comme il faisait naguère, que les questions débattues fussent définitivement tranchées par les lois existantes et par l’interprétation qu’en donnaient les cours de justice ; il reconnaissait l’extrême gravité » de ces questions ; puis, après avoir constaté les attaques dirigées contre le « présent système de législation et de judicature ecclésiastiques, » il ajoutait :


Je sais que vous estimez, avec moi, qu’en pareille matière, on n’a rien à gagner par violence d’action ou de parole. Ce que je veux recommander à tous ceux qui sont agités par les récens événemens, est ceci : Qu’ils demandent eux-mêmes clairement ce dont ils ont besoin… S’ils aspirent à certains changemens importans dans notre constitution actuelle, qu’ils indiquent explicitement quels ils sont, et ils peuvent être assurés que leurs suggestions seront examinées avec respect et calme… S’il y a quelque chose de défectueux dans la forme présente de notre plus haute Cour d’appel, qu’on ne néglige rien pour le corriger. Tous les vrais churchmen, désireux que l’Église puisse remplir sa mission céleste, s’efforceront, j’en ai la confiance, d’apaiser l’excitation qui est autour d’eux, et, s’ils se trouvent en face de sentimens puissans, ils s’appliqueront eux-mêmes, dans un esprit calme de prière, à examiner si quelques changemens doivent être opérés pour le plus grand bien de l’Église, et, dans ce cas, quels sont ces changemens[25].


Cette attitude était si nouvelle que les High churchmen, se souvenant du passé, ne l’accueillirent d’abord qu’avec méfiance et incrédulité[26]. À l’un d’eux qui témoignait quelque doute de ce genre, l’archevêque répondit, le 31 décembre 1880, par une lettre qu’il fit publier dans le Guardian ; il y renouvelait l’assurance que les évêques étaient disposés à prendre en considération les griefs des Ritualistes, et, faisant allusion aux pénalités subies par certains ecclésiastiques, il voyait, dans ce fait que des clergymen, par ailleurs irréprochables, considéraient de leur devoir » de s’exposer à ces pénalités, le signe « qu’il y avait quelques difficultés exceptionnelles dans les arrangemens actuels[27]. » Peu après, au commencement de 1881, M. Gladstone confirmait à Pusey les dispositions plus conciliantes qu’il constatait chez Tait. « Son ton, écrivait-il, semble entièrement changé, et je suis convaincu qu’il est. maintenant sincèrement, appliqué à faire une œuvre de paix dans l’Église. Quand je pense aux jours du Public worship regulation Act, je puis à peine croire que ce soit le même homme[28]. »

L’archevêque ne s’en tint pas à des déclarations publiques ou privées. Il résolut de demander au gouvernement : 1° de faire voter un bill accordant force législative ou quasi législative aux décisions que la Convocation pourrait prendre sur les questions rituelles ; 2° dénommer une commission royale d’enquête sur la législation des cours de justice en matière ecclésiastique. Il se flattait, d’une part, que les Ritualistes n’opposeraient plus la même résistance à une réglementation émanant d’une autorité purement ecclésiastique, d’autre part, qu’ils verraient, dans la nomination de la commission, la preuve qu’on avait égard à leurs réclamations. Cette double démarche n’avait pas dû être sans lui coûter ; par la première, il désavouait son ancienne politique érastienne qui avait toujours tendu à annuler la Convocation au profit du Parlement ; par la seconde, il reconnaissait implicitement que le Public worship regulation Act n’avait pas résolu d’une façon satisfaisante le problème de la judicature ecclésiastique.

Le ministère, sans le concours duquel rien ne pouvait être tenté, fit objection à la première des demandes du primat ; bien que son chef, M. Gladstone, fût personnellement favorable à l’indépendance de l’Église, il n’osait proposer une loi où le Parlement verrait un affaiblissement de la suprématie civile en matière religieuse. Il accueillit, au contraire, favorablement l’idée de la commission d’enquête, non qu’il s’attendît à lui voir faire une besogne bien effective, mais il comptait qu’il en résulterait, sur le moment, pour les mécontens, un espoir qui les apaiserait, et, pour les fauteurs de poursuite, une indication qui les découragerait d’en ouvrir de nouvelles[29]. Tait présenta donc, en mars 1881, à la Chambre des lords, une motion à cet effet, qui fut adoptée. La commission d’enquête fut instituée sans retard. L’archevêque, appelé à la présider, se mit aussitôt à l’œuvre, d’autant plus pressé d’aboutir qu’il se sentait atteint par une maladie qui menaçait de ne pas lui laisser beaucoup de temps devant lui[30].

Au moment même où il se dépensait dans ces dernières et vaines tentatives de pacification, Tait avait le regret de voir les violences des poursuites judiciaires se multiplier et s’aggraver ; de plus en plus, il se sentait débordé par le mouvement qu’il avait contribué à lancer. C’était l’époque où l’emprisonnement prolongé du Rev. Green faisait scandale. Spectacle curieux que celui de l’archevêque, s’épuisant, d’août 1881 à novembre 1882, en efforts désespérés pour faire cesser une rigueur dont il voyait l’effet déplorable. Vainement proclamait-il bien haut que « l’emprisonnement, pour désobéissance opiniâtre en matière ecclésiastique, n’avait jamais été prévu quand le Parlement avait voté le Public worship regulation Act, » vainement s’adressait-il successivement à Green lui-même, à la Church Association, à l’évêque de Manchester dont dépendait le clergyman incriminé, à la Couronne, au Parlement, vainement multipliait-il ses démarches, ses lettres, les continuant de la Riviera où sa santé l’avait obligé à chercher un peu de repos, il se butait à l’obstination du prisonnier, à l’acharnement des poursuivans, à la mauvaise volonté, à l’insouciance ou à l’impuissance légale de ceux qu’il conjurait de s’interposer. Ce ne fut qu’après plus de quinze mois de ces instances et quand, à raison même du délai écoulé, M. Green était déchu de son bénéfice, qu’il obtint la cessation d’un emprisonnement qui n’avait plus de raison d’être[31].

Mêmes efforts et même impuissance dans le cas du Rev. Mackonochie. J’ai déjà eu l’occasion de raconter comment l’archevêque, ému et troublé à la pensée du scandale que causerait la destitution d’un clergyman aussi zélé, tâcha d’écarter cette mesure extrême, en obtenant du vicar de S. Alban sa résignation volontaire, et en lui faisant accorder en place une autre cure ; du lit où il se mourait, il suivait, avec une impatience anxieuse, les péripéties de cette négociation, faisant faire par son secrétaire les lettres qu’il n’avait plus la force d’écrire de sa main[32]. Mais on sait aussi comment, là encore, il échoua devant la ténacité des poursuivans et la rigueur du juge, et comment Mackonochie n’en fut pas moins déchu et brisé. Tait ne connut pas du reste ce dernier déboire. Il mourut auparavant, le premier dimanche de l’Avent de 1882.

En somme, le primat avait assez vécu pour s’apercevoir du mal causé par sa politique, pas assez pour le réparer. Il laissait son Église dans un état de division, de confusion, de malaise dont on lui imputait, en grande partie, la responsabilité. Le parti religieux qu’il s’était flatté d’abattre, était toujours debout, ayant gagné en force, confiance et popularité. De l’aveu de tous, aussi bien des contemporains que de ceux qui jugent les événemens du point de vue de l’histoire, le Public worship régulation Act, son œuvre propre, avait été un coup absolument manqué, a conspicuous failure from first to last, comme a dit son biographe[33]. Un tel échec se conciliait mal avec les qualités d’homme d’État qu’on avait été longtemps habitué à prêter à ce prélat. Aussi un churchman distingué d’Amérique, visitant l’Angleterre, peu avant la mort de Tait, posait-il cette question à l’un de ses informateurs : « Comment se fait-il que le plus sage et le plus respecté de vos évêques soit l’auteur du plus impopulaire, du plus ridicule, du plus inefficace des actes modernes du Parlement[34] ? »


III

L’issue des poursuites dirigées contre Green et Mackonochie avait fait un si fâcheux effet que l’on ne paraissait plus disposé à en intenter d’autres et qu’une sorte d’accalmie semblait se faire dans le monde religieux. L’auteur d’une adresse présentée, en juin 1883, à l’English Church Union, se flattait d’entrer dans une période où cette association pourrait appliquer son activité à d’autres besognes que la défense juridique des ministres poursuivis[35]. Cependant, tout le monde n’avait pas encore désarmé, et, en février 1885, la trêve de fait fut rompue par de nouvelles poursuites engagées, toujours pour illégalités rituelles, contre le Rev. Bell Cox, vicar de S. Margaret, à Liverpool. Cette église, mise en vente quelque temps auparavant, avait été achetée par un groupe de laïques pour y appliquer le catholic ritual ; la paroisse ne comprenait pas d’autre territoire que le sol sur lequel étaient construits l’église et le presbytère ; la congrégation qui s’y réunissait volontairement, était en plein accord avec le vicar. Le procès, suivant la marche accoutumée, aboutit, en décembre 1885, à une suspension de six mois, puis, en mai 1887, à un emprisonnement auquel la Cour du Banc de la Reine se montra aussitôt empressée à mettre fin. Les efforts tentés pour obtenir une nouvelle incarcération échouèrent, après avoir mis en mouvement jusqu’à la Chambre des lords[36]. Visiblement, ces violences judiciaires étaient de moins en moins en faveur. Dès le début de ce procès, des Evangelicals de marque avaient tenu à témoigner qu’ils ne l’approuvaient pas, et la Church Association, elle-même, s’en était « lavé les mains[37]. » La persécution fut, du reste, particulièrement inefficace en ce cas. Le Rev. Bell Cox demeura dans son église, y continuant les mêmes pratiques, et, il n’y a pas longtemps, en juillet 1899, à l’occasion de la trentième année de son ministère dans cette paroisse, il a pris plaisir à rappeler, dans une adresse solennelle, les épreuves du passé et comment le Ritualisme en était sorti vainqueur[38].

L’affaire Bell Cox n’était pas finie, qu’en juin 1888, la Church Association rentrait en scène, en engageant deux nouveaux procès. L’un avait trait à un somptueux retable en marbre que le chapitre de S. Paul avait fait élever et qui n’avait pas coûté moins d’un million. Arguant de ce que la Vierge et le Christ en croix étaient représentés dans ce retable, les plaignans prétendaient faire condamner le chapitre à enlever un monument qui « tendait à encourager des dévotions superstitieuses. » L’évêque de Londres, qui était alors Temple, l’ancien rédacteur des Essays and Reviews, d’origine Broad Church, mais d’esprit droit et ouvert, usa du veto que lui attribuait le P. W. R. A., pour empêcher une poursuite qu’il jugeait sottement vexatoire. Attaqué lui-même, à ce sujet, par la Church Association, il se vit donner tort par la Cour du Banc de la Reine, mais la Chambre des lords, saisie en appel, reconnut, en 1891, son droit absolu de veto[39].

L’autre procès devait avoir des conséquences plus considérables. Désireuse de rétablir, par un coup d’éclat, son crédit de plus en plus ébranlé, la Church Association avait résolu de s’attaquer directement à un évêque ; elle en choisit un, fort respecté pour sa vertu et son caractère, le docteur King, évêque de Lincoln. Il avait été précédemment, de 1862 à 1871, principal du collège ecclésiastique de Cuddesdon, et, de 1871 à 1885, professeur de théologie pastorale à Oxford. Dans ces deux fonctions, il s’était attaché à susciter, chez les jeunes clercs, une piété et une foi généralement inspirées des traditions catholiques. Il avait un don particulier pour gagner et toucher les cœurs. Son action s’était trouvée parfois conduire ceux sur qui elle s’exerçait, au-delà du but qu’il se proposait, et plus d’un converti a, depuis, avec une gratitude émue, témoigné avoir puisé, dans cette direction et dans cet enseignement, le germe des idées qui devaient les amener plus tard à la véritable Église[40]. Devenu évêque, le docteur King s’était appliqué à mettre le culte en harmonie avec les croyances qu’il entendait restaurer, et il avait ainsi secondé, dans son diocèse, la propagande ritualiste, Les émissaires, délégués par la Church Association, pour surveiller les cérémonies où il officiait, n’eurent donc pas de peine à y relever plusieurs pratiques pouvant être traitées d’illégalités rituelles. Seulement, sa qualité d’évêque ne permettant pas de le déférer au juge institué par le P. W. R. A., on le cita, le 2 juin 1888, devant son métropolitain, l’archevêque de Canterbury.

Depuis la mort de Tait, en 1883, le siège primatial était occupé par le Rev. Benson. La carrière de ce prélat avait été rapide et heureuse. Appelé en 1876, par Disraeli, à l’évêché nouvellement créé de Truro, il avait été, de là, à l’âge de cinquante-trois ans, porté d’emblée, par M. Gladstone, à l’archevêché de Canterbury. On ne peut dire qu’un mérite exceptionnel expliquât cet avancement inaccoutumé et la faveur ainsi témoignée par les deux hommes d’Etat rivaux. Chez lui, ni don supérieur, ni grande originalité ; une nature d’esprit peu portée à s’inquiéter, volontiers optimiste, un peu superficielle ; mais, avec cela, beaucoup de bonne grâce, de bienveillance, de disposition conciliante ; un certain tact, de l’adresse à passer à travers les difficultés ; une grande dignité de vie et d’attitude, une piété réelle, le souci élevé de ses devoirs ecclésiastiques, ce qui n’impliquait pas qu’il fût insensible aux satisfactions mondaines de ses hautes fonctions. Il évitait soigneusement de se laisser classer dans aucun des partis religieux, bien qu’il fût, par certains côtés, en sympathie avec chacun d’eux. Ses traditions de famille et son éducation première l’auraient rattaché au Low Church, et il avait tout au moins gardé, de cette origine, un sentiment affectueux pour ceux qu’il appelait « les chers vieux Evangelicals ; » il admirait la solidité de leur foi, sans fermer les yeux sur le fanatisme qui s’y mêlait, ou, suivant son expression, sur « leur légère teinte de Torquemada, » et il estimait que l’Église établie perdrait beaucoup s’ils s’en séparaient[41]. Depuis son passage à l’Université de Cambridge, il était lié avec le trio Lightfoot, Westcott et Hort, qui représentait une certaine nuance, la plus chrétienne, du Broad Church, et ultérieurement, il avait noué également une étroite amitié avec Kingsley qui en personnifiait une autre. Enfin, par le tour de ses idées et de sa piété, par sa conception historique des choses religieuses qui le portait à rechercher les précédens antérieurs à la Réforme, par sa curiosité des antiquités liturgiques, par son goût du cérémonial et du symbolisme, il semblait avoir des points communs avec le High Church. Dès l’âge de trente ans, il écrivait : « Je ne suis, moi-même, ni High, ni Low, ni Broad Church, bien que je m’entende attribuer, tour à tour, toutes ces qualifications, et aussi souvent l’une que l’autre[42]. » Plus tard, parvenu au sommet de la hiérarchie, il demeura soigneux de ne se laisser compromettre avec aucun parti et de rester en bons termes avec tous. Au lendemain de sa nomination au siège primatial, remplaçant Tait à la présidence de la Commission royale d’enquête sur la législation des cours de justice en matière religieuse, il faisait un rapport assez favorable aux idées High Church[43] ; en même temps, il choisissait un chapelain qui inspirât confiance aux Evangelicals, et il se préoccupait que ceux-ci ne se sentissent pas uncomfortable dans l’Eglise d’Angleterre[44]. En somme, très attachée cette Église, très convaincu de sa légitimité, il la concevait, avant tout, comme une institution « compréhensive », où des opinions diverses pouvaient cohabiter en paix. La citation de l’évêque de Lincoln devant l’archevêque de Canterbury, soulevait une question préalable : l’archevêque avait-il pouvoir pour juger son suffragant ? Les précédens étaient rares et incertains. Si la juridiction du métropolitain se justifie avec un pape, chef suprême de l’épiscopat, et dont ce métropolitain est le délégué, on ne voit pas sur quel fondement l’établir dans une Eglise acéphale, comme l’Eglise anglicane. Ou bien alors il faut la faire découler de la suprématie royale, au risque de manifester davantage encore la dépendance de cette Eglise. C’est ce que Benson parut lui-même reconnaître, en demandant tout d’abord, le 26 juin 4888, que son pouvoir de juridiction fût reconnu par le Conseil privé. Celui-ci, saisi de la question, déclara, le 3 août suivant, l’existence de cette juridiction[45].

Ce premier point réglé, un autre se présentait : convenait-il que l’archevêque usât de son droit de veto, pour arrêter la poursuite ? Plusieurs High churchmen désiraient qu’il le fit, en se fondant sur l’indignité des accusateurs[46]. D’autres personnes le lui conseillaient, dans son intérêt, comme l’unique moyen de se soustraire à d’inextricables difficultés. En effet, s’il laissait le procès suivre son cours, ne serait-il pas, de l’avis général, acculé à un redoutable dilemme ? Ou bien il se conformerait aux décisions précédentes du Conseil privé et condamnerait son suffragant, et alors on pouvait craindre que les Ritualistes exaspérés ne provoquassent un déchirement dans l’Eglise ; ou bien il se prononcerait contre la jurisprudence du Conseil privé, et, dans ce cas, il ferait éclater, entre les deux hautes juridictions ecclésiastique et civile, un conflit qui risquait fort aussi d’amener la ruine de l’Établissement. L’impression de ce double péril était si vive que l’un des membres importans de la Chambre des lords, lord Carnarvon, chercha un moment, sans succès il est vrai, le moyen de faire intervenir le gouvernement et le Parlement pour arrêter d’autorité ce procès[47].

On eût donc compris que personnellement Benson fût tenté de se dérober. Après mûre réflexion et consultation avec ses amis, il jugea qu’il ne devait pas le faire. Son abstention eût laissé subsister l’état de désordre et de division dont souffrait l’Église. Il estima que c’était un devoir de sa charge de saisir cette occasion de réparer le mal fait par son prédécesseur et de substituer, à la politique de combat qui avait si manifestement échoué, une politique d’apaisement et de tolérance dont l’opinion sentait le besoin ; il se flattait, d’une part, que les High churchmen auraient plus d’égard à la décision d’une juridiction ecclésiastique, et, d’autre part, qu’en face d’un jugement fortement motivé, le Conseil privé ne s’obstinerait pas ; en tous cas, il entrevoyait là une œuvre à tenter, dont la difficulté et le risque l’inquiétaient, mais dont l’utilité et le bienfait le sollicitaient, et il fit connaître sa résolution à un de ses plus intimes confidens, l’évêque Westcott, par une note contenant ce seul mot : Audeo[48].

Le débat judiciaire s’ouvrit, au palais de Lambeth, le 12 février 1889[49]. L’archevêque siégeait, entouré de quatre évêques dont il avait requis l’assistance, mais à titre consultatif et eu gardant pour lui seul la responsabilité du jugement à intervenir. Le monde religieux était dans l’attente d’une décision dont chacun sentait l’extrême importance. L’English Church Union avait invité ses associés ecclésiastiques à célébrer la Sainte-Eucharistie, ce même 12 février, pour obtenir que le Dieu tout-puissant fit tourner l’événement à sa gloire. Une première année fut occupée par des escarmouches préliminaires. Les conseils de l’évêque de Lincoln récusèrent d’abord la juridiction du métropolitain et demandèrent que leur client fût jugé par tous les évêques réunis en synode. Ils contestèrent ensuite qu’un évêque fût lié par les rubriques qui parlaient seulement du « ministre. » Sur ces deux points, leurs conclusions furent repoussées. Les débats sur le fond s’engagèrent le 4 février 1890 et durèrent vingt et un jours. Après quoi, l’archevêque en prononça la clôture et réserva pour plus tard la délivrance de son jugement. Se refusant à admettre qu’il n’eût qu’à appliquer la jurisprudence du Conseil privé, il entendait faire une étude personnelle et approfondie, surtout au point de vue historique, des questions soulevées. Ce ne fut qu’après avoir prolongé cette étude durant huit mois, d’abord au milieu des livres de sa bibliothèque de Lambeth, ensuite dans la retraite alpestre où il alla passer les mois d’été, et après s’être convaincu que « les jugemens antérieurs témoignaient d’une connaissance très imparfaite du sujet et de peu de largeur de vues, » qu’il prit son parti et arrêta les termes de sa décision.

Le 21 novembre 1890, un public nombreux et ému où l’on remarquait les personnages importans du High Church, se pressait dans la salle d’audience, pour entendre la lecture du jugement. Le texte en était fort long et, avec ses appendices, il ne remplit pas moins de 99 pages des Law Reports. L’archevêque s’y explique d’abord sur les précédens du Conseil privé ; il en parle avec ménagemens, proteste du soin avec lequel il les a considérés et de l’importance qu’il y a attachée, puis il ajoute :


Attendu cependant que les points soulevés dans la poursuite sont, quelques-uns nouveaux, et tous se présentant dans des conditions qui diffèrent des poursuites précédentes ; attendu aussi que les dernières recherches des savans ont apporté de nouvelles lumières sur des points historiques qu’on reconnaissait être obscurs, la Cour n’a pas cru juste de s’abriter derrière une autorité, comme pour décliner la responsabilité ou s’épargner le travail d’examiner chacun des points à nouveau, à la lumière de ces recherches historiques plus étendues, et de peser, une fois de plus, les raisons qui peuvent être avancées soit pour, soit contre chacun des actes ou des usages aujourd’hui en question.


Cela posé, l’archevêque aborde les griefs l’un après l’autre, et, se fondant principalement sur des considérations historiques qui le faisaient remonter avant la Réforme, il aboutit, sur chacun d’eux, à une sorte de compromis qui, tout en paraissant parfois donner tort aux prétentions extrêmes du Ritualisme, lui laissait, en fait, une suffisante latitude. La cérémonie de mêler l’eau avec le vin était interdite dans le service de la communion, mais l’emploi du mixed chalice n’était pas défendu. Le célébrant ne devait pas faire les actes manuels de la Consécration de façon à n’être pas vu de la Congrégation, mais l’eastward position était admise. Le chant de l’Agnus Dei était jugé licite. De même, la cérémonie de l’ablution, pourvu qu’elle fût accomplie une fois le service fini et après la bénédiction. Enfin les chandeliers allumés et placés sur la table de communion étaient permis, à la condition qu’ils fussent allumés avant le service et que ce ne fût pas une partie cérémonielle de ce service. Le jugement se terminait par cette conclusion que l’archevêque débita avec un accent particulièrement expressif :

Une Cour constituée, comme l’est la présente, ayant des devoirs plus larges envers toutes les parties intéressées que ceux des autres juges, devoirs inséparables de la position qui fait ses membres jugés, se considère comme obligée à faire les courtes observations suivantes, relativement à cette cause :

1° Quoique des personnes religieuses, dont les sentimens religieux souffrent réellement, puissent justement se sentir obligées à se présenter comme témoins dans un tel procès, cependant il ne convient pas que des personnes religieuses recrutent, à prix d’argent, des témoins pour se mêler au culte des autres dans un dessein d’espionnage…

2° La Cour n’a pas seulement senti profondément l’incongruité des enquêtes minutieuses et des disputes sur les grands sujets sacrés, mais elle désire exprimer son sentiment qu’aussi bien ceux qui blessent les autres que ceux qui se blessent sans raison dans de telles matières, distrayent ainsi l’attention et le temps qui devraient être employés à la vraie lutte de l’Église contre le mal et à son effort pour édifier le bien.

3° Le Jugement apostolique quant aux autres matières de rituel, s’applique proprement à celles-ci : à savoir que les choses qui ont dû être jugées légales, ne deviennent pas, pour cette raison, opportunes.

4° Le culte public est une des Institutions divines qui sont l’héritage de l’Église, pour l’union fraternelle de l’humanité. C’est, pourquoi l’Église a le droit de demander que ses congrégations ne soient pas divisées, soit en voulant appliquer sans nécessité des pratiques qui ne sont pas en elles-mêmes illégales, soit en témoignant à ce sujet des suspicions exagérées. L’un et l’autre esprit est en fâcheuse contradiction avec le profond et large désir qui doit prévaloir, d’une mutuelle entente. Les membres du clergé sont qualifiés pour suggérer et entretenir cet instinct divin qui s’attache aux choses qui servent à la paix et à celles avec lesquelles on s’édifie l’un l’autre.


La lecture du jugement fut bien accueillie ; à un moment même, des applaudissemens éclatèrent, aussitôt réprimés par l’archevêque. A la réflexion, cette impression favorable se confirma. Les modérés de tous les camps approuvèrent une décision visiblement inspirée par un désir de paix, en dehors de tout esprit de parti. Sir Richard Webster, attorney général, écrivait : « Cette décision n’est pas seulement rédigée de main de maître et concluante pour les hommes d’intelligence droite, mais l’esprit de paix et de tolérance chrétienne qui se fait sentir dans le ton du morceau tout entier ne peut qu’avoir une grande influence pour le bien de notre Eglise[50]. »

Chez les High churchmen, si l’on regrettait d’être contredit sur certains détails, l’impression dominante était la satisfaction[51]. Church, malade, qui avait suivi le procès avec une véritable angoisse, et qui avait écrit à son beau-fils : « Cet horrible Lambeth trial me hante, » se sentait soulagé. « C’est la chose la plus courageuse qui soit venue de Lambeth, depuis deux cents ans, » disait-il, et, peu de jours après, il mourait, plus rassuré sur l’avenir de son Eglise[52]. Quant à l’évêque de Lincoln, tout en « maintenant l’opinion qu’un jugement en synode eût été plus en harmonie avec les précédens et plus satisfaisant pour l’Église en général, » il se déclarait « reconnaissant de pouvoir, en conscience, se soumettre au jugement de Sa Grâce et discontinuer les pratiques désapprouvées par elle[53]. » Chez les protestans passionnés, le dépit était grand ; on imprimait que « le Lincoln judgment était le coup le plus rude que l’Église d’Angleterre eût reçu depuis la glorieuse Réforme ; » on ajoutait : « Les dignitaires de l’Eglise ont été pesés dans la balance et trouvés de poids insuffisant ; dans la crise, ils ont déserté la vérité ; quand l’épreuve a été faite, il a été prouvé qu’ils étaient d’un métal impur. » Aussi exprimait-on l’espoir que la Church Association. appellerait, au Conseil privé, de « ce honteux jugement. »

C’est ce que firent en effet, sans retard, les poursuivans. L’émoi fut grand chez ceux qui s’étaient réjouis du jugement. N’était-il pas à craindre que, suivant la coutume des cours suprêmes, le Conseil privé ne se crût lié par sa jurisprudence antérieure ? Le dédain accoutumé des légistes pour la judicature ecclésiastique ne lui rendrait-il pas, dans le cas particulier, plus malaisé de se déjuger ? Mais, d’autre part, le soin avec lequel le jugement était motivé, les recherches historiques sur lesquelles il s’appuyait, ne permettaient pas de ne pas le prendre très au sérieux. Et surtout, pouvait-on ne pas avoir égard à l’état de l’opinion, à sa lassitude, à son besoin d’apaisement, au péril manifeste d’une persécution prolongée ? Les hommes politiques étaient maintenant bien convaincus que le Ritualisme était trop fort pour qu’on en pût avoir raison par des rigueurs judiciaires ; c’était entre autres le sentiment très net de lord Salisbury, alors premier ministre[54]. De l’effet produit par ces considérations de politique religieuse sur les légistes eux-mêmes, on trouve la trace dans le langage de l’un des plus distingués d’entre eux, lord Selborne, qui avait, en 1877, pris part à la condamnation du Rev. Ridsdale. Déjà, en 1880, il avait déclaré que, malgré ses préférences pour « l’uniformité liturgique » et le déplaisir que lui causaient surtout les nouveautés introduites dans le service eucharistique, il était prêt à mettre de côté ces préférences, « par souci de la paix de l’Église et pour prévenir les maux qu’il redoutait du désétablissement[55]. Il ajoutait, en avril 1889, précisément à propos du Lincoln’s case :


Je pense que, dans les circonstances présentes, il vaut mieux se soumettre et acquiescer à des déviations (même si elles semblent déraisonnables) de l’Acte d’Uniformité, tel qu’il a été interprété par les cours compétentes, en matière de costumes, de posture, de formes de rituel, que de briser l’Église ou d’éloigner d’elle des évêques, des clergymen ou des laïques qui sont d’ailleurs des hommes de bien, de bons chrétiens et qui font de bonne besogne. Je pense qu’ils ont une part trop forte de l’opinion de leur côté, pour qu’il soit possible, en admettant que ce fût expédient, de leur imposer de force la stricte exécution de la loi à laquelle ils refusent d’obéir[56].


Le Conseil privé siégea, en juin et juillet 1891, pour entendre les avocats des deux parties. Le jugement ne fut rendu qu’un an après, le 2 août 1892. Ce délai est-il l’indice que les juges ne se résignèrent qu’avec peine à désavouer leurs décisions précédentes ? En tous cas, leur capitulation fut complète. A l’unanimité, ils confirmèrent, sur tous les points, le jugement de l’archevêque. Dans le public, ce fut un sentiment général de soulagement. Le Times lui-même, naguère si passionné contre les Ritualistes, considéra cette décision « comme une victoire légale de la tolérance et une œuvre de paix. » Le Record, organe des Evangelicals, tout en regrettant l’admission de cérémonies étrangères à l’esprit de simplicité chrétienne, se félicita, « comme d’un bien sans mélange, » de l’accord des cours spirituelle et séculière. Quant à l’archevêque, il écrivait sur son journal : Deo sint gratæ qui rem nostram gubernavit ; pax Ecclesiæ. Amen. Pax Ecclesiæ.


IV

De l’avis général, le jugement rendu dans le Lincoln’s case n’avait pas seulement réglé cette affaire particulière ; sa portée était plus générale ; il rendait impossible à l’avenir tout procès de ce genre et mettait un terme à la persécution judiciaire qui sévissait depuis tant d’années. L’organe des Ritualistes, le Church Times, ne s’y trompait pas et il constatait dès le 5 août 1892, que ce jugement « fermait l’époque des poursuites rituelles. » De son côté, la Church Association convenait, avec dépit, qu’elle devait renoncer désormais à ses procès. Sa seule consolation était d’imputer le complet effondrement de ses entreprises à la trahison des évêques, à l’insouciance ennuyée des hommes politiques, à l’apathie de l’opinion. Désormais, pour principal emploi de son activité, elle se bornait à distribuer des tracts et, dans ce dessein, elle mobilisait des fourgons, ou sortes de roulottes, destinés à colporter sa marchandise de propagande à travers tout le pays.

Ainsi était apparue, à l’honneur de l’Angleterre, l’impuissance finale des violences législatives et judiciaires dans les questions de conscience. Au début, les Ritualistes avaient eu, semblait-il, tout contre eux ; ils étaient une minorité impopulaire, à demi désavouée par le High Church lui-même ; ils heurtaient les habitudes et les préjugés séculaires de leurs concitoyens ; presse, parlement, gouvernement, cours de justice, évêques semblaient conjurés pour leur perte. Et cependant, quand on voulut user contre eux des moyens de coercition, le seul scandale de l’emploi de ces moyens suffit à retourner l’opinion, à rappeler les évêques à leur rôle et à obliger les tribunaux à capituler. L’acte fameux, forgé exprès par le Parlement pour les abattre, dut aller rejoindre, au magasin de rebut où s’accumulent, les lois caduques, tant d’autres mesures législatives, nées un jour d’une explosion de fanatisme protestant, mais bientôt désavouées par cet esprit de justice et de liberté qui finit toujours par avoir le dessus dans l’opinion anglaise.

Etait-ce donc que les Ritualistes eussent obtenu, pour leurs revendications de principe, pleine satisfaction ? Leur prétention était que l’Eglise devait, seule, indépendamment de l’Etat, affirmer sa doctrine, régler son rituel ; l’intervention des Cours de justice civiles leur paraissait, en pareille matière, insupportable. Or, dans le Lincoln’s case, si le Conseil privé s’était résigné à juger conformément à la décision du tribunal ecclésiastique, ce n’en était pas moins lui qui avait jugé en dernier ressort ; l’archevêque lui-même n’avait osé exercer sa juridiction qu’après qu’elle avait été sanctionnée par ce Conseil privé. Les résultats étaient favorables en fait, mais, en droit, le mal dont se plaignaient ceux, qui aspiraient à une Eglise spirituellement autonome, subsistait, et, à vrai dire, étant donnés l’origine et le principe de l’Anglicanisme, on ne voit pas comment il aurait pu y être remédié.

Toutefois, il est dans l’habitude des Anglais de se préoccuper plus du fait que de la théorie, et le fait était pour satisfaire les Ritualistes qui pouvaient désormais suivre librement leurs pratiques, sans s’exposer à des poursuites. De cette liberté ils usaient largement et gagnaient chaque jour du terrain. Ce n’étaient pas seulement les statistiques de l’English Church Union qui énuméraient avec orgueil les églises où les rites nouveaux étaient observés[57] ; la Church Association faisait, avec indignation, une constatation analogue, et l’un de ses tracts contenait une liste de 9 600 clergymen, convaincus de « seconder le Romeward movement dans l’Église nationale[58]. » Les Ritualistes étaient particulièrement à l’aise dans les villes, où la multiplication des paroisses permettait aux fidèles auxquels ces changemens déplairaient, de fréquenter une autre église. Dans les villages, le ministre novateur était forcément plus contenu ; néanmoins, là même, les protestans dénonçaient le nombre croissant des paroisses rurales « contaminées. » Telle était d’ailleurs la force du mouvement vers ce qu’on appelait le High ritual, qu’il se faisait sentir jusque dans les temples des Evangelicals. On s’y écartait chaque jour davantage de l’ancienne nudité puritaine ; presque aucun de ces temples où la chaire fût restée devant la table de communion ; dans plusieurs, on introduisait des retables, des fleurs, même des cierges ; le surplis était devenu d’usage général pour le sermon ; la musique et les chants étaient soignés. Même tendance chez les dissidens.

Non seulement le Ritualisme s’étendait, mais son cérémonial devenait de plus en plus ouvertement catholique. Ses porte-paroles autorisés annonçaient publiquement « ne pouvoir prendre, pour le rituel, de meilleur modèle que l’Eglise de Rome qui avait toujours fidèlement gardé le sien[59]. » Jamais ces Ritualistes n’étaient plus heureux que quand un visiteur de passage se trompait et prenait une de leurs églises pour une église catholique romaine[60] ; jamais plus désolés que quand ils étaient obligés de confesser ce qui manquait encore pour qu’il y eût ressemblance complète. « Laissez-moi le dire, déclarait lord Halifax, quoique je ne le dise qu’avec honte, de tous les. spectacles tristes et décourageans, je n’en connais pas d’aussi triste et d’aussi décourageant que celui d’une cathédrale anglaise, même la meilleure, après qu’on a passé quelque temps sur le continent[61]. » Et il était entendu qu’on ne visait pas seulement à une similitude de formes extérieures, mais à une similitude de dévotions, de doctrines, de croyances. Le Rev. Coles, depuis placé à la tête de Pusey House, à Oxford, définissait ainsi, en 1891, le but auquel tendait l’English Church Union :


Que l’ineffable mystère de l’Autel soit reconnu comme une Divine communion, un vrai sacrifice, une Présence réelle demandant une adoration spéciale ; que, pour la préparation de la communion,… il soit fait un usage plus fréquent de la confession privée ; que l’ancienne règle catholique du jeûne pour la communion soit mieux observée ; que l’onction des malades soit dûment et exactement rétablie ; que tous les rites et cérémonies qui témoignent de notre union avec le reste de l’Église catholique et des doctrines que nous professons en commun, soient protégés et restaurés[62].


Des associations, des confréries se multipliaient, pour cultiver toutes les formes de la piété catholique, telle the Guild of ail Souls, en vue de prier pour les morts[63]. Les livres de prières, les manuels, les catéchismes étaient presque identiques aux ouvrages similaires en usage chez nous[64]. Il n’y avait guère de différence que pour ce qui regardait le Pape ; encore quelques-uns reconnaissaient-ils sa primauté d’honneur ou même sa suprématie. On aspirait ouvertement au jour où cesserait la malheureuse division de la Chrétienté et où l’Église d’Angleterre se trouverait de nouveau réunie à l’Église romaine. Lord Halifax croyait même, en 1895, l’heure venue de réaliser cette union en corps, « corporate union. » On sait les espérances que parurent un moment autoriser le langage de certains Anglicans et celui du Pape ; on sait aussi comment ces généreuses illusions furent brusquement et douloureusement dissipées, en septembre 1896, par le non possumus de la bulle sur l’invalidité des ordinations anglicanes. Cet échec amena sans doute un certain refroidissement vis-à-vis du Saint-Siège et de Rome : si l’on sentait encore, dans l’Eglise anglicane, le besoin de faire cesser son isolement et si l’on parlait toujours d’union, c’était désormais de préférence avec les Eglises orientales, séparées de Rome ; mais, pour être plus anti-papistes, les Ritualistes prétendaient n’en être pas moins catholiques.

Ce mouvement puissant ne laissait pas que d’être un peu désordonné. J’ai déjà eu occasion de noter plusieurs fois l’habitude prise par les Ritualistes de n’avoir égard à aucune autorité ecclésiastique et d’en faire absolument à leur tête. L’impunité qui leur était désormais assurée ouvrait un champ plus libre encore à leur fantaisie. Chacun se faisait son culte et aussi sa doctrine à sa guise. Il en résultait des affectations parfois puériles, des excentricités choquantes, et, en tous cas, des disparates, et, comme on a pu dire, un état de « confusion chaotique » qui n’avait rien de catholique[65]. Aussi les chefs du parti, préoccupés de ce désordre auquel ils voyaient échapper l’Eglise rivale, en venaient-ils à souhaiter l’établissement d’une « Congrégation des rites » analogue à celle qui fonctionne à Rome[66]. C’était oublier qu’il ne suffit pas d’installer un rouage ; encore faut-il avoir la force qui le met en mouvement. Dans l’Eglise romaine, cette force est l’autorité papale dont la congrégation des Rites est une émanation. Quoi de pareil dans l’organisation anglicane ?

Cette indiscipline et ces excentricités dont Pusey déjà avait été, de son vivant, si souvent offusqué, ont fait parfois juger dédaigneusement les Ritualistes. Les comparant aux Tractariens, on s’est refusé à admettre qu’ils fussent leur légitime descendance. En place du sérieux de vie, de la profondeur de croyance, de la recherche anxieuse de la vérité qui caractérisaient les premiers leaders du Mouvement d’Oxford, on a cru ne plus trouver, chez leurs successeurs dégénérés, que des obstinations puériles, des opinions superficielles ; ils ont paru plus occupés à s’amuser de certains décors que résolus à se sacrifier pour une foi douloureusement conquise. Que, dans certains cas, cette sévérité fût justifiée, je ne saurais le nier ; mais il ne faudrait pas la généraliser. Chez beaucoup d’autres Ritualistes, — et on peut espérer qu’ils finiront par donner le ton à tout leur parti — l’importance attachée aux formes ne venait que de l’attachement aux doctrines qu’elles manifestent. A côté des collectionneurs, en effet ; peu intéressans, de vieilles chasubles, combien d’autres étaient comme ce father Dolling, si dévoué aux ouvriers, qui, montrant à un prêtre français ses ornemens sacerdotaux, lui disait, avec un haussement d’épaules, que « son cœur n’était pas là. » Ces hommes sans doute n’avaient pas toujours la culture et la distinction intellectuelles des grands Tractariens ; ils étaient aussi moins brillans, moins savans, moins ouverts aux subtilités de la critique moderne que d’autres descendans des Tractariens, ces High churchmen légèrement teintés de Broad Church dont le Rev. Gore, l’éditeur de Lux Mundi, récemment nommé évêque de Worcester, est le représentant le plus en vue. Mais, appelés à agir sur le peuple des paroisses, non sur une élite universitaire, ils avaient, plus que les Tractariens, le sens, le souci, la flamme du missionnaire apostolique ; on les a vus à l’œuvre dans les quartiers ouvriers et misérables où l’anglicanisme n’avait avant eux aucune prise. Les nouveaux « collèges théologiques » par lesquels ils ont presque tous passé, leur ont donné une éducation spirituelle et comme une empreinte cléricale, inconnues chez leurs devanciers qui avaient été exclusivement formés dans les Universités et dont on avait pu écrire qu’ils « passaient directement des champs de cricket ou des rivières d’Oxford et de Cambridge aux autels de l’Eglise de Dieu. » En somme, avec eux, apparaissait un type de clergyman, à peu près inconnu jusqu’alors dans l’Eglise établie, moins homme du monde, moins scholar, plus sacerdotal, plus ascétique, plus apostolique, se rapprochant davantage de notre idéal du prêtre catholique. En semblant ne batailler que pour des questions de cierge et de chasuble, ils ont commencé à ranimer pratiquement, dans l’Église anglicane, la vie sacramentelle qui y était à peu près entièrement éteinte. A ces titres divers, ils sont vraiment les successeurs des Tractariens ; ils ont continué et complété leur œuvre ; et, sans les comparer ni prétendre les égaler à ces derniers, on peut aussi saluer en eux de nobles et de belles âmes. Newman, le meilleur juge en cette matière, écrivait d’eux, dès 1882, dans une lettre au doyen Lake : « J’éprouve beaucoup de sympathie pour les Ritualistes, parce que je sais quel principe élevé est derrière leurs actes, quel est le succès de leur œuvre, et aussi de quelle indigne, et injuste façon ils sont traités par leurs adversaires[67].


V

Si l’on a pu dire que le jugement prononce dans le Lincoln’s case terminait victorieusement la longue lutte soutenue par les Ritualistes pour s’assurer leur place dans l’Eglise d’Angleterre, il n’en faudrait pas cependant conclure que ceux-ci fussent désormais à l’abri de tout retour offensif de la part des protestans. Non, quelques années ne devaient pas s’écouler avant qu’ils ne fussent assaillis de nouveau par une violente bourrasque. Le moment n’est pas venu d’entreprendre le récit détaillé de cette seconde crise dont le dénouement est encore à venir et qu’on peut, jusqu’à nouvel ordre, croire plus bruyante que réellement menaçante. Toutefois, une indication rapide et sommaire des événemens paraîtra peut-être un utile épilogue de l’histoire que je viens de raconter.

Ce réveil de passion protestante a suivi l’échec de la campagne entreprise par lord Halifax, en 1895 et 1896, pour amener la réunion de l’Eglise d’Angleterre et de l’Eglise romaine. Les adversaires des Ritualistes, les voyant à la fois compromis par leurs avances à Rome, humiliés et en désarroi par l’échec mortifiant de ces avances, jugent alors l’occasion favorable pour essayer de prendre leur revanche. Des livres, perfidement rédigés, lancent, dans le public, de redoutables actes d’accusation contre les Romanisans[68]. On ne se contente pas des polémiques "de presse : un certain Kensit, petit libraire de la Cité, personnage de peu de considération, se met en tête, au commencement de 1898, de porter la bataille dans l’intérieur même des églises ritualistes. Il débute, le vendredi saint, dans sa paroisse, où a été introduite la cérémonie catholique de l’Adoration de la Croix ; on le voit subitement s’avancer vers l’autel, saisir le Crucifix et le brandir en criant à haute voix : « Je proteste contre cette idolâtrie ! » Le signal donné, des scandales du même genre se reproduisent, chaque dimanche, dans beaucoup d’autres églises ritualistes. Kensit a recruté, pour l’aider dans cette besogne tapageuse, une « brigade de défense protestante, » qui opère à Londres et dans toute l’Angleterre. Les esprits s’échauffent, et, sur plusieurs points, il en résulte des bagarres. À cette agitation de bas étage, qui dégoûte les délicats mais n’est pas sans action sur le vulgaire, des hommes politiques considérables ne dédaignent pas de faire écho. Sir William Harcourt, l’un des leaders du parti libéral[69], légiste et financier renommé, imbu des idées de l’érastianisme protestant, publie, dans le Times, jusqu’à dix-neuf lettres où, s’attaquant avec une vigueur peu commune aux pratiques ritualistes, il dénonce ce qu’il appelle the lawlesness in the Church et s’en prend de ce mal à la négligence ou à la connivence des évêques.

Ceux-ci sont fort embarrassés. Ils n’ont au fond aucun désir de voir recommencer une campagne de coercition dont ils connaissent par expérience l’impuissance et le danger ; mais ce grand bruit les intimide. Quelques-uns font plus ou moins chorus avec les accusateurs du Ritualisme. Sur le siège primatial, Benson, mort en 1896, a été remplacé par Temple, dont la fermeté et la droiture ont quelque autorité sur l’opinion. Le nouvel archevêque essaye d’une attitude modératrice et intermédiaire ; tout en blâmant, sur plusieurs points, le nouveau cérémonial, il écarte les voies de rigueur, et fait, sur les questions de doctrine, notamment sur l’Eucharistie, des déclarations encore ambiguës, mais penchant un peu vers le High Church. L’irritation des protestans en est accrue. Dans un meeting formidable du 31 janvier 1899, le nom du primat est accueilli par les cris de : « Traître, traître ! fusillez-le ! » Appel est fait au Parlement, pour qu’il se substitue aux évêques et fasse respecter la légalité dans l’Église. De leur côté, les Ritualistes, au premier moment un peu abasourdis par la violence de l’explosion, reprennent leurs esprits. Par la voix de lord Halifax et de clergymen importans, ils signifient leur résolution de « ne pas reconnaître à la Couronne ou au Parlement le droit de régler la doctrine, la discipline et le cérémonial de l’Eglise d’Angleterre ; » ils refusent même aux chefs de cette Eglise le pouvoir de leur imposer des règles en opposition avec celles de l’Eglise universelle, — doctrine qui, soit dit en passant, devait sonner étrangement aux oreilles protestantes ; — ils déclarent qu’ils « seront heureux de souffrir, s’il le faut, pour leurs principes, » et, aux menaces qu’on leur adresse, ils répondent en menaçant, à leur tour, de rupture et de « désétablissement. » Cette attitude de défi n’est pas pour apaiser les adversaires et faciliter la tâche des évêques. Aussi voit-on, sur une caricature du temps, l’archevêque de Canterbury embrassant, éperdu, le tronc chancelant d’un arbre qui figure l’Eglise établie, tandis qu’à l’extrémité d’une branche toute prête à se rompre, un Ritualiste en grand costume brandit fièrement un encensoir ; au bas, on lit : l’archevêque : « Pour l’amour de Dieu, finissez vos bêtises, ou vous allez tout casser ; ça craque déjà. — Le Ritualiste : « Je m’en f…[70]. »

Plusieurs fois, au cours de la session de 1899, la question du Ritualisme est soulevée dans les deux Chambres du Parlement. Les ministres dirigeans, lord Salisbury à la Chambre des lords, M. Balfour aux Communes, manœuvrent habilement, en dépit de l’excitation des esprits, pour écarter les mesures coercitives, blâmant en théorie certaines formes ritualistes, prêchant en pratique la patience et la modération. Quand, en mai, la Chambre basse est saisie d’un Church discipline bill, proposé en vue de recommencer, en les aggravant, les persécutions judiciaires du Public worship régulation Act, M. Balfour parvient à l’ajourner, par le vote d’un amendement ainsi conçu : « La Chambre, n’étant pas préparée à accepter une mesure qui crée de nouveaux froissemens et méconnaît l’autorité des évêques en ce qui concerne le maintien de la discipline ecclésiastique, opine que, si les efforts, tentés maintenant par les archevêques et les évêques pour assurer la légitime obéissance du clergé, n’ont pas un prompt effet, il sera nécessaire de procéder à une législation ultérieure pour sauvegarder l’observation des lois existantes de l’Église et du Royaume. »

Que va pouvoir faire l’épiscopat pour accomplir l’œuvre, faute de laquelle le Parlement s’est réservé d’intervenir ? Les deux archevêques de Canterbury et d’York se sont offerts à décider en arbitres les questions controversées. Deux leur sont soumises, celles de l’encens et de la réserve des espèces consacrées. Après des débats prolongés entre les champions de chaque parti, les archevêques prononcent, sur les deux points, contre les Ritualistes. Grand mécontentement chez ces derniers ; ils s’indignent surtout de la décision sur la réserve, où ils discernent un déni de la persistance de la présence réelle et du devoir d’adoration. Arguant de ce que les prélats ont statué non en vertu de leur pouvoir ecclésiastique, mais comme interprètes d’un Acte du Parlement, et de ce qu’en tous cas ils se sont mis en désaccord avec l’usage de l’Église universelle, ils déclarent que ces décisions ne sauraient lier les consciences ; ils n’y voient que des opinions particulières sans autorité canonique et affectent de les appeler « the Lambeth opinions. » Les plus ardens annoncent tout de suite leur résolution de ne pas obéir. D’autres, il est vrai, sont moins absolus, et il en résulte quelque tiraillement dans le sein de l’English Church Union. Les archevêques n’ont pas prétendu que leur avis eût aucune force exécutoire ; c’est à chaque évêque de prendre les mesures d’application qui lui paraîtront opportunes. En fait, la conduite varie suivant les diocèses. Dans certains, les évêques prétendent interdire rigoureusement l’encens et la réserve, et indigent une sorte de « boycotage » aux réfractaires ; dans d’autres, ils laissent faire, ou tout au moins, à Londres, par exemple, usent de tempéramens, de délais et de compromis. On est donc loin d’avoir obtenu l’uniformité désirée, d’autant qu’en dehors des deux seuls points tranchés par les archevêques, il est beaucoup d’autres pratiques ritualistes qui continuent comme par le passé.

Aussi les adversaires du Ritualisme, après avoir un moment applaudi aux décisions des archevêques, sont-ils loin de se montrer satisfaits des résultats obtenus. Kensit et ses acolytes continuent, à travers toute l’Angleterre, leur campagne d’agitation tapageuse, troublent les offices divins, et cherchent à exciter partout le fanatisme protestant, sous sa forme la plus grossière. Des élections générales ayant lieu en octobre 1900, un grand effort est fait pour y mêler la question ritualiste. La Church Association, un peu effacée depuis ses déconvenues judiciaires, rentre en scène, avec ce mot d’ordre électoral : Protestantism before politics. Mais, en dépit des sommes considérables dépensées, le résultat est médiocre, et les électeurs paraissent avoir plus de souci de la guerre du Transvaal que des griefs de M. Kensit. Aussi bien, en se prolongeant, la campagne de ce personnage fatigue et dégoûte l’opinion, plus qu’elle ne l’échauffé. Elle n’est d’ailleurs pas sans risques personnels pour les agitateurs eux-mêmes dont plusieurs sont, pour leurs violences, frappés par les tribunaux ; en septembre 1902, le fils de M. Kensit est condamné à la prison, et, quelques semaines plus tard, M. Kensit lui-même, blessé dans une bagarre qu’il a suscitée à Liverpool, succombe aux suites de ses blessures. Tel est le discrédit où est tombé ce personnage, qu’en dépit des efforts de ses partisans pour le gratifier d’une auréole de martyr, cette fin tragique ne fait guère plus d’effet que tout autre fait divers.

Parmi les protestans, quelques-uns, oublieux des mécomptes passés, eussent volontiers repris les poursuites judiciaires : de prétendus aggrieved parishioners ont voulu, à la fin de 1900, citer, devant le tribunal de lord Penzance, trois vicars ultra-ritualistes de la capitale ; mais l’évêque de Londres, manifestement soutenu par son clergé, y a opposé son veto. A défaut de procès contre les personnes, on se console en en engageant plusieurs contre les choses, et en demandant aux juges laïques des cours consistoriales, qui s’y prêtent d’ordinaire assez facilement, d’ordonner l’enlèvement des ornemens déplaisans aux préjugés protestans. Le spectacle de ces légistes, statuant sur des questions de crucifix, est singulier et quelque peu ridicule ; quant au résultat obtenu, il est mince : les ornemens, condamnés dans telle église, se retrouvent dans un grand nombre d’autres églises voisines ; le résultat devient odieux, quand il aboutit, comme à Brighton, dans un procès qui se prolonge durant trois ans, à permettre à un particulier de saccager lui-même une église, en en arrachant brutalement les crucifix, les chemins de croix, les statues de saints, les confessionnaux, et en emportant le tout pêle-mêle dans une voiture de déménagement.

Les évêques, critiqués des deux côtés, sont donc loin d’avoir fait, dans l’Eglise, la paix, l’ordre et l’uniformité qu’on attendait d’eux. Vainement se sont-ils associés à des essais de conciliation. Les deux Round table conferences où, à la fin de 1900 et en 1902, l’évêque de Londres a convoqué les représentans des divers partis religieux, en vue d’établir une sorte de compromis sur les questions de la présence réelle et de la confession, n’aboutissent, malgré la courtoisie des délibérations, qu’à mettre en lumière d’irréductibles divergences. Tout est plus que jamais confusion, trouble et discorde. En février 1903, un incident vient encore augmenter l’irritation des protestans ; le Rev. Evans, vicar de la paroisse de S. Michel, Shoreditch, à Londres, menacé de poursuites par l’évêque, à raison de ses pratiques ultra-ritualistes, lui répond en se démettant et en passant à l’Eglise romaine, en compagnie de ses curates et d’un grand nombre de ses paroissiens. Cette conversion suivait de près une autre non moins retentissante, celle du Rev. Benson, fils du récent archevêque de Canterbury.

Nous voici en 1903 : près de quatre ans se sont écoulés depuis que la Chambre des communes a décidé de suspendre son action, afin de permettre aux évêques de montrer ce qu’ils étaient capables de faire par eux-mêmes. Les adversaires des Ritualistes croient le moment venu, pour le Parlement, de rentrer en scène, et ils lui demandent de remettre à son ordre du jour le Church discipline bill dont la discussion a été ajournée en 1899 et d’y joindre un autre projet présenté sur le même sujet. Leurs animosités se croient assurées de trouver de l’écho dans une assemblée qui n’est plus, comme jadis, uniquement composée de Churchmen et où siègent des protestans non conformistes, appelés à décider du gouvernement de l’Eglise dont ils sont les rivaux et les ennemis. Ainsi parvient-on, en mars 1903, à obtenir, par 51 voix de majorité, le passage à une seconde lecture. Succès, il est vrai, plus apparent, que réel. Ni la majorité, ni surtout le gouvernement qui sait l’inefficacité et le péril des coercitions en matière religieuse, n’entendent aller plus loin, si bien même qu’au bout de quelques semaines, M. Balfour peut déclarer, en pleine Chambre, que « les deux bills étaient morts. »

Après la session, on ne fait guère que piétiner sur place, sans avancer vers aucune solution. Les Low churchmen continuent leurs dénonciations, les Ritualistes, leurs protestations. Dans les rangs de ces derniers, il est vrai, l’harmonie n’est pas complète : on y discerne un essai de groupement des modérés qui ne voudraient pas être plus longtemps compromis par les esprits excessifs. Quant aux évêques, embarrassés et divisés, ils hésitent toujours à exercer une autorité dont ils doutent, et ils n’aboutissent, comme naguère, qu’à être attaqués des deux parts. Pour ajouter au trouble résultant de ce que certains clergymen paraissent trop catholiques, d’autres, dans un camp opposé, donnent le scandale de mettre en doute les vérités fondamentales du Christianisme, telles que l’éternité des peines, la naissance virginale ou la résurrection du Christ ; si l’un de ces derniers est obligé par son évêque à démissionner, beaucoup gardent, sans être inquiétés, leurs fonctions ecclésiastiques ; et c’est le moment que choisit la majorité de l’épiscopat pour remettre sur le tapis la suppression du Symbole d’Athanase, tandis que l’archevêque d’York conseille l’intercommunion eucharistique avec les dissidens.

Avec la rentrée du Parlement, en 1904, se pose de nouveau la question de l’intervention législative à laquelle l’impuissance de l’Eglise à dominer elle-même ses divisions, semble fournir prétexte. Le premier ministre, M. Balfour, n’y est pas plus porté que naguère. Seulement, préoccupé de prévenir des défections dans une majorité déjà ébranlée par d’autres causes, il croit nécessaire de faire quelque chose ; au moins tâche-t-il que ce soit le plus inoffensif possible, et, dans cette vue, il imagine, de nommer, en avril 1904, une Commission royale d’enquête sur les désordres allégués dans l’Église ; c’est le même expédient auquel avait eu recours lord Derby, en 1867, pour ajourner une action réelle.

Depuis lors, l’enquête a suivi son cours. Il n’est pas téméraire de supposer que le premier ministre n’est pas fort pressé d’avoir à prendre un parti sur ses conclusions. A peine les commissaires choisis, les protestans se sont plaints bruyamment d’y voir trop peu des leurs, et l’un de leurs journaux a déclaré que « la Commission n’était rien autre chose qu’une farce. » Toutefois, ils se sont mis en campagne, ont envoyé partout des espions pour surprendre sur place toutes les irrégularités rituelles, et apportent ensuite ces dénonciations à la Commission. De leur côté, les Ritualistes, tout en comprenant que cette Commission n’a pas été imaginée à mauvaise intention, ne se montrent pas entièrement rassurés sur une opération qui implique le droit de l’État d’intervenir dans les choses religieuses, et, bien qu’imparfaitement informés sur les procédés assez mystérieux de l’enquête, ils ne laissent pas que de les critiquer. Dans un meeting de l’English Church Union, tenu en octobre 1904, à Liverpool, à l’occasion du Church Congress, lord Halifax fait observer que les questions de rituel auxquelles on prétend borner l’enquête, notamment celles qui ont trait au culte eucharistique, sont étroitement liées aux plus graves questions de doctrine sur lesquelles la Commission, à raison même de sa composition, est sans compétence et sans autorité ; qu’au fond le vrai sujet du débat est de savoir si l’on ne doit pas regarder le Communion service de l’Église établie comme n’étant pas autre chose que l’ancienne messe latine, traduite en anglais, avec quelques changemens, les uns recommandables, les autres déplorables ; que, ce point accordé, l’agitation protestante est condamnée ; que, sur ce sujet, les Ritualistes ne peuvent se prêter à aucun compromis et ne reculeront devant aucun sacrifice. Quant à l’autorité des évêques, lord Halifax se dit prêt à s’y soumettre, si elle s’exerce en vertu du pouvoir apostolique et non comme interprète d’un acte du Parlement ou d’une décision des cours de justice ; encore ne l’admet-il que pour le règlement de certains détails du cérémonial, sans altérer ce qui tient à l’essence même de la doctrine et ce qui est consacré par l’usage de l’Église universelle.

Entre temps, un membre important du clergé anglican, le docteur Wace, doyen de Canterbury, croit avoir trouvé un critérium pour trancher les questions débattues entre les Ritualistes et leurs adversaires ; il propose d’en « appeler aux six premiers siècles » et de décider que « rien ne saurait être accepté comme vraiment catholique, qui ne peut se réclamer de l’assentiment et de la pratique générale de l’Église chrétienne, avant la fin du VIe siècle. » L’idée a trouvé d’abord d’assez nombreuses adhésions dans le clergé et n’a pas paru mal vue du nouvel archevêque de Canterbury, le docteur Davidson ; mais, après quelques hésitations, les Ritualistes la combattent, et des esprits indépendans n’ont pas de peine à faire observer combien est arbitraire et difficile à fixer la limite à laquelle on prétend arrêter ce développement qui est la loi de l’Église et l’essence même de toute institution vraiment vivante. Il n’est donc pas probable qu’on ait trouvé là, plus qu’ailleurs, le remède cherché aux dissensions de l’Église d’Angleterre.


VI

Les choses en sont là. Quelle en sera l’issue ? Une reprise de persécution ? Un nouvel effort de coercition législative ou judiciaire ? Je ne le crois pas. Des incidens parlementaires de ces dernières années, il ressort clairement que le gouvernement n’a nul désir de s’engager dans une entreprise dont il prévoit les dangers et l’inefficacité. Que l’on cherche s’il n’y a pas quelque moyen de refréner certaines fantaisies par trop indisciplinées, c’est possible, et, dans ces limites, les leaders du High Church ne s’en formaliseraient pas. Mais, si l’on veut s’attaquer à ce qui est essentiel dans le cérémonial et dans la doctrine, les Ritualistes ne se soumettront pas ; plutôt que de le faire, ils rompraient les liens qui les attachent à l’Eglise établie, et, dans le trouble de cette disruption, que deviendrait l’Établissement lui-même ? C’est une perspective de nature à faire reculer les gouvernans de l’État et ceux de l’Église.

Admettons donc que les pouvoirs publics se refuseront à prendre l’offensive contre les Ritualistes. Toute difficulté est-elle ainsi écartée ? Il reste à savoir jusqu’à quand le parti ritualiste lui-même acceptera la situation qui lui est faite dans l’Eglise d’Angleterre, jusqu’à quand il lui suffira d’y être toléré, à côté et parfois sous l’autorité d’hommes qui, non seulement sur des formes de culte, mais sur les vérités primordiales représentées par ces formes, sur l’Eucharistie, sur les autres sacremens, soutiennent des opinions qu’il regarde comme des hérésies capitales. Cette réunion d’élémens si discordans n’est pas pour choquer les théologiens du Broad Church qui professent l’indifférence dogmatique. Elle convient aux politiques plus ou moins sceptiques, qui, ne considérant les choses que du point de vue du bon ordre extérieur, trouvent là une garantie contre la multiplication des sectes, et un moyen d’obliger les hommes de convictions opposées à vivre à peu près en paix. C’est ce qu’on a appelé la comprehensiveness de l’Eglise établie d’Angleterre, dont on affecte de lui faire honneur, comme d’une qualité et d’un avantage. Mais tout autre est la conception des Ritualistes, j’entends de ceux pour qui le cérémonial est autre chose que la satisfaction d’une piété superficielle et qui tiennent sérieusement aux croyances ainsi représentées. Ils n’admettent pas que leur Eglise soit un édifice construit de la main des hommes, pour y rassembler les opinions religieuses diverses qu’il peut convenir ; aux Anglais de professer ; ils se sont convaincus, à l’école des’ hommes du Mouvement d’Oxford, que cette Église est une institution divine, ayant reçu le dépôt de vérités révélées qu’elle doit jalousement garder, maintenir et enseigner. La prétendue comprehensiveness, fondée sur une sorte d’éclectisme dogmatique, leur semble donc un non-sens. Au début, quand ils étaient menacés de se voir refuser leur place dans l’Eglise, il leur a paru un succès d’obtenir qu’on les tolérât. Mais ils ne peuvent considérer que cette tolérance leur fasse une situation normale et en accord avec leurs principes. Bien au contraire, le fait même que l’on consent à les tolérer constitue la violation de ces principes, puisqu’il suppose, de la part des autorités religieuses qui ont renoncé à poursuivre leur exclusion, l’idée que les divergences dogmatiques sont choses secondaires et indifférentes.

Que faire alors ? Les Ritualistes ne sauraient se flatter d’imposer leur conception catholique à l’universalité des Anglicans ; ils n’ignorent pas combien, chez une bonne partie de ceux-ci, l’idée protestante est encore puissante[71]. Dès lors, déclarer qu’ils ne veulent faire partie que d’une Eglise vraiment catholique et n’admettant dans sa communion que ceux qui professent les croyances catholiques, c’est provoquer eux-mêmes la dislocation qu’eussent amenée leurs adversaires en les excluant. Oseront-ils affronter cette crise redoutable ? Ne leur est-il pas, après tout, commode et avantageux de faire partie d’une Eglise établie, aussi puissante et aussi riche ? N’ont-ils pas dû déjà, dans l’Anglicanisme, se résigner à beaucoup d’autres inconséquences, et n’ont-ils pas ainsi pris l’habitude de pratiquer dans l’ordre religieux, où ils ne devraient pas être admis, les compromis dont leur pays s’est bien trouvé dans l’ordre politique ? C’est pour ces raisons, sans doute, qu’ils se sont contentés jusqu’ici d’être tolérés et qu’ils s’en contenteront peut-être encore pendant un certain temps, si du moins leurs coreligionnaires protestans ne leur rendent pas la cohabitation trop déplaisante. Toutefois, n’est-il pas évident que, pour des hommes dont la sincérité de convictions et la droiture de caractère ne sauraient être contestées, la fausseté de cette situation deviendra, de jour en jour, plus sensible et moins supportable ? Ils commencent à s’en rendre compte. En avril 1903, lord Halifax disait, dans un article manifeste[72] :


On peut minimiser les divergences intérieures de l’Eglise d’Angleterre,… mais il reste vrai que, dans cette Église, il y en a réalité quelque chose comme deux religions et qu’on ne peut tolérer un état de choses si contraire à la nature et à l’office de l’Église, qu’à la condition que rien ne soit fait par les chefs de l’Église pour rendre le recouvrement de la doctrine et de la pratique catholique plus difficile, ou pour consolider la position de ceux qui, dans l’Église, au point de vue catholique, ne devraient jamais être admis à occuper la position qu’ils tiennent maintenant.


L’auteur pouvait-il se faire l’illusion que l’accomplissement de la condition énoncée dans la seconde partie de sa proposition remédiait sérieusement au désordre qu’il signalait dans la première ? D’ailleurs, quelques mois plus tard, le même lord Halifax a dit, en termes plus catégoriques encore, dans un meeting de l’English Church Union[73] :


En récitant l’article du Credo : « Je crois en une Église, une, sainte, catholique et apostolique, » professons-nous notre foi en une Église qui, en ce qui regarde les matières de foi définies et tenues pour telles par le corps tout entier, ne peut être en contradiction avec elle-même ?… Alors, la doctrine vraie de l’Église d’Angleterre, quant… à la présence réelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le sacrement de l’autel, à l’adoration due à la présence sacramentelle du corps et du sang du Christ sous les espèces du pain et du vin, au sacrifice eucharistique,… au pouvoir conféré à l’Église de pardonner les péchés, et au devoir qui en découle, en cas de péché grave, de recourir au sacrement de Pénitence,… au pouvoir conféré à la prêtrise, ne sont pas des questions ouvertes.


De ce langage, si formel soit-il, je ne conclus pas qu’on est résolu à précipiter la solution. L’extrême gravité des conséquences peut faire hésiter les plus convaincus et les plus hardis. Toutefois, il est évident que l’idée marche. Le jour où elle se traduirait dans les faits et amènerait la séparation des élémens catholiques et protestans, aujourd’hui réunis dans l’Église établie, où se ferait la coupure ? C’est un inconnu qui s’ajoute à beaucoup d’autres. Parmi les High churchmen, les convictions et les caractères ne sont pas tous de même trempe ; on ne saurait dire combien d’entre eux se croiraient obligés à rompre et surtout auraient le courage de le faire. Et puisque notre curiosité essaie, un moment, d’interroger l’avenir, une dernière question se pose encore. Les Ritualistes, une fois séparés des protestans pour affirmer leurs convictions catholiques, s’arrêteraient-ils, pour ainsi parler, à mi-chemin, et ne seraient-ils pas conduits, par la logique de leur principe, jusqu’au catholicisme intégral ? Là, plus encore que tout à l’heure, toute prédiction serait téméraire. Je n’ignore pas quel amas de préjugés, d’intérêts, de faits historiques ou politiques, pèsent sur les esprits et les gênent pour faire ce que l’idée pure leur demanderait. Aussi préféré-je, cette fois encore, m’abriter derrière l’homme qui avait le plus qualité pour risquer un pronostic en semblable matière. Newman disait volontiers qu’il ne comptait pas sur la venue à Rome de la génération actuelle des Ritualistes ; mais il reportait son espoir sur leurs descendans. Dans la lettre déjà citée où il exprimait à Lake sa sympathie pour les Ritualistes et sa confiance dans le triomphe de leur seconde génération, il ajoutait : « A moins que, comme, en vérité, je l’espère et suis porté à le croire, cette seconde génération ne devienne catholique[74]. » Le Rev. Walworth, prêtre américain, était un jour en visite, chez le cardinal Newman, avec un prêtre étranger ; à cause de ce dernier, la conversation avait lieu en latin ; comme il était demandé si les Anglicans, déjà portés si loin de leur, point de départ par un courant mystérieux, ne le suivraient pas jusqu’au bout et ne finiraient pas par atteindre le plein catholicisme, Newman se borna à répondre ces deux mots : Spero fore[75]. C’est aussi par ces mots que je veux conclure : Spero fore.


PAUL THUREAU DANGIN.

  1. Voyez la Revue des 15 avril, 1er et 15 mai.
  2. The Work of the Church Association, par James Inskip, tract publié par cette association.
  3. Life of Tait, t. II, p. 460.
  4. Life of Pusey, t. IV, p. 291, 361 à 370, 380 à 382.
  5. Ibid., t. IV, p. 344 à 358.
  6. Personal and political memorials, t. II, p. 72.
  7. Voir la Renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle, première partie, p. 158 ; seconde partie, p. 69.
  8. L’évêque Blomfield disait un jour à l’évêque Wilberforce, en passant devant S. Paul : « Je ne saurais dire ce que cette grande bâtisse a pu jamais faire pour la cause de Jésus-Christ, » et, en 1870, Pusey, parlant avec Liddon de toutes les réformes à faire dans cette cathédrale, ne craignait pas de la qualifier d’ « écurie d’Augias. » (Life and letters of Liddon, p. 135.)
  9. Life and letters of Dean Church, p. 228, 243 et 244, 256.
  10. Ibid., p. 241, 242.
  11. Lettre du 5 janvier 1877. (Ibid., p. 252 à 254.)
  12. Life of Tait, t. II, p. 288 à 290.
  13. Life and letters of Dean Church. p. 256.
  14. Ibid., p. 261, 262, 281.
  15. Ibid., p. 281.
  16. Life of Tait, t. II, p. 425 à 426.
  17. Life and letters of Dean Church, p. 287.
  18. Life and letters of Dean Church, p. 258 à 260.
  19. Memorials of Dean Lake, p. 108.
  20. Témoin les exclamations de ce genre qu’on trouve dans ce Journal : « Que Dieu nous accorde que tous ces sujets de querelle disparaissent ! Puisse-t-il nous donner un esprit sain ! » (5 novembre 1876.) — « Prions Dieu que ces luttes cessent et que les hommes en viennent à un état d’esprit plus calme. » (28 janvier 1877.) — « Prions Dieu qu’il fasse sortir l’Église de ces troubles et lui apporte paix et prospérité. » (4 février.) (Life of Tait, t. II, p. 296 à 300 et 320.)
  21. Life of Tait, t. II, p. 292 à 294.
  22. Life of Tait, t. II, p. 422, 429, 432. Memorials of Dean Lake, p. 104.
  23. Memorials of Dean Lake, p. 229, 257.
  24. Life of Tait, t. II, p. 332.
  25. Life of Tait, t. II, p. 423, 424.
  26. Memorials of Dean Lake, p. 106, 107.
  27. Life of Tait, t. II, p. 431, 435 à 437.
  28. Life of Pusey, t. IV, p. 364.
  29. Life of Tait, t. II, p. 431, 437 à 444.
  30. Cette commission ne devait aboutir à aucun résultat. Après la mort de Tait, survenue peu après, elle continua ses travaux et adopta, en août 1883, un rapport assez bien accueilli du High Church. Le successeur de Tait, l’archevêque Benson, songea alors à présenter au Parlement un bill réalisant quelques-uns des vœux du rapport. Il dut y renoncer, à cause de la division et de l’apathie de ses collègues de l’épiscopat. (Life of Benson, par A. C. Benson, t. II, p. 47 à 48, 67 et 68.)
  31. Life of Tait, t. II, p. 453 à 473
  32. Ibid., t. II, p. 474 à 480.
  33. Life of Tait, t. II, p. 227.
  34. Ibid., t. II, p. 186.
  35. History of the English Church Union, p. 262.
  36. History of the English Church Union, p. 216 à 285, 288, 289, 294 à 299, 325, 336, 346.
  37. Ibid., p. 279.
  38. The Church Times, 21 juillet 1899.
  39. History of the English Church Union, p. 304, 315, 319, 320, 324. — Life of Benson, archbishop of Canterbury, par A. C. Benson, t. II, p. 209.
  40. L’Ame anglicane, par M. Chapwan, p. 87 à 112. — The City of Peace, passim.
  41. Life of Benson, par A. C. Benson, t. II, p. 12 et 234.
  42. Ibid., t. I, p. 179.
  43. Ibid., t. II, p. 67, 68.
  44. Ibid., t. I, p. 565 ; t. II, p. 234.
  45. Life of Benson, t. II, p. 326 à 328.
  46. History of the English Church Union, p. 312.
  47. Life of Benson, t. II, p. 344 à 346.
  48. Life of Benson, t. II, p. 694.
  49. Sur les faits qui vont suivre, je renvoie, une fois pour toutes, à Life of Benson, t. II, chap. VII.
  50. Life of Benson, t. II, p. 370.
  51. Ibid., t. II, p. 366.
  52. Life and Letters of Dean Church, p. 349.
  53. History of the E. C. U., p. 335.
  54. Life of Tait, t. II, p. 448 à 450.
  55. Life of Tait, t. II, p. 444.
  56. Memorials personal and political, par lord Selborne, t. I, p. 401,
  57. D’après le Tourist’s Church Guide, le nombre des églises où l’on observait l’eastward position, s’était élevé successivement, en 1884 à 2 054, en 1896 à 5 964, en 1898 à 7 044. — Même progression pour les autres rites contestés, les vêtemens eucharistiques, les cierges d’autel, le mixed chalice, etc.
  58. The Ritualistic clergy List, being a guide for patrons and others.
  59. Discours prononcé, le 30 juillet 1889, dans une réunion de l’E. C. U. et cité dans The Secret History of the Oxford Movement, p. 350.
  60. City of Peace, p. 24.
  61. The Lord’s Day and the Holy Eucharist, p. 38.
  62. Cité par the Secret History of the Oxford Movement, p. 338.
  63. Voyez ce que the Secret History rapporte à ce sujet, avec indignation, p. 227 et sq.
  64. Voyez, par exemple, un petit livre fort répandu, dont la première édition a paru en 1893 : The catholic Religion, a manual of instruction for members of the Anglican Chwch, par the Rev. Vernon Staley, avec une préface par le Rev. Carter.
  65. Des convertis, autrefois mêlés au monde ritualiste, ont raconté les bizarreries dont ils avaient été témoins. Voyez The City of Peace, ou l’Ame anglicane, par le Rev. Chapman.
  66. Communication du chanoine Newbolt, au meeting de l’E. C. U., en juin 1897.
  67. Memorials of Dean Lake, p. 259, 260.
  68. Cf. notamment The Secret History of the Oxford Movement, par W. Walsh. Ce livre, qui devait être suivi un peu plus tard d’un autre, intitulé : The Romeward Movement, a été répandu à plusieurs milliers d’exemplaires.
  69. Il est mort récemment, au commencement d’octobre 1904.
  70. Rapporté par M. l’abbé Dimnet, dans un article de la Revue du clergé français, avril 1899.
  71. C’est lord Halifax qui rappelait dernièrement cette parole d’un des premiers Ritualistes, le Rev. Neale : « L’Église d’Angleterre est catholique, quoique l’Angleterre elle-même ne le soit pas. » (Nineteenth Century, avril 1903.)
  72. The Crisis in the Church, publié dans le Nineteenth Century.
  73. Meeting tenu à l’occasion du Church Congress de Liverpool, en octobre 1904.
  74. Memorials of Dean Lake, p. 259, 260.
  75. Reminiscences of a catholic crisis in England (Catholic World, de New-York, août 1899).